CJCE, n° C-9/00, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle: Korkein hallinto-oikeus - Finlande, 18 avril 2002

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Chronologie de l’affaire

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Village Justice · 18 mars 2021

La notion de déchets est l'une des plus complexes à cerner en droit de l'environnement et relève de la casuistique. En France, selon les chiffres de l'ADEME, la production de déchets par habitant est de 4,9 tonnes par habitant. Il est à noter que ce chiffre est en baisse (-6,5 % entre 2007 et 2017). Des « soupes de plastiques » gangrènent les océans au point qu'un septième continent, composé uniquement de déchets, a été évoqué. Le traitement des déchets est donc un impératif de santé publique mondial d'urgence absolue. Le droit de l'Union européenne a été le moteur de la législation …

 

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 18 avr. 2002, Palin Granit et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, C-9/00
Numéro(s) : C-9/00
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 avril 2002. # Palin Granit Oy et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus. # Demande de décision préjudicielle: Korkein hallinto-oikeus - Finlande. # Rapprochement des législations - Directives 75/442/CEE et 91/156/CEE - Notion de 'déchet - Résidu de production - Carrière - Stockage - Utilisation de déchets - Absence de danger pour la santé et l'environnement - Possibilité de valorisation. # Affaire C-9/00.
Date de dépôt : 13 janvier 2000
Précédents jurisprudentiels : 28 mars 1990, Vessoso et Zanetti ( C-206/88 et C-207/88
ARCO Chemie Nederland e.a., C-418/97 et C-419/97
arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C-129/96
Tombesi e.a. ( C-304/94, C-330/94, C-342/94 et C-224/95
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62000CJ0009
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2002:232
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62000J0009

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 avril 2002. – Palin Granit Oy et Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus. – Demande de décision préjudicielle: Korkein hallinto-oikeus – Finlande. – Rapprochement des législations – Directives 75/442/CEE et 91/156/CEE – Notion de 'déchet – Résidu de production – Carrière – Stockage – Utilisation de déchets – Absence de danger pour la santé et l’environnement – Possibilité de valorisation. – Affaire C-9/00.


Recueil de jurisprudence 2002 page I-03533


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Environnement – Déchets – Directive 75/442, modifiée par la directive 91/156 – Notion – Substance dont on se défait – Critères d’appréciation

irective du Conseil 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156)

Sommaire


$$Les débris de pierre provenant de l’exploitation d’une carrière de pierres et stockés pour une durée indéterminée dans l’attente d’une utilisation éventuelle doivent être qualifiés de déchets au sens de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156, dès lors que le détenteur des débris s’en défait ou a l’intention de s’en défaire. Le lieu de stockage des débris de pierre, leur composition et le fait, à le supposer établi, qu’ils ne comportent pas de véritable danger pour la santé de l’homme ou l’environnement, ne sont pas des critères pertinents pour retenir ou non la qualification de déchet en ce qui les concerne.

( voir points 39, 51, disp. 1-2 )

Parties


Dans l’affaire C-9/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234 CE, par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par

Palin Granit Oy

et

Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet (rapporteur), R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

— pour le Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus, par M. J. Keskitalo, directeur du contrôle sanitaire, et Mme L. Suonkanta, chef des affaires économiques,

— pour le gouvernement finlandais, par Mme E. Bygglin, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Støvlbaek, en qualité d’agent, assisté de Mme E. Savia, avocat,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 janvier 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 31 décembre 1999, parvenue à la Cour le 13 janvier 2000, le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême) a posé, en application de l’article 234 CE, une question préjudicielle principale et quatre sous-questions sur l’interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la «directive 75/442»).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d’un recours contre une autorisation d’environnement délivrée par le Vehmassalon kansanterveystyön kuntayhtymän hallitus (syndicat intercommunal de Vehmassalo, ci-après le «syndicat intercommunal») à l’entreprise Palin Granit Oy (ci-après «Palin Granit») pour l’exploitation d’une carrière de granit. Il ressort en effet de la législation finlandaise que la délivrance d’une autorisation d’environnement concernant une décharge n’est pas de la compétence des autorités communales, de sorte que l’issue de la procédure au principal dépend de la qualification ou non de déchets des débris de pierre résultant de l’exploitation de la carrière.

