Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 mars 2022, 19-25.406, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 9 mars 2022, n° 19-25.406
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-25.406
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 21 octobre 2019
Textes appliqués :
Article 455 du code de procédure civile.
Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 14 mars 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045388286
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:CO00174
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 9 mars 2022

Cassation partielle

M. MOLLARD, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 174 F-D

Pourvoi n° G 19-25.406

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 MARS 2022

Mme [N] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-25.406 contre l’arrêt rendu le 22 octobre 2019 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [S] [T], domicilié [Adresse 3],

2°/ à M. [F] [W], domicilié [Adresse 2],

3°/ à Mme [J] [Y], domiciliée [Adresse 6],

4°/ à Mme [H] [P], domiciliée [Adresse 7],

5°/ à la société Holdibio, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

6°/ à M. [S] [X], domicilié [Adresse 5],

7°/ à la société C+Bio, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de MM. [T] et [W], de Mmes [Y] et [P], et de la société Holdibio, après débats en l’audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 octobre 2019), le capital de la Selarl C+Bio est réparti entre MM. et Mmes [T], [W], [X], [Y], [A], [E] et la société Holdibio. MM. et Mmes [T], [W], [X], [A] et [E] sont cogérants de la société C+Bio et Mme [Y], salariée de cette dernière.

2. Lors d’une assemblée générale tenue le 3 décembre 2014, ont été votées plusieurs résolutions, dont la première attribuait une prime exceptionnelle d’un montant de 390 000 euros aux associés cogérants et à l’associé salariée et la deuxième répartissait cette prime en excluant Mme [E] de son bénéfice.

3. Soutenant que ses coassociés avaient commis un abus de majorité, Mme [E] les a assignés notamment en annulation de ces deux résolutions.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [E] fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes d’annulation des première et deuxième résolutions de l’assemblée générale du 3 décembre 2014, alors « que le juge ne peut statuer par de simples affirmations, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu’en l’espèce, pour démontrer que le versement de la prime de 390 000 euros à leur seul profit était justifié, les associés de la société C+Bio produisaient aux débats un rapport d’audit de connexions informatiques faisant état d’une augmentation cumulée de l’activité de chacun des associés de + 80 % qui correspondait exclusivement au remplacement de Mme [E] dont la baisse d’activité était établie à – 98 % ; qu’en affirmant qu’en tout état de cause, l’attribution d’une prime exceptionnelle de 390 000 euros aux seuls associés présents étaient justifiée en ce qu’elle était « répartie notamment en fonction du volume d’activité des associés soit du travail fourni », sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

7. Pour exclure que les première et deuxième résolutions de l’assemblée générale du 3 décembre 2014 aient été prises dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de Mme [E], associée minoritaire, et rejeter la demande d’annulation de ces résolutions fondée sur l’abus de majorité, l’arrêt retient que la prime litigieuse a été répartie entres les coassociés de Mme [E] en fonction de leur volume d’activité, soit du travail fourni, cette dernière n’ayant exercé que quelques heures durant l’exercice concerné.

8. En statuant ainsi, sans indiquer sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir que le critère d’attribution et de répartition de la prime était le volume d’activité de chacun des associés au cours de l’exercice 2014, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes d’annulation des première et deuxième résolutions de l’assemblée générale de la société C+Bio du 3 décembre 2014 et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 22 octobre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles autrement composée ;

