Cour de cassation, Chambre civile 1, 4 novembre 2020, 19-50.027, Publié au bulletin

  • Non-acquisition de la nationalité française par mariage·
  • Devoirs et droits respectifs des époux·
  • Acquisition à raison du mariage·
  • Nationalité française·
  • Communauté de vie·
  • Caractérisation·
  • Acquisition·
  • Nationalité·
  • Conditions·
  • Mariage

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Selon l’article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, l’étranger ou l’apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.

La situation de bigamie d’un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 4 nov. 2020, n° 19-50.027, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-50027
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 16 janvier 2019
Textes appliqués :
Article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011.
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042524876
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:C100648
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Cassation sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 648 FS-P+B

Pourvoi n° V 19-50.027

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2020

Le procureur général près la cour d’appel de Douai, domicilié en son parquet général, 1 place Pollinchove, BP 20507, 59507 Douai cedex, a formé le pourvoi n° V 19-50.027 contre l’arrêt rendu le 17 janvier 2019 par la cour d’appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l’opposant à Mme Y… G…, épouse F…, domiciliée […] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Acquaviva, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de Mme G…, et l’avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l’audience publique du 15 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Acquaviva, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 17 janvier 2019), Mme G…, originaire d’Algérie, a contracté mariage en 1998, dans ce pays, avec un Français. Cette union a été transcrite sur les registres de l’état civil français le 30 juillet 2007. Mme G… a souscrit, le 6 mai 2014, une déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, laquelle a été enregistrée le 9 février 2015.

2. Le 14 mars 2016, le ministère public l’a assignée en nullité de cet enregistrement, en soutenant que l’état de bigamie de son conjoint français excluait toute communauté de vie.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. Le ministère public fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation de la déclaration d’acquisition de la nationalité française par mariage souscrite par Mme G…, alors :

« 1°/ qu’en application l’article 26-4, alinéa 3, du code civil, l’enregistrement d’une déclaration acquisitive nationalité française peut, en cas de mensonge ou de fraude, être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ; que ce texte ne distingue pas, en matière d’acquisition de la nationalité française par mariage, selon l’époux auteur du mensonge ou la fraude; qu’en l’espèce, lors de la déclaration de nationalité française souscrite le 6 mai 2014 par Mme G…, le nouveau mariage de M. F… avec Mme P…, célébré 10 novembre 2010, a été dissimulé ; que dès lors, en retenant l’existence d’une vie commune entre Mme G… et M. F…, sans reconnaître la fraude commise lors de la souscription de la déclaration, peu important que cette fraude émane de M. F… ou des deux époux, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française par mariage, et à laquelle s’obligent les époux en application de l’article 215 du code civil, est un élément de la conception monogamique française du mariage ; que la bigamie est incompatible avec l’existence d’une communauté de vie au sens de l’article 21-2 du code civil ; que la cour d’appel a constaté la bigamie de l’époux en relevant que M. F… s’est marié en 1998 avec Mme G… puis le 10 novembre 2010 avec Mme P… ; que dès lors, en considérant qu’en dépit de la nouvelle union de M. F… en 2010, la persistance de la vie commune avec Mme G… au jour de la déclaration était caractérisée par le fait que les époux avaient fondé une famille nombreuse et avaient un domicile commun, la cour d’appel a violé l’article 21-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 :

5. Selon ce texte, l’étranger ou l’apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.

6. La situation de bigamie d’un des époux à la date de souscription de la déclaration, qui est exclusive de toute communauté de vie affective, fait obstacle à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger.

7. Pour rejeter la demande, l’arrêt retient que les époux ont vécu ensemble pendant près de vingt ans et donné naissance à cinq enfants dont les deux derniers sont nés sur le territoire français en 2005 et 2013, ce qui caractérise l’existence d’une intention matrimoniale persistante ainsi qu’une communauté de vie réelle et constante au sens de l’article 215 du code civil.

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que le conjoint français de Mme G… avait contracté en 2010 une nouvelle union, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, et 627 du code de procédure civile.

10. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement du 19 octobre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Lille, sauf en ce qu’il constate l’accomplissement de la formalité prescrite à l’article 1043 du code de procédure civile et déclare recevable l’action du procureur de la République ;

Annule l’enregistrement effectué le 9 février 2015 de la déclaration de nationalité française souscrite par Mme Y… G… le 6 mai 2014 ;

Constate l’extranéité de Mme G… ;

Ordonne la mention prescrite par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme G… aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par le procureur général près la cour d’appel de Douai.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris qui avait débouté le ministère public de sa demande d’annulation de la déclaration d’acquisition de la nationalité française par mariage souscrite par Mme G…,

Aux motifs que :

« Le ministère public fait valoir que la situation de bigamie de M. F… suffit à établir que les conditions de la souscription par Mme G… d’une déclaration de nationalité française à raison de son mariage n’étaient pas remplies, sans que l’intéressée puisse l’ignorer, et que l’attestation sur l’honneur de communauté de vie produite par les époux au soutien de la déclaration de Mme G… était mensongère.

Il résulte des mentions de la copie intégrale d’acte de naissance de M. D… F…, produite aux débats, que celui-ci a été marié à trois reprises :

— en 1995, à Djemora (Algérie) avec Mme R… P…, leur divorce ayant ensuite été prononcé par jugement en date du 14 juillet 1998 ;

— en 1998, à Djemora (Algérie), avec Mme Y… G… ;

— le 20 novembre 2000 à Biskra (Algérie) avec Mme C… A…, ce mariage ayant été annulé par jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 7janvier 2010, devenu définitif.

