Cour de cassation, Chambre civile 1, 8 mars 2017, 16-12.110, Inédit

  • Cession·
  • Fraudes·
  • Valeur·
  • Part sociale·
  • Donations·
  • Testament·
  • Héritier·
  • Acte·
  • Legs·
  • Prix

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Ronan Raffray · Bulletin Joly Sociétés · 1er juin 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 8 mars 2017, n° 16-12.110
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-12.110
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Bordeaux, 26 octobre 2015
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 19 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000034172335
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:C100307
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 mars 2017

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 307 F-D

Pourvoi n° U 16-12.110

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [H] [F], domicilié [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 27 octobre 2015 par la cour d’appel de Bordeaux (6e chambre civile), dans le litige l’opposant à Mme [O] [N], domiciliée [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Reygner, conseiller rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Reygner, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [N], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après avoir cédé le 3 juin 2008 à sa nièce, Mme [O] [N], les parts sociales qu’elle détenait dans une société civile immobilière, [K] [N] a, par testament du 11 juin 2008, institué un légataire universel et consenti divers legs particuliers à son frère, [W] [N], à la fille de celui-ci, Mme [O] [N], à son neveu, M. [H] [F] ainsi qu’à ses enfants ; que [K] [N] est décédée le [Date décès 1] 2008, sans héritier réservataire, et que le légataire universel a refusé la libéralité ; que M. [F] a assigné Mme [N] en annulation de la cession du 3 juin 2008 ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. [F], l’arrêt retient que la cession de parts du 3 juin 2008 n’est pas frauduleuse et ne peut être qualifiée de donation déguisée ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait que la cession de parts sociales d’une société n’ayant pas la personnalité juridique était nulle, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande subsidiaire de M. [F] tendant à l’inopposabilité de l’acte de cession du 3 juin 2008, l’arrêt retient que cette cession n’est pas frauduleuse et ne peut être qualifiée de donation déguisée ;

Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [F], qui soutenait que la cession, portant sur un immeuble, lui était inopposable en l’absence d’acte authentique permettant de procéder à la publicité foncière, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne Mme [N] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [F].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. [H] [F] de ses demandes et de l’AVOIR déclaré irrecevable à critiquer l’acte de cession du 3 juin 2008 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « la cour observe que M. [H] [F] place expressément son action sous le visa de la fraude en rappelant dans son dispositif, en visa, le principe « vu l’adage fraus omnia corrumpit » et en exposant le cas particulier concerné « vu la fraude manifestement caractérisée dans l’établissement d’un acte de cession de parts de SCI ». En l’espèce, la fraude aurait consisté, pour la tante, à vendre à vil prix les parts de la SCI, et, pour la cousine, à accepter ce cadeau déguisé en cession, alors que le cadre social était irrégulier faute de personnalité morale de la société civile et en l’absence de publicité foncière. Le cousin aurait subi un préjudice en ce que sa part dans la succession de sa tante aurait été amputée de la moitié de la différence entre la valeur réelle des parts et la valeur de cession. La cour constate que cette cession n’a pas été dissimulée et, qu’au contraire, la tante l’a rappelée dans son testament « ayant déjà fait cession de mes parts de la SCI [N] [B] à ma nièce [O] [N] … » tout comme elle a rappelé avoir déjà effectué des donations immobilières à son neveu [H] [F]. La cour constate ensuite que ce testament instituait pour légataire universelle l’amie de [K] [N]. L’intention de cette dernière n’était donc pas de voir son neveu s’opposer en partage de sa succession avec sa nièce. Elle ne peut donc avoir voulu fausser ce partage par une fraude. Par ailleurs, le code civil pose le principe que l’on doit, en toute convention, s’attacher à la volonté plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes, tandis que les conventions formant un ensemble doivent s’analyser les unes par rapport aux autres, dans leur cohérence. Or, [K] [N], née en 1922, âgée de 86 ans en 2008, proche de la mort puisqu’elle décédera le [Date décès 1] 2008, a effectué deux actes juridiques de date très proche :

.3 juin 2008, cession onéreuse des parts de la SCI à sa nièce,

.11 juin 2008, testament instituant pour légataire universel son amie, tout en rappelant la cession du 3 juin et les legs antérieurs faits à son neveu.

