Cour de cassation, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-25.695, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-25.695
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 13-25.695
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 octobre 2013
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000030501374
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:SO00671
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Systra, pris en ses deux premières branches, qui est recevable et préalable :

Vu l’article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, observer et faire observer le principe de la contradiction ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé en mars 2010 en qualité d’ingénieur pour participer au projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre les villes de Tanger et de Kénitra, au Maroc, par deux contrats de travail signés avec les sociétés Systra Maroc et Systra Dubaï Branch, a été placé en arrêt pour maladie à compter du 6 juin 2010 ; qu’il a été informé le 8 juillet 2010 de ce qu’il serait remplacé et a été rapatrié en France le 8 août 2010 ; qu’il a saisi le 10 février 2011 le conseil de prud’hommes de Paris à l’encontre des sociétés Systra Maroc, Systra Dubaï Branch et de la société de droit français Systra en faisant valoir que la société Systra était son co-employeur ; que le conseil de prud’hommes s’étant déclaré compétent, les sociétés Systra Maroc et Systra Dubaï Branch ont formé contredit ;

Attendu que, par arrêt réputé contradictoire, la cour d’appel a rejeté les contredits, confirmé la décision du conseil de prud’hommes et dit que la procédure se poursuivra devant cette juridiction ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la société Systra n’était ni comparante, ni représentée, que tant les conclusions du salarié faisant valoir la compétence du conseil de prud’hommes de Paris au titre de la qualité prétendue de co-employeur de la société Systra que celles des sociétés Systra Maroc et Systra Dubaï Branch n’ont pas été adressées à la société Systra, la cour d’appel à qui il appartenait, pour respecter le principe de la contradiction, de renvoyer l’affaire à une autre audience afin que la demande soit portée à la connaissance de cette partie, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 octobre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Systra Dubaï Branch et la société Systra Maroc.

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR rejeté les contredits formés par les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC, confirmé la décision par laquelle le conseil de prud’homales de PARIS s’est reconnu compétent, dit que la procédure se poursuivra devant cette juridiction, rejeté les demandes subsidiaires formées par les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC et condamné les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC aux frais du contredit et à payer chacune à Dominique X… la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de contredit ;