La réglementation communautaire

3 L’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442 définit le déchet comme «toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire».

4 L’article 1er, sous c), de la même directive définit le «détenteur» comme le «producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession».

5 L’annexe I de la directive 75/442, intitulée «Catégories de déchets», mentionne, à son point Q 11, les «[r]ésidus d’extraction et de préparation des matières premières (par exemple résidus d’exploitation minière ou pétrolière, etc.)» et, à son point Q 16, «[t]oute matière, substance ou produit qui n’est pas couvert par les catégories ci-dessus».

6 L’article 1er, sous a), second alinéa, de la directive 75/442 confie à la Commission la tâche d’établir «une liste des déchets appartenant aux catégories énumérées à l’annexe I». En vertu de cette disposition, la Commission a arrêté, par la décision 94/3/CE, du 20 décembre 1993, établissant une liste des déchets en application de l’article 1er point a) de la directive 75/442 (JO 1994, L 5, p. 15), un «catalogue européen des déchets» (ci-après le «CED») dans lequel figurent notamment les «[d]échets provenant de l’exploration et de l’exploitation des mines et des carrières, et de la préparation et du traitement ultérieur de minerais». La note préliminaire de l’annexe de la décision 94/3 précise que cette liste «s’applique à tous les déchets, qu’ils soient destinés à des opérations d’élimination ou de valorisation» et qu’elle est «une liste de déchets harmonisée et non exhaustive, c’est-à-dire une liste qui fera l’objet d’un réexamen périodique», mais que, toutefois, «le fait qu’une matière y figure ne signifie pas qu’elle soit un déchet dans tous les cas» et que «[l]'inscription sur cette liste n’a d’effet que si la matière répond à la définition des déchets».

7 Les articles 9 et 10 de la directive 75/442 précisent que tout établissement ou toute entreprise qui effectue des opérations d’élimination des déchets visées à l’annexe II A ou des opérations débouchant sur une possibilité de valorisation des déchets visées à l’annexe II B de la même directive doit obtenir une autorisation de l’autorité compétente.

8 Parmi les opérations d’élimination visées à l’annexe II A de la directive 75/442 figurent, au point D 1, le «[d]épôt sur ou dans le sol (par exemple mise en décharge, etc.)», au point D 12, le «[s]tockage permanent (par exemple placement de conteneurs dans une mine, etc.)» et, au point D 15, le «[s]tockage préalable à l’une des opérations de la présente annexe, à l’exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production». Parmi les opérations de valorisation visées à l’annexe II B de la directive figure, au point R 13, le «[s]tockage de matériaux en vue de les soumettre à l’une des opérations figurant à la présente annexe, à l’exclusion du stockage temporaire, avant collecte, sur le site de production».

9 Une dispense d’autorisation est néanmoins prévue à l’article 11 de la directive 75/442, dont le paragraphe 1 est ainsi libellé:

«[…] peuvent être dispensés de l’autorisation visée à l’article 9 ou 10:

a) les établissements ou entreprises assurant eux-mêmes l’élimination de leurs propres déchets sur les lieux de production

et

b) les établissements ou entreprises qui valorisent des déchets.

Cette exemption ne peut s’appliquer que:

— si les autorités compétentes ont adopté des règles générales pour chaque type d’activité, fixant les types et quantités de déchets et les conditions requises pour que l’activité soit dispensée de l’autorisation

et

— si les types ou les quantités de déchets et les modes d’élimination ou de valorisation sont tels que les conditions de l’article 4 sont respectées».

10 Ces «conditions de l’article 4» de la directive 75/442 sont l’absence de mise en danger de la santé de l’homme et l’absence de préjudice porté à l’environnement.

La réglementation nationale

11 La directive 75/442 a été transposée en droit finlandais par la loi (1072/1993) sur les déchets, qui a pour objet de prévenir la production de déchets, de limiter leurs propriétés dangereuses et de favoriser leur valorisation.

12 L’article 3, premier alinéa, point 1, de cette loi définit les déchets comme «tous produits ou substances dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire». Cette définition est complétée par une liste des substances ou produits classés comme déchets qui figure à l’annexe I du décret (1390/1993) sur les déchets. Parmi les 16 catégories que contient cette liste, la catégorie Q 11 concerne les résidus d’extraction ou de préparation des matières premières tels que les résidus d’exploitation minière ou pétrolière.