La cour y découvre une évidente cohérence, la cession de parts à la nièce équilibrant les legs antérieurs au neveu. Même si la cession avait été consentie à un tarif inférieur à la valeur, cette cession ne pourrait être qualifiée de fraude, seulement de donation déguisée. La tante, célibataire sans enfant et donc sans héritier réservataire, était libre d’avantager qui elle souhaitait, notamment son amie ou sa nièce. M. [H] [F] ne dispose d’aucun droit de réserve et n’a pas qualité, ainsi que le soulève l’appelante, à critiquer l’acte de cession. Par ailleurs, il ne prouve pas la fiction du paiement, droits d’enregistrement réglés le 5 juin 2008 et acquittés le même jour par le service des impôts, le prix de vente correspondant à la valeur nominale des parts sociales. D’une part ce prix doit être analysé comme sérieux parce qu’il s’inscrit de façon naturelle dans un ensemble de relations contractuelles entre la tante et la nièce qui était le second porteur de parts. Tout cela formait un tout indivisible permettant à la tante de partager entre son amie et les enfants de sa soeur et son frère ses biens, les biens d’origine familiale étant attribués aux neveu et nièce. D’autre part, la valeur nominale des parts sociales correspond au partage de la valeur de la société, laquelle dépend de la valeur des biens détenus. Mais leur valeur de cession fluctue en fonction de l’offre d’achat, laquelle peut être rare en cas de bien familial, aucun étranger à la famille ne désirant entrer dans un conflit familial à l’occasion d’une succession. En l’espèce, la nièce détenait déjà 10% et la cession a porté sur 90%. Cette minorité de 10% était de nature à gêner considérablement le propriétaire majoritaire. Il n’est donc en rien manifeste qu’un tiers à la famille aurait pu être candidat à l’achat des parts de la défunte et cette cession à sa nièce déjà porteuse de parts lui apportait une solution économiquement cohérente. La cour ne découvre en conséquence aucun élément permettant de qualifier la cession de donation déguisée. M. [H] [F] échouant en sa démonstration, n’en apportant pas même un commencement de preuve, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise qui n’aurait pas d’autre but que de tenter de pallier sa carence dans l’administration de la preuve qui lui incombe » (arrêt, p. 5 à 7) ;

ALORS de première part, QUE la cour d’appel qui décide que la demande dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que M. [F] ne disposait d’aucun droit de réserve et n’avait pas qualité à critiquer l’acte de cession, ce dont il s’évinçait l’irrecevabilité de la demande de M. [F] (arrêt, p. 6 § 9) ; qu’elle a pourtant considéré, au fond, que cette demande n’était pas fondée pour ensuite débouter M. [F] de ses demandes (arrêt, p. 6 et 7) ; qu’en décidant tout à la fois que M. [F] n’avait pas qualité à solliciter la nullité de l’acte de cession du 3 juin 2008 et que son action en nullité n’était pas fondée, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 122 et 562 du code de procédure civile ;

ALORS de seconde part, et en toute hypothèse, QUE l’on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause ; que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; qu’un héritier peut dès lors agir en nullité d’un contrat conclu par le défunt ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que M. [F] ne disposait d’aucun droit de réserve et n’avait pas qualité à critiquer l’acte de cession (arrêt, p. 6 § 9) ; qu’à supposer que la cour d’appel ait retenu l’irrecevabilité de M. [F] à critiquer l’acte de cession pour ce motif, par un motif impropre à exclure la qualité pour agir de M. [F] en nullité de l’acte de cession, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette qualité pour agir résultait de sa qualité d’héritier ab intestat de Mme [K] [N], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile, et 724 et 1122 du code civil.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. [H] [F] de ses demandes tendant à la nullité de l’acte de cession de parts sociales du 3 juin 2008 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « la cour observe que M. [H] [F] place expressément son action sous le visa de la fraude en rappelant dans son dispositif, en visa, le principe « vu l’adage fraus omnia corrumpit » et en exposant le cas particulier concerné « vu la fraude manifestement caractérisée dans l’établissement d’un acte de cession de parts de SCI ». En l’espèce, la fraude aurait consisté, pour la tante, à vendre à vil prix les parts de la SCI, et, pour la cousine, à accepter ce cadeau déguisé en cession, alors que le cadre social était irrégulier faute de personnalité morale de la société civile et en l’absence de publicité foncière. Le cousin aurait subi un préjudice en ce que sa part dans la succession de sa tante aurait été amputée de la moitié de la différence entre la valeur réelle des parts et la valeur de cession. La cour constate que cette cession n’a pas été dissimulée et, qu’au contraire, la tante l’a rappelée dans son testament « ayant déjà fait cession de mes parts de la SCI [N] [B] à ma nièce [O] [N]… » tout comme elle a rappelé avoir déjà effectué des donations immobilières à son neveu [H] [F]. La cour constate ensuite que ce testament instituait pour légataire universelle l’amie de [K] [N]. L’intention de cette dernière n’était donc pas de voir son neveu s’opposer en partage de sa succession avec sa nièce. Elle ne peut donc avoir voulu fausser ce partage par une fraude. Par ailleurs, le code civil pose le principe que l’on doit, en toute convention, s’attacher à la volonté plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes, tandis que les conventions formant un ensemble doivent s’analyser les unes par rapport aux autres, dans leur cohérence. Or, [K] [N], née en 1922, âgée de 86 ans en 2008, proche de la mort puisqu’elle décédera le [Date décès 1] 2008, a effectué deux actes juridiques de date très proche :