AUX MOTIFS QU'« Il existe entre les contredits formés contre la même décision par deux parties qui soutiennent une argumentation en grande partie similaire et ont conclu toutes deux un contrat de travail avec le défendeur au contredit en vue de l’exercice par celui-ci d’un seul et même emploi, un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice, au sens de l’article 367 du code de procédure civile, de les juger ensemble. La jonction sera en conséquence ordonnée. Il résulte des débats et des pièces produites que : – Dominique X… a été engagé en qualité d’ingénieur pour participer au projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre les villes de TANGER et KENITRA, au Maroc, – il a signé à cette fin deux contrats de travail, – l’un, en langue anglaise et dont est produite une traduction certifiée en français, avec la société SYSTRA DUBAI BRANCH, daté du 9 mars 2010, en vue de son emploi comme « ingénieur principal pour la conception de l’alignement de la ligne ferroviaire Kénitra – Tanger à grande vitesse au sein de l’organisation SYSTRA », pour une durée de sept mois renouvelable de commun accord du salarié et de l’entreprise, prévoyant la signature d’un contrat local entre M. X… et la société SYSTRA MAROC, précisant que l’employé ferait rapport « directement au gestionnaire de l’équipe SYSTRA Surveillance », qu’il devrait « respecter les lois et les coutumes du territoire des Emirats Arabes Unis et conformément aux normes, règles et coutumes qui sont appropriés pour le royaume du Maroc » et stipulant enfin que le contrat serait « régi et interprété en conformité avec les lois de Dubaï, Emirats Arabes Unis » et que l’employé « se soumet à la juridiction non exclusive des tribunaux de Dubaï, Emirats Arabes Unis », – l’autre avec la société SYSTRA MAROC, « fait à RABA T le 8 mars 2010 », engageant M. X… « en qualité d’expert tracé LGV pour le projet de Maîtrise d’oeuvre LGV Kenitra Tanger Tronçon SUD », et ce pour « une durée au plus égale à la durée du projet », et conférant une attribution de compétence aux tribunaux de RABAT pour toutes contestations pouvant naître à l’occasion de son interprétation ou de son application, – à compter du 6 juin 2010, Dominique X… a été placé en arrêt de travail pour raisons médicales, – le 8 juillet 2010, il a été informé de ce qu’il serait remplacé, – il est rentré en France le 8 août 2010, une attestation de la société SYSTRA DUBAI BRANCH indiquant qu’il a été employé par elle du 9 mars au 8 août 2010, – le 10 février 2011, il a saisi le conseil de prud’hommes de PARIS pour obtenir la condamnation des sociétés SYSTRA, SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC à lui payer notamment les sommes de 66 000 euros (indemnité pour licenciement nul), 19 800 euros (indemnité compensatrice de préavis) et 1980 euros (indemnité compensatrice de congés sur préavis) et à produire sous astreinte un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, outre les attestations destinées aux ASSEDIC et à la sécurité sociale, instance dans le cadre de laquelle a été rendue la décision frappée de contredit. Au soutien de ce recours, les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC font d’abord valoir que les dispositions de l’article R1412-1 du code du travail excluent la compétence du conseil de prud’hommes de PARIS, qui n’est ni le ressort dans lequel est situé l’établissement où est accompli le travail, ni celui du lieu où l’engagement a été contracté, ni enfin celui du lieu où l’employeur est établi. Elles soutiennent également que les clauses attributives de compétence contenues dans les deux contrats signés par Dominique X… valent renonciation par ce dernier au privilège de juridiction résultant des dispositions de l’article 14 du code civil. Pour l’essentiel, Dominique X… sollicite la reconnaissance de la qualité de co-employeur de la société SYSTRA, dont le siège est à PARIS. Or, il n’est pas contesté que les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC sont des filiales de la société SYSTRA, et qu’un contrat n’a dû être signé avec la société SYSTRA DUBAÏ BRANCH, parallèlement à celui signé avec la société SYSTRA MAROC pour l’exécution d’une mission située exclusivement dans ce dernier pays, que pour la seule raison que la succursale émiratie de la société SYSTRA est « le centre opérationnel de la Région du Moyen Orient », soit pour une raison tenant uniquement à l’organisation interne de la société SYSTRA. Il n’est pas davantage contesté que les deux contrats conclus organisaient une relation de travail unique, et ne pouvaient placer Dominique X… sous un double lien de subordination. Souhaitant faire reconnaître qu’il a subi un licenciement irrégulier, qui en l’état des pièces produites aurait été formalisé par un courrier électronique du 8 juillet 2010 signé d’une personne qui fait suivre son patronyme du seul nom de SYSTRA et dont il n’est pas précisé au nom de quelle société elle s’exprimait, Dominique X… ne saurait engager en parallèle, comme le suggèrent les sociétés demanderesses au contredit, deux actions distinctes, l’une contre la société SYSTRA DUBAI BRANCH devant les juridictions de DUBAÏ et l’autre contre la société SYSTRA MAROC devant les juridictions de RABAT, de sorte que les deux clauses attributives de juridiction apparaissent contradictoires. Si, en effet, la prohibition des clauses attributives de compétence instituée par l’article L.1221-5 du code du travail ne s’étend pas aux contrats internationaux, les parties à un tel contrat doivent avoir consenti à de telles clauses en toute connaissance de cause, condition qui n’est pas satisfaite dès lors que le salarié a signé simultanément ces clauses contradictoires. Dominique X…, pour établir la qualité de co-employeur de la société SYSTRA, produit en tout état de cause divers documents qui démontrent que c’est cette société qui a organisé son expatriation puis son rapatriement, et qui lui a transmis après son retour ses bulletins de salaire, ainsi que la copie des documents adressés à la CAISSE DES FRANÇAIS DE L’ETRANGER, sans que les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC n’apportent aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle la société SYSTRA n’aurait agi que pour leur compte et en leur nom. Il verse également aux débats, d’une part, un organigramme du « tronçon sud de la LGV », portant les sigles des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, dans lequel les noms et les fonctions des différents employés apparaissent dans des cadres de couleurs différentes, notamment blanche pour la société SYSTRA et verte pour la société SYSTRA MAROC, son propre nom et sa qualité de « chef tracé » apparaissant dans un cadre blanc et, d’autre part, plusieurs comptes rendus de « réunions d’avancement » du projet, établis soit sous le double timbre des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, soit à l’en-tête de la société SYSTRA et d’autres entités (CID CONSEIL, INGÉNIÉRIE ET DÉVELOPPEMENT et TEAM MAROC) dont le statut n’est pas précisé. Ces éléments permettent donc à Dominique X… de soutenir que le pouvoir de direction qui s’exerçait sur lui pendant le déroulement de sa mission n’était pas exclusivement entre les mains des sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC, mais appartenait également, dans une mesure qui reste à déterminer, à la société mère de ces deux sociétés étrangères, la société SYSTRA, qu’il peut légitimement voir attraite à l’action qu’il a engagée, aux côtés des deux sociétés qui lui ont consenti un contrat de travail. Dans ces conditions, il existe entre les actions que Dominique X… a engagées contre ces trois sociétés un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice, et ce au bénéfice de l’ensemble des parties, qu’une juridiction unique puisse procéder utilement, en présence de toutes les parties intéressées, à la qualification des liens juridiques susceptibles d’avoir existé entre elles. Dominique X… pouvait en conséquence assigner, au titre de cette indivisibilité du litige, les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC devant la juridiction compétente à raison des liens juridiques pouvant l’unir à la société SYSTRA, soit le conseil de prud’hommes de PARIS. Le contredit sera en conséquence rejeté. Compte tenu de ce qui précède, il ne serait pas de bonne justice, au sens de l’article 89 du code de procédure civile, que la cour évoque le fond du litige, ce qu’aucune des parties ne lui demande. Dans ces conditions, et étant observé que tes dispositions de l’article 76 du code de procédure civile invoquées à titre subsidiaire par les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC, qui règlent la procédure devant les juridictions saisies d’une exception d’incompétence, ne sont pas applicables devant la cour saisie d’un contredit qui n’a pas choisi d’évoquer, il ne sera pas fait droit aux demandes tendant à voir mettre en demeure Dominique X… de conclure au fond. Les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC seront chacune condamnée à payer à Dominique X… une somme de euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile » ;

1) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail suppose un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que les juges du fond ne peuvent conclure à l’existence d’un lien de subordination sans établir qu’est réuni l’ensemble des éléments caractérisant le lien de subordination ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a seulement relevé que la société française SYSTRA aurait exercé « dans une mesure qui reste à déterminer » un pouvoir de direction sur monsieur X… ; qu’en s’abstenant de rechercher si la société SYSTRA disposait d’un pouvoir de contrôle de l’activité de monsieur X… et d’un pouvoir de sanction à son égard, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un lien de subordination juridique entre monsieur X… et la société SYSTRA, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et R.1412-1 du Code du travail ;

2) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail suppose un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la société SYSTRA aurait exercé « dans une mesure qui reste à déterminer » un pouvoir de direction sur monsieur X… après avoir seulement relevé que la société SYSTRA avait organisé son expatriation puis son rapatriement et transmis après son retour ses bulletins de salaire – établis au nom des deux autres sociétés marocaine et émiratie – ainsi que la copie des documents adressés à la caisse des Français de l’étranger, que monsieur X… aurait été visé dans un organigramme selon les mêmes modalités que les employés de la société SYSTRA, et par ailleurs que des comptes rendus de « réunions d’avancement » du projet étaient établis soit sous le double timbre des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, soit à l’en-tête de la société SYSTRA et d’autres entités dont le statut n’est pas précisé ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser l’existence de directives émises par la société SYSTRA et s’adressant à monsieur X…, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un lien de subordination juridique entre monsieur X… et la société SYSTRA, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et R.1412-1 du Code du travail ;

3) ALORS QU’en l’absence de contrat de travail apparent, la charge de la preuve du lien de subordination, qui caractérise l’existence du contrat de travail, incombe à celui qui se prévaut d’un tel contrat ; qu’en l’espèce il appartenait donc à monsieur X…, qui ne se prévalait pas de l’existence d’un contrat de travail apparent vis-à-vis de la société française SYSTRA, de rapporter la preuve du lien de subordination qui aurait existé entre elle et lui ; qu’en reprochant cependant aux exposantes de n’apporter aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle la société SYSTRA n’aurait agi que pour leur compte et en leur nom, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil ;