13 L’article 3, premier alinéa, points 10 et 11, de la loi (1072/1993) définit la valorisation comme «toute action ayant pour objet de récupérer et d’utiliser la substance ou l’énergie que contiennent les déchets» et le traitement comme «toute activité ayant pour objet de neutraliser et de stocker définitivement les déchets».

14 Selon l’article 1er du décret (1390/1993), les dispositions de la loi (1072/1993) concernant l’autorisation de dépôt de déchets ne s’appliquent pas à l’exploitation ou au traitement au lieu d’extraction de déchets naturels non dangereux résultant de l’extraction de substances contenues dans le sol.

15 La décision (867/1996) du ministre de l’environnement, prise en application de la loi (1072/1993) et portant énumération des déchets les plus communs et des déchets nocifs, comprend ceux résultant de la prospection des minéraux, de leur extraction, de leur enrichissement ou autre traitement, ainsi que de la transformation des pierres et de la production de gravier. D’après l’introduction à cette énumération, la terminologie employée repose sur le CED et l’énumération n’a qu’une valeur indicative. Un produit ou une substance figurant dans cette énumération n’est un déchet que s’il présente les caractéristiques visées à l’article 3, premier alinéa, point 1, de la loi (1072/1993).

16 Aux termes de l’article 5 de la loi (735/1991) relative à la procédure d’autorisation d’environnement, telle que modifiée par la loi (61/1995), l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’environnement est soit l’autorité communale, soit le centre régional de l’environnement. L’article 1er, premier alinéa, du décret (772/1992) sur la procédure d’autorisation d’environnement, tel que modifié par le décret (62/1995), qui énumère les dossiers relevant de la compétence du centre régional de l’environnement, vise, à son point 14, les dossiers d’autorisation d’environnement concernant les décharges.

Le litige au principal

17 Le 25 novembre 1994, Palin Granit a sollicité du syndicat intercommunal une autorisation d’environnement pour établir une carrière de granit. Cette demande comportait un plan de gestion des débris de pierre et mentionnait la possibilité de valoriser ces derniers en les employant comme gravier ou matériau de remblai. Elle exposait également que les débris de pierre provenant de l’exploitation et représentant environ 50 000 m3 par an, soit 65 à 80 % du volume de pierre extrait, seraient stockés sur un site adjacent. Le syndicat intercommunal lui a accordé une autorisation d’environnement provisoire assortie de plusieurs conditions renforçant l’exigence d’un faible impact dommageable de l’exploitation sur la population et l’environnement.

18 Saisi par le Turun ja Porin lääninhallitus (administration du département de Turku et Pori), le Turun ja Porin lääninoikeus (tribunal administratif départemental de Turku et Pori) a considéré que les débris de pierre étaient des déchets au sens de la loi (1072/1993) et que leur zone de stockage était une décharge au sens de la décision (861/1997) du Conseil des ministres sur les décharges. Constatant que la législation finlandaise donnait compétence au Lounais-Suomen ympäristökeskus (centre régional de l’environnement du Sud-Ouest de la Finlande, ci-après le «centre de l’environnement») pour accorder une autorisation d’environnement concernant une décharge, le lääninoikeus a annulé pour incompétence la décision du syndicat intercommunal.

19 Contestant la qualification de déchets donnée aux débris de pierre, Palin Granit et le syndicat intercommunal ont formé un pourvoi auprès du Korkein hallinto-oikeus. Palin Granit a souligné que les débris, dont la composition minérale était identique à celle de la roche mère dont ils étaient issus, étaient stockés pour de courtes périodes dans un but d’utilisation ultérieure, sans qu’aucune mesure de valorisation ne soit nécessaire, et qu’ils ne comportaient aucun danger pour la santé de l’homme ou pour l’environnement. Ils se distingueraient en cela des sous-produits miniers qui n’ont pas été qualifiés de déchets par la législation et la jurisprudence nationales, en dépit de leur caractère nocif. De plus, selon l’article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, du décret (1390/1993), les déchets du sol non dangereux et traités au lieu d’extraction relèveraient de la loi (555/1981) sur les substances contenues dans le sol et non de la réglementation sur les déchets.

