Tribunal administratif de Grenoble, 13 juin 2023, n° 2303421

  • Justice administrative·
  • Sanction·
  • Étudiant·
  • Education·
  • École·
  • Urgence·
  • Suspension·
  • Légalité·
  • Image·
  • Exclusion

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 13 juin 2023, n° 2303421
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 2303421
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mai 2023 et le 6 juin 2023, M. A D, représenté par Me Kummer, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la sanction de douze mois d’exclusion de l’établissement ENSIMAG prononcée à son encontre par la section disciplinaire du conseil d’administration de l’Institut polytechnique de Grenoble le 21 avril 2023, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

2°) d’enjoindre à Grenoble INP-UGA de le réintégrer à titre provisoire au sein de l’école ENSIMAG, en attendant qu’il soit statué au fond sur la légalité de la sanction, dans un délai de 2 jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de Grenoble INP-UGA la somme de 1500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est remplie dès lors que ses notes pourraient ne pas être validées par le jury de la première session le 13 juin 2023, qu’il n’aura pas de droit à participer à la session de rattrapage du 3 au 12 juillet 2023, que la sanction qui l’empêche également de débuter la troisième et dernière année du cursus en septembre 2023 entraîne ainsi la perte de deux années d’études, qu’il résulte de l’article R. 811-36 qu’il ne pourra s’inscrire dans aucun autre cursus pendant la durée de son exclusion ; la lettre du président de la section disciplinaire du 2 juin 2023 selon laquelle la sanction est applicable au titre de l’année universitaire 2023-2024 ne fait pas perdre à la demande de suspension son caractère d’urgence dès lors dès lors que l’article R. 811-39 du code de l’éducation prévoit que la décision de sanction prend effet à compter du jour de sa notification, qu’il en est de même de la décision de sanction du 21 avril 2023, que la suspension provisoire de l’exécution de la sanction n’est pas prévue par le code de l’éducation et qu’il n’est pas non plus indiqué que le président de la section disciplinaire pourrait seul reporter ou suspendre l’exécution provisoire ;

— la section disciplinaire n’a pas été régulièrement saisie dès lors que la lettre par laquelle l’administrateur général saisit le président de la section disciplinaire compétent pour engager les poursuites selon l’article R. 811-25, lettre qui doit préciser les faits reprochés à l’usager conformément à l’article R. 811-26 du code de l’éducation et qui délimite la compétence de la section disciplinaire, ne lui a pas été communiquée, en violation de l’article R. 811-27 ;

— la lettre qui lui a été envoyée le 22 mars 2023 ne comporte pas la mention de la possibilité de présenter des observations écrites, ni le délai pour les présenter, en violation de l’article R. 811-27 du code de l’éducation ; les observations écrites qu’il a produites le 17 avril n’ont pas été intégrées au rapport d’instruction ;

— la convocation devant la commission de discipline ne l’a pas informé de la possibilité de présenter des observations orales ou de les faire présenter par un conseil, en méconnaissance de l’article R. 811-30 du code de l’éducation ;

—  il n’a pas eu accès au même dossier que celui présenté aux membres du conseil de discipline, en violation de l’article R. 811-29 du même code et du principe des droits de la défense ;

—  le président du conseil de discipline l’a convoqué devant la commission de discipline avant de disposer du rapport d’instruction, ce qui contrevient à l’article R. 811-30 et donne à penser que les faits visés étaient d’ores et déjà considérés comme établis puisque la date de jugement par le conseil de discipline était fixée, ce qui vide la phase d’instruction de toute substance et viole le principe d’impartialité ;

— la version du rapport d’instruction transmise au président du conseil de discipline est la version écrite par les rapporteurs M. C et Mme B sans qu’y soient intégrées ses observations, en violation de l’article R. 911-29 du code de l’éducation ;

— le principe d’impartialité a été méconnu dès lors que les auteurs du rapport d’instruction, lequel constitue en l’espèce un acte d’accusation, étaient membres de la commission de discipline ;

— la composition de la commission de discipline, qui comprenait un professeur du collège A, un maître de conférences du collège B et un étudiant, n’est pas conforme aux dispositions de l’article R. 811-20 du code de l’éducation dès lors que la participation d’un seul étudiant n’assure pas la parité et que la commission comportait les deux rapporteurs ;

— seule la partie du rapport écrite par les rapporteurs a été lue aux membres du conseil de discipline sans qu’y soient intégrées ses observations, en violation de l’article R. 811-33 ; les membres de la commission de jugement avaient des pièces qui ne lui ont pas été transmises, en violation du principe du contradictoire ;

— la décision n’a pas été signée par la secrétaire, en violation de l’article R. 811-32 du code de l’éducation et de l’article L. 212-1 du code des relations entre le public et l’administration ;

— la décision ne comporte aucun élément de droit et n’est pas suffisamment motivée en fait, en méconnaissance des articles L. 211-2 2° et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article R. 811-32 du code de l’éducation, elle ne comporte pas de motivation concernant les modalités de la sanction et l’absence d’un sursis total ou partiel ;