4) ALORS QU’à supposer que l’on considère que la cour d’appel n’a pas entendu retenir l’existence d’un contrat de travail entre la société française SYSTRA et monsieur X…, mais qu’elle a seulement relevé une simple suspicion de contrat de travail au regard d’un pouvoir de direction qui aurait appartenu « dans une mesure qui reste à déterminer, à la société mère de ces deux sociétés étrangères, la société SYSTRA », quand la compétence du conseil de prud’hommes de Paris supposait l’existence d’un contrat de travail entre la société française SYSTRA et monsieur X…, il serait jugé que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R.1412-1 du Code du travail ;

5) ALORS par ailleurs QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que l’article 14.2 du contrat de travail conclu entre monsieur X… et la société SYSTRA DUDAI BRANCH stipule que « L’employé se soumet à la juridiction non exclusive des tribunaux de Dubaï, Emirats Arabes Unis » ; que l’article 12 du contrat de travail conclu entre monsieur X… et la société SYSTRA MAROC stipule que « Pour toutes contestations pouvant naître à l’occasion de l’interprétation des présentes ou de l’application des présentes, attribution de compétence est conférée aux tribunaux de Rabat » ; que ces deux clauses étaient parfaitement claires et non contradictoires dès lors que l’attribution de compétence aux juridictions de Dubaï n’était pas exclusive ; qu’en affirmant le salarié avait signé des clauses contradictoires pour retenir qu’il n’avait pas consenti aux clauses litigieuses en toute connaissance de cause, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

6) ALORS QU’en affirmant que le salarié n’aurait pas consenti aux clauses attributives de compétence litigieuses en toute connaissance de cause au seul prétexte qu’elles auraient été contradictoires, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé en quoi le salarié n’aurait pas consenti en toute connaissance de cause à des clauses prétendument contradictoires qu’il lui appartenait d’interpréter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Systra.

Il est fait grief à la décision attaquée d’AVOIR rejeté les contredits formés par les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC, confirmé la décision par laquelle le conseil de prud’homales de PARIS s’est reconnu compétent, dit que la procédure se poursuivra devant cette juridiction, rejeté les demandes subsidiaires formées par les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC et condamné les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC aux frais du contredit et à payer chacune à Dominique X… la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de contredit ;

