Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2018, 18-80.507, Publié au bulletin

  • Loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017·
  • Compétence du juge judiciaire·
  • Loi de forme ou de procédure·
  • Perquisition administrative·
  • Application dans le temps·
  • Application immédiate·
  • Lois et règlements·
  • État d'urgence·
  • Données·
  • Saisie

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En ne prévoyant pas de dispositions transitoires particulières, le législateur a entendu donner, dès le 31 octobre 2017, jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle de procédure, compétence au juge judiciaire pour autoriser, à la demande des autorités administratives, l’exploitation des données saisies dans le cadre d’une perquisition effectuée sous le régime antérieur aux dispositions de l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure.

Justifie sa décision le premier président de la cour d’appel de Paris qui retient sa compétence, sur le fondement de l’article L. 229-5, II, du code de la sécurité intérieure, créé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, pour statuer sur la régularité de la saisie et sur la demande d’exploitation de certaines des données saisies lors d’une perquisition administrative réalisée sous le régime de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

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Catherine Berlaud · Gazette du Palais · 11 décembre 2018
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 14 nov. 2018, n° 18-80.507, Bull. crim. 2018, n° 191
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-80507
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. crim. 2018, n° 191
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 novembre 2017
Textes appliqués :
article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure ; article L. 229-5, II, du code de la sécurité intérieure
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037644539
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR02613
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Sur les parties

Texte intégral

N° E 18-80.507 FS-P+B

N° 2613

VD1

14 NOVEMBRE 2018

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. Mohamed X…, contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris, en date du 10 novembre 2017, qui a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris ayant autorisé l’exploitation des données saisies ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 octobre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Stephan, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Wallon ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller Guéry, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Wallon ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, le 27 octobre 2017, le préfet des Yvelines a ordonné une perquisition administrative au domicile de M. Mohamed X…, sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 modifiant la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ; que, le 31 octobre, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles pour obtenir l’autorisation d’exploiter les données contenues dans les supports saisis au cours de la perquisition ; que, le 2 novembre 2017, le juge administratif des référés a rejeté sa requête au motif qu’il n’était plus compétent pour autoriser l’exploitation des données, la loi sur l’état d’urgence ayant été abrogée au 31 octobre 2017 par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; que, le 3 novembre 2017, le préfet des Yvelines a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande identique sur le fondement de l’article L. 229-5, II, du code de la sécurité intérieure, créé par la loi précitée du 30 octobre 2017 ; que ce juge a autorisé le même jour l’exploitation des données contenues dans les éléments saisis ; que M. X… a interjeté appel de cette ordonnance ;

En cet état :

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; 11, 14 et 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, L. 229-1 à L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ensemble le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, les droits de la défense et le principe du respect de la vie privée :

« en ce que le premier président de la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant l’exploitation des données saisies au cours de la perquisition réalisée au domicile de M. X… le 27 octobre 2017 ;

« aux motifs que I – le défaut de base légale de l’ordonnance querellée. Il convient de rappeler que le préfet des Yvelines a, le 26 octobre 2017, sous le régime de l’état d’urgence (article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée), ordonné une perquisition administrative au […], domicile de M. X… Lors de cette opération réalisée le 27 octobre 2017, ont été saisis deux téléphones portables ; que par ordonnance du 2 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande du préfet aux fins d’autorisation d’exploitation des données saisies au motif que l’état d’urgence avait pris fin le 1er novembre 2017 ; que le préfet des Yvelines a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris le 3 novembre 2017, d’une demande d’autorisation sur le fondement de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; que le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête par ordonnance du 3 novembre 2017 ; qu’il y a lieu de constater qu’il s’agit de deux décisions distinctes, l’une administrative prise en application de l’article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée (état d’urgence) et l’autre judiciaire prise sur le fondement de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier la régularité d’un acte administratif et l’application immédiate d’une loi nouvelle ne saurait avoir pour effet de remettre en cause un acte administratif rendu sous le régime de l’état d’urgence et dont le juge judiciaire n’avait pas à connaître ; que dès lors, c’est à bon droit, que le juge des libertés et de la détention de Paris, saisi par requête du préfet des Yvelines le 3 novembre 2017, a rendu le même jour une autorisation d’exploitation des données saisies en application de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure ; Ce moyen sera rejeté.

