Cour de discipline budgétaire et financière, Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse (Corte), 19 décembre 2008

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Résumé de la juridiction

Pour voir le résumé de l’arrêt rédigé par le rapporteur, secrétaire général de la CDBF, cliquez sur le lien suivant : Résumé

En ce qui concerne la procédure, l’ordonnateur mis en cause avait demandé un troisième report d’audience. N’ayant ni consulté le dossier, ni produit de mémoire en défense, il n’était ni présent, ni représenté. La Cour a jugé qu’il y avait lieu de statuer. Sur le fondement de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF) relatif à la violation des règles d’exécution des recettes et des dépenses, la Cour a sanctionné l’ordonnateur du CROUS pour émission d’un titre de recette sans fondement juridique, acquisition à titre onéreux d’un bien inutilisable par l’établissement – acquisition qui avait en outre procuré un avantage à autrui (art L. 313-6) – et versé indûment des loyers.

Sur cet arrêt, cf. Actualité juridique du droit administratif (AJDA) 2009, p. 476.

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 19 déc. 2008, n° 164-592
Numéro(s) : 164-592
Publication : Arrêts, jugements et communications des juridictions financières, 2008. - DILA, 2010, p. 91.
Date d’introduction : 19 décembre 2008
Date(s) de séances : 19 décembre 2008
Textes appliqués :
Infractions : Articles L. 313-1, L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières (CJF).
Identifiant Cour des comptes : JF00088427

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l’arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 12 avril 2006, par laquelle le président de la chambre régionale des comptes de Corse a informé le Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière que celle-ci avait décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités qu’elle avait relevées dans la gestion du Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse ;

Vu la lettre du même jour, enregistrée le 14 avril 2006, par laquelle le commissaire du Gouvernement près la chambre régionale des comptes de Corse a transmis le dossier de l’affaire au Procureur général près la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu le réquisitoire du 19 octobre 2006, du Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière saisissant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière desdites irrégularités ;

Vu les décisions des 23 octobre 2006 et 5 septembre 2008, par lesquelles le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné successivement comme rapporteurs M. Patrick Sitbon, conseiller référendaire à la Cour des comptes puis M. Luc Héritier, premier conseiller de chambre régionale des comptes ;

Vu la lettre recommandée du 14 mars 2007, par laquelle a été mis en cause M. Christian Garcia, directeur du CROUS de Corse du 1er septembre 1998 au 14 juillet 2004, ensemble l’accusé de réception de cette lettre ;

Vu la lettre du 23 janvier 2008 du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier de l’affaire au Procureur général après dépôt du rapport d’instruction conformément à l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du Procureur général du 10 décembre 2007 informant le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées du 11 décembre 2007, par lesquelles le Président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis pour avis, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, le dossier de l’affaire à la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du 23 janvier 2008 du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier de l’affaire au Procureur général conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu la décision du 27 mars 2008 du Procureur général renvoyant M. Garcia devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application des dispositions de l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées des 7 avril, 23 juin, 16 juillet et 29 septembre 2008 adressées par la greffière à M. Garcia l’avisant qu’il pouvait prendre connaissance du dossier de l’affaire et le citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport d’instruction de M. Sitbon ;

Entendu le rapporteur, M. Héritier, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu l’avocat général, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Sur la compétence

Considérant qu’aux termes de l’article L. 822-3 du code de l’éducation, tel que résultant de la loi n° 55-425 du 16 avril 1955 portant réorganisation des services des oeuvres sociales en faveur des étudiants, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires sont des établissements publics de l’Etat dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière placés sous la tutelle du ministre chargé de l’enseignement supérieur ;

Considérant que le CROUS de Corse a été créé par le décret n° 77-543 du 23 mai 1977 ;

Considérant qu’aux termes de l’arrêté du Premier président de la Cour des comptes du 17 janvier 2003, pris en application de l’article L. 111-9 du code des juridictions financières, les chambres régionales des comptes étaient compétentes pour examiner la gestion des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires pour les années 2001 à 2005 ;

