Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2022, 21-14.060, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En application des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Bougnaoui et Association de défense des droits de l’homme (ADDH)/Micropole, C-188/15) que, par analogie avec la notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante » prévue à l’article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la notion d’« exigence professionnelle véritable et déterminante », au sens de l’article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : « such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement ».

Doit en conséquence être censuré l’arrêt qui, pour débouter un salarié engagé en qualité de steward de ses demandes fondées notamment sur la discrimination, après avoir constaté que l’employeur lui avait interdit de se présenter à l’embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l’intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n’était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe, d’une part se prononce par des motifs, relatifs au port de l’uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel de la compagnie aérienne et préserver l’image de celle-ci, d’autre part se fonde sur la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l’article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006

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Commentaires39

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DAEM Partners · 11 avril 2024

Adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale, cette loi vise à ajouter la discrimination fondée sur la coupe, la texture, la couleur, la longueur des cheveux aux déjà très nombreux motifs de discrimination prohibés… Le texte finalement adopté par l'Assemblée Nationale le 28 mars dernier, ajoute les mots « notamment capillaire » à l'interdiction de discrimination liée à l'apparence physique. D'un point de vue strictement juridique, cette loi est inutile. A commencer par l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'apparence, dont relèvent les cheveux, mais également par …

 

Village Justice · 10 avril 2024

De façon plus ou moins inattendue, le sujet du style capillaire s'est exporté des salons de coiffures et des salles de bains improvisées en laboratoires, pour être débattu au sein des assemblées parlementaires. Au sommaire de cet article... 1. Le texte proposé ou adopté consacre-t-il un droit nouveau, une obligation ou une infraction nouvelle ? 2. Le texte permettra-t-il une application effective ? Au premier abord ce texte constitué d'un article unique semble être un cheval de bataille pour la lutte contre la discrimination au nom du sacro-saint principe d'égalité. …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 21-14.060, Publié au bulletin
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 21-14060
Importance : Publié au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 5 novembre 2019
Précédents jurisprudentiels : Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-24.079, Bull., (rejet). CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15.
Soc., 14 avril 2021, pourvoi n° 19-24.079, Bull., (rejet). CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15.
Textes appliqués :
Articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail ; articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 2 mars 2023
Identifiant Légifrance : JURITEXT000046651978
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO01329
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 23 novembre 2022

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 1329 FP-B+R

Pourvoi n° S 21-14.060

Aide juridictionnelle totale en demande

au profit de M. [T].

Admission du bureau d’aide juridictionnelle

près la Cour de cassation

en date du 14 janvier 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

M. [U] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 21-14.060 contre l’arrêt rendu le 6 novembre 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l’opposant à la société Air France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Intervenant volontaire :

L’association SOS Racisme – touche pas à mon pote, dont le siège est [Adresse 3].

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou et Mme Sommé, conseillers, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Air France, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de l’association SOS Racisme-touche pas à mon pote, les plaidoiries de Me Grévy pour M. [T] et celles de Me Le Prado pour la société Air France, et l’avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 octobre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller corapporteur, Mme Sommé, conseiller corapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, MM. Rinuy, Pion, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, MM. Sornay, Rouchayrole, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Valéry, Prieur, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention

1. Il est donné acte à l’association SOS Racisme – touche pas à mon pote de son intervention.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2019) et les productions, M. [T] a été engagé le 7 mai 1998 par la société Air France, en qualité de steward.

3. A compter de 2005, le salarié s’est présenté coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l’embarquement, lequel lui a été refusé par l’employeur au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Par la suite et jusqu’en 2007, le salarié a porté une perruque pour exercer ses fonctions.

4. Soutenant être victime de discrimination, il a saisi, le 20 janvier 2012, la juridiction prud’homale de diverses demandes.

5. Le 13 avril 2012, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied sans solde de cinq jours pour présentation non conforme aux règles de port de l’uniforme.

6. Le 17 février 2016, le salarié a été déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel navigant commercial, en raison d’un syndrome dépressif reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie.