Condamne M. [T], M. [W], Mme [Y], Mme [P] et la société Holdibio aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [T], M. [W], Mme [Y], Mme [P] et la société Holdibio et les condamne à payer à Mme [E] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [E].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Madame [E] de ses demandes tendant à l’annulation des première et deuxième résolutions de l’assemblée générale ordinaire du 3 décembre 2014 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande d’annulation des première et deuxième résolutions, il appartient à Madame [E] de démontrer que ces résolutions ont été adoptées contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité, elle-même ; que les deux conditions doivent être remplies ; que ces résolutions portent sur la distribution d’une prime exceptionnelle d’un montant global de 390.000 € et sur sa répartition ; que toute décision de distribuer une prime exceptionnelle a pour conséquence de diminuer les dividendes versés aux associés ; qu’elle n’est pas, pour autant, contraire par nature à l’intérêt social ; qu’en l’espèce, son montant est nettement inférieur aux bénéfices sociaux, 621.558, 37 €, et au chiffre d’affaires, 7.889.999,64 € ; que les intimés justifient, en tant que de besoin, d’un surcroît d’activité dû à la réalisation de travaux ou à l’installation de nouveaux appareils, outre le remplacement de l’appelante ; qu’enfin, une telle prime a été distribuée les années précédentes, Madame [E] – qui votait en sa faveur – ne pouvant que considérer qu’elle n’était pas contraire à l’intérêt social ; qu’elle n’allègue ni ne démontre que les circonstances justifiant alors cette décision étaient différentes ; que l’appelante ne rapporte donc pas la preuve que la décision de distribuer cette prime est contraire à l’intérêt social ; que, surabondamment, la répartition inégalitaire d’une telle prime ne suffit pas à caractériser un abus de majorité ; qu’en l’espèce, elle a été répartie notamment en fonction du volume d’activité des associés soit du travail fourni ; que Madame [E] n’a exercé que quelques heures durant l’exercice concerné ; que son exclusion du bénéfice de cette prime ne caractérise ainsi pas un abus de majorité ; que Madame [E] ne démontre donc pas l’existence d’un abus de majorité ; que sa demande sera dès lors rejetée ; qu’il en sera de même, en conséquence, de celle tendant à ordonner aux associés de restituer à la société C+Bio les sommes perçues par eux en application de ces résolutions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame [E] souhaite que les deux premières résolutions soient déclarées nulle et de nul effet ; qu’elle rapporte que le vote de ces résolutions s’est fait par un abus de majorité ; que ces résolutions visaient à voter puis redistribuer une prime exceptionnelle d’un montant de 390.000 € entre tous les associés à l’exception de Madame [E] ; que le vote en assemblée constitue un abus de majorité dès lors que la décision adoptée contrevient à l’intérêt social et qu’elle favorise l’intérêt du groupe d’associé majoritaire au détriment des associés minoritaires ; que Madame [E] signale que si elle s’est retrouvée exclue du versement de cette prime, c’est en raison de ses arrêts maladie au cours de l’année 2014 ; qu’ainsi, elle soutient que la répartition du versement de cette prime ne doit pas dépendre du nombre d’heures travaillées, mais seulement de sa qualité d’associé ; qu’elle rapporte également que durant les années précédentes, cette prime était versée entre tous les associés sur la seule base du nombre de parts sociales que chacun détenait ; que Madame [E] allègue que même en étant en arrêt maladie, elle conserve sa qualité d’associé et qu’en aucun cas, elle ne pouvait perdre le bénéfice de cette prime ; qu’elle souhaite donc que les primes versées aux autres associés soient restituées à la société C+BIO ; que les défendeurs soulignent que la demanderesse ne rapporte pas la preuve des conditions précitées pour que l’abus de majorité soit établi ; qu’en effet, ils rappellent que Madame [E] avait pris favorablement position en décembre 2012 et 2013 pour le versement d’une prime similaire ; que les défendeurs rapportent également qu’ils ont connu un surcroît de travail par rapport aux armées précédentes, notamment dû à la charge de travail supplémentaire durant l’année 2014 à cause des absences de Madame [E] ; qu’enfin, la société C+BIO rétorque que les comptes de la société ont bien été approuvés par un expert-comptable lors de l’assemblée d’approbation ; qu’elle rajoute que l’allégation de Madame [E] est pour le moins étonnante car cette pratique est constante dans la société depuis 2012 ; qu’ainsi, il conviendra de constater que ce type d’attribution exceptionnelle d’une prime adoptée en assemblée générale a déjà eu lieu les années précédentes et que Madame [E] ne s’y était pas opposée ; que, dès lors, puisque Madame [E] ne prouve pas en quoi la résolution est contraire à l’intérêt social et qu’elle avait déjà voté pour une décision similaire par le passé, il conviendra de rejeter sa demande d’annulation des deux premières résolutions ;