AUX MOTIFS QUE « Vu la non-comparution de la société SYSTRA, régulièrement convoquée devant la cour » et qu'« Il existe entre les contredits formés contre la même décision par deux parties qui soutiennent une argumentation en grande partie similaire et ont conclu toutes deux un contrat de travail avec le défendeur au contredit en vue de l’exercice par celui-ci d’un seul et même emploi, un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice, au sens de l’article 367 du code de procédure civile, de les juger ensemble. La jonction sera en conséquence ordonnée. Il résulte des débats et des pièces produites que : – Dominique X… a été engagé en qualité d’ingénieur pour participer au projet de liaison ferroviaire à grande vitesse entre les villes de TANGER et KENITRA, au Maroc, – il a signé à cette fin deux contrats de travail, – l’un, en langue anglaise et dont est produite une traduction certifiée en français, avec la société SYSTRA DUBAI BRANCH, daté du 9 mars 2010, en vue de son emploi comme « ingénieur principal pour la conception de l’alignement de la ligne ferroviaire Kénitra – Tanger à grande vitesse au sein de l’organisation SYSTRA », pour une durée de sept mois renouvelable de commun accord du salarié et de l’entreprise, prévoyant la signature d’un contrat local entre M. X… et la société SYSTRA MAROC, précisant que l’employé ferait rapport « directement au gestionnaire de l’équipe SYSTRA Surveillance », qu’il devrait « respecter les lois et les coutumes du territoire des Emirats Arabes Unis et conformément aux normes, règles et coutumes qui sont appropriés pour le royaume du Maroc » et stipulant enfin que le contrat serait « régi et interprété en conformité avec les lois de Dubaï, Emirats Arabes Unis » et que l’employé « se soumet à la juridiction non exclusive des tribunaux de Dubaï, Emirats Arabes Unis », – l’autre avec la société SYSTRA MAROC, « fait à RABAT le 8 mars 2010 », engageant M. X… « en qualité d’expert tracé LGV pour le projet de Maîtrise d’oeuvre LGV Kenitra Tanger Tronçon SUD », et ce pour « une durée au plus égale à la durée du projet », et conférant une attribution de compétence aux tribunaux de RABAT pour toutes contestations pouvant naître à l’occasion de son interprétation ou de son application, – à compter du 6 juin 2010, Dominique X… a été placé en arrêt de travail pour raisons médicales, – le 8 juillet 2010, il a été informé de ce qu’il serait remplacé, – il est rentré en France le 8 août 2010, une attestation de la société SYSTRA DUBAI BRANCH indiquant qu’il a été employé par elle du 9 mars au 8 août 2010, – le 10 février 2011, il a saisi le conseil de prud’hommes de PARIS pour obtenir la condamnation des sociétés SYSTRA, SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC à lui payer notamment les sommes de 66 000 euros (indemnité pour licenciement nul), 19 800 euros (indemnité compensatrice de préavis) et 1980 euros (indemnité compensatrice de congés sur préavis) et à produire sous astreinte un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, outre les attestations destinées aux ASSEDIC et à la sécurité sociale, instance dans le cadre de laquelle a été rendue la décision frappée de contredit. Au soutien de ce recours, les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC font d’abord valoir que les dispositions de l’article R1412-1 du code du travail excluent la compétence du conseil de prud’hommes de PARIS, qui n’est ni le ressort dans lequel est situé l’établissement où est accompli le travail, ni celui du lieu où l’engagement a été contracté, ni enfin celui du lieu où l’employeur est établi. Elles soutiennent également que les clauses attributives de compétence contenues dans les deux contrats signés par Dominique X… valent renonciation par ce dernier au privilège de juridiction résultant des dispositions de l’article 14 du code civil. Pour l’essentiel, Dominique X… sollicite la reconnaissance de la qualité de co-employeur de la société SYSTRA, dont le siège est à PARIS. Or, il n’est pas contesté que les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC sont des filiales de la société SYSTRA, et qu’un contrat n’a dû être signé avec la société SYSTRA DUBAÏ BRANCH, parallèlement à celui signé avec la société SYSTRA MAROC pour l’exécution d’une mission située exclusivement dans ce dernier pays, que pour la seule raison que la succursale émiratie de la société SYSTRA est « le centre opérationnel de la Région du Moyen Orient », soit pour une raison tenant uniquement à l’organisation interne de la société SYSTRA. Il n’est pas davantage contesté que les deux contrats conclus organisaient une relation de travail unique, et ne pouvaient placer Dominique X… sous un double lien de subordination. Souhaitant faire reconnaître qu’il a subi un licenciement irrégulier, qui en l’état des pièces produites aurait été formalisé par un courrier électronique du 8 juillet 2010 signé d’une personne qui fait suivre son patronyme du seul nom de SYSTRA et dont il n’est pas précisé au nom de quelle société elle s’exprimait, Dominique X… ne saurait engager en parallèle, comme le suggèrent les sociétés demanderesses au contredit, deux actions distinctes, l’une contre la société SYSTRA DUBAI BRANCH devant les juridictions de DUBAÏ et l’autre contre la société SYSTRA MAROC devant les juridictions de RABAT, de sorte que les deux clauses attributives de juridiction apparaissent contradictoires. Si, en effet, la prohibition des clauses attributives de compétence instituée par l’article L.1221-5 du code du travail ne s’étend pas aux contrats internationaux, les parties à un tel contrat doivent avoir consenti à de telles clauses en toute connaissance de cause, condition qui n’est pas satisfaite dès lors que le salarié a signé simultanément ces clauses contradictoires. Dominique X…, pour établir la qualité de co-employeur de la société SYSTRA, produit en tout état de cause divers documents qui démontrent que c’est cette société qui a organisé son expatriation puis son rapatriement, et qui lui a transmis après son retour ses bulletins de salaire, ainsi que la copie des documents adressés à la CAISSE DES FRANÇAIS DE L’ETRANGER, sans que les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC n’apportent aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle la société SYSTRA n’aurait agi que pour leur compte et en leur nom. Il verse également aux débats, d’une part, un organigramme du « tronçon sud de la LGV », portant les sigles des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, dans lequel les noms et les fonctions des différents employés apparaissent dans des cadres de couleurs différentes, notamment blanche pour la société SYSTRA et verte pour la société SYSTRA MAROC, son propre nom et sa qualité de « chef tracé » apparaissant dans un cadre blanc et, d’autre part, plusieurs comptes rendus de « réunions d’avancement » du projet, établis soit sous le double timbre des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, soit à l’en-tête de la société SYSTRA et d’autres entités (CID CONSEIL, INGÉNIÉRIE ET DÉVELOPPEMENT et TEAM MAROC) dont le statut n’est pas précisé. Ces éléments permettent donc à Dominique X… de soutenir que le pouvoir de direction qui s’exerçait sur lui pendant le déroulement de sa mission n’était pas exclusivement entre les mains des sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC, mais appartenait également, dans une mesure qui reste à déterminer, à la société mère de ces deux sociétés étrangères, la société SYSTRA, qu’il peut légitimement voir attraite à l’action qu’il a engagée, aux côtés des deux sociétés qui lui ont consenti un contrat de travail. Dans ces conditions, il existe entre les actions que Dominique X… a engagées contre ces trois sociétés un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice, et ce au bénéfice de l’ensemble des parties, qu’une juridiction unique puisse procéder utilement, en présence de toutes les parties intéressées, à la qualification des liens juridiques susceptibles d’avoir existé entre elles. Dominique X… pouvait en conséquence assigner, au titre de cette indivisibilité du litige, les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC devant la juridiction compétente à raison des liens juridiques pouvant l’unir à la société SYSTRA, soit le conseil de prud’hommes de PARIS. Le contredit sera en conséquence rejeté. Compte tenu de ce qui précède, il ne serait pas de bonne justice, au sens de l’article 89 du code de procédure civile, que la cour évoque le fond du litige, ce qu’aucune des parties ne lui demande. Dans ces conditions, et étant observé que tes dispositions de l’article 76 du code de procédure civile invoquées à titre subsidiaire par les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC, qui règlent la procédure devant les juridictions saisies d’une exception d’incompétence, ne sont pas applicables devant la cour saisie d’un contredit qui n’a pas choisi d’évoquer, il ne sera pas fait droit aux demandes tendant à voir mettre en demeure Dominique X… de conclure au fond. Les sociétés SYSTRA DUBAÏ BRANCH et SYSTRA MAROC seront chacune condamnée à payer à Dominique X… une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile » ;

