Conseil constitutionnel, décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, Loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France

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Sur la décision

Référence :
Cons. const., 3 sept. 1986, n° 86-216 DC
Décision n° 86-216 DC
Loi déférée : Loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France
Publication : Journal officiel du 5 septembre 1986, page 10790, Recueil, p. 135
Dispositif : Non conformité partielle
Identifiant Légifrance : CONSTEXT000017667406
Identifiant européen : ECLI:FR:CC:1986:86.216.DC
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 8 août 1986, par MM. Pierre Joxe, Lionel Jospin, Roland Dumas, Michel Sapin, André Lejeune, Mme Ginette Leroux, MM. Jean Lacombe, Jean Beaufils, Paul Dhaille, Jean Laurain, Raymond Douyère, Jean-Michel Belorgey, Jean Anciant, Mme Catherine Lalumière, MM. Jean-Hugues Colonna, Alain Barrau, Robert Chapuis, Job Durupt, Guy Bêche, Jean-Claude Portheault, André Clert, Mme Yvette Roudy, MM. Christian Laurissergues, Jean Oehler, Mme Martine Frachon, M André Ledran, Mme Gisèle Stiévenard, M Jean Auroux, Mmes Jacqueline Osselin, Marie-France Lecuir, MM. Philippe Bassinet, André Bellon, Jean-Michel Boucheron, Roland Carraz, Mme Odile Sicard, MM. Jean Proveux, Bernard Derosier, Alain Richard, Louis Mexandeau, André Laignel, Guy Malandain, Alain Vivien, Claude Bartolone, Roger-Gérard Schwartzenberg, Alain Calmat, Marcel Wacheux, Maurice Adevah-P uf, Michel Pezet, Dominique Strauss-Kahn, Jean Le Garrec, Jean Giovannelli, Jacques Guyard, André Labarrère, Mmes Edith Cresson, Véronique Neiertz, Catherine Trautmann, MM. Jean-Pierre Sueur, Pierre Bourguignon, Jean-Claude Chupin, Henri Fiszbin, Bernard Schreiner, Henri Emmanuelli, Jean-Jack Queyranne, Gilbert Bonnemaison, Jack Lang, Olivier Stirn, Michel Berson, Joseph Franceschi, Guy-Michel Chauveau, Guy Chanfrault, André Billardon, Michel Hervé, Henry Prat, Augustin Bonrepaux, Jean-Claude Dessein, Jean-Pierre Worms, Georges Le Baill, André Borel, Philippe Puaud, Henri Nallet, députés, dans les conditions prévues à l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France ; qu’ils font grief à l’article 1er de la loi concernant le refus d’entrée sur le territoire, à l’article 5 fixant les conditions de la reconduite à la frontière et aux articles 7 à 9 relatifs aux mesures d’expulsion, de violer des règles ou principes de valeur constitutionnelle ;
SUR LE REFUS D’ENTREE SUR LE TERRITOIRE :
2. Considérant que l’article 1er de la loi ajoute aux conditions d’entrée des étrangers en France prévues par l’article 5 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 l’exigence, s’il y a lieu, d’un document relatif à leurs moyens d’existence ; qu’il abroge la disposition de l’alinéa 2 dudit article 5 selon laquelle la production des documents, visas et justifications, confère, en principe, à l’étranger le droit d’entrer sur le territoire ; qu’après avoir confirmé la possibilité de refuser l’entrée d’un étranger dont la présence constituerait une menace pour l’ordre public, l’article 1er de la loi ajoute un dernier alinéa à l’article 5 de l’ordonnance, aux termes duquel toute décision de refus d’entrée est immédiatement exécutoire, sauf si l’autorité consulaire demande un sursis à exécution d’un jour franc ; qu’enfin, l’article 1er de la loi dispose que l’étranger peut être maintenu dans des locaux non pénitentiaires pendant le temps strictement nécessaire à son départ, dans les conditions prévues à l’article 35 bis de la même ordonnance ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine font grief à ces dispositions de conférer un caractère immédiatement exécutoire au refus d’accès au territoire français et de laisser ainsi aux autorités de police, à défaut de garantie judiciaire appropriée, un pouvoir discrétionnaire susceptible de porter atteinte au principe constitutionnel du droit d’asile ; qu’ils font valoir que l’exécution immédiate de la décision de refus risque de priver l’intéressé de la possibilité de se faire reconnaître la qualité de réfugié ; qu’ils en déduisent que la loi ne pouvait rendre le refus d’accès au territoire immédiatement exécutoire qu’à la condition de prévoir une dérogation explicite pour les étrangers qui manifesteraient leur intention de demander le statut de réfugié ;
4. Considérant qu’aux termes du 4e alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République » ;
5. Considérant qu’un tel principe est mis en oeuvre par la loi et les conventions internationales introduites en droit interne avec l’autorité prévue à l’article 55 de la Constitution ; qu’aux termes de cet article : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie » ; que l’article 1-I de la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel exclut de l’application des mesures qu’il édicte, non l’ensemble des conventions internationales entrant dans le champ des prévisions de l’article 55 de la Constitution mais uniquement les « conventions internationales dûment ratifiées et non dénoncées » ; qu’en restreignant ainsi le domaine d’application de l’article 55, l’expression « dûment ratifiées et non dénoncées » n’est pas conforme à la Constitution ;