1°) ALORS QUE, tenus de justifier leurs décisions, les juges doivent préciser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu’en l’espèce, l’allégation des associés de la société C+BIO quant à la réalisation de travaux d’envergure en 2014 justifiant l’octroi d’une prime exceptionnelle de 390.000 € aux seuls associés présents durant l’arrêt de travail de Madame [E] n’était assortie d’aucune offre de preuve (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P], p. 16 § 4 ; concl. [X], p. 7 § 3) ; qu’en affirmant, pour exclure tout abus de majorité, que les intimées justifiaient d’un surcroît d’activité dû à la réalisation de travaux, sans indiquer sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par de simples affirmations, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu’en l’espèce, l’allégation selon laquelle l’installation de nouveaux appareils aurait accaparé l’ensemble des associés du fait des « très nombreuses tâches de validation des méthodes et de paramétrage informatique, ainsi que la formation complète des biologistes et du personnel technique » (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P] p. 16 § 4 in fine) était exclusivement fondée sur un courriel de Madame [P] sollicitant un report de 10 jours de congés supplémentaires à la suite de l’installation, par ses soins, d’automates Siemens en juillet 2014 (pièce adv. n° 14) ; qu’en affirmant que l’attribution d’une prime exceptionnelle de 390.000 € aux seuls associés présents durant l’arrêt de travail de Madame [E] en 2014 était justifiée par le surcroît d’activité auquel ils avaient dû faire face du fait de l’installation de nouveaux appareils, sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la rupture intentionnelle d’égalité entre associés au détriment d’un minoritaire n’est exclusive d’un abus de majorité que si cette discrimination est justifiée par un intérêt social ; qu’en affirmant que l’attribution d’une prime exceptionnelle de 390.000 € aux seuls associés présents durant l’arrêt de travail prolongé de Madame [E] était justifiée par le fait qu’ils avaient assumé sa charge de travail durant cette période, sans rechercher, ainsi qu’il lui était pourtant demandé (concl. p. 12 § 3), si ce surcroît d’activité des associés présents n’était pas d’ores et déjà compensé par l’octroi d’une prime distincte de 87.617 € (résolution n° 3), correspondant à la rémunération non versée à l’intéressée durant son absence, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par de simples affirmations, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner les éléments de preuve sur lesquels il se fonde ; qu’en l’espèce, pour démontrer que le versement de la prime de 390.000 € à leur seul profit était justifié, les associés de la société C+BIO produisaient aux débats un rapport d’audit de connexions informatiques faisant état d’une augmentation cumulée de l’activité de chacun des associés de + 80 % qui correspondait exclusivement au remplacement de Madame [E] dont la baisse d’activité était établie à – 98 % (pièce HOLDIBIO, n° 8, p. 2) ; qu’en affirmant qu’en tout état de cause, l’attribution d’une prime exceptionnelle de 390.000 € aux seuls associés présents étaient justifiée en ce qu’elle était « répartie notamment en fonction du volume d’activité des associés soit du travail fourni », sans viser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU’une décision favorisant les membres de la majorité au détriment des minoritaires est conforme à l’intérêt social lorsque cette discrimination est justifiée par les intérêts supérieurs de la personne morale ; qu’en affirmant que Madame [E] ne pouvait contester la conformité à l’intérêt social de la distribution d’une partie substantielle des dividendes sous forme de prime exceptionnelle au seul profit des majoritaires dès lors qu’une telle prime avait été distribuée par le passé avec son accord quand le seul fait que cette dernière ait antérieurement bénéficié d’une telle prime n’était pas de nature à justifier le traitement inégalitaire dont elle avait fait l’objet en 2014, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240, du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté Madame [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier et de sa demande tendant à l’annulation de la troisième résolution de l’assemblée générale ordinaire du 3 décembre 2014 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande tendant au paiement de la somme de 64.108,35 € à titre de dommages et intérêts, cette demande est fondée, selon l’appelante, sur la violation du pacte d’associés