1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, le contredit a été formé par les seules sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC qui ont uniquement attrait à la cause monsieur X…, à l’exclusion de la société exposante ; que ni Monsieur X…, ni les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC n’ont dirigé leurs conclusions contre l’exposante à qui elles n’ont pas été adressées, si bien que la société française SYSTRA qui n’a reçu aucune convocation est restée étrangère au litige et n’a pas pu faire valoir ses arguments ; qu’en affirmant péremptoirement que la société SYSTRA aurait été régulièrement convoquée devant la cour, quand la société SYSTRA n’a jamais été mise en cause devant la Cour d’appel et encore moins convoquée, la Cour d’appel a violé les articles 16, 17, 936 et 937 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, le contredit a été formé par les seules sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC qui ont uniquement attrait à la cause monsieur X…, à l’exclusion de la société exposante ; que ni Monsieur X…, ni les sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC n’ont dirigé leurs conclusions contre l’exposante à qui elles n’ont pas été adressées, si bien que la société française SYSTRA qui n’a reçu aucune convocation est restée étrangère au litige et n’a pas pu faire valoir ses arguments ; qu’en affirmant péremptoirement que la société SYSTRA aurait été régulièrement convoquée devant la cour, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé que la société SYSTRA avait été régulièrement mise en cause, a privé sa décision de base légale au regard des articles 16, 17, 936 et 937 du code de procédure civile ;