.3 juin 2008, cession onéreuse des parts de la SCI à sa nièce,

.11 juin 2008, testament instituant pour légataire universel son amie, tout en rappelant la cession du 3 juin et les legs antérieurs faits à son neveu.

La cour y découvre une évidente cohérence, la cession de parts à la nièce équilibrant les legs antérieurs au neveu. Même si la cession avait été consentie à un tarif inférieur à la valeur, cette cession ne pourrait être qualifiée de fraude, seulement de donation déguisée. La tante, célibataire sans enfant et donc sans héritier réservataire, était libre d’avantager qui elle souhaitait, notamment son amie ou sa nièce. M. [H] [F] ne dispose d’aucun droit de réserve et n’a pas qualité, ainsi que le soulève l’appelante, à critiquer l’acte de cession. Par ailleurs, il ne prouve pas la fiction du paiement, droits d’enregistrement réglés le 5 juin 2008 et acquittés le même jour par le service des impôts, le prix de vente correspondant à la valeur nominale des parts sociales. D’une part ce prix doit être analysé comme sérieux parce qu’il s’inscrit de façon naturelle dans un ensemble de relations contractuelles entre la tante et la nièce qui était le second porteur de parts. Tout cela formait un tout indivisible permettant à la tante de partager entre son amie et les enfants de sa soeur et son frère ses biens, les biens d’origine familiale étant attribués aux neveu et nièce. D’autre part, la valeur nominale des parts sociales correspond au partage de la valeur de la société, laquelle dépend de la valeur des biens détenus. Mais leur valeur de cession fluctue en fonction de l’offre d’achat, laquelle peut être rare en cas de bien familial, aucun étranger à la famille ne désirant entrer dans un conflit familial à l’occasion d’une succession. En l’espèce, la nièce détenait déjà 10% et la cession a porté sur 90%. Cette minorité de 10% était de nature à gêner considérablement le propriétaire majoritaire. Il n’est donc en rien manifeste qu’un tiers à la famille aurait pu être candidat à l’achat des parts de la défunte et cette cession à sa nièce déjà porteuse de parts lui apportait une solution économiquement cohérente. La cour ne découvre en conséquence aucun élément permettant de qualifier la cession de donation déguisée. M. [H] [F] échouant en sa démonstration, n’en apportant pas même un commencement de preuve, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise qui n’aurait pas d’autre but que de tenter de pallier sa carence dans l’administration de la preuve qui lui incombe » (arrêt, p. 5 à 7) ;

ALORS de première part QUE la fraude corrompt tout ; qu’en l’espèce, M. [F] faisait valoir que l’acte de cession du 3 juin 2008 avait été conclu en fraude aux droits de Mme [K] [N] (concl., p. 21) ; qu’il se prévalait notamment d’un courriel adressé par le notaire, Me [X], à Mme [O] [N], pour soutenir qu’il avait été dissimulé à Mme [K] [N] la réalité des effets de la cession, à savoir le transfert de la propriété de l’ensemble immobilier situé [Adresse 3], au demeurant pour une somme dérisoire (concl., p. 22) ; que, pour rejeter la demande en annulation fondée sur la fraude, la cour d’appel a considéré que la cession de parts sociales n’avait pas été dissimulée et que Mme [K] [N] n’avait pas pu avoir voulu fausser le partage par une fraude (arrêt, p. 6 § 3 et 4), ajoutant que la cession ne pourrait être qualifiée de fraude mais seulement de donation déguisée (arrêt, p. 6 dernier §) ; qu’en se prononçant ainsi, par des motifs seulement relatifs à une fraude qu’aurait commise Mme [K] [N] à l’égard de ses futurs ayants droit, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la fraude résultait en réalité d’actes imputables à Mme [O] [N], préjudiciables aux droits de Mme [K] [N], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