du 25 mai 2004 auquel elle aurait adhéré ; qu’il lui appartient donc de démontrer, comme elle le prétend, qu’elle a signé ce pacte et que celui-ci régit les rapports des associés ; que Madame [E] a acquis ses titres, vendus par Monsieur [G], selon acte sous conditions suspensives du 23 juillet 2004, conditions devant être réalisées avant le 31 décembre 2004 ; qu’à cet acte, a été annexé le pacte d’associés conclu le 25 mai 2004 entre les associés, alors, de la société ; qu’un pacte d’associés a été conclu le 10 octobre 2004 et a été transmis à l’ordre des pharmaciens ; que le nom de Madame [E] figure parmi les soussignés ; qu’il est constant qu’elle ne l’a pas signé ; que Madame [E] a produit en cours de procédure diverses versions du pacte du 25 mai 2004 ; qu’elle excipe de sa signature, le 10 septembre 2010, de ce pacte ; qu’aucun acte original supplémentaire comportant la signature de tous les associés n’est produit ; que Madame [E] ne justifie pas davantage qu’il a été « fait en autant d’originaux que de parties » ; qu’elle ne peut donc se prévaloir que d’un commencement de preuve par écrit que constituerait ce document ; que la présentation de ce pacte lors de la conclusion de l’acte d’achat des parts sociales sous conditions suspensives ne peut constituer un complément du prétendu commencement de preuve par écrit en l’absence de l’accord des autres associés ; que le procès-verbal de l’assemblée générale du 10 septembre 2010 – qui n’a pas été annulée – mentionne : « Le pacte d’associé de 2004 est signé par [N] [E] » ; qu’il ne résulte pas de cette mention que Madame [E] a signé le pacte de mai 2004 et non celui d’octobre 2004 et, ainsi, que les associés lui ont présenté pour signature le pacte du 25 mai 2004 ; que Madame [E] ne peut donc exciper utilement de ce procès-verbal pour justifier de sa signature portée sur l’exemplaire du pacte d’associés qu’elle produit et datée du 10 septembre 2010 ; qu’il ne peut résulter de l’apposition de la signature de Madame [A] sur la copie du pacte d’associés produite par l’appelante que les associés ont soumis ledit pacte à la signature de celle-ci ; qu’enfin, la référence à ce pacte dans un courrier adressé à Madame [E] le 14 janvier 2015 par les gérants ne peut être source de droits compte tenu de l’objet du courrier et de la référence limitée à ce pacte ; que, par conséquent, que Madame [E] ne rapporte nullement la preuve que le document qu’elle produit démontre l’accord de tous les associés pour l’application du pacte du 25 mai 2004 ; que la preuve de cet accord est d’autant plus nécessaire qu’en application des articles 1134 et 1165 anciens du code civil, toute extension des droits et obligations nés d’un contrat à une nouvelle partie impose de recueillir l’accord des signataires initiaux ; qu’elle rapporte d‘autant moins cette preuve que les associés avaient conclu un autre pacte, signé le 10 octobre 2004 rendant caduc le pacte précité ; que, par conséquent, [E] ne peut se prévaloir utilement du pacte conclu le 25 mai 2004 ; que sa demande indemnitaire fondée sur celui-ci sera donc rejetée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le pacte d’associés daté du 25 mai 2004 dont se prévaut Madame [E], les défendeurs indiquent que les différentes versions du pacte dont se prévaut Madame [E] ne concordent pas et comportent de multiples incohérences ; qu’ils soulignent que la première version du pacte d’associés compte six soussignés au niveau de l’entête du document, alors que onze signatures apparaissent en bas de page ; qu’ils indiquent également qu’il ne figure à la dernière page aucune mention du nombre d’exemplaires originaux signés ; que Madame [E] a donc fourni ultérieurement une seconde version du document ; que les défendeurs allèguent que cette version soulève elle aussi un certain nombre de difficultés ; que, là encore, le document ne comporte aucune mention du nombre d’exemplaires originaux signés ; que, qui plus est, alors qu’il est postérieur au précédent, notamment au regard de la signature de Madame [P] datée du 27 mars 2014, cette version du pacte d’associés comporte moins de signature en bas de page que le précédent ; qu’enfin, les défendeurs constatent qu’aucun de ces deux documents n’a été transmis à l’Ordre des pharmaciens ; que, dès lors, vu les articles 1325 et 1165 du Code civil dans leur rédaction applicable au présent litige et puisque les différentes versions du pacte d’associé dont se prévaut Madame [E] comportent des incohérences manifestes, il conviendra de dire que ledit pacte d’associés ne pourra produire aucun effet juridique,

