Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 15 février 2013, 351443, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 29 décembre 2021

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Conclusions du rapporteur public · 12 février 2020

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Conclusions du rapporteur public · 15 février 2013

N° 351443 Association de tireurs et autres N°351507 M. M… N°358550 Société SMP Technologie 5ème et 4ème sous-sections réunies Séance du 30 janvier 2013 Lecture du 15 février 2013 CONCLUSIONS M. Nicolas POLGE, rapporteur public Ainsi que l'assure fièrement son intitulé, la loi n°2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif a entendu rénover substantiellement le régime juridique des armes et munitions. Mais ses dispositions n'entreront en vigueur que le 6 septembre 2013, et les actes dont l'annulation …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 5e et 4e ss-sect. réunies, 15 févr. 2013, n° 351443
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 351443
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Conseil d'État, 8 juillet 2012
Identifiant Légifrance : CETATEXT000027111128
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2013:351443.20130215

Sur les parties

Texte intégral

Vu, 1° sous le n° 351443, la requête enregistrée le 1er août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’Association de tireurs, dont le siège est 8, rue du Portail de Ville à La Tour-du-Pin (38110), représentée par son président, M. B… E… demeurant au…, par M. C… G…, demeurant…, par M. D… F…, demeurant … et par M. H… A…, demeurant…, ; l’Association des tireurs et MM. E…, G…, F… et A… demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret n° 2011-618 du 31 mai 2011 modifiant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;

2°) de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle afin de déterminer si l’assimilation des pistolets à impulsion électrique à des armes à feu est compatible avec la directive 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes ;

3°) d’ordonner une expertise médicale et technique afin de déterminer si l’utilisation des pistolets à impulsion électrique présente un risque létal ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 351507, la requête, enregistrée le 2 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. J… I…, demeurant…, ; M. I… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le décret n° 2011-618 du 31 mai 2011 modifiant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;

2°) de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle afin de déterminer si l’assimilation des pistolets à impulsion électrique à des armes à feu est compatible avec la directive 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes ;

3°) d’ordonner une expertise médicale et technique afin de déterminer si l’utilisation des pistolets à impulsion électrique présente un risque létal ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu, 3° sous le n° 358550, la requête enregistrée le 16 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la société SMP Technologie, dont le siège est 30, rue Pergolèse à Paris (75116) ; la société SMP Technologie demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardée par le Premier ministre sur son recours gracieux tendant à l’abrogation des décrets n° 2011-618 du 31 mai 2011 et n° 2011-1253 du 7 octobre 2011 ;

2°) d’enjoindre au Premier ministre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d’abroger les décrets n° 2011-618 du 31 mai 2011 et n° 2011-1253 du 7 octobre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le décret n° 95-589 du 6 mai 1995 ;

Vu la décision du 9 juillet 2012 par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux n’a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SMP Technologie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

— les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société SMP Technologie,

— les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société SMP Technologie ;

1. Considérant que les requêtes de l’association des tireurs et de MM. E…, G…, F… etA…, de M. I… et de la société SMP Technologie présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 2331-1 du titre III (« Matériels de guerre, armes et munitions ») du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige, les matériels de guerre, armes et munitions sont classés dans les catégories ci- après : « I.- Matériels de guerre : / 1re catégorie : armes à feu et leurs munitions conçues pour ou destinées à la guerre terrestre, navale ou aérienne. / 2e catégorie : matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu. / 3e catégorie : matériels de protection contre les gaz de combat. / II.- Armes et munitions non considérées comme matériels de guerre : / 4e catégorie : armes à feu dites de défense et leurs munitions. / 5e catégorie : armes de chasse et leurs munitions. / 6e catégorie : armes blanches. / 7e catégorie : Armes de tir, de foire ou de salon et leurs munitions. / 8e catégorie : Armes et munitions historiques et de collection » ; que le dernier alinéa de ce même article dispose qu’ « un décret énumère les matériels ou éléments de chaque catégorie et les opérations industrielles y afférentes rentrant dans le champ d’application du présent titre » ; qu’aux termes du 2° du II l’article L. 2336-1 du code de la défense, également dans sa rédaction applicable au litige : « L’acquisition et la détention des matériels, des armes et des munitions des 1re et 4e catégories sont interdites, sauf autorisation délivrée dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 2338-1 du même code, alors en vigueur : « Le port des armes des 1re, 4e et 6e catégories ou d’éléments constitutifs des armes des 1re et 4e catégories ou de munitions correspondantes est interdit ainsi que leur transport sans motif légitime » ;