6. Considérant que la règle édictée par l’article 55 de la Constitution, dont le respect s’impose, même dans le silence de la loi, s’applique notamment à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés modifiée par le protocole de New-York du 31 janvier 1967, convention et protocole qui ont été introduits dans l’ordre juridique interne ; qu’il appartient aux divers organes de l’État de veiller à l’application de ces conventions internationales dans le cadre de leurs compétences respectives ; que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, aucune dérogation n’avait ainsi à figurer dans la loi ; qu’il ne saurait donc résulter de l’article 1er de la loi, quelles qu’en soient les dispositions, aucune méconnaissance du 4e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; que le moyen n’est donc pas fondé ;
SUR LA MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE :
7. Considérant que l’article 5 de la loi permet de reconduire à la frontière quatre catégories déterminées d’étrangers en situation irrégulière ; que, dès la notification de la décision les concernant, ils sont mis en mesure d’avertir leur conseil, leur consul ou toute personne de leur choix ; qu’à la demande de l’autorité consulaire la décision ne peut être mise à exécution avant l’expiration d’un délai d’un jour franc ; que cette décision peut être déférée au tribunal administratif et faire l’objet d’une demande de sursis à exécution ; qu’enfin, ne peuvent être reconduits à la frontière les étrangers non susceptibles d’être expulsés en vertu de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
8. Considérant que les auteurs de la saisine reprochent à cette disposition de substituer à une mesure relevant précédemment de l’autorité judiciaire, une décision administrative discrétionnaire susceptible de mettre en cause la liberté individuelle et de violer ainsi l’article 66 de la Constitution ; qu’ils en concluent que l’article 5 de la loi « devait,… soit maintenir la compétence judiciaire, soit, à tout le moins, organiser la procédure de telle sorte qu’un minimum de droits soient garantis à la défense » ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu.- L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;
10. Considérant que cet article n’interdit pas au législateur de prévoir, sous des garanties appropriées, les mesures permettant à l’autorité administrative d’ordonner à un étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français de quitter celui-ci ; que la décision administrative à intervenir, d’ailleurs inapplicable aux étrangers qui ne peuvent être expulsés en vertu de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de l’article 9 de la loi présentement examinée, peut donner lieu à un recours juridictionnel devant le tribunal administratif assorti d’une demande de sursis à exécution ; que le grief n’est donc pas fondé ;
SUR LES CONDITIONS DE L’EXPULSION :
11. Considérant qu’en vertu de l’article 7 de la loi peut être décidée l’expulsion d’un étranger dont la présence sur le territoire peut constituer une menace pour l’ordre public ; que sont exceptés de cette mesure les étrangers entrant dans l’une des catégories figurant à l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ; que l’arrêté d’expulsion peut être abrogé à tout moment ; qu’enfin, lorsqu’une demande d’abrogation est présentée à l’expiration d’un délai de cinq ans, elle ne peut être rejetée qu’après avis consultatif de la commission visée à l’article 24 de ladite ordonnance ; qu’aux termes de l’article 8 de la loi est abrogé le 3° de l’article 24 de cette ordonnance d’après lequel l’expulsion ne peut être, en principe, prononcée si la commission émet un avis défavorable à celle-ci ;
EN CE QUI CONCERNE LA MENACE POUR L’ORDRE PUBLIC :
12. Considérant que les auteurs de la saisine reprochent à ces dispositions de ne plus subordonner l’expulsion d’un étranger à une menace grave pour l’ordre public comme l’exigeait la législation antérieure ; que suffit désormais une simple menace pour l’ordre public ; que les risques d’excès de l’administration se trouvent ainsi renforcés alors qu’est supprimée la possibilité pour la commission sus-mentionnée de faire obstacle à l’intervention d’une décision abusive et que disparaît par cela même une disposition essentiellement protectrice des libertés publiques ; que, dès lors, les articles 7 et 8 de la loi violent l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre le droit à la liberté, non seulement pour les citoyens, mais pour tous les individus ;
13. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de ladite Déclaration : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ;
14. Considérant qu’il résulte des dispositions de cet article, rapprochées de celles des articles 34 et 66 de la Constitution, qu’il revient au législateur de déterminer, compte tenu de l’intérêt public, les conditions d’exercice de la liberté ; qu’il utilise valablement ces prérogatives en permettant, sous des garanties suffisantes, de procéder à l’expulsion d’étrangers dont la présence constitue une menace pour l’ordre public ; que l’appréciation portée sur ces garanties ne saurait être tirée de la comparaison entre les dispositions de deux lois successives, mais est fonction de la confrontation de la loi contestée avec les exigences constitutionnelles ; qu’en aménageant les règles de procédure décrites aux 1° et 2° de l’article 24 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, qui prévoient, sauf dans le cas d’urgence absolue visé à l’article 26 de l’ordonnance, la comparution de l’intéressé devant la commission instituée par cet article, qu’en faisant enfin précéder la décision de l’autorité administrative de l’avis de cette commission, sans porter atteinte aux garanties juridictionnelles de droit commun applicables à l’espèce, les articles 7 et 8 de la loi ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