II – la violation des conditions légales permettant d’accorder l’autorisation d’exploitation des données au cours de la perquisition administrative ; qu’il est constant que le juge des libertés et de la détention était tenu d’apprécier la requête qui lui était soumise à la date du 3 novembre 2017 et d’examiner celle-ci au regard des nouvelles dispositions du code de sécurité intérieure, d’application immédiate ; que l’article L. 229-5-1 du code de la sécurité intérieure dispose que "-aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, si la visite révèle l’existence de documents, objets ou données relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics que constitue le comportement de la personne concernée, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la visite ;

« La copie des données ou la saisie des systèmes informatiques ou des équipements terminaux est réalisée en présence de l’officier de police judiciaire ; que le procès-verbal mentionné à l’article L. 229-2 indique les motifs de la saisie et dresse l’inventaire des objets, documents ou données saisis. Copie en est remise aux personnes mentionnées au troisième alinéa du même article L. 229-2 ainsi qu’au juge ayant délivré l’autorisation. Les éléments saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite. A compter de la saisie, nul n’y a accès avant l’autorisation du juge ;

« II – dès la fin de la visite, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris d’autoriser l’exploitation des données saisies ; qu’au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l’autorité administrative ; que sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d’actes de terrorisme ayant justifié la visite ;

« L’ordonnance est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis ; qu’à défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice ;

« L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé l’exploitation des données saisies ;

« L’ordonnance autorisant l’exploitation des données saisies peut faire l’objet, dans un délai de quarante-huit heures, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris selon les modalités mentionnées aux trois premiers alinéas de l’article L. 229-3. Le premier président statue dans un délai de quarante-huit heures ;

« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale. Le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours ; « En cas de décision de refus devenue irrévocable, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués, dans l’état dans lequel ils ont été saisis, à leur propriétaire »Pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée selon la procédure mentionnée au présent article, les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite et à la saisie ; que les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu’il a été procédé à la copie des données qu’ils contiennent, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, a autorisé l’exploitation des données qu’ils contiennent ; que les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la visite ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation ;

« En cas de difficulté dans l’accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l’exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus à l’avant-dernier alinéa du présent II peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l’expiration de ces délais ; que le juge statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l’autorité administrative ; que si l’exploitation ou l’examen des données et des supports saisis conduit à la constatation d’une infraction, ces données et supports sont conservés selon les règles applicables en matière de procédure pénale" ;

Par l’effet dévolutif de l’appel nous considérons que :

— la condition de la prévention de la commission d’actes de terrorisme était remplie, le juge des libertés et de la détention ayant motivé sa requête sur des liens présumés entretenus par M. X… avec la mouvance islamiste pro-djihadiste ;

— au vu des éléments révélés par la visite à savoir le livre, les sentiers des itinérants", relatif aux trois types de djihad et prisé par les djihadistes et caractérisant ainsi la menace terroriste, l’autorisation d’exploitation des données saisies à savoir les deux téléphones portables, était justifiée ;

— l’argument selon lequel la perquisition n’a révélé aucune infraction pénale n’est pas pertinent dans la mesure où l’autorisation de visite et de saisie se fonde sur une ou plusieurs présomptions simples d’agissements prohibés, critère que doit retenir le premier juge pour délivrer une ordonnance ;

— la saisie a été régulière en la forme puisque respectant les dispositions de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure visé supra ;

Ce moyen sera écarté.