20 Au contraire, le centre de l’environnement, rejoignant un avis du ministre de l’environnement, a fait valoir que les débris de pierre devaient être qualifiés de déchets tant que la preuve d’une réutilisation n’était pas apportée.

21 Afin de déterminer l’autorité compétente pour accorder à Palin Granit l’autorisation d’environnement sollicitée, le Korkein hallinto-oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Faut-il considérer des débris de pierre, provenant de l’exploitation d’une carrière, comme des déchets au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991, compte tenu des circonstances énoncées ci-après sous a) à d)?

a) Quelle importance convient-il d’attribuer au fait que les débris soient stockés en attente d’utilisation ultérieure sur un terrain situé à proximité du lieu d’extraction? De manière générale, le fait que le stockage ait lieu sur le lieu d’extraction, sur un terrain situé à proximité ou plus loin a-t-il une incidence?

b) Quelle importance convient-il d’attribuer au fait que, de par leur composition minérale, ces débris sont identiques à la roche dont ils sont extraits et ne changent pas d’état physique quels que soient la durée ou le mode de leur conservation?

c) Quelle importance convient-il d’attribuer au fait que les débris ne comportent pas de danger pour la santé publique et l’environnement? En règle générale, dans quelle mesure faut-il tenir compte d’éventuelles incidences sanitaires ou écologiques pour qualifier un débris de déchet?

d) Quelle importance convient-il d’attribuer au fait qu’il soit envisagé de transférer les débris, en totalité ou partiellement, hors du lieu où ils sont entreposés, en vue de les utiliser, par exemple, comme moyen de comblement ou pour la construction de brise-lames, et au fait qu’ils soient valorisables en l’état, sans qu’il soit besoin de les soumettre à des mesures de transformation ou équivalentes? Dans quelle mesure à cet égard convient-il d’attacher de l’importance au degré de certitude des projets du détenteur des déchets quant à leur valorisation et à la plus ou moins grande rapidité de concrétisation de ces projets après que les déchets auront été déchargés sur l’aire de stockage?»

Sur la question principale

22 L’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442 définit les déchets comme «toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire». Ladite annexe ainsi que le CED précisent et illustrent cette définition en proposant des listes de substances et d’objets pouvant être qualifiés de déchets. Celles-ci n’ont cependant qu’un caractère indicatif et la qualification de déchets résulte avant tout, comme le souligne à juste titre la Commission, du comportement du détenteur selon qu’il souhaite ou non se défaire des substances considérées. Dès lors, le champ d’application de la notion de déchet dépend de la signification du terme «se défaire» (arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie, C-129/96, Rec. p. I-7411, point 26).

23 Le verbe «se défaire» doit être interprété à la lumière de l’objectif de la directive 75/442 qui, aux termes de son troisième considérant, est la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets ainsi qu’à celle de l’article 174, paragraphe 2, CE, qui dispose que la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé et est fondée, notamment, sur les principes de précaution et d’action préventive. Il s’ensuit que la notion de déchet ne saurait être interprétée de manière restrictive (voir arrêt du 15 juin 2000, ARCO Chemie Nederland e.a., C-418/97 et C-419/97, Rec. p. I-4475, points 36 à 40).

24 Plus spécialement, la question de savoir si une substance donnée est un déchet doit être examinée au regard de l’ensemble des circonstances, en tenant compte de l’objectif de la directive 75/442 et en veillant à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à son efficacité (arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, points 73, 88 et 97).

25 Aucun critère déterminant n’est proposé par la directive 75/442 pour déceler la volonté du détenteur de se défaire d’une substance ou d’un objet donnés. Néanmoins, la Cour, interrogée à plusieurs reprises sur la qualification ou non de déchets de différentes substances, a fourni certaines indications susceptibles de permettre d’interpréter la volonté du détenteur. C’est au regard de ces éléments et à la lumière des objectifs de la directive 75/442 qu’il convient d’analyser la qualification des débris de pierre et d’apprécier s’ils relèvent de la catégorie des résidus d’extraction des matières premières, visée au point Q 11 de l’annexe I de ladite directive.