ALORS de deuxième part QU’un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause ; qu’en l’espèce, M. [F] exposait que Mme [K] [N] avait cédé, le 9 octobre 1997, 100 parts sociales de la SCI, soit environ 10% du capital social, à Mme [O] [N] pour un prix de 70.000 francs, soit 10.671,43 € (concl., p. 18 § 11) ; qu’il rappelait qu’en comparaison, l’acte de cession de parts du 3 juin 2008 avait porté sur 934 parts sociales, soit 90% du capital social, pour un prix de 14.234 € (concl., p. 18 § 12) ; qu’il produisait un avis du service des Domaines relatif à l’évaluation d’un bien immobilier voisin de l’immeuble appartenant à la SCI, et dans un état comparable, d’où il résultait une évaluation à hauteur de 300 € le m2, ce qui portait l’évaluation de l’immeuble de la SCI à la somme de 430.200 € (concl., p. 19 et 20) ; qu’il s’en évinçait que la cession avait eu pour effet de rendre Mme [O] [N] propriétaire d’un immeuble dont la valeur était supérieure à 400.000 € pour un prix inférieur à 10% de cette valeur ; que la cour d’appel a pourtant considéré que le prix consenti était sérieux, dès lors qu’il s’inscrivait dans un « ensemble de relations contractuelles entre la tante et la nièce », formant un « tout indivisible » permettant à Mme [K] [N] de partager ses biens, et que la valeur de cession fluctuait en fonction de l’offre d’achat, laquelle pouvait être rare en cas de bien familial, aucun tiers ne souhaitant entrer dans un conflit familial (arrêt, p. 7 § 1) ; qu’en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, quelle était la valeur de l’ensemble immobilier propriété de la SCI, et s’il ne résultait pas de la cession que Mme [O] [N] devenait la seule propriétaire de l’ensemble immobilier, afin de déterminer quelle était la valeur vénale de ces parts sociales cédées à Mme [O] [N] et de la comparer au prix de cession pour en apprécier le sérieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1591 du code civil ;

ALORS de troisième part QUE le juge est tenu de répondre à l’ensemble des moyens précis et opérants soulevés par les parties ; qu’en l’espèce, M. [F] faisait valoir dans ses écritures que la SCI [N] et [B] n’avait jamais été immatriculée, et qu’en vertu de l’article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, faute d’avoir été immatriculée avant le 1er novembre 2002, cette société avait perdu la personnalité morale, en sorte que son patrimoine avait été transmis à ses associés, devenus propriétaires indivis des biens le composant (concl., p. 16) ; que M. [F] en concluait que la cession de parts sociales intervenue le 3 juin 2008 était nulle, puisqu’elle portait sur un objet inexistant (concl., p. 17) ; qu’en ne répondant pas à ce moyen précis et opérant, de nature à priver de toute valeur la cession litigieuse, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS de quatrième part QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu’en l’espèce, pour rejeter la demande en nullité de l’acte de cession du 3 juin 2008, la cour d’appel a considéré que M. [F] ne disposait d’aucun droit de réserve et n’avait pas qualité à critiquer l’acte de cession (arrêt, p. 6 § 9) ; qu’en se prononçant ainsi, par un motif seulement relatif à la recevabilité de l’action, et dès lors indifférent à l’appréciation du bien-fondé de l’action en nullité de M. [F], la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS de cinquième part, et en toute hypothèse, QUE l’on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause ; que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ; qu’un héritier peut dès lors agir en nullité d’un contrat conclu par le défunt ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que M. [F] ne disposait d’aucun droit de réserve et n’avait pas qualité à critiquer l’acte de cession pour le débouter de sa demande en nullité de la cession du 3 juin 2008 (arrêt, p. 6 § 9) ; qu’en se prononçant ainsi, par un motif impropre à exclure la qualité pour agir de M. [F] en nullité de l’acte de cession, et sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette qualité pour agir résultait de sa qualité d’héritier ab intestat de Mme [K] [N], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108, 1131, 1591, 724 et 1122 du code civil.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. [H] [F] de sa demande subsidiaire tendant à l’inopposabilité de l’acte de cession de parts sociales du 3 juin 2008 ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « la cour observe que M. [H] [F] place expressément son action sous le visa de la fraude en rappelant dans son dispositif, en visa, le principe « vu l’adage fraus omnia corrumpit » et en exposant le cas particulier concerné « vu la fraude manifestement caractérisée dans l’établissement d’un acte de cession de parts de SCI ». En l’espèce, la fraude aurait consisté, pour la tante, à vendre à vil prix les parts de la SCI, et, pour la cousine, à accepter ce cadeau déguisé en cession, alors que le cadre social était irrégulier faute de personnalité morale de la société civile et en l’absence de publicité foncière. Le cousin aurait subi un préjudice en ce que sa part dans la succession de sa tante aurait été amputée de la moitié de la différence entre la valeur réelle des parts et la valeur de cession. La cour constate que cette cession n’a pas été dissimulée et, qu’au contraire, la tante l’a rappelée dans son testament « ayant déjà fait cession de mes parts de la SCI [N] [B] à ma nièce [O] [N] … » tout comme elle a rappelé avoir déjà effectué des donations immobilières à son neveu [H] [F]. La cour constate ensuite que ce testament instituait pour légataire universelle l’amie de [K] [N]. L’intention de cette dernière n’était donc pas de voir son neveu s’opposer en partage de sa succession avec sa nièce. Elle ne peut donc avoir voulu fausser ce partage par une fraude. Par ailleurs, le code civil pose le principe que l’on doit, en toute convention, s’attacher à la volonté plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes, tandis que les conventions formant un ensemble doivent s’analyser les unes par rapport aux autres, dans leur cohérence. Or, [K] [N], née en 1922, âgée de 86 ans en 2008, proche de la mort puisqu’elle décédera le [Date décès 1] 2008, a effectué deux actes juridiques de date très proche :