III – la violation de l’article 8 de la CESDH. L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2, qui dispose que « il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; qu’il convient de rappeler également que l’administration n’a pas à rendre compte de son choix de recourir à une procédure, dite lourde, laquelle n’a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ; qu’au cas présent les présomptions d’agissements prohibés ont été appréciées in concreto par le premier juge en proportion de l’atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées ; qu’en l’espèce, la visite domiciliaire, la saisie des appareils téléphoniques et l’exploitation des données saisies n’étaient pas disproportionnées eu égard aux enjeux de la prévention de la menace terroriste ;

Ce moyen ne saurait prospérer.

IV – la violation de l’article 6 de la CESDH. Au stade de la phase préparatoire de l’enquête, un débat contradictoire n’a pas lieu d’être, aucune accusation n’étant formulée à l’encontre de M. X… ; que les opérations de visite et de saisie a pour objet de rechercher d’éventuels documents rentrant dans le champ d’application de l’autorisation accordée et la faculté d’exploiter les données saisies a pour finalité de confirmer ou d’infirmer les présomptions simples retenues à l’encontre de la personne visitée ; qu’en conséquence, les dispositions de l’article L. 229-5-1 du code de la sécurité intérieure respectent le principe du contradictoire instauré par l’article 6, § 1, de la CESDH dans la mesure où M. X… avait la possibilité d’exercer un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris, ce qu’il a fait en l’espèce ;

Ce moyen sera rejeté.

« alors que les dispositions de l’article L. 229-5, II, du code de la sécurité intérieure, issues de l’article 4 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au droit à un recours juridictionnel effectif, au droit à un procès équitable, aux droits de la défense et au droit au respect de la vie privée ; que consécutivement à la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, l’ordonnance attaquée, en ce qu’elle a rejeté les moyens soulevés par M. X…, se trouvera privée de base légale" ;

Attendu que les dispositions de l’article L. 229-5, II, du code de la sécurité intérieure, issues de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, ont été déclarées conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2017/695 QPC en date du 29 mars 2018 ; qu’après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité par arrêt de cette chambre en date du 11 avril 2018, le Conseil constitutionnel, par décision n° 2018-713/714 en date du 13 juin 2018, a dit n’y avoir lieu à examen de la question prioritaire de constitutionnalité relative au même article ;

D’où il suit que le moyen est devenu sans objet ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11, 14 et 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, L. 229-1 à L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale :

« en ce que le premier président de la cour d’appel a confirmé l’ordonnance d’exploitation des données saisies et a rejeté le moyen tiré de l’inapplicabilité des articles L. 229-1 à L. 229-5 du code de la sécurité intérieure à la mesure de perquisition administrative réalisée au domicile de M. Mohamed X… ;

« aux motifs qu’il convient de rappeler que le préfet des Yvelines a, le 26 octobre 2017, sous le régime de l’état d’urgence (article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée), ordonné une perquisition administrative au […], domicile de M. X… ; que lors de cette opération réalisée le 27 octobre 2017, ont été saisis deux téléphones portables ; que par ordonnance du 2 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande du préfet aux fins d’autorisation d’exploitation des données saisies au motif que l’état d’urgence avait pris fin le 1er novembre 2017 ; que le préfet des Yvelines, a, saisi le juge des libertés et de la détention de Paris le 3 novembre 2017, d’une demande d’autorisation sur le fondement de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; que le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête par ordonnance du 3 novembre 2017 ; qu’il y a lieu de constater qu’il s’agit de deux décisions distinctes, l’une administrative prise en application de l’article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée (état d’urgence) et l’autre judiciaire prise sur le fondement de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier la régularité d’un acte administratif et l’application immédiate d’une loi nouvelle ne saurait avoir pour effet de remettre en cause un acte administratif rendu sous le régime de l’état d’urgence et dont le juge judiciaire n’avait pas à connaître ; que dès lors, c’est à bon droit, que le juge des libertés et de la détention de Paris, saisi par requête du préfet des Yvelines le 3 novembre 2017, a rendu le même jour une autorisation d’exploitation des données saisies en application de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure ;