1°) ALORS QUE le pacte d’associés a pour objet d’organiser le fonctionnement de la société et le mouvement des titres dans l’intérêt social et, par suite, de s’appliquer à toute personne ayant la qualité d’associé qui y a adhéré ; qu’il n’en est autrement qu’en présence d’une clause de ratification subordonnant l’adhésion au pacte d’un nouvel associé à son acceptation par les signataires initiaux ; qu’en l’espèce, le pacte d’associés du 25 mai 2004 subordonnait exclusivement « l’entrée de tout nouvel associé (…) à son adhésion aux statuts et au règlement intérieur de la SEL » (pièce n° 14, p. 35 dern. §) ; qu’en affirmant de façon péremptoire que « toute extension des droits et obligations d’un pacte d’associés à une nouvelle partie supposait de recueillir l’accord des signataires originaux » pour en déduire que le pacte du 25 mai 2004, auquel avait adhéré Madame [E] en le signant (pièce n° 14), ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit en l’absence d’un acte supplémentaire comportant la signature de tous les associés, sans autrement vérifier les conditions d’adhésion stipulées au pacte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1165 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE la preuve des actes juridiques contenant des obligations dont la valeur ne dépasse pas 1.500 € peut être rapportée par tout moyen ; qu’en l’espèce, les parties adverses se bornaient à affirmer que le pacte d’associés du 25 mai 2004 était dénué de force probante pour ne pas avoir été établi en autant d’originaux qu’il y avait de parties conformément à l’ancien article 1325 du code civil, sans jamais prétendre que ce pacte, qui avaient pour seul « objet de préciser les modalités et les termes de [l']association » des biologistes au sein de la SELARL C+BIO (pièce n° 14 p. 35 « Objectifs » § 2), comportait des engagements d’une valeur supérieure à 1.500 € (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P], p. 35 § 1 et s., p. 38 § 5 et s. et p. 39) ; qu’en affirmant que le pacte d’associé du 25 mai 2004 auquel avait adhéré Madame [E] en le signant (pièce n° 14) ne constituait qu’un commencement de preuve par écrit dès lors qu’elle ne justifiait pas qu’il avait été « fait en autant d’originaux que de parties », sans se prononcer, ainsi qu’elle y était tenue, sur la valeur des engagements que contenait cette convention, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1341 et 1325 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE l’inobservation des prescriptions de l’article 1325 ancien du code civil quant à l’établissement d’un acte « en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct » est sans portée dès lors que les parties ne contestent ni l’existence de l’écrit ni son contenu ; qu’en l’espèce, les parties adverses se bornaient à soutenir que la copie du pacte du 25 mai 2004 signé par tous les associés de la société C+BIO qui figurait au dossier (pièce n° 14) était dénuée de force probante faute de répondre aux prescriptions de l’article 1325 ancien du code civil (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P], p. 35 § 1 et s., p. 38 § 5 et s. et p. 39) et, sur le fond, que cet acte serait devenu caduc à la suite de la conclusion d’un nouveau pacte le 10 octobre 2004 (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P], p. 39 § 6 et s. ; concl. [X], p. 5) ; qu’en affirmant que la copie du pacte du 25 mai 2004 signé par Madame [E] ne pouvait constituer qu’un commencement de preuve par écrit dès lors qu’elle ne justifiait pas qu’il avait été « fait en autant d’originaux que de parties » quand ni l’existence ni le contenu de cet écrit n’étaient contestés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1325, 1347 et 1348 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut débouter une partie de ses prétentions après avoir caractériser qu’elle rapportait la preuve de ses allégations ; qu’en affirmant que la mention du procès-verbal de l’assemblée générale du 10 septembre 2010 selon laquelle « le pacte d’associé de 2004 est signé par [N] [E] » était sans valeur probante dès lors qu’elle ne permettait pas d’établir avec certitude que c’est le pacte de mai 2004 et non celui d’octobre 2004 que les associés lui avaient alors soumis pour signature, après avoir cependant constaté que si « le nom de Mme [E] figure parmi les soussignés [du pacte d’associés conclu le 10 octobre 2004], il est constant qu’elle ne l’a pas signé », ce dont il résulte que le procès-verbal d’assemblée générale ne pouvait viser que le pacte du 25 mai 2004 signé par tous les associés, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil, ensemble l’article 1347 du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) ALORS QU’il incombe exclusivement à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en prouver l’existence et le contenu ; que Madame [E] faisait valoir que c’est l’article 6 du pacte d’associés du 25 mai 2004, prévoyant un « salaire maintenu en intégralité par avance de société » en cas de maladie de longue durée, qui était applicable en l’espèce et non pas le pacte du 10 octobre 2010 qu’elle n’avait pas signé et qui cantonnait le versement de cette rémunération à 90 jours après le début de l’arrêt de travail (concl. [E] p. 26 et s. ; pièce n° 3 p. 25 § 2 – concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P] p. 39-40 et concl. [X], p. 5) ; que l’exposante faisait valoir que, dans leur lettre du 14 janvier 2015, les associés gérants de la société C+BIO ont confirmé, en le citant in extenso, que c’est l’article 6 du pacte d’associés du 25 mai 2004 qui lui était applicable (concl. p. 22 et pièce n° 12) ; qu’en affirmant que cette lettre ne pouvait « être source de droits compte tenu de son objet et de la référence limitée au pacte » quand il lui incombait de rechercher, concrètement, s’il résultait des énonciations de ce courrier que c’est bien l’article 6 du pacte du 25 mai 2004 qui était applicable à Madame [E] durant son arrêt de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1315 du code civil, ensemble l’article 1347 du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