Considérant, en conséquence, que tout représentant, administrateur ou agent du CROUS de Corse, du ressort de la compétence de la chambre régionale des comptes de Corse, est, en application de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières, justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Considérant que M. Christian Garcia a exercé les fonctions de directeur du CROUS de Corse du 1er septembre 1998 au 14 juillet 2004 ; qu’il est dès lors justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l’article L. 312-1-I c) du code des juridictions financières ;

Sur la procédure

Considérant que l’audience publique initialement fixée au 1er juillet 2008 a été reportée, sur décision de la Cour, au 21 juillet 2008, ce dont M. Garcia a été régulièrement avisé ; que par une télécopie adressée le 8 juillet 2008, M. Garcia a demandé un report de l’audience après le 11 août 2008 ; que, conformément à sa demande, l’audience a été reportée au 29 septembre 2008 ; que par une télécopie en date du 28 septembre 2008, l’intéressé a demandé un nouveau report de l’audience à la deuxième quinzaine de novembre ; que cette demande de report était justifiée par son état de santé ; que M. Garcia indiquait en outre son intention de faire appel à un avocat et de produire des éléments nouveaux à l’appui de ses explications ;

Considérant qu’à l’issue de l’audience publique tenue le 29 septembre 2008, cette demande a été admise par la Cour et l’audience reportée au 5 décembre 2008 ;

Considérant que par télécopie en date du 4 décembre 2008, M. Garcia a demandé à nouveau un report de l’audience ; que cette demande est justifiée par un motif médical ; que M. Garcia réitère en outre dans les mêmes termes que précédemment son intention de faire appel à un avocat et de produire des éléments nouveaux à l’appui de ses explications ;

Considérant qu’à l’occasion de chacune des convocations qui lui ont été adressées, il a été indiqué à l’intéressé qu’il avait la faculté de se faire assister par un conseil de son choix et de consulter le dossier complet de l’affaire, soit par lui-même, soit par un mandataire, soit par le ministère d’un avocat désigné par ses soins ; qu’il lui a été aussi indiqué, par la lettre du greffe en date du 29 septembre 2008 dont il a accusé réception le 3 octobre 2008 qu’au cas où il ne serait ni présent ni représenté à l’audience du 5 décembre, la Cour se réservait la possibilité de statuer ;

Considérant que l’intéressé, régulièrement convoqué à l’audience, ne s’est pas présenté et n’a ni désigné de mandataire ou d’avocat, ni consulté le dossier, ni produit d’élément d’information supplémentaire à la Cour ou de mémoire en défense ;

Considérant que dans ces conditions, il y a lieu pour la Cour de statuer ;

Sur la prescription

Considérant que le déféré formulé par la chambre régionale des comptes de Corse en application de l’article L. 314-1 du code susvisé a été enregistré au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 14 avril 2006 ; que, dès lors, les faits postérieurs au 14 avril 2001 ne sont pas couverts par la prescription édictée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières ;

Sur les faits, leur qualification juridique et l’imputation des responsabilités

1 – Sur l’absence de visa préalable du contrôleur financier pour le recrutement de personnel administratif

Sur les faits

Considérant que, par courrier du 29 juin 2001, le trésorier-payeur général de Corse a rappelé au directeur du CROUS de Corse les obligations auxquelles ce dernier était tenu en matière de contrôle financier ;

Considérant que quatre contrats de travail à durée déterminée ont été signés les 13, 23 et 30 juillet 2001 entre le CROUS de Corse représenté par M. Garcia et, respectivement, Mme Leclerc, Mlle Coulon et Mme Santini ;

Considérant qu’aucun de ces contrats n’a été soumis au visa préalable du contrôleur financier ;