EN CE QUI CONCERNE LES ÉTRANGERS QUI NE PEUVENT PAS ÊTRE EXPULSÉS :
15. Considérant que l’article 9-I de la loi modifie les dispositions de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui déterminent les catégories d’étrangers qui, sous réserve de l’application de l’article 26 de cette ordonnance, ne peuvent être expulsés ; que, pour pouvoir bénéficier de ces exceptions, l’article 25.2° de l’ordonnance dans sa rédaction résultant de la loi déférée, exige de l’étranger dont le conjoint est de nationalité française que la communauté de vie conjugale soit effective et que le mariage ait été contracté depuis au moins une année ; que le 4° de l’article 25 prévoit la même exemption en faveur de l’étranger résidant en France depuis l’âge de dix ans, ou depuis plus de dix années et qui n’a pas été condamné à une peine d’emprisonnement au moins égale à six mois sans sursis ou à un an avec sursis ou à plusieurs peines d’emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes peines ;
Quant aux droits de la famille :
16. Considérant que les auteurs de la saisine font grief à l’article 9-I de la loi de violer les dispositions du dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ; qu’en effet, le conjoint français de l’étranger expulsé « se trouve privé des conditions nécessaires au développement de sa personne et de sa famille »; qu’en outre, l’allongement de six mois à un an « du délai postérieur au mariage accroit corrélativement les risques d’une expulsion frappant un étranger sur le point de devenir père ou mère d’un enfant français » ;
17. Considérant que le dixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame que : « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ;
18. Considérant qu’il appartient au législateur d’apprécier les conditions dans lesquelles les droits de la famille peuvent être conciliés avec les impératifs d’intérêt public ; que, s’il peut permettre à l’autorité chargée de se prononcer sur l’expulsion d’un étranger de tenir compte de tous éléments d’appréciation, y compris, si besoin est, de sa situation familiale, il ne transgresse aucune disposition constitutionnelle en faisant prévaloir les nécessités de l’ordre public ; que le grief n’est donc pas fondé ;
Quant aux lacunes de la loi :
19. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, le 4° de l’article 25 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de l’article 9-I de la loi, « n’a… aucun sens » faute de préciser « dans quelle période les condamnations devraient avoir été encourues pour être prises en compte » ; que cette disposition serait ainsi « contraire aux principes contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » ;
20. Considérant que si le Conseil constitutionnel a compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une loi soumise à son examen, il ne lui appartient pas de faire porter son contrôle sur des critiques d’ordre rédactionnel qui sont sans rapport avec des dispositions constitutionnelles ; que le grief doit donc être rejeté ;
SUR LE DELAI DE RETENTION :
21. Considérant qu’il y a lieu d’examiner, au regard de la Constitution, l’article 15-II de la loi qui modifie l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 en vertu duquel en cas de nécessité absolue, le président du tribunal de grande instance peut maintenir, dans des locaux non pénitentiaires, un étranger expulsé pendant le temps strictement nécessaire à son départ et pour un délai maximum de six jours; que l’article 15-II de la loi ajoute à l’article 35 bis de l’ordonnance précitée un douzième alinéa selon lequel le délai de rétention « peut, dans les formes indiquées aux huitième à onzième alinéas, être prolongé par ordonnance d’une durée supplémentaire de trois jours, lorsqu’il est justifié, auprès du président du tribunal de grande instance ou du magistrat du siège désigné par lui, de difficultés particulières faisant obstacle au départ d’un étranger qui a fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou d’une mesure de reconduite à la frontière ».
22. Considérant qu’une telle mesure de rétention, même placée sous le contrôle du juge, ne saurait être prolongée, sauf urgence absolue et menace de particulière gravité pour l’ordre public, sans porter atteinte à la liberté individuelle garantie par la Constitution ; qu’en étendant indistinctement à tous les étrangers qui ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ou d’une mesure de reconduite à la frontière la possibilité de les retenir pendant trois jours supplémentaires dans des locaux non pénitentiaires, la deuxième phrase du 12e alinéa de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, telle qu’elle résulte de l’article 15-II de la loi, est contraire à la Constitution ;
SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DE LA LOI
23. Considérant qu’en l’espèce il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi soumise à son examen