3. Considérant que l’Association de tireurs et MM. E…, G…, F…, A… et I… demandent l’annulation du décret du 31 mai 2011 pris en application de l’article L. 2331-1 précité du code de la défense en tant qu’il comporte des restrictions spécifiques aux mineurs et en tant qu’il classe les pistolets à impulsion électrique projetant des dards en 4e catégorie ; que la société SMP Technologie demande l’annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a refusé d’abroger les décrets des 31 mai 2011 et 7 octobre 2011 pris en application de l’article L. 2331-1 du code de la défense, en tant qu’ils classent les pistolets à impulsion électrique projetant des dards en 4e catégorie et les pistolets à impulsion électrique de contact en 6e catégorie ;

Sur la légalité externe du décret du 31 mai 2011 :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 5° du I de l’article L. 2336-1 du code de la défense dans sa rédaction applicable au litige : « L’acquisition et la détention des armes et des munitions de toute catégorie sont interdites pour les mineurs sous réserve des exceptions définies par décret en Conseil d’Etat » ; qu’aux termes de l’article 106 du décret du 6 mai 1995 dans sa rédaction issue de l’article 10 du décret du 31 mai 2011 : " Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe : 1° Tout mineur qui acquiert une arme, un élément d’arme, des munitions ou éléments de munition mentionnés au premier alinéa du 3° de l’article 46-1 ; 2° Tout mineur qui détient une arme, un élément d’arme, des munitions ou éléments de munition mentionnés aux 3° et 4° de l’article 46-1 sans remplir les conditions prévues par cet article » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 37 de la Constitution « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ; que si l’article 34 réserve à la loi le soin de fixer « les règles concernant (…) la détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables », cet article ne mentionne pas les règles concernant la détermination des infractions punies de contraventions ; que, par suite, le Premier ministre est compétent pour édicter un décret sanctionnant d’une contravention de la cinquième classe la méconnaissance de l’interdiction posée par l’article L. 2336-1 du code de la défense ; que les dispositions contestées n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir légalement pour effet d’écarter l’application des dispositions de l’article 122-8 du code pénal en vertu desquelles seuls les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage est chargé, en vertu des dispositions de l’article R. 421-2 du code de l’environnement, de donner au ministre chargé de la chasse son avis sur les moyens propres à préserver la faune sauvage, à développer le capital cynégétique dans le respect des équilibres biologiques et à améliorer les conditions d’exercice de la chasse ; qu’aucune des dispositions du décret attaqué du 31 mai 2011, qui modifie le régime des matériels de guerre, armes et munitions issu du décret du 6 mai 1995 relatif à l’application du décret du 18 avril 1939 en précisant les conditions d’acquisition et de détention de certaines d’entre elles, n’entre dans le champ d’application de l’article R. 421-2 du code de l’environnement ; qu’ainsi, le décret litigieux n’avait pas à être soumis à la consultation du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage ; que par suite la circonstance que l’avis de cette instance n’ait pas été recueilli n’a pas entaché d’irrégularité la procédure ayant précédé l’édiction de ce décret ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si l’article 22 de la Constitution dispose que les décrets du Premier ministre sont revêtus du contreseing des ministres chargés de leur exécution, l’exécution du décret du 31 mai 2011 n’appelait nécessairement l’intervention d’aucune mesure individuelle ou réglementaire que le ministre chargé de la chasse aurait eu compétence pour signer ou contresigner ; que par suite le moyen tiré du défaut de contreseing de ce ministre doit être écarté ;

Sur les dispositions du décret du 31 mai 2011 relatives aux mineurs :

7. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 2336-1 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige : « L’acquisition et la détention des armes et des munitions de toute catégorie sont interdites pour les mineurs sous réserve des exceptions définies par décret en Conseil d’Etat » ; que l’article 7 du décret du 31 mai 2011, par exception à ces dispositions, a prévu que les mineurs de plus de 16 ans titulaires d’un permis de chasse pouvaient détenir des armes de 5e catégorie ; qu’en vertu des dispositions de l’article L. 423-2 du code de l’environnement, un mineur de plus de quinze ans peut se voir délivrer une autorisation de chasser en étant accompagné ; que les dispositions critiquées, en tant qu’elles interdisent aux mineurs de moins de seize ans d’acquérir ou de détenir une arme de 5e catégorie, ne font pas obstacle à ce que les mineurs de plus de quinze ans titulaires de l’autorisation de chasser délivrée en application de l’article L. 423-2 du code de l’environnement puissent légalement faire usage sur le lieu de chasse de l’arme de 5e catégorie de leur accompagnateur majeur, lui-même titulaire d’un permis de chasse ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les dispositions du code de l’environnement relatives aux autorisations de chasse délivrées aux mineurs doit être écarté ;