.3 juin 2008, cession onéreuse des parts de la SCI à sa nièce,

.11 juin 2008, testament instituant pour légataire universel son amie, tout en rappelant la cession du 3 juin et les legs antérieurs faits à son neveu.

La cour y découvre une évidente cohérence, la cession de parts à la nièce équilibrant les legs antérieurs au neveu. Même si la cession avait été consentie à un tarif inférieur à la valeur, cette cession ne pourrait être qualifiée de fraude, seulement de donation déguisée. La tante, célibataire sans enfant et donc sans héritier réservataire, était libre d’avantager qui elle souhaitait, notamment son amie ou sa nièce. M. [H] [F] ne dispose d’aucun droit de réserve et n’a pas qualité, ainsi que le soulève l’appelante, à critiquer l’acte de cession. Par ailleurs, il ne prouve pas la fiction du paiement, droits d’enregistrement réglés le 5 juin 2008 et acquittés le même jour par le service des impôts, le prix de vente correspondant à la valeur nominale des parts sociales. D’une part ce prix doit être analysé comme sérieux parce qu’il s’inscrit de façon naturelle dans un ensemble de relations contractuelles entre la tante et la nièce qui était le second porteur de parts. Tout cela formait un tout indivisible permettant à la tante de partager entre son amie et les enfants de sa soeur et son frère ses biens, les biens d’origine familiale étant attribués aux neveu et nièce. D’autre part, la valeur nominale des parts sociales correspond au partage de la valeur de la société, laquelle dépend de la valeur des biens détenus. Mais leur valeur de cession fluctue en fonction de l’offre d’achat, laquelle peut être rare en cas de bien familial, aucun étranger à la famille ne désirant entrer dans un conflit familial à l’occasion d’une succession. En l’espèce, la nièce détenait déjà 10% et la cession a porté sur 90%. Cette minorité de 10% était de nature à gêner considérablement le propriétaire majoritaire. Il n’est donc en rien manifeste qu’un tiers à la famille aurait pu être candidat à l’achat des parts de la défunte et cette cession à sa nièce déjà porteuse de parts lui apportait une solution économiquement cohérente. La cour ne découvre en conséquence aucun élément permettant de qualifier la cession de donation déguisée. M. [H] [F] échouant en sa démonstration, n’en apportant pas même un commencement de preuve, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise qui n’aurait pas d’autre but que de tenter de pallier sa carence dans l’administration de la preuve qui lui incombe » (arrêt, p. 5 à 7) ;

ALORS QUE le juge est tenu de répondre à l’ensemble des moyens précis et opérants soulevés par les parties ; qu’en l’espèce, M. [F] sollicitait, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu’il avait déclaré inopposable l’acte de cession des parts de SCI à défaut de signification ou d’acceptation de cette cession dans un acte authentique (concl., p. 23 et 24 et jugement, p. 10) ; que la cour d’appel a débouté M. [F] de sa demande d’inopposabilité en se bornant à retenir que sa demande d’annulation n’était pas fondée, et que les droits d’enregistrements de l’acte de cession avaient été réglés le 5 juin 2008 (arrêt, p. 6 et 7, et not. p. 6 dernier §) ; qu’en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen pourtant précis et opérant selon lequel l’acte de cession n’avait été ni signifié ni accepté dans un acte authentique, de sorte qu’il était inopposable à M. [F], tiers à la cession, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour de cassation, Chambre civile 1, 8 mars 2017, 16-12.110, Inédit