26 La Commission analyse les opérations d’élimination et de valorisation d’une substance ou d’un objet comme une manifestation de la volonté de «s’en défaire» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442. Les articles 4, 8, 9, 10 et 12 de cette directive décriraient en effet, selon elle, ces opérations comme le mode de traitement des déchets. Parmi elles, figurent le dépôt sur ou dans le sol, dont la mise en décharge (point D 1 de l’annexe II A), le stockage préalable à une autre opération d’élimination (point D 15 de l’annexe II A) et le stockage préalable à une opération de valorisation (point R 13 de l’annexe II B). Les débris de pierre, stockés sur le lieu d’extraction ou sur le lieu d’entreposage, feraient donc l’objet d’une opération d’élimination ou de valorisation.

27 La distinction entre des opérations d’élimination ou de valorisation des déchets et le traitement d’autres produits est cependant souvent difficile à appréhender. Ainsi, la Cour a déjà jugé que la circonstance qu’une substance est soumise à une opération mentionnée à l’annexe II B de la directive 75/442 ne permet pas de conclure qu’il s’agit de s’en défaire et de considérer, dès lors, cette substance comme un déchet (arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, point 82). La mise en oeuvre d’une opération mentionnée à l’annexe II A ou II B de la directive 75/442 ne permet donc pas, par elle-même, de qualifier une substance de déchet.

28 Le syndicat intercommunal et Palin Granit affirment que le lieu de stockage des débris de pierre résultant de l’exploitation d’une carrière ne constitue pas une décharge mais un entrepôt de matériaux réutilisables dans la mesure où ces débris seraient susceptibles d’être utilisés pour des travaux de remblaiement ou la construction de ports et de brise-lames.

29 Cet argument ne saurait suffire pour exclure que des débris de pierre soient qualifiés de déchets. En effet, dans son arrêt du 28 mars 1990, Vessoso et Zanetti (C-206/88 et C-207/88, Rec. p. I-1461, point 9), la Cour a défini la notion de déchet comme n’excluant pas les substances et objets susceptibles de réutilisation économique. Dans son arrêt du 25 juin 1997, Tombesi e.a. (C-304/94, C-330/94, C-342/94 et C-224/95, Rec. p. I-3561, point 52), elle a également précisé que le système de surveillance et de gestion établi par la directive 75/442 vise à couvrir tous les objets et substances dont le propriétaire se défait, même s’ils ont une valeur commerciale et sont collectés à titre commercial aux fins de recyclage, de récupération ou de réutilisation.

30 Ni le fait que des débris de pierre font l’objet d’une opération de traitement visée par la directive 75/442 ni la circonstance qu’ils sont réutilisables ne permettent donc de dire si ces débris sont ou non des déchets au sens de la directive 75/442.

31 D’autres considérations sont, en revanche, plus déterminantes.

32 Aux points 83 à 87 de l’arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, la Cour a souligné l’importance de l’indice consistant à savoir si la substance est un résidu de production, c’est-à-dire un produit qui n’a pas été recherché comme tel en vue d’une utilisation ultérieure. Comme l’observe la Commission, dans l’affaire au principal, la production de débris de pierre n’est pas l’objet principal de Palin Granit. Ils ne sont produits qu’accessoirement et l’entreprise cherche à en limiter la quantité. Or, selon le sens commun, un déchet est ce qui tombe lorsqu’on travaille un matériau ou un objet et qui n’est pas le résultat directement recherché par le processus de fabrication.

33 Dès lors, il apparaît que des débris d’extraction, qui ne sont pas la production principalement recherchée par l’exploitant d’une carrière de granit, relèvent, en principe, de la catégorie des «[r]ésidus d’extraction et de préparation des matières premières» figurant au point Q 11 de l’annexe I de la directive 75/442.

34 Un argument pourrait être opposé à cette analyse, consistant à dire qu’un bien, un matériau ou une matière première résultant d’un processus de fabrication ou d’extraction qui n’est pas destiné principalement à le produire peut constituer non pas un résidu, mais un sous-produit, dont l’entreprise ne souhaite pas «se défaire», au sens de l’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442, mais qu’elle entend exploiter ou commercialiser dans des conditions pour elle avantageuses, dans un processus ultérieur, sans opération de transformation préalable.