Décide :
Article premier :
Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France :
dans l’article 1er-I, les mots : « dûment ratifiées et non dénoncées » ;
dans l’article 15-II, la deuxième phrase du douzième alinéa de l’article 35 bis de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945.
Article 2 :
Les autres dispositions de la loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Saisine(s) des requérants, observations du Gouvernement et observations éventuelles en réplique des requérants

Monsieur le président,

Messieurs les conseillers,

Conformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, nous avons l’honneur de déférer au Conseil constitutionnel le texte de la loi relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers, tel qu’il a été définitivement adopté par le Parlement.

La loi déférée met en cause un certain nombre de principes de valeur constitutionnelle. Bien qu’il arrive occasionnellement que le même principe soit méconnu dans plusieurs articles distincts, il semble préférable, pour la clarté de la démonstration, d’envisager successivement chacune des dispositions contestées.

En ce qui concerne l’article 1er :

Celui-ci confère un caractère immédiatement exécutoire au refus d’accès au territoire, quand bien même l’étranger en cause ne présenterait aucune menace pour l’ordre public, n’aurait fait l’objet d’aucune interdiction ni d’aucune expulsion.

Le pouvoir discrétionnaire ainsi laissé aux autorités de police, qui n’est assorti d’aucune garantie judiciaire, outre qu’il est intrinsèquement excessif, est de plus susceptible d’être gravement attentatoire au principe constitutionnel qui fait que la France offre le droit d’asile à « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ».

Certes, on pourrait objecter à cela que la loi, en mentionnant les conventions internationales, vise notamment celle de Genève du 28 juillet 1961 sur le statut des réfugiés.

Mais toute la difficulté tient au fait que pour bénéficier des dispositions de cette convention il faut se voir reconnaître la qualité de réfugié, reconnaissance qui nécessite à son tour qu’on puisse en démontrer la légitimité, ou même tout simplement la plaider.

Or, non seulement le caractère immédiatement exécutoire de la décision risque de l’interdire, mais encore la seule formalité prévue – l’intervention de l’autorité consulaire : peut être de nature à produire les effets les plus fâcheux pour ceux-là mêmes qui seraient les plus fondés à revendiquer la qualité de réfugié.