7. Après avoir bénéficié d’un congé de reconversion professionnelle et confirmé qu’il ne souhaitait pas de reclassement au sol, il a été licencié le 5 février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

8. En cause d’appel, le salarié a demandé la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, d’un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2014 et les congés payés afférents, la nullité de son licenciement et en conséquence la condamnation de l’employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, d’un solde de préavis avec les congés payés afférents et d’une indemnité de licenciement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses huitième et neuvième branches

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de ses demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis, de congés payés afférents et d’indemnité de licenciement, alors :

« 8°/ que s’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu’en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l’image de la compagnie Air France, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail ;

9°/ que s’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le salarié n’avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu’il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que ‘'les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination'‘ ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d’appel s’est bornée à faire état d’une ‘'différence d’apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage'‘ et à affirmer que ‘'ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination'‘ ; qu’en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d’appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les articles 2, § 1, et 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail :

10. Il résulte de ces textes que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché.

11. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que par analogie avec la notion d'‘'exigence professionnelle essentielle et déterminante'‘ prévue à l’article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, la notion d'‘'exigence professionnelle véritable et déterminante'‘, au sens de l’article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Il résulte en effet de la version en langue anglaise des deux directives précitées que les dispositions en cause sont rédigées de façon identique : ‘'such a characteristic constitutes a genuine and determining occupational requirement'‘.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de ses demandes de rappels de salaire et tendant à la nullité du licenciement et au paiement de sommes subséquentes, l’arrêt, après avoir constaté que le manuel de port de l’uniforme des personnels navigants commerciaux masculins mentionne que ‘'les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Limitées en volume, les coiffures doivent garder un aspect naturel et homogène. La longueur est limitée dans la nuque au niveau du bord supérieur du col de la chemise. Décoloration et ou coloration apparente non autorisée. La longueur des pattes ne dépassant pas la partie médiane de l’oreille. Accessoires divers : non autorisés'‘, retient que ce manuel n’instaure aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l’origine des salariés et qu’il est reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux.

13. Il ajoute que si le port de tresses africaines nouées en chignon est autorisé pour le personnel navigant féminin, l’existence de cette différence d’apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage, ne peut être qualifiée de discrimination.

14. L’arrêt énonce encore que la présentation du personnel navigant commercial fait partie intégrante de l’image de marque de la compagnie, que le salarié est en contact avec la clientèle d’une grande compagnie de transport aérien qui comme toutes les autres compagnies aériennes impose le port de l’uniforme et une certaine image de marque immédiatement reconnaissable, qu’en sa qualité de steward, il joue un rôle commercial dans son contact avec la clientèle et représente la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés.

15. L’arrêt en déduit que les agissements de la société Air France ne sont pas motivés par une discrimination directe ou indirecte et sont justifiés par des raisons totalement étrangères à tout harcèlement.

16. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la société Air France avait interdit au salarié de se présenter à l’embarquement avec des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon et que, pour pouvoir exercer ses fonctions, l’intéressé avait dû porter une perruque masquant sa coiffure au motif que celle-ci n’était pas conforme au référentiel relatif au personnel navigant commercial masculin, ce dont il résultait que l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe, la cour d’appel, qui, d’une part, s’est prononcée par des motifs, relatifs au port de l’uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel de la société Air France et préserver l’image de celle-ci, et qui, d’autre part, s’est fondée sur la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes, au sens de l’article 14, § 2, de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. [T] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts à ce titre, de solde sur préavis et congés payés afférents et d’indemnité de licenciement, et en ce qu’il condamne M. [T] à payer à la société Air France la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel, l’arrêt rendu le 6 novembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Air France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Air France et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grevy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [T]

M. [T] fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué de l’AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination, du harcèlement moral et de la déloyauté, de sa demande de rappels de salaire du 1er janvier 2012 au 28 février 2014, ainsi que de sa demande tendant à voir dire son licenciement nul et au paiement des sommes subséquentes à titre de dommages-intérêts, de solde sur préavis et congés payés y afférentes et d’indemnité de licenciement.

1° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que porte une atteinte injustifiée et disproportionnée aux libertés individuelles l’employeur qui interdit au salarié en contact avec la clientèle de coiffer ses cheveux en tresses africaines nouées en chignon ; qu’en jugeant la société Air France fondée à interdire au salarié cette coiffure dont il n’était au demeurant pas même allégué qu’elle n’aurait pas été propre et soignée, la cour d’appel a violé l’article L.1121-1 du code du travail.