Sur les irrégularités

Considérant que l’arrêté conjoint du ministre des finances et des affaires économiques et du ministre de l’éducation nationale du 22 juin 1959 modifié, en vigueur lorsqu’ont été signés les contrats susmentionnés, relatif aux modalités du contrôle financier sur le centre national et les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, dispose en son article 2 que « le contrôle financier porte sur toutes les opérations susceptibles d’avoir directement ou indirectement une répercussion financière » ;

Considérant que le même texte prévoit explicitement, en son article 8, que « les mesures portant recrutement, nomination ou promotion de personnel, à l’exception du personnel ouvrier, sont soumises au visa préalable du contrôleur financier, ainsi que celles relatives à la rémunération du personnel (…) » ;

Considérant que, si d’autres contrats de travail, signés ultérieurement avec les mêmes personnes, ont fait l’objet d’un visa préalable, les faits dont la Cour est saisie, quoique ponctuels et non réitérés, sont établis et constituent une infraction au sens de l’article L. 313-1 du code des juridictions financières ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que les contrats en cause ont été signés de la main de M. Garcia en sa qualité de directeur du CROUS de Corse ; que ce dernier n’invoque aucune circonstance ou fait susceptible d’atténuer ou d’exonérer sa responsabilité dans l’infraction commise ;

2 – Sur l’absence de visa préalable du contrôleur financier sur des commandes et des marchés publics

Sur les règles applicables

Considérant d’une part que les règles édictées par l’arrêté conjoint du ministre des finances et des affaires économiques et du ministre de l’éducation nationale du 22 juin 1959 modifié sont restées en vigueur jusqu’à l’intervention d’un arrêté du 18 mai 2004 qui l’a abrogé et a fixé de nouvelles modalités d’exercice du contrôle financier ;

Considérant qu’aux termes de l’article 9 de l’arrêté conjoint du ministre des finances et des affaires économiques et du ministre de l’éducation nationale du 22 juin 1959 modifié « les conventions, marchés de travaux, de fournitures et les subventions d’un montant supérieur à 300 000 F (45 734,71 €) sont obligatoirement soumis au visa préalable du contrôleur financier. Toutefois, ce seuil est porté à 800 000 F (121 959,39 €) pour les marchés par adjudication ou sur appel d’offres - » ;

Considérant d’autre part qu’en application de l’article 5 de l’arrêté du 18 mai 2004, les modalités et les seuils de soumission au visa préalable des projets de marchés publics, contrats et conventions de toute nature sont définis par le contrôleur financier en concertation avec l’établissement et peuvent être retracés dans un protocole ; qu’en l’absence avant le 1er février 2005 d’un tel protocole, il appartenait au directeur du CROUS de soumettre au visa tous les projets de marchés publics, contrats et conventions de toute nature ;

Sur les faits

Considérant d’une part que plusieurs conventions de marchés publics ont été conclues, en 2003 et antérieurement au 18 mai 2004, dont le montant est supérieur au seuil défini par l’article 9 de l’arrêté du 22 juin 1959 précité, soit 300 000 F HT (45 734,71 €) ; que des commandes dont le montant cumulé est supérieur au seuil susmentionné ont été passées au cours de la même période ;

Considérant ainsi qu’un marché négocié avec une société « A.F.O. » a été notifié le 30 septembre 2003, pour un montant de 70 529, 72 € HT en vue de la rénovation et de la peinture de 67 logements ; qu’un marché de travaux a été conclu avec une société Gambini le 15 avril 2004 pour un montant de 150 000 € HT ;

Considérant en outre, que trois commandes ont été signées au bénéfice de la société Cegis, le 27 décembre 2001, pour un montant cumulé de 67 018,60 € HT ; que le paiement en 2001 de trois factures émises par une société Corse étanchéité pour un montant total de 61 465,82 € HT révèle que des commandes ont été émises auprès de cette société à hauteur du montant facturé ;