Aussi la loi ne pouvait-elle rendre le refus d’accès immédiatement exécutoire qu’à condition de prévoir une dérogation explicite pour ceux qui manifesteraient leur intention de demander le statut de réfugié politique.

Pour ne l’avoir pas fait, l’article 1er sera déclaré non conforme à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 5 :

Cet article redonne un caractère administratif à la décision de reconduite à la frontière qui, conformément à l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, est actuellement une mesure prise par l’autorité judiciaire.

Il s’agit pourtant là, à l’évidence, d’une mesure mettant en cause la liberté individuelle, dont la gardienne, comme l’exprime très clairement l’article 66 de la Constitution, est l’autorité judiciaire.

Or les pouvoirs ainsi redonnés à l’administration s’exerceraient discrétionnairement, sans que soient à aucun moment assurés les droits de la défense.

A cela on pourrait être tenté d’objecter qu’il ne s’agit nullement d’une mesure pénale, mais d’une simple mesure de police administrative qui, comme toutes les mesures de police administrative, n’est pas prise en considération de la personne, ce qui justifie que les droits de la défense n’aient pas à être aussi contraignants.

Une telle objection serait infondée. De deux choses l’une, en effet : ou il s’agit effectivement d’une mesure qui n’est pas prise en fonction de la personne et elle doit alors être automatique dans les cas visés par la loi ; ou elle n’est pas automatique, constitue une simple faculté pour l’autorité administrative, ce qui suffit à prouver qu’elle est effectivement prise en considération de la personne.

C’est bien cette seconde hypothèse que la loi a retenue. Elle devait dès lors soit maintenir la compétence judiciaire, soit, à tout le moins, organiser la procédure de telle sorte qu’un minimum de droits soient garantis à la défense.

Pour ne l’avoir pas fait, l’article 5 encourt la censure.

En ce qui concerne l’article 7 :

L’apport le plus important de cette nouvelle disposition consiste à ne plus exiger, pour justifier une expulsion, qu’une simple menace sur l’ordre public, sans que celle-ci soit d’une quelconque gravité.

Intrinsèquement, la notion de menace, par ce qu’elle a d’extrêmement imprécis, constitue une notion très large, laissant à l’appréciation de l’administration une latitude considérable. Eu égard aux exigences de la matière, toutefois, le législateur l’a toujours admis.

La constatation de certains abus, limités mais réels, a conduit le Parlement à subordonner la possibilité d’expulsion aux seules menaces graves pour l’ordre public.

Il s’agissait par là de satisfaire aux nécessités impérieuses de la défense de l’ordre public, d’empêcher les abus et, dans le même temps, de signifier que la France était une démocratie assez forte et sereine pour parer sans difficulté aux menaces sans gravité.

Au contraire, l’article 7 renforce considérablement les possibilités d’excès tout en amoindrissant la portée du contrôle.

Il renforce les possibilités d’excès par cela même que n’importe quelle menace, quelles qu’en soient nature et gravité, pourra servir de fondement à une expulsion en réalité injustifiée. C’est d’autant moins acceptable que par ailleurs, on y reviendra, sont élargies les catégories d’étrangers passibles de l’expulsion tandis qu’est supprimée la possibilité pour la commission compétente de faire obstacle à une décision abusive.

Et cela amoindrira la portée du contrôle, quand contrôle il y a, dans la mesure où le juge ne pourra apprécier l’importance de la menace invoquée.

C’est en vain qu’on objecterait que la loi ne fait que revenir au texte antérieur à 1981. En droit comme en fait, l’absence d’une condition n’a pas du tout la même signification que sa suppression.

Pendant de longues années, l’administration ne procédait à des expulsions que lorsqu’elle considérait, spontanément, que la menace qui la justifiait était grave. Et c’est précisément lorsqu’il a constaté que certaines autorités commençaient à décider des expulsions hors l’hypothèse de menace grave que le Parlement a décidé d’en introduire la notion dans la loi.

Aussi sa suppression ne constitue-t-elle pas seulement un danger de retour à des errements passés. Elle y est un encouragement législatif.