« 1°) alors qu’aux termes des dispositions de l’article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, l’exploitation des données et supports saisis à l’occasion d’une perquisition administrative ne peut être autorisée que par le seul juge des référés du tribunal administratif et selon la procédure particulière prévue par ces dispositions ; que dès lors, en confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant l’exploitation des données saisies le 27 octobre 2017 au domicile de M. X… alors même qu’une telle saisie est intervenue au cours d’une perquisition administrative réalisée sur le fondement de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 et relevait donc de la seule compétence du juge administratif, le premier président de la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et méconnu les dispositions susvisées ;

« 2°) alors qu’aux termes des dispositions de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris est compétent pour autoriser l’exploitation des seules données saisies à l’occasion d’une opération de visite d’un lieu sur le fondement des dispositions des articles L. 229-1 à L. 229-6 du code de la sécurité intérieure, lesquelles ne sont entrées en vigueur que le 31 octobre 2017 ; que dès lors, en confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention alors que celle-ci autorise l’exploitation de données qui n’ont pas été collectées à l’occasion d’une opération de visite et saisie réalisée sur le fondement des articles L. 229-1 et suivants du code de la sécurité intérieure mais lors d’une opération de perquisition administrative au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955, le premier président de la cour d’appel a également excédé ses pouvoirs mais aussi méconnu les dispositions de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure ;

Attendu que, pour se déclarer compétent, le premier président de la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en disposant ainsi, et dès lors qu’en ne prévoyant pas de dispositions transitoires particulières, le législateur a entendu donner, dès le 31 octobre 2017, jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle de procédure, compétence au juge judiciaire pour autoriser, à la demande des autorités administratives, l’exploitation des données saisies dans le cadre d’une perquisition effectuée sous le régime antérieur aux dispositions de l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, le premier président de la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, 11, 14 et 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, L. 229-1 à L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et le droit à un recours effectif :

« en ce que le premier président de la cour d’appel a confirmé l’ordonnance d’exploitation des données saisies et a rejeté les moyens développés par M. X… ;

« aux motifs que : I – "le défaut de base légale de l’ordonnance querellée : Il convient de rappeler que le préfet des Yvelines a, le 26 octobre 2017, sous le régime de l’état d’urgence (article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée), ordonné une perquisition administrative au […], domicile de M. X… ; que lors de cette opération réalisée le 27 octobre 2017, ont été saisis deux téléphones portables ; que par ordonnance du 2 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande du préfet aux fins d’autorisation d’exploitation des données saisies au motif que l’état d’urgence avait pris fin le 1er novembre 2017 ; que le préfet des Yvelines a saisi le juge des libertés et de la détention de Paris le 3 novembre 2017, d’une demande d’autorisation sur le fondement de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; que le juge des libertés et de la détention a fait droit à cette requête par ordonnance du 3 novembre 2017 ; qu’il y a lieu de constater qu’il s’agit de deux décisions distinctes, l’une administrative prise en application de l’article 11-1 de la loi du 3 avril 1955 modifiée (état d’urgence) et l’autre judiciaire prise sur le fondement de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure issu de la loi du 30 octobre 2017 immédiatement applicable à compter du 1er novembre 2017 ; qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier la régularité d’un acte administratif et l’application immédiate d’une loi nouvelle ne saurait avoir pour effet de remettre en cause un acte administratif rendu sous le régime de l’état d’urgence et dont le juge judiciaire n’avait pas à connaître ; que dès lors, c’est à bon droit, que le juge des libertés et de la détention de Paris, saisi par requête du préfet des Yvelines le 3 novembre 2017, a rendu le même jour une autorisation d’exploitation des données saisies en application de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure ; Ce moyen sera rejeté.