Considérant d’autre part que plusieurs conventions de marchés publics, contrats et conventions de toute nature ont été conclus entre le 18 mai 2004 et le 14 juillet 2004 ; qu’ainsi un marché de travaux a été conclu avec la société Gambini précitée le 1er juin 2004 pour un montant de 81 326 € HT ; que deux marchés relatifs à des travaux et à la fourniture de mobilier de salle de bains ont été conclus avec une société Luciani, le 1er juin 2004 pour des montants respectifs de 115 000 € HT et 63 700 € HT ; qu’un marché a été conclu le 1er juin 2004, au prix de 76 621 € HT avec une société Somateco pour la réalisation de travaux au sein de la résidence Porette ; qu’enfin deux bons de commande ont été signés, le 8 juillet 2004, avec une société Zucarelli pour des montants de 100 227 € HT et 48 766,12 € HT en vue de procéder au traitement préventif des termites sur deux résidences étudiantes ;

Sur les irrégularités

Considérant que les marchés déférés à la Cour n’ont pas été conclus après appel d’offres ou adjudication ;

Considérant que, s’agissant des commandes respectivement passées auprès des sociétés Cegis et Corse étanchéité, les travaux et prestations acquis par le CROUS de Corse sont, auprès de chacun des prestataires, de nature identique, qu’ils ont été réalisés au cours de la même période et sur les mêmes lieux ou résidences ; qu’ainsi ces travaux et prestations constituent une opération unique dont le montant cumulé doit être pris en considération pour l’application de l’article 9 de l’arrêté précité du 22 juin 1959 ;

Considérant qu’aucun des marchés et commandes susmentionnés n’a été soumis au visa préalable du contrôleur financier ;

Considérant que le défaut de soumission au visa préalable du contrôleur financier des commandes et marchés susvisés constitue une infraction prévue à l’article L. 313-1 du code des juridictions financières ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que les commandes et marchés précités, ainsi que les ordres de dépense, ont été signés par M. Garcia en sa qualité de directeur du CROUS de Corse ; que l’intéressé fait seulement valoir, sans en apporter la démonstration, qu’il ne disposait pas de collaborateurs qualifiés en nombre suffisant ; que cette allégation ne peut suffire à exonérer ou à atténuer la responsabilité de l’intéressé ; qu’ainsi sa responsabilité est pleinement engagée ;

3 – Sur l’émission d’un ordre de recettes en l’absence de créance

Sur les faits

Considérant que M. Garcia, ordonnateur du CROUS de Corse, a émis, le 31 décembre 2003 un ordre de recettes d’un montant total de 142 270 € au titre de créances prétendument détenues sur des étudiants logés dans les deux résidences dites Grossetti et Porette, pour des loyers dus au titre des mois de juillet et août 2003, alors que les baux ne prévoyaient pas de paiement au titre de ces mois ;

Considérant qu’aucun loyer n’était dû par lesdits étudiants, ce que l’ordonnateur ne pouvait ignorer, et que d’ailleurs le titre susmentionné a dû être annulé par le successeur de M. Garcia, le 11 octobre 2004 ;

Considérant que l’émission d’un ordre de recettes en l’absence de créance contractuelle a eu pour effet de diminuer le déficit de fonctionnement de l’établissement pour l’exercice 2003 ;

Sur les irrégularités

Considérant que l’article 5 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique dispose : « les ordonnateurs prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses mentionnées… A cet effet, ils constatent les droits des organismes publics, liquident les recettes, engagent et liquident les dépenses » ;

Considérant qu’aux termes des articles 14 et 21 du décret n°53-1227 du 10 décembre 1953 relatif à la réglementation comptable applicable aux établissements publics nationaux à caractère administratif, « tous les droits acquis et tous les services faits au cours d’un exercice doivent être comptabilisés au titre de cet exercice » et qu’il « doit être fait recette au budget de l’établissement du montant intégral des produits » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières que « toute personne visée à l’article L. 312-1 qui […] aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses des organismes mentionnés à ce même article […] sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant que l’émission d’un ordre de recettes, ne correspondant pas à un produit à recevoir et donc dépourvu de tout fondement juridique, est constitutif d’une violation des règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses applicables au CROUS de Corse ; que ces faits tombent donc sous le coup de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 précité ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que le titre en cause a été émis par M. Garcia, au surplus le dernier jour de l’exercice ; que l’intéressé ne conteste pas les faits et ne prétend pas avoir agi par erreur ; qu’il a déclaré au cours de l’instruction que l’émission de l’ordre de recettes incriminé était motivé par le souci de respecter les prévisions budgétaires alors que d’autres recettes d’activité faisaient défaut à l’établissement public ;