En outre, le document intitulé 'Extrait des registres des actes de mariage’ communiqué par le ministère public porte mention du mariage célébré le 10 novembre 2010 à Djemora entre M. D… F…, né le […] à Vitry le François en France et Mme R… P…, née le […] à Batna en Algérie, l’acte d’état civil portant le n° 35 à la suite d’un jugement du 25 janvier 2011 de la Makhama de Biskra.

Si cet acte comporte des erreurs d’orthographe sur le prénom et le nom de Mme P…, force est de constater que l’existence de l’acte d’état civil n° 35 relatif au mariage de M. F… et Mme P… est corroborée par l’extrait du livret de famille algérien sur le quel figure le nom de Mme P… en qualité de 2ème épouse à la suite du mariage célébré le 10 novembre 2011 à Djemora de sorte que la preuve du mariage célébré le 10 novembre 2010 entre M. F… et Mme P… est rapportée aux débats.

L’article 215 du code civil dispose que les époux s’engagent mutuellement à une communauté de vie.

Le respect de cette communauté de vie doit s’apprécier, pour l’application de l’article 21-2 du code civil précité, dans sa double dimension matérielle et affective.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme G… a attendu le 6 mai 2014 pour souscrire sa déclaration de nationalité française alors que le mariage avait été transcrit sur les registres de l’état civil le 30 juillet 2007.

En outre, la persistance de la communauté de vie de M. et Mme F… G… pendant près de 20 ans, qui n’est pas contestée par le ministère public, et le fait qu’ils aient fondé une famille nombreuse avec la naissance de cinq enfants dont les deux derniers sont nés sur le territoire français en 2005 et 2013 caractérisent l’existence d’une intention matrimoniale persistante ainsi qu’une communauté de vie réelle et constante au sens de l’article 215 du code civil précité.

Ainsi, en dépit de la nouvelle union de M. F… en 2010, la communauté de vie tant affective que matérielle de Mme G… et de M. F… a persisté au jour de la souscription de la déclaration de nationalité, les deux époux ayant un domicile commun en France et ayant donné naissance à un enfant commun en 2013, démontrant une réelle volonté de vivre durablement en union.

De plus, le tribunal a justement rappelé que la conception d’une vie commune dans le mariage excluant que les époux aient des secrets l’un pour l’autre, ne répond à aucun impératif législatif ou jurisprudentiel, le juge ayant pour unique mission d’apprécier la réalité de la communauté de vie existant entre les époux au jour de la souscription de la déclaration de nationalité française.

Par ailleurs, le mariage de M. F… avec Mme A…, célébré le 20 novembre 2000 à Biskra, a été annulé par jugement du tribunal de grande instance de Nantes le 7 janvier 2010 de sorte qu’il ne rend pas caduque la déclaration de nationalité souscrite de bonne foi par Mme G… le 6 mai 2014 en vertu des dispositions de l’article 21-5 du code civil.

En conséquence, la preuve de l’existence d’une communauté de vie réelle et constante de M. F… et Mme G… au jour de la souscription de la déclaration de nationalité étant rapportée aux débats, il y a lieu de débouter le ministère public de l’ensemble de ses demandes";

1/ Alors qu’en application de l’article 26-4, alinéa 3, du code civil, l’enregistrement d’une déclaration acquisitive nationalité française peut, en cas de mensonge ou de fraude, être contesté par le ministère public dans le délai de deux ans à compter de leur découverte ; que ce texte ne distingue pas, en matière d’acquisition de la nationalité française par mariage, selon l’époux auteur du mensonge ou de la fraude ; qu’en l’espèce, lors de la déclaration de nationalité française souscrite le 6 mai 2014 par Mme G…, le nouveau mariage de M. F… avec Mme P…, célébré le 10 novembre 2010, a été dissimulé ; que dès lors, en retenant l’existence d’une vie commune entre Mme G… et M. F…, sans reconnaître la fraude commise lors de la souscription de la déclaration, peu important que cette fraude émane de M. F… ou des deux époux, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2/ Alors que la communauté de vie requise pour acquérir la nationalité française par mariage, et à laquelle s’obligent les époux en application de l’article 215 du code civil, est un élément de la conception monogamique française du mariage ; que la bigamie est incompatible avec l’existence d’une communauté de vie au sens de l’article 21-2 du code civil ; que la cour d’appel a constaté la bigamie de l’époux en relevant que M. F… s’est marié en 1998 avec Mme G… puis le 10 novembre 2010 avec Mme P… ; que dès lors, en considérant qu’en dépit de la nouvelle union de M. F… en 2010, la persistance de la vie commune avec Mme G… au jour de la déclaration était caractérisée par le fait que les époux avaient fondé une famille nombreuse et avaient un domicile commun, la cour d’appel a violé l’article 21-2 du code civil ;

3/ Alors que le ministère public contestait toute communauté de vie entre les conjoints du fait de la bigamie de l’époux ; qu’en affirmant que la persistance de la communauté de vie entre M. et Mme F… G… n’était pas contestée par le ministère public, la cour d’appel a dénaturé les conclusions du ministère public et a violé l’article 4 du code de procédure civile.

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