35 Une telle analyse ne serait pas contraire aux objectifs de la directive 75/442. Il n’y a en effet aucune justification à soumettre aux dispositions de celle-ci, qui sont destinées à prévoir l’élimination ou la valorisation des déchets, des biens, des matériaux ou des matières premières qui ont économiquement la valeur de produits, indépendamment d’une quelconque transformation, et qui, en tant que tels, sont soumis à la législation applicable à ces produits.

36 Cependant, eu égard à l’obligation, rappelée au point 23 du présent arrêt, d’interpréter largement la notion de déchet, aux fins de limiter les inconvénients ou nuisances inhérents à leur nature, il convient de circonscrire cette argumentation relative aux sous-produits aux situations dans lesquelles la réutilisation d’un bien, d’un matériau ou d’une matière première n’est pas seulement éventuelle, mais certaine, sans transformation préalable, et dans la continuité du processus de production.

37 Il apparaît dès lors que, outre le critère tiré de la nature ou non de résidu de production d’une substance, le degré de probabilité de réutilisation de cette substance, sans opération de transformation préalable, constitue un second critère pertinent aux fins d’apprécier si elle est ou non un déchet au sens de la directive 75/442. Si, au-delà de la simple possibilité de réutiliser la substance, il existe un avantage économique pour le détenteur à le faire, la probabilité d’une telle réutilisation est forte. Dans une telle hypothèse, la substance en cause ne peut plus être analysée comme une charge dont le détenteur chercherait à «se défaire», mais comme un authentique produit.

38 Or, dans l’affaire au principal, le gouvernement finlandais souligne, à juste titre, que les seules réutilisations envisageables des débris de pierre dans leur forme existante, par exemple à l’occasion de travaux de remblaiement ou de construction de ports et de brise-lames, nécessitent, dans la plupart des hypothèses, des opérations de stockage qui peuvent être durables, constitutives d’une charge pour l’exploitant et potentiellement à l’origine de nuisances environnementales que la directive 75/442 cherche précisément à limiter. La réutilisation n’est donc pas certaine et n’est envisageable qu’à plus ou moins long terme, de sorte que les débris de pierre ne peuvent être considérés que comme des «résidus d’extraction», dont l’exploitant a «l’intention ou l’obligation de se défaire», au sens de la directive 75/442, et relèvent donc de la catégorie visée au point Q 11 de l’annexe I de ladite directive.

39 Il y a donc lieu de répondre à la question principale de la juridiction de renvoi que le détenteur de débris de pierre provenant de l’exploitation d’une carrière de pierres, qui sont stockés pour une durée indéterminée dans l’attente d’une utilisation éventuelle, se défait ou a l’intention de se défaire de ces débris, lesquels doivent, par voie de conséquence, être qualifiés de déchets au sens de la directive 75/442.

Sur les sous-questions a) à d)

40 S’agissant de la sous-question d), il convient de relever que la Cour y a déjà répondu dans le cadre de l’examen de la question principale. En effet, l’incertitude pesant sur les projets d’utilisation des débris de pierre et l’impossibilité de les réutiliser dans leur entiéreté permettent de conclure à la qualification de déchets de l’ensemble de ces débris et pas seulement de ceux qui ne seraient pas l’objet de tels projets.

41 En tout état de cause, conformément à l’article 11 de la directive 75/442, il reste possible, pour les autorités nationales, d’arrêter des règles prévoyant des dispenses d’autorisation et d’accorder de telles dispenses pour les opérations d’élimination et de valorisation de certains déchets et, pour les juridictions nationales, d’assurer le respect de ces règles conformément aux objectifs de la directive 75/442.

42 S’agissant de la sous-question a), il convient de relever que, compte tenu de la réponse qui vient d’être apportée à la question principale, le lieu de stockage de débris de pierre, qu’il se trouve sur le lieu d’extraction, sur un terrain situé à proximité ou plus loin, n’a pas d’incidence sur la qualification de déchets de ces débris. De même, les conditions de stockage et la durée d’entreposage des matériaux ne donnent, par elles-mêmes, aucune indication sur la valeur que l’entreprise leur accorde ni sur les avantages qu’elle pourra en retirer. Elles ne permettent pas de déterminer si le détenteur des matériaux souhaite ou non s’en défaire.