Considérant que les arguments présentés en défense par M. Garcia ne constituent pas des circonstances absolutoires ou atténuantes mais viennent confirmer que l’intéressé a sciemment commis l’irrégularité pour laquelle il est mis en cause ; que dès lors sa responsabilité est pleinement engagée ;

4 – Sur les procédures d’achat public

Sur les faits

Considérant en premier lieu que trois factures n° 1199, 1259 et 1343 datées des 28 février, 16 août et 28 décembre 2001 ont été acquittées par le CROUS de Corse au profit d’une société Corse étanchéité pour un montant total cumulé de 431 962,49 FRF TTC, soit 61 465,82 € HT ; que ces factures révèlent la passation de commandes par le CROUS de Corse auprès de cette société à hauteur des montants facturés ; qu’il ressort du libellé desdites factures que les prestations commandées se rapportent à la réalisation de travaux d’étanchéité sur des terrasses d’immeubles ;

Considérant en second lieu qu’un marché a été passé par le CROUS de Corse, le 15 avril 2004 avec une société Gambini pour des travaux d’aménagement du restaurant universitaire, pour un prix de 150 000 € HT ; que l’acte d’engagement de ce marché est établi sur un formulaire mentionnant la procédure des marchés négociés de l’article 104-I-10° du code des marchés publics en vigueur avant le 8 septembre 2001 ; que cet acte ne mentionne aucune procédure de publicité ou de mise en concurrence ;

Considérant en troisième lieu qu’un bon de commande a été émis le 8 juillet 2004 auprès d’une société Zuccarelli pour le traitement curatif anti-termites des résidences universitaires Pascal Paoli 1 et 2 ; que le montant de cette commande s’élève à 100 220 € HT ;

Considérant en dernier lieu que par deux bons de commande des 15 avril et 15 juin 2004, le directeur du CROUS a procédé à des achats de meubles de salle de bain, dits meubles Milano, auprès d’une société Luciani, pour un montant total cumulé de 161 700 € HT ;

Considérant que le premier de ces bons de commande, relatif à la résidence Porette, a été signé par M. Garcia le 15 mai 2004 pour un montant de 63 700 € HT et fait référence à un « marché négocié à nantir » ; que ledit bon de commande a été ultérieurement annulé et remplacé par un second, daté du 12 juillet 2004, lequel se réfère à un marché du 1er juin 2004 ; que ce marché du 1er juin 2004 a postérieurement été résilié par le successeur de M. Garcia ;

Considérant que le second bon de commande signé le 15 juin 2004, est relatif à l’achat de 200 meubles Milano, pour un montant global de 98 000 € HT ; que ce bon de commande a également été annulé et remplacé par un autre du 12 juillet 2004, lequel fait référence à un « marché n°1 » ;

Sur les irrégularités

Considérant que la méconnaissance des dispositions relatives à la passation des marchés publics est constitutive d’une infraction aux règles applicables à l’exécution des dépenses du CROUS ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières que « toute personne visée à l’article L. 312-1 qui […] aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses des organismes mentionnés à ce même article […] sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant que les travaux effectués par la société Corse étanchéité correspondent à des opérations de même nature, réalisées au cours de la même période pour la réfection de terrasses des immeubles du CROUS et qu’ainsi elles constituent une opération unique ; que cette opération unique a été engagée avant le 8 septembre 2001, date d’entrée en vigueur du code des marchés publics du 7 mars 2001, et se trouvait donc régie par les dispositions du code des marchés publics en vigueur avant le 8 septembre 2001 ; que, par suite, cette opération dont le montant total était supérieur à 300 000 FRF TTC (45 734,71 € TTC) aurait dû être précédée d’une procédure de marché négocié avec mise en concurrence, conformément aux dispositions des articles 104-I-10° et 123 du code des marchés publics alors applicable ; que cette obligation n’a pas été respectée ;

