Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-19.234, Publié au bulletin

  • Convention européenne des droits de l'homme·
  • Consultation des fichiers biométriques·
  • Ingérence de l'autorité publique·
  • Habilitation du fonctionnement·
  • Habilitation du fonctionnaire·
  • Constatations nécessaires·
  • Respect de la vie privée·
  • Mesures d'éloignement·
  • Compatibilité·
  • Détermination

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

S’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers d’empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses droits

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Catherine Berlaud · Gazette du Palais · 24 novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 14 oct. 2020, n° 19-19.234, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-19234
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2019
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
1re Civ., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-16.852, Bull. 2018, n° ??? (cassation partielle sans renvoi).
Textes appliqués :
article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; articles L. 611-4 et R. 611-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; article 8 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fi chier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur.
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042464447
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C100598
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 598 FS-P+B

Pourvoi n° Z 19-19.234

Aide juridictionnelle totale en demande

au profit de M. B….

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 7 mai 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. U… P… B…, domicilié chez M. N… Q…, […] , a formé le pourvoi n° Z 19-19.234 contre l’ordonnance rendue le 23 janvier 2019 par le premier président de la cour d’appel de Paris, dans le litige l’opposant au préfet de l’Essonne, domicilié […] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. B…, et l’avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l’audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 23 janvier 2019), et les pièces de la procédure, le 19 janvier 2019, M. B…, de nationalité algérienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative.

2. Le 21 janvier 2019, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par le préfet, d’une requête en prolongation de la mesure et, par l’étranger, d’une requête en contestation de la régularité de la décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. B… fait grief à l’ordonnance de prolonger sa rétention, alors « qu’en jugeant que l’absence d’habilitation des agents ne faisait pas grief à l’étranger dès lors qu’elle ne portait pas atteinte à ses droits, en se fondant sur des considérations inopérantes tirées notamment de la manière dont les données personnelles étaient collectées et exploitées, tandis qu’une telle habilitation constitue par elle-même une garantie substantielle, le premier président a violé, ensemble les articles L. 611-4, R. 611-12 et L. 552-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’article 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, L. 611-4 et R. 611-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et 8 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur :

4. Selon le deuxième, les données des fichiers automatisés des empreintes digitales gérés par le ministère de l’intérieur ne peuvent être consultées que par les agents expressément habilités des services du ministère de l’intérieur et de la gendarmerie nationale désignés par les deux derniers de ces textes, dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

5. Au regard de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens du premier de ces textes, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

6. S’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers d’empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses droits.

7. Pour prolonger la mesure de rétention, l’ordonnance retient que, s’il ne résulte pas des pièces relatives aux opérations de contrôle que les agents ayant consulté les fichiers biométriques VISABIO et FAED étaient spécialement habilités à cet effet, d’une part, aucun texte n’impose qu’il en soit fait mention, d’autre part, il n’est pas démontré que la consultation poursuivait d’autres finalités que celles prévues par les textes. Elle en déduit qu’à la supposer irrégulière, celle-ci n’a pas porté atteinte aux droits de l’étranger.

8. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. Les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue, le 23 janvier 2019, par le premier président de la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. B….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’ordonnance infirmative attaquée d’AVOIR rejeté l’exception de nullité et ordonné la prolongation de la rétention administrative de l’exposant, dans les locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours ;

AUX MOTIFS QUE « sur l’exception de nullité tirée du défaut de justification de l’habilitation spéciale des agents qui ont procédé à la consultation des fichiers FAED et VISABIO, à laquelle le premier juge a fait droit, la cour observe que l’examen des pièces relatives à ces opérations de contrôle révèle qu’il ne s’y trouve pas fait mention de l’habilitation individuelle spéciale des agents qui, respectivement, ont consulté les fichiers VISABIO et FAED – étant observé cependant qu’aucune disposition législative ou réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’imposait qu’il fût justifié en procédure de cette habilitation ; qu’au vu toutefois de l’ensemble des pièces du dossier de la procédure, aucune mention ne révèle, ni même ne suggère la possibilité qu’il eût été fait usage du résultat de ces consultations pour des finalités autres que celles de l’identification de l’étranger et de la recherche des éléments permettant d’apprécier le droit de circulation ou de séjour de celui-ci ; et, qu’à cet égard, il doit être rappelé que ces vérifications et donc la consultation des fichiers ont été rendues nécessaires par le fait que M. U… P… B… n’a pas, en dépit de l’obligation à laquelle il était tenu aux termes de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, présenté les pièces et documents sous le couvert desquels il était autorisé à circuler ou à séjourner en France ; qu’en outre, s’agissant du recueil préalable des empreintes digitales, rendu nécessaire pour la consultation du seul FAED – la consultation du fichier VISABIO ne demandant que l’apposition des mains sur une borne – aux fins de permettre la comparaison que celle-ci demandait, il n’est pas davantage établi qu’il aurait donné lieu à un enregistrement, ou à une conservation ; que, dans ces conditions et étant relevé qu’au regard des exigences de l’article 9 du code de procédure civile, elle n’est aucunement démontrée par l’étranger qui l’invoque, l’irrégularité tirée d’une violation des articles L. 611-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour le FAED, et R. 611-12 du même code, pour VISABIO, n’a pu, à la supposer avérée en dépit des procédures hautement sécurisées définies et mises en oeuvre sous le contrôle de la CNIL pour la prévenir, porter atteinte aux droits de l’intéressé au sens de l’article L. 552-13 dudit code, et en particulier à son droit à la protection de ses données personnelles, non plus qu’au respect de sa vie privée ; que, dès lors, l’exception de nullité ne peut qu’être rejetée ; qu’il convient, en conséquence, d’infirmer l’ordonnance querellée et, statuant à nouveau et à défaut de tout autre moyen soulevé par voie de conclusions d’intimé, de rejeter l’exception de nullité, de déclarer recevable la requête de l’autorité administrative et d’ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U… P… B… pour une durée maximale de vingt-huit jours » ;

1°) ALORS QUE les fichiers biométriques FAED et VISABIO permettant l’identification d’une personne de nationalité étrangère placée en rétention ne peuvent être consultés que par des agents expressément habilités à cet effet ; qu’en affirmant qu’une telle habilitation était indifférente, le premier président a violé les articles L. 611-4 et R. 611-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, 8 et 8-1 du décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l’intérieur ;

2°) ALORS QU’ en jugeant que l’absence d’habilitation des agents ne faisait pas grief à l’étranger dès lors qu’elle ne portait pas atteinte à ses droits, en se fondant sur des considérations inopérantes tirées notamment de la manière dont les données personnelles étaient collectées et exploitées, tandis qu’une telle habilitation constitue par elle-même une garantie substantielle, le premier président a violé, ensemble les articles L. 611-4, R. 611-12 et L. 552-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’article 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’ordonnance infirmative attaquée d’AVOIR ordonné la prolongation de la rétention administrative de l’exposant, dans les locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-huit jours ;

AUX MOTIFS QU’ « il convient, en conséquence, d’infirmer l’ordonnance querellée et, statuant à nouveau et à défaut de tout autre moyen soulevé par voie de conclusions d’intimé, de rejeter l’exception de nullité, de déclarer recevable la requête de l’autorité administrative et d’ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. U… P… B… pour une durée maximale de vingt-huit jours » ;

ALORS QU’ en ordonnant, sans aucun motif, la prolongation de la rétention de l’exposant, l’ordonnance attaquée a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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