II – la violation des conditions légales permettant d’accorder l’autorisation d’exploitation des données au cours de la perquisition administrative ; qu’il est constant que le juge des libertés et de la détention était tenu d’apprécier la requête qui lui était soumise à la date du 3 novembre 2017 et d’examiner celle-ci au regard des nouvelles dispositions du code de sécurité intérieure, d’application immédiate ; que L’article L. 229-5-1 du code de la sécurité intérieure dispose que « -aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, si la visite révèle l’existence de documents, objets ou données relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics que constitue le comportement de la personne concernée, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la visite. »La copie des données ou la saisie des systèmes informatiques ou des équipements terminaux est réalisée en présence de l’officier de police judiciaire ; que le procès-verbal mentionné à l’article L. 229-2 indique les motifs de la saisie et dresse l’inventaire des objets, documents ou données saisis ; que la copie en est remise aux personnes mentionnées au troisième alinéa du même article L. 229-2 ainsi qu’au juge ayant délivré l’autorisation ; que les éléments saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite ; qu’à compter de la saisie, nul n’y a accès avant l’autorisation du juge ;

«  II – Dès la fin de la visite, l’autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris d’autoriser l’exploitation des données saisies ; qu’au vu des éléments révélés par la visite, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l’autorité administrative ; que sont exclus de l’autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la finalité de prévention de la commission d’actes de terrorisme ayant justifié la visite ;

« L’ordonnance est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l’avis ; qu’à défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par acte d’huissier de justice ;

« L’acte de notification comporte mention des voies et délais de recours contre l’ordonnance ayant autorisé l’exploitation des données saisies ;

« L’ordonnance autorisant l’exploitation des données saisies peut faire l’objet, dans un délai de quarante-huit heures, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris selon les modalités mentionnées aux trois premiers alinéas de l’article L. 229-3. Le premier président statue dans un délai de quarante-huit heures ;

« L’ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris est susceptible d’un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; que le délai de pourvoi en cassation est de quinze jours ;

« En cas de décision de refus devenue irrévocable, les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués, dans l’état dans lequel ils ont été saisis, à leur propriétaire »Pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée selon la procédure mentionnée au présent article, les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la visite et à la saisie ; que les systèmes informatiques ou équipements terminaux sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu’il a été procédé à la copie des données qu’ils contiennent, à l’issue d’un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, a autorisé l’exploitation des données qu’ils contiennent ; que les données copiées sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois à compter de la date de la visite ou de la date à laquelle le juge, saisi dans ce délai, en a autorisé l’exploitation ;

« En cas de difficulté dans l’accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l’exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus à l’avant – dernier alinéa du présent II peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l’autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l’expiration de ces délais ; que le juge statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l’autorité administrative ; que si l’exploitation ou l’examen des données et des supports saisis conduit à la constatation d’une infraction, ces données et supports sont conservés selon les règles applicables en matière de procédure pénale" ;

Par l’effet dévolutif de l’appel nous considérons que :

— la condition de la prévention de la commission d’actes de terrorisme était remplie, le juge des libertés et de la détention ayant motivé sa requête sur des liens présumés entretenus par M. X… avec la mouvance islamiste pro-djihadiste ;

— au vu des éléments révélés par la visite à savoir le livre, les sentiers des itinérants, relatif aux trois types de djihad et prisé par les djihadistes et caractérisant ainsi la menace terroriste, l’autorisation d’exploitation des données saisies à savoir les deux téléphones portables, était justifiée ;

— l’argument selon lequel la perquisition n’a révélé aucune infraction pénale n’est pas pertinent dans la mesure où l’autorisation de visite et de saisie se fonde sur une ou plusieurs présomptions simples d’agissements prohibés, critère que doit retenir le premier juge pour délivrer une ordonnance ;

— la saisie a été régulière en la forme puisque respectant les dispositions de l’article L. 229-5, II, alinéa 1, du code de la sécurité intérieure visé supra ; Ce moyen sera écarté.