Considérant que le marché passé le 15 avril 2004 avec la société Gambini compte tenu de son montant pouvait être conclu selon la procédure adaptée définie à l’article 28 du code des marchés publics en vigueur à compter du 10 janvier 2004 ; que ledit article n’autorise toutefois de passer sans publicité ni mise en concurrence préalables que les marchés de travaux, de fournitures et de services d’un montant inférieur à 4000 € HT ; que le marché passé avec la société Gambini, dont le montant est nettement supérieur à ce seuil de 4000 € HT, a été conclu en l’absence de toute mesure de publicité et de mise en concurrence ;

Considérant que la commande passée à la société Zucarelli était relative à des prestations de service ; que, compte tenu de son montant inférieur à 150 000 € HT, cette commande aurait dû être précédée d’une procédure de marché passé selon la procédure adaptée ;

Considérant enfin, que le montant total des fournitures commandées à la société Luciani s’est établi à 161 700 € ; qu’en application de l’article 28-II du code des marchés publics, le seuil en deçà duquel la procédure adaptée est possible est de 150 000 € pour l’État et ses établissements publics administratifs ; que les fournitures en question ne se rapportent pas aux hypothèses mentionnées à l’article 35 du même code autorisant le recours à la procédure de marché négocié et qu’ainsi une procédure d’appel d’offres aurait dû être mise en oeuvre par l’ordonnateur ;

Considérant que la passation ultérieure d’un marché public, postérieurement résilié par le successeur de M. Garcia, constitue une régularisation ; que cependant, cette régularisation tardive ne fait pas disparaître les irrégularités commises, constitutives de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que les contrats, marchés et ordres de dépense en cause, à l’exception des commandes faites à la société Zucarelli, sont revêtus de la signature de M. Garcia ; que si les bons de commande au profit de ladite société ont été signés par des agents du CROUS responsables des résidences universitaires, M. Garcia a déclaré au cours de son audition par le rapporteur avoir donné à ses collaborateurs l’ordre de signer les commandes et dit assumer personnellement cet acte ; qu’il doit donc en être tenu pour responsable ;

Considérant que, s’agissant des commandes passées auprès de la société Corse étanchéité, M. Garcia dit avoir agi de bonne foi, étant donné que la troisième facture, réglée à cette société en décembre 2001, était régie par le nouveau code des marchés publics entré en vigueur le 8 septembre 2001 ;

Considérant cependant que M. Garcia, du fait de son rang hiérarchique et de son expérience professionnelle, ne peut valablement se prévaloir d’une méconnaissance des textes qu’il était chargé d’appliquer en sa qualité d’ordonnateur et de personne responsable des marchés ;

Considérant, à propos du marché passé le 15 avril 2004 avec la société Gambini, que M. Garcia a déclaré avoir voulu « privilégier l’efficacité », affirmant que le cocontractant avait précédemment donné entière satisfaction aux services de la préfecture et de l’université de Corse ;

Considérant que les arguments présentés par l’intéressé pour sa défense sont d’ordre très général ; qu’ils ne sont pas de nature à écarter ou à atténuer la responsabilité de M. Garcia dans la commission des infractions aux règles relatives à l’exécution des dépenses du CROUS de Corse ;

Considérant que M. Garcia ne conteste pas avoir choisi la société Zucarelli sans publicité ni mise en concurrence ; que cependant, à supposer même que l’établissement ait été confronté à une situation d’urgence, ce que l’intéressé n’établit en rien, il lui était loisible d’adapter les modalités de publicité ainsi que les délais de consultation ; que cette circonstance ne pouvait cependant justifier une méconnaissance des dispositions du code des marchés publics ;