8. Considérant, d’autre part, que le moyen tiré de ce que les dispositions du décret litigieux interdiraient aux mineurs d’acquérir, non seulement une arme classée en 6e catégorie, mais également tout objet assimilable à une arme relevant de cette catégorie manque en fait ;

Sur les dispositions des décrets du 31 mai 2011 et du 7 octobre 2011 relatives aux armes à impulsions électriques :

9. Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret du 6 mai 1995 dans sa rédaction issue du décret du 31 mai 2011, sont classées en 4e catégorie, au titre des « armes à feu dites de défense et leurs munitions dont l’acquisition et la détention sont soumises à autorisation », aux paragraphes 1 et 2 du III de cette catégorie, les « armes à impulsions électriques permettant de provoquer un choc électrique à distance par la projection de dards ou par tout autre procédé » ainsi que les « armes à impulsions électriques de contact permettant de provoquer un choc électrique à bout touchant, classées dans cette catégorie, en raison de leur dangerosité, par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l’intérieur et des ministres chargés de l’industrie et des douanes » ; qu’aux termes du même article, dans sa rédaction issue du décret du 7 octobre 2011, sont classées en 6e catégorie, au titre des « armes blanches », au paragraphe 3, les « armes à impulsions électriques de contact autres que celles classées en 4e catégorie » ;

En ce qui concerne la compatibilité avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 1er de son premier protocole additionnel :

10. Considérant, en premier lieu, que l’association de tireurs et MM. E…, G…, F…, A… et I… soutiennent que les dispositions du décret du 31 mai 2011, qui soumettent à autorisation la détention et l’acquisition de certains pistolets à impulsion électrique, méconnaissent les articles 2, 5, et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en ce qu’elles restreignent de manière disproportionnée la liberté d’accès à des moyens non létaux d’assurer la légitime défense de chaque individu ; que toutefois ces stipulations n’ont, en tout état de cause, ni pour objet ni pour effet de garantir à tout individu un droit inconditionnel d’acquérir ou de détenir une arme présentant un danger pour l’ordre et la sécurité publics ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2, 5 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme ne saurait être accueilli ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 7 de cette convention n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant que les armes de 4e catégorie sont soumises à un régime administratif d’autorisation en raison du risque d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité des personnes qu’elles présentent ; qu’en vertu des dispositions de l’article 30 du décret du 6 mai 1995, le détenteur d’une arme acquise comme arme de 5e, 7e ou 8e catégorie et classée ultérieurement en 4e catégorie peut, s’il remplit les conditions posées par les dispositions du chapitre Ier du titre III pour la détention des armes nouvelles classées dans cette catégorie, être autorisé à la conserver ; qu’en cas de refus d’autorisation ou d’absence de demande d’autorisation, le détenteur d’une telle arme dispose d’un délai de trois mois pour s’en dessaisir, notamment par la vente à un armurier ; qu’en classant certains pistolets à impulsion électrique en raison de leur dangerosité en 4e catégorie, sans prévoir de procédure d’indemnisation spécifique pour les détenteurs de telles armes n’ayant pas obtenu l’autorisation de les conserver, le décret contesté n’a pas porté au droit de propriété garanti par les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis, compte tenu des exigences de l’ordre et de la sécurité publics qui s’imposent au pouvoir réglementaire ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits garantis par cette stipulation conventionnelle doit être écarté ;

En ce qui concerne l’assimilation des pistolets à impulsion électrique à des armes à feu ou à des armes blanches :

12. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 2331-1 précité du code de la défense définit huit catégories auxquelles s’attachent des régimes juridiques différents et entre lesquelles tous les matériels de guerre, armes et munitions doivent être classés par décret en Conseil d’Etat ; que dans le cas où, en raison notamment d’une innovation technologique, la mise en oeuvre des critères de classement prévus par ces dispositions législatives en fonction de la finalité et des caractéristiques des matériels soulève une difficulté, il incombe au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif, d’interpréter ces critères à la lumière de leur objet ; qu’il lui appartient ainsi de classer en 4e catégorie les armes et les munitions dont l’acquisition et la détention doivent, en raison de leur dangerosité, être soumises au régime d’autorisation prévu au 2° du II de l’article L. 2336-1 du code de la défense et en 6e catégorie celles dont le port et le transport sans motif légitime doivent être interdits en raison du danger qu’elles sont susceptibles de constituer pour la sécurité publique, conformément aux dispositions de l’article L. 2338-1 du même code ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n’aurait pas été compétent pour assimiler les pistolets à impulsion électrique, en fonction de leurs caractéristiques, soit à des armes à feu, soit à des armes blanches, doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait été tenu, pour l’assimilation des armes particulièrement dangereuses à des armes à feu, de se conformer à la définition des armes à feu résultant du protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, est inopérant, dès lors que la France n’est pas partie à ce protocole ; que la définition des armes à feu figurant dans la directive n° 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, modifiée par la directive 2008/51/CE du Conseil du 21 mai 2008, n’a ni pour objet, ni pour effet de restreindre la possibilité pour les Etats membres de soumettre certaines armes, en raison de leur dangerosité, aux mêmes conditions d’acquisition et de détention que les armes à feu ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de cette directive ne saurait être accueilli ;

14. Considérant enfin qu’il ressort des pièces du dossier, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise sur ce point, que l’emploi des pistolets à impulsion électrique comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de troubles du rythme cardiaque, de syndrome d’hyperexcitation augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l’alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l’impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire ; que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées ; que, par suite, le pouvoir réglementaire a pu légalement décider de ranger dans les armes de 4e catégorie les « armes à impulsions électriques permettant de provoquer un choc électrique à distance par la projection de dards ou par tout autre procédé » ainsi que les « armes à impulsions électriques de contact permettant de provoquer un choc électrique à bout touchant, classées dans cette catégorie par arrêté conjoint des ministres de la défense et de l’intérieur et des ministres chargés de l’industrie et des douanes » et par voie de conséquence, assimiler ces armes aux « armes à feu dites de défense et leurs munitions » au sens de l’article L. 2331-1 du code de la défense ; que, de même, il a pu légalement assimiler à des armes blanches les armes à impulsion électrique autres que celles classées en 4e catégorie alors même que ces armes sont dépourvues de lames ; que, par suite, les moyens relatifs à l’illégalité de l’assimilation des pistolets à impulsion électrique à des armes à feu ou à des armes blanches doivent être écartés ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l’erreur de droit à avoir retenu le critère de la projection d’un dard pour évaluer la dangerosité des pistolets à impulsion électrique :

15. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les armes à impulsions électriques permettant de provoquer un choc électrique à distance par la projection de dards ou par tout autre procédé, classées en 4e catégorie, peuvent entraîner des risques de lésions permanentes si les projectiles atteignent le visage, les mains ou les parties génitales de la personne visée ; qu’une personne faisant usage d’une telle arme peut se tenir éloignée de la personne visée, qui ne peut se défendre par des gestes de protection ; que le pouvoir réglementaire a pu légalement en déduire que ces armes à impulsion électrique présentaient en règle générale un plus grand danger que les armes à impulsion électrique de contact tout en prévoyant que les armes à impulsion électrique de contact particulièrement dangereuses pourraient être classées en 4e catégorie par un arrêté conjoint des ministres de la défense et de l’intérieur et des ministres chargés de l’industrie et des douanes ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que des pistolets à impulsion électrique actuellement classés en 6e catégorie seraient plus dangereux que les pistolets à impulsion électrique projetant des dards classés en 4e catégorie ; que, par suite, la société SMP Technologie n’est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait omis de se fonder sur le critère de dangerosité pour opérer le classement des armes à impulsion électrique en 4e ou en 6e catégorie ;

16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’association de tireurs et MM. E…, G…, F…, A… et I… ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret du 31 mai 2011 ; que la société SMP Technologie n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle le Premier ministre a refusé d’abroger les décrets du 31 mai et du 7 octobre 2011 ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par la société SMP Technologie tendant à ce qu’il soit enjoint au Premier ministre d’abroger les décrets du 31 mai et du 7 octobre 2011 doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de l’association de tireurs et de MM. E…, G…, F… etA…, de M. I… et de la société SMP Technologie sont rejetées.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à l’Association de tireurs, à M. B… E…, à M. C… G…, à M. D… F…, à M. H… A…, à M. J… I…, à la société SMP Technologie, au Premier ministre, au ministre de l’intérieur, au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre de la défense.

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