— il lui est reproché une « participation à la conception d’une vidéo rap portant atteinte à la réputation de Grenoble INP-UGA » alors que le choix du genre musical rap, mode d’expression par nature violent, agressif et provocateur selon des décisions judiciaires, n’est pas le sien et n’a pas fait débat pour l’INP-UGA ENSIMAG, que le clip incriminé réalisé par les étudiants pour d’autres étudiants n’engage pas l’école INP- UGA ou l’ENSIMAG et ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la considération de l’INP, que lui-même n’a pas signé la charte des OL’INPiades dont le non-respect lui est reproché, qu’il a transmis le couplet qu’il avait composé au BDS lequel l’a communiqué au Grand Cercle pour contrôle, qu’il a modifié les paroles de son couplet comme il lui avait été demandé, que son couplet modifié ne contrevient pas à la charte du Grand Cercle ;

— le principe d’égalité devant la loi a été violé dès lors que d’autres membres de son équipe de rap n’ont pas été sanctionnés et que des rappeurs d’autres équipes ont été sanctionnés par des peines moins lourdes ; il est indiqué dans le rapport d’instruction qu’en qualité de responsable du pôle rap du BDS, il aurait dû bloquer la publication du clip alors que son seul rôle a été de créer une conservation Messenger avec des rappeurs pour leur proposer de faire un rap pour les OL’INPiades et qu’il n’est pas au-dessus des autres étudiants de l’équipe rap, qu’il n’avait pas le pouvoir de bloquer la publication du clip ; il n’a pas monté la bande son, ni réalisé les images, ni monté les images, lesquelles ont été réalisées par plusieurs étudiants qui ont filmé et elles ont été montés par deux autres étudiants ; il n’a ainsi pas de responsabilité personnelle dans la partie images de la vidéo jugées choquantes ;

— la sanction est entachée d’erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il a participé à une œuvre qui est une création collective, qu’il n’a pas tourné d’images choquantes ni participé au montage vidéo, que le thème de la guerre, devenu US Army, n’a pas été choisi par l’équipe de rap mais par le BDS, que les modifications demandées par le BDS ont été effectuées, qu’il n’a eu aucune volonté d’intimider, de faire l’apologie de la violence, de porter préjudice à l’école ou à Grenoble INP, qu’il a travaillé uniquement sur le son du clip et pas sur les images, que c’est le BDS qui décide des sites de diffusion et des liens (YouTube), que la précipitation dans laquelle le clip a été fait n’a pas permis au collectif de l’équipe des rappeurs ENSIMAG de prendre du recul sur sa réalisation ;

— la sanction est disproportionnée dès lors qu’il n’a aucun antécédent disciplinaire, qu’il est impliqué dans l’école par sa participation à la junior entreprise, que la faute retenue a pris place dans un collectif, que son jugement a été altéré par l’urgence dans laquelle le clip a été tourné, que le clip qui n’est resté en ligne que deux jours n’a eu qu’un impact assez faible.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2023, Grenoble INP conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de M. D la somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Grenoble INP soutient que la condition d’urgence n’est pas remplie et qu’aucun des moyens invoqués n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 30 mai 2023 sous le numéro 2303420 par laquelle M. D demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Pfauwadel, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Rouyer, greffière d’audience, M. Pfauwadel a lu son rapport et entendu :

— les observations orales de Me Kummer et de M. D ;

— les observations orales de Me Tissot, avocat de Grenoble INP.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Deux notes en délibéré présentées pour Grenoble INP ont été enregistrées le 13 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

2. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

3. M. D, âgé de 21 ans, est étudiant en deuxième année d’une école d’ingénieurs. Son exclusion de cet établissement pendant une année universitaire complète, qui lui interdit en outre de s’inscrire dans un établissement public d’enseignement supérieur, préjudicie immédiatement de façon suffisamment grave à sa situation personnelle pour justifier que, sans attendre le jugement de la requête au fond, la sanction soit suspendue.

4. En l’état de l’instruction, le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction de douze mois d’exclusion de l’établissement ENSIMAG prononcée à l’encontre de M. D est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

5. Les deux conditions prévues par l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies, il y a lieu de suspendre l’exécution de cette décision jusqu’à ce qu’il soit statué au fond par une formation collégiale du tribunal sur les conclusions tendant à son annulation.

6. La suspension de l’exécution de la sanction prise à l’encontre de M. D implique qu’il puisse poursuivre ses études à l’ENSIMAG jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond. Il n’y a néanmoins pas lieu d’enjoindre à Grenoble INP de le réintégrer dans cette école dès lors qu’il résulte de l’instruction que les effets de cette décision ont été reportés au début de l’année universitaire 2023-2024 et que M. D n’a ainsi pas été exclu à ce jour de l’école.

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Grenoble INP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans la présente instance de référé, de mettre à la charge de Grenoble INP la somme demandée par M. D au même titre.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la sanction de douze mois d’exclusion de l’établissement ENSIMAG prononcée le 21 avril 2023 à l’encontre de M. D est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A D et à Grenoble INP UGA.

Fait à Grenoble, le 13 juin 2023.

Le juge des référés,

T. Pfauwadel

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Grenoble, 13 juin 2023, n° 2303421