Considérant enfin, s’agissant des commandes de meubles passées à la société Luciani, que M. Garcia, lors de son audition, a déclaré avoir demandé des devis « à titre privé » à d’autres entreprises, sans toutefois apporter la preuve de cette allégation ; que l’intéressé fait valoir que l’installation de salles de bain avait pour objet d’accroître le confort des résidences, ainsi que leur rendement locatif ; que cependant, de telles réponses ne peuvent justifier le défaut de mise en oeuvre d’une procédure d’appel d’offres ou de marché négocié et ne constituent en rien une circonstance absolutoire ;

Considérant ainsi que la responsabilité de M. Garcia est engagée pour l’ensemble de ces faits sans qu’aucun élément de contexte puisse l’en exonérer ou l’atténuer ;

5 – Sur l’acquisition d’un autocar

Sur les faits

Considérant que, le 19 décembre 2003, le CROUS de Corse a fait l’acquisition d’un autocar, directement auprès d’une société de transports Mordiconi, domiciliée à l’hôtel des touristes à Calacuccia, au prix de 11 851,39 € ; que le véhicule, hors d’usage, n’a jamais pu être utilisé par l’établissement comme véhicule roulant ;

Sur les irrégularités

Sur l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières

Considérant qu’il appartient au responsable d’un établissement public de veiller à la sauvegarde des intérêts matériels de l’organisme dont il assure la gestion, ce principe constituant une règle d’exécution des recettes et des dépenses de la société dont la violation tombe sous le coup des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant qu’en l’espèce, l’acquisition à titre onéreux d’un bien inutilisable portait atteinte aux intérêts du CROUS de Corse ; qu’en procédant à cette acquisition, M. Garcia a commis une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses du CROUS au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du code des juridictions financières

Considérant, qu’il résulte des termes de l’article L. 313-6 du code des juridictions financières que « toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction » ;

Considérant qu’en procédant en sa qualité d’ordonnateur du CROUS à l’achat d’un bien inutilisable, M. Garcia a procuré à la société Mordiconi, dont l’un des propriétaires est le beau-frère de son épouse, un avantage injustifié au sens de l’article L. 313-6 précité, dans la mesure où le prix d’achat perçu ne correspondait manifestement pas à une contrepartie adéquate ; que cela a en outre entraîné un préjudice pour l’établissement public ;

Considérant qu’en décidant de l’achat d’un bien inutilisable à une entreprise qui était liée à un membre de sa famille, M. Garcia a commis une faute caractérisée et a donc agi en méconnaissance des obligations qui lui incombaient en tant que directeur du CROUS, au sens de l’infraction ici visée, cet achat ayant été décidé en contradiction manifeste avec les intérêts matériels de l’établissement ; que ces faits sont constitutifs de l’infraction prévue à l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que ces irrégularités engagent la responsabilité de M. Garcia en sa qualité de directeur du CROUS de Corse ; que les arguments qu’il a soulevés ne constituent pas des circonstances atténuantes ; qu’en revanche, les liens familiaux l’unissant à l’un des propriétaires de l’entreprise Mordiconi, qui a bénéficié d’un avantage injustifié, constituent des circonstances aggravantes ;

6 – Sur la location de logements destinés aux étudiants

Sur les faits

Considérant que, par délibération du 20 juillet 2000, le conseil d’administration du CROUS de Corse a donné mandat à M. Garcia, directeur de l’établissement, pour signer une convention avec une société Central Fac, portant sur la location de 60 studios destinés à des étudiants pour un loyer mensuel de 1500 FRF (228,65 €) ;

Considérant que, par convention du 17 septembre 2001, établie entre le CROUS, représenté par le président de son conseil d’administration et la SCI « Central Fac », puis approuvée par le conseil d’administration le 5 novembre 2001, 60 studios ont été pris à bail par l’établissement pour un loyer mensuel de 1 750 FRF (266,79 €) ; que selon cette convention, la remise des clés de l’immeuble devait intervenir le 1er décembre 2001, alors que le premier versement de la redevance locative était fixé au 1er janvier 2002 ;