43 En ce qui concerne la sous-question b), il y a lieu de rappeler que, au point 87 de l’arrêt ARCO Chemie Nederland e.a., précité, la Cour a considéré comme un indice de l’existence d’une action, d’une intention ou d’une obligation de se défaire d’une substance au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442 le fait que cette substance soit un résidu de production dont la composition n’est pas adaptée à l’utilisation qui en est faite ou encore que cette utilisation doive se faire dans des conditions particulières de précaution en raison du caractère dangereux, pour l’environnement, de sa composition.

44 Concernant des débris de pierre, la circonstance qu’ils aient la même composition que les blocs de pierre extraits de la carrière et qu’ils ne changent pas d’état physique pourrait donc les rendre adaptés à l’utilisation qui peut en être faite. Cependant, cet argument ne serait déterminant que si l’ensemble des débris était réutilisé. Or, il n’est pas contestable que la valeur commerciale de blocs de pierre dépend de leur taille, de leur forme, de leur possibilité d’utilisation dans le secteur de la construction, toutes qualités que, malgré l’identité de leur composition, ne présentent pas des débris de pierre. Dès lors, ces débris n’en sont pas moins des résidus de production.

45 Par ailleurs, le risque de nuisance pour l’environnement induit par des débris de pierre non utilisés n’est pas atténué par cette identité de composition minérale, dans la mesure où celle-ci n’exclut pas les opérations de stockage de ces matériaux, qui ont des effets sur l’environnement.

46 En tout état de cause, même lorsqu’une substance fait l’objet d’une opération de valorisation complète et acquiert ainsi les mêmes propriétés et caractéristiques qu’une matière première, elle peut néanmoins être considérée comme un déchet si, conformément à la définition de l’article 1er, sous a), de la directive 75/442, son détenteur s’en défait, a l’intention ou l’obligation de s’en défaire.

47 En ce qui concerne la sous-question c), il convient de souligner que le fait que les débris de pierre ne comportent pas de danger pour la santé de l’homme ou l’environnement ne constitue pas davantage un élément permettant d’écarter la qualification de déchet.

48 En effet, il y a d’abord lieu de constater que la directive 75/442, relative aux déchets, est complétée par la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20), ce qui implique que la notion de déchet ne se déduit pas de la dangerosité des substances.

49 Ensuite, à supposer même que les débris de pierre ne comportent pas, de par leur composition, de danger pour la santé de l’homme ou l’environnement, leur accumulation est nécessairement source d’inconvénients et de nuisances pour l’environnement, dès lors que leur réutilisation complète n’est ni immédiate ni même toujours envisageable.

50 Enfin, l’absence de dangerosité de la substance en cause n’est pas un critère déterminant pour apprécier l’intention de son détenteur à son égard.

51 Dès lors, il convient de répondre aux sous-questions de la juridiction de renvoi que le lieu de stockage des débris de pierre, leur composition et le fait, à le supposer établi, qu’ils ne comportent pas de véritable danger pour la santé de l’homme ou l’environnement, ne sont pas des critères pertinents pour retenir ou non la qualification de déchet en ce qui les concerne.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

52 Les frais exposés par le gouvernement finlandais et la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Korkein hallinto-oikeus, par ordonnance du 31 décembre 1999, dit pour droit:

1) Le détenteur de débris de pierre provenant de l’exploitation d’une carrière de pierres, qui sont stockés pour une durée indéterminée dans l’attente d’une utilisation éventuelle, se défait ou a l’intention de se défaire de ces débris, lesquels doivent, par voie de conséquence, être qualifiés de déchets au sens de la directive 75/442 du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets.

2) Le lieu de stockage des débris de pierre, leur composition et le fait, à le supposer établi, qu’ils ne comportent pas de véritable danger pour la santé de l’homme ou l’environnement, ne sont pas des critères pertinents pour retenir ou non la qualification de déchet en ce qui les concerne.

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CJCE, n° C-9/00, Arrêt de la Cour, Demande de décision préjudicielle: Korkein hallinto-oikeus - Finlande, 18 avril 2002