3) ALORS en tout état de cause QUE l’existence d’une relation de travail suppose un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que les juges du fond ne peuvent conclure à l’existence d’un lien de subordination sans établir qu’est réuni l’ensemble des éléments caractérisant le lien de subordination ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a seulement relevé que la société française SYSTRA aurait exercé « dans une mesure qui reste à déterminer » un pouvoir de direction sur monsieur X… ; qu’en s’abstenant de rechercher si la société SYSTRA disposait d’un pouvoir de contrôle de l’activité de monsieur X… et d’un pouvoir de sanction à son égard, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un lien de subordination juridique entre monsieur X… et la société SYSTRA, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et R.1412-1 du Code du travail ;

4) ALORS QUE l’existence d’une relation de travail suppose un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la société SYSTRA aurait exercé « dans une mesure qui reste à déterminer » un pouvoir de direction sur monsieur X… après avoir seulement relevé que la société SYSTRA avait organisé son expatriation puis son rapatriement et transmis après son retour ses bulletins de salaire ¿ établis au nom des deux autres sociétés marocaine et émiratie ¿ ainsi que la copie des documents adressés à la caisse des Français de l’étranger, que monsieur X… aurait été visé dans un organigramme selon les mêmes modalités que les employés de la société SYSTRA, et par ailleurs que des comptes rendus de « réunions d’avancement » du projet étaient établis soit sous le double timbre des sociétés SYSTRA et SYSTRA MAROC, soit à l’en-tête de la société SYSTRA et d’autres entités dont le statut n’est pas précisé ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser l’existence de directives émises par la société SYSTRA et s’adressant à monsieur X…, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé un lien de subordination juridique entre monsieur X… et la société SYSTRA, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 et R.1412-1 du Code du travail ;

5) ALORS QU’en l’absence de contrat de travail apparent, la charge de la preuve du lien de subordination, qui caractérise l’existence du contrat de travail, incombe à celui qui se prévaut d’un tel contrat ; qu’en l’espèce il appartenait donc à monsieur X…, qui ne se prévalait pas de l’existence d’un contrat de travail apparent vis-à-vis de la société française SYSTRA, de rapporter la preuve du lien de subordination qui aurait existé entre elle et lui ; qu’en reprochant cependant aux sociétés SYSTRA DUBAI BRANCH et SYSTRA MAROC de n’apporter aucun élément au soutien de leur allégation selon laquelle la société SYSTRA n’aurait agi que pour leur compte et en leur nom, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil ;

6) ALORS QU’à supposer que l’on considère que la cour d’appel n’a pas entendu retenir l’existence d’un contrat de travail entre la société française SYSTRA et monsieur X…, mais qu’elle a seulement relevé une simple suspicion de contrat de travail au regard d’un pouvoir de direction qui aurait appartenu « dans une mesure qui reste à déterminer, à la société mère de ces deux sociétés étrangères, la société SYSTRA », quand la compétence du conseil de prud’hommes de Paris supposait l’existence d’un contrat de travail entre la société française SYSTRA et monsieur X…, il serait jugé que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article R.1412-1 du Code du travail ;

7) ALORS par ailleurs QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que l’article 14.2 du contrat de travail conclu entre monsieur X… et la société SYSTRA DUDAI BRANCH stipule que « L’employé se soumet à la juridiction non exclusive des tribunaux de Dubaï, Emirats Arabes Unis » ; que l’article 12 du contrat de travail conclu entre monsieur X… et la société SYSTRA MAROC stipule que « Pour toutes contestations pouvant naître à l’occasion de l’interprétation des présentes ou de l’application des présentes, attribution de compétence est conférée aux tribunaux de Rabat » ; que ces deux clauses étaient parfaitement claires et non contradictoires dès lors que l’attribution de compétence aux juridictions de Dubaï n’était pas exclusive ; qu’en affirmant le salarié avait signé des clauses contradictoires pour retenir qu’il n’avait pas consenti aux clauses litigieuses en toute connaissance de cause, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ;

8) ALORS QU’en affirmant que le salarié n’aurait pas consenti aux clauses attributives de compétence litigieuses en toute connaissance de cause au seul prétexte qu’elles auraient été contradictoires, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé en quoi le salarié n’aurait pas consenti en toute connaissance de cause à des clauses prétendument contradictoires qu’il lui appartenait d’interpréter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-25.695, Inédit