Considérant que, dès le premier semestre 2001, des étudiants ont été logés dans les studios appartenant à la société Central Fac ; qu’à défaut de convention de bail, le comptable public a suspendu les paiements des loyers ; que lesdits paiements ont cependant été effectués après que le comptable public eut été réquisitionné par le directeur du CROUS ;

Considérant ainsi que, du mois de mai au mois d’août 2001, des loyers ont été payés pour ces logements, en l’absence de convention ou de bail, sur réquisition du comptable du 2 octobre 2001, pour un montant total de 360 000 FRF (54 881,65 €) ;

Considérant que pour les mois de septembre à décembre 2001, la SCI « Corse Central Fac » a adressé au CROUS des factures établies sur la base d’un loyer mensuel de 1750 FRF (266,79 €) ; que, face au refus du comptable public de procéder au paiement de loyers qui n’étaient exigibles, en application de la convention, qu’à compter du 1er janvier 2002, le directeur a procédé à la réquisition du comptable, pour un montant total de 420 000 FRF (64 028,58 €) ;

Considérant par ailleurs, que la convention précitée a été signée par le président du conseil d’administration de l’établissement, alors que cette compétence revenait au directeur du CROUS ;

Sur les irrégularités

Sur l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières

Considérant que le paiement de loyers, soit en l’absence de convention exécutoire ou d’un bail régulier, soit en méconnaissance des stipulations fixant au 1er janvier 2002 la date d’exigibilité des redevances locatives, est constitutif d’infractions aux règles applicables à l’exécution des dépenses du CROUS, au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant que le total de ces dépenses irrégulières payées de mai à décembre 2001 s’établit à 118 910,23 € ; que de mai 2001 à août 2001 cette dépense a été effectuée en l’absence totale de convention de bail ; que de septembre à décembre 2001, les paiements sont intervenus alors que la convention précitée du 17 septembre 2001 stipulait un premier versement des loyers à la date du 1er janvier 2002 ;

Sur la responsabilité de M. Garcia

Considérant que M. Garcia a signé les ordres de réquisition précités ; qu’en application de l’article 109 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, l’ordonnateur, par réquisition du comptable, substitue sa responsabilité à celle de ce dernier ;

Considérant que M. Garcia fait valoir, sans l’établir, que les logements pris à bail étaient loués aux étudiants contre une redevance mensuelle de 325 € et qu’ainsi le CROUS n’a subi aucun préjudice ; qu’à supposer les faits établis ils ne pouvaient justifier une infraction aux règles élémentaires en matière de dépenses au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières, quand bien même il ne serait pas établi que cette infraction a entraîné un préjudice financier pour la collectivité ; qu’il n’y a pas lieu de retenir cet élément au titre des circonstances atténuantes ;

Sur l’amende et la publication au Journal officiel

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances aggravantes constatées en infligeant à M. Garcia une amende de 2 500 EUR ;

Considérant qu’il y a lieu en outre, dans les circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française, en application de l’article L. 314-20 du code des juridictions financières.

ARRÊTE :

Article 1er : M. Christian Garcia est condamné à une amende de 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros).

Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, deuxième section, le cinq décembre deux mil huit par M. Racine, président de la section des finances du Conseil d’État, vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière, président ; M. Pinault, président de la section de l’administration du Conseil d’Etat, M. Ménéménis, conseiller d’Etat, MM. Mayaud et Duchadeuil et Mme Froment-Meurice, conseillers maîtres à la Cour des comptes.

Lu en audience publique le dix neuf décembre deux mille huit.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président et la greffière.

Le Président, La greffière,
Pierre-François RACINE Maryse LE GALL

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Cour de discipline budgétaire et financière, Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Corse (Corte), 19 décembre 2008