Ce n’est nullement par hasard que l’article 4 de la Déclaration de 1789, définissant la liberté, a consacré le droit à son exercice pour tous les hommes et pas seulement pour tous les citoyens. C’est pour l’avoir oublié que le premier alinéa de l’article 23 de l’ordonnance, tel que rédigé par l’article 7 de la loi, sera déclaré non conforme à la Constitution, ce qui, automatiquement, maintiendra la rédaction actuellement en vigueur.

En ce qui concerne l’article 8 :

Le paragraphe II de cet article a pour effet de supprimer le 3° de l’article 24 de l’ordonnance du 2 novembre 1945.

Jusqu’à présent, le système en vigueur faisait que l’avis de la commission, consultatif lorsqu’il était favorable, était en revanche contraignant pour l’autorité administrative s’il était défavorable.

C’était là une garantie sérieuse qui, dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance de 1945 comme dans celui des législateurs ultérieurs, était la contrepartie logique et nécessaire au fait que l’expulsion était justifiée sur un critère subjectif, incertain, délicat à apprécier, celui de la menace. Pour diminuer les risques d’atteinte à la liberté individuelle, le législateur dans sa sagesse avait souhaité que l’autorité administrative, d’une part, fût éclairée avant de prendre une décision qui incomberait à elle seule, d’autre part, fût empêchée, dans les cas extrêmes, de prendre une décision disproportionnée.

Aussi n’est-ce pas sans inquiétude que l’on voit, au moment même où l’autorité compétente est affranchie de toute condition de fond, disparaître également une condition de procédure essentielle et essentiellement protectrice des libertés publiques.

Isolées, les nouvelles rédactions données aux articles 23 et 24 de l’ordonnance sont difficilement acceptables. Cumulées, elles ne le sont pas du tout.

En ce qui concerne l’article 9 :

Cet article détermine les catégories d’étrangers insusceptibles de faire l’objet d’un arrêté d’expulsion et donc, a contrario, ceux qui peuvent être expulsés. C’est évidemment à propos de ces derniers que se posent le plus de questions.

Sur le 2°, ne peut être expulsé l’étranger dont le conjoint est de nationalité française, à la condition que la communauté de vie des deux époux soit effective. Mais il faut également que le mariage ait été contracté au moins un an auparavant, tandis que le texte en vigueur n’exige que six mois.

Il importe de rappeler que le préambule de la Constitution de 1946 pose le principe selon lequel « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

En premier lieu, le conjoint français de l’étranger expulsé se trouve privé des conditions nécessaires au développement de sa personne et de sa famille.

En second lieu, l’accroissement du délai postérieur au mariage accroît corrélativement les risques d’une expulsion frappant un étranger sur le point de devenir père ou mère d’un enfant français.

A aucun titre, donc, cette nouvelle disposition ne peut être considérée conforme au principe constitutionnel qui vient d’être mentionné.

Sur le 4°, on touche là à l’absurde. Ne peut être expulsé, s’il réside depuis dix ans en France, l’étranger qui, au cours de la dernière année, a encouru plusieurs peines de prison dès lors qu’elles ne dépassent pas les plafonds indiqués, tandis qu’une décision administrative, prise dans les conditions discrétionnaires que l’on sait, peut expulser un étranger qui, présent en France depuis vingt-cinq ans, avait été condamné à six mois de prison sans sursis au début de son séjour sur notre territoire.

Du point de vue même que les auteurs ont voulu donner à la loi, cette rédaction n’a évidemment aucun sens (la même remarque vaut d’ailleurs pour le 12° de l’article 15 de l’ordonnance tel que rédigé par l’article 2 de la loi déférée). Elle n’aurait pu en avoir que si, au moins, il avait été précisé dans quelle période les condamnations devaient avoir été encourues pour être prises en compte. Faute de cela, ne subsiste qu’une rédaction dont le moindre défaut n’est pas d’être contraire aux principes contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l’honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de déclarer non conformes à celle-ci les dispositions contestées de la loi qui vous est déférée.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l’assurance de notre haute considération.

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Textes cités dans la décision

  1. Constitution du 4 octobre 1958
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Conseil constitutionnel, décision n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, Loi relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France