6°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par de simples affirmations ; qu’en l’espèce, Madame [E] faisait valoir que ce n’est que le 27 mars 2014, lorsque le pacte d’associés du 24 mai 2004 avait été soumis pour signature à Madame [A], qu’elle avait pu se procurer un exemplaire original du pacte, dont la copie était versée au dossier (concl. p. 20 § 1 et p. 22 § 5 et pièce n° 3) ; qu’en affirmant de manière péremptoire que la signature par Madame [A] d’une copie de ce pacte ne permettait pas d’établir que les associés lui avait soumis ledit pacte pour signature sans analyser, même sommairement, ce document dont il ne résultait pas que Madame [A] avait apposé sa signature originale sur une simple copie, ni dire pourquoi Madame [A] aurait paraphé, daté et signé ce pacte s’il ne lui avait pas été présenté par les associés à la suite de son entrée au capital de la société C+BIO, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QU’un contrat ne peut être révoqué sans l’accord de toutes les parties contractantes ; qu’en l’espèce, après avoir admis que le pacte qui avait été conclu le 10 octobre 2004 n’avait pas été signé par toutes les parties à la convention initiale du 25 mai 2004, les associés de la société C+BIO se sont bornés à affirmer que l’acte du 10 octobre 2004 avait rendu caduc leur précédent engagement (concl. HOLDIBIO, [Y], [T], [W] et [P], p. 39 § 5 et s.) ; qu’en faisant sienne cette affirmation sans autrement caractériser l’existence d’un mutuus dissensus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 mars 2022, 19-25.406, Inédit