2° ALORS en tout cas QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu’en jugeant l’employeur fondé à interdire au salarié de porter des tresses relevées en chignon sans préciser ce en quoi cette restriction aux libertés individuelles du salarié serait justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni ce en quoi l’interdiction de cette coiffure serait proportionnée au but recherché par l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.1121-1 du code du travail.

3° ALORS QUE nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu’en se bornant à affirmer que « la volonté de la compagnie de sauvegarder son image est une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés et que le référentiel qui présente des règles strictes d’apparence n’est pas disproportionnée au but recherché », la cour d’appel qui n’a pas précisé ce en quoi le port de tresses dites africaines nouées en chignon porterait atteinte à l’image de la société Air France, n’a pas légalement justifié sa décision de base légale au regard de l’article L.1121-1 du code du travail.

4° ALORS QUE ni le règlement intérieur ni les notes internes de la société Air France n’interdisent le port de tresses relevées en chignon ; qu’en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d’apparence n’est pas disproportionné au but recherché », pour dire l’employeur fondé à interdire au salarié le port de tresses relevées en chignon, la cour d’appel a violé l’article 1103 du code civil, ensemble l’article L.1121-1 du code du travail.

5° ALORS en tout cas QU’en retenant que le « référentiel qui présente des règles strictes d’apparence n’est pas disproportionné au but recherché » sans préciser ce en quoi le port de tresses nouées en chignon ne serait pas conforme aux prescriptions de ce référentiel, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1103 du code civil et L.1121-1 du code du travail.

6° ALORS de plus QUE les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 constituent une adjonction au règlement intérieur et ne sont opposables au salarié que lorsqu’ils ont été soumis à l’avis des institutions représentatives du personnel, transmis à l’inspecteur du travail et ont fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur ; qu’en retenant que le référentiel critiqué s’intègre au contrat de travail et au règlement intérieur et est opposable au salarié du seul fait que celui-ci se serait engagé au respect des prescriptions des manuels et à appliquer les consignes et instructions particulières de travail, la cour d’appel a violé les articles L.1321-1 et suivants du code du travail.

7° ALORS de surcroît QUE s’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le salarié n’avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu’il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour néanmoins écarter toute discrimination, la cour d’appel s’est bornée à faire état de la volonté de la compagnie de sauvegarder son image ; qu’en statuant ainsi, quand la volonté d’une société de préserver son image ne peut objectivement justifier l’interdiction d’une coiffure propre et soignée ne contrevenant nullement aux nombreuses exigences de cette société en matière d’apparence et plus particulièrement de coiffure, la cour d’appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail.

8° ALORS à tout le moins QUE s’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu’en écartant la discrimination sans préciser en quoi les tresses africaines nuiraient à l’image de la compagnie Air France, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L.1132-1 du code du travail.

9° ALORS de plus QUE s’il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’employeur, s’il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié, d’établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le salarié n’avait pu exercer ses fonctions et avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu’il devait assurer, ce à raison de sa coiffure faite de tresses africaines pourtant autorisée pour les femmes, et que « les éléments de fait apportés par M. [T] laissent supposer un harcèlement fondé sur une discrimination » ; que pour écarter la discrimination à raison du sexe, la cour d’appel s’est bornée à faire état d’une « différence d’apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en terme d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage » et à affirmer que « ce type de différence qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination » ; qu’en justifiant ainsi la différence de traitement constatée par une discrimination communément admise, la cour d’appel a violé les articles L.1132-1 et L.1134-1 du code du travail.

10° ALORS QUE dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu’au titre du harcèlement moral qu’il dénonçait, le salarié faisait notamment état de ce qu’il avait été contraint au port d’une perruque de cheveux raides destinée selon les propres termes de l’employeur à « rendre sa coiffure d’apparence lisse », perruque non conforme au référentiel et qualifiée de grotesque par les collègues de M. [T] ; que pour écarter le harcèlement moral après avoir constaté que le salarié avait dû porter une perruque pour pouvoir embarquer sur les vols qu’il devait assurer et que cela laissait présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel s’est bornée à faire état de la volonté de l’employeur de préserver son image ; qu’en statuant ainsi, cependant que la préservation de l’image de l’employeur ne peut justifier l’atteinte à celle du salarié et sa soumission à des traitements humiliants et dégradants, la cour d’appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.

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