III – la violation de l’article 8 de la CESDH. L’article 8 de la CESDH, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2, qui dispose que « il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ; qu’il convient de rappeler également que l’administration n’a pas à rendre compte de son choix de recourir à une procédure, dite lourde, laquelle n’a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées ; qu’au cas présent les présomptions d’agissements prohibés ont été appréciées in concreto par le premier juge en proportion de l’atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées ; qu’en l’espèce, la visite domiciliaire, la saisie des appareils téléphoniques et l’exploitation des données saisies n’étaient pas disproportionnées eu égard aux enjeux de la prévention de la menace terroriste ;

Ce moyen ne saurait prospérer.

IV – la violation de l’article 6 de la CESDH. Au stade de la phase préparatoire de l’enquête, un débat contradictoire n’a pas lieu d’être, aucune accusation n’étant formulée à l’encontre de M. X… ; que

les opérations de visite et de saisie ont pour objet de rechercher d’éventuels documents rentrant dans le champ d’application de l’autorisation accordée et la faculté d’exploiter les données saisies a pour finalité de confirmer ou d’infirmer les présomptions simples retenues à l’encontre de la personne visitée ; qu’en conséquence, les dispositions de l’article L. 229-5-1 du code de la sécurité intérieure respectent le principe du contradictoire instauré par l’article 6, § 1, de la CESDH dans la mesure où M. X… avait la possibilité d’exercer un appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris, ce qu’il a fait en l’espèce ;

Ce moyen sera rejeté.

« 1°) alors que les articles 6, 8 et 13, de la Convention européenne des droits de l’homme requièrent que tout justiciable dispose d’une voie de recours effective lui permettant de contester les mesures qui emportent une ingérence au sein de ses droits, dont en particulier le droit au respect de la vie privée ; qu’en jugeant qu'« il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier la régularité d’un acte administratif » tel que la décision du préfet des Yvelines qui a ordonné la perquisition administration litigieuse et en confirmant l’ordonnance autorisant l’exploitation des données saisies dans le cadre de cette opération, le premier président de la cour d’appel de Paris a violé le principe précité ;

« 2°) alors que l’article 8 de la Convention européenne interdit tout atteinte injustifiée et disproportionnée à l’exercice du droit au respect de la vie privée ; qu’en l’espèce, en se bornant à affirmer que « les soupçons d’agissements prohibés visé supra ont été appréciées in concreto par le premier juge en proportion de l’atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées » et que « la visite domiciliaire, la saisie des terminaux et supports informatiques et l’exploitation des données saisies n’étaient pas disproportionnées eu égard aux enjeux de la prévention de la menace terroriste », le premier président de la cour d’appel de Paris a manqué de procéder à un contrôle approfondi de la proportionnalité de la mesure et, corrélativement, a rendu une décision entachée d’une insuffisance de motivation" ;

Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, le premier président de la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Sur le moyen, pris en sa première branche ;

Attendu que le juge des libertés et de la détention et le premier président, qui n’étaient pas saisis d’une contestation de la décision préfectorale ordonnant la perquisition, se sont déclarés compétents pour statuer sur la régularité de la saisie et sur la demande d’exploitation de certaines des données saisies, assurant ainsi à M. X… une voie de recours effective ;

D’où il suit que le grief ne peut être accueilli ;

Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;

Attendu que, pour rejeter l’argumentation du demandeur, l’ordonnance retient qu’au regard des agissements et des liens présumés de M. X… avec des sites et mouvements djihadistes, l’autorisation d’exploitation des données régulièrement saisies constituait une mesure qui n’était pas disproportionnée face à la menace terroriste, mais s’avérait nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la prévention des infractions pénales et à la protection des droits et libertés d’autrui, sans porter atteinte à la disposition conventionnelle invoquée ; qu’ainsi, le premier président a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 novembre 2018, 18-80.507, Publié au bulletin