Tribunal administratif de Guyane, 2 mars 2020, n° 2000106

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Sur la décision

Référence :
TA Guyane, 2 mars 2020, n° 2000106
Juridiction : Tribunal administratif de Guyane
Numéro : 2000106

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LA GUYANE

MTL

N° 2000106

_______ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SARL F ZUNEVE et autres

_________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme X

Juge des référés

___________

Le juge des référés, Ordonnance du 2 mars 2020

___________

[…]

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 30 janvier et 17 février 2020, deux mémoires présentés le 20 février 2020, un mémoire présenté le 26 février 2020, un mémoire présenté le 27 février 2020 à 11 heures 34 et des pièces complémentaires enregistrées le même jour à 11 heures 47, la Sarl F Zuneve, la Sarl Alick Zuneve (AZ F), la Sas Société de F Internationale de Voyageurs et de Marchandise Anamay F (STIVMAT), la Sarl société de F B C et la Sas Y, représentées par Me Ferré, demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L.551-5 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution, d’une part, de la décision par laquelle la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral (CACL) a rejeté l’offre du groupement qu’elles composent, pour la sélection de l’actionnaire opérateur d’une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), ayant pour objet de gérer le contrat de concession du service de transport public urbain, d’autre part, de toute décision de sélection de l’actionnaire opérateur économique, subsidiairement, de l’ensemble des décisions se rapportant à la consultation ;

2°) de suspendre la signature du contrat à compter de la notification de la présente ordonnance, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le présent référé ;

3°) au cas où la CACL serait qualifiée de pouvoir adjudicateur, d’annuler les décisions de rejet de leur offre et de sélection de l’offre du groupement Mosaïque ainsi que l’ensemble des décisions se rapportant à la procédure ;

4°) d’enjoindre à la CACL, si elle entend poursuivre la procédure, de la reprendre après avoir écarté comme irrégulières la candidature et l’offre du groupement Mosaïque,



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subsidiairement, de la reprendre au stade précédant la remise des offres finales, en permettant aux candidats de remettre une nouvelle offre après, le cas échéant, une nouvelle phase de négociation ;

5°) d’enjoindre à la CACL de communiquer aux candidats les informations essentielles relatives à la SEMOP à constituer (apports, répartition du capital et des résultats) et à la concession d’exploitation du service (horaires, charges, notamment de personnel, contrats à reprendre, état des biens mis à disposition, service minimum et niveau des recettes prévisibles), en veillant à ce que les candidats disposent d’un délai suffisant pour la remise des offres ;

6°) de surseoir à statuer et d’enjoindre à la CACL de communiquer les motifs détaillés du rejet de leur offre ainsi que les caractéristiques et avantages de l’offre retenue, tels que précisés dans la demande du 4 février 2020, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

7°) de prescrire avant dire-droit, sur le fondement de l’article R.623-1 du code de justice administrative, une enquête concernant les propos tenus par les représentants de la CACL au cours des séances de négociation sur le détachement du personnel fonctionnaire de la Régie Communautaire de Transport (RCT) ;

8°) de mettre les dépens à la charge de la CACL et de la condamner à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés requérantes soutiennent que :

- le défaut de communication d’informations essentielles constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; les informations sur l’étendue des besoins et les caractéristiques essentielles de la concession et de la SEMOP et sur les principales caractéristiques du service concédé sont insuffisantes (horaires, charges liées au personnel à reprendre, nombre de fonctionnaires détachés, autres contrats à reprendre pour les locaux ou les matériels et licences, état des biens mobiliers, notamment des véhicules, et immobiliers mis à la disposition du délégataire, service minimum, recettes prévisibles) ;

- les surcoûts provisionnés en raison des incertitudes ont augmenté le coût de son offre, alors que son concurrent, non informé des contraintes de la Guyane, a pu sous-estimer ses coûts ; les différences entre les offres reflètent, non leur valeur réelle, mais la prise en compte d’hypothèses différentes ; la mise en concurrence est intrinsèquement biaisée, ce qui caractérise la lésion de leurs intérêts ;

- la candidature et l’offre du groupement attributaire, constitué d’entreprises non implantées en Guyane, sans aptitudes à assurer la bonne exécution du contrat, sont irrégulières ; l’offre, fondée sur l’hypothèse de reprise du personnel, a pour effet de maintenir l’organisation actuelle notoirement inefficace, avec une proportion insuffisante de conducteurs, ce qui n’est pas conforme aux objectifs de recentrage sur le métier de transport et de réorganisation des services ; les candidats devaient préciser les véhicules qu’ils entendaient mettre à disposition du service public en complément de ceux de la CACL et établir qu’ils en disposeraient effectivement pour le début d’exécution ;

- s’agissant de la régularité de leur propre offre, il n’existait aucune obligation pour les candidats de proposer un détachement pour l’ensemble des fonctionnaires de la RCT, ce que les représentants de la CACL ont confirmé lors des séances de négociation ; leur offre n’a pas été considérée comme irrégulière, ce qui fait obstacle à ce qu’une irrégularité puisse désormais être invoquée ; le dispositif de détachement d’office prévu par l’article 76 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 n’est pas encore applicable ; en tout état de cause, la prétendue irrégularité de



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leur offre ne leur interdirait pas de se prévaloir d’un intérêt lésé, dès lors que la candidature et l’offre des sociétés attributaires sont irrégulières ;

- les sous-critères financiers n° 1 « somme des montants de la contribution forfaitaire et de la compensation forfaitaire demandée à la collectivité » et n° 3 « qualité de l’offre financière : cohérence et crédibilité » ainsi que les sous-critères techniques n° 1 « moyens humains et support technique apportés par le candidat » et n° 3 « Qualité et continuité du service public de transport de voyageurs » ont été totalement modifiés ;

- aucun intérêt public ne s’oppose au prononcé des mesures sollicitées ; l’article L.551- 2 du code de justice administrative n’est en tout état de cause pas applicable au référé précontractuel introduit à l’encontre de la procédure de passation menée par une entité adjudicatrice.

Par des mémoires en défense enregistrés, un le 17 février 2020, deux le 19 février 2020, un le 26 février 2020 et un le 27 février 2020 à 11 heures 37, la CACL, représentée par Me Peyrical, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés requérantes à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérantes ne présentent aucune conclusion à fin d’annulation ;

- aucun manquement ne peut lui être reproché ;

- l’offre du groupement, ne répondant pas aux exigences de reprise du personnel actuellement employé au sein de la régie communautaire des F, devait être éliminée en application de l’article 25 du décret du 1er février 2016 ; le groupement n’est donc pas lésé par les manquements invoqués.

Par des mémoires enregistrés les 18 et 26 février 2020 et deux mémoires présentés le 27 février 2020, l’un à 10 heures 34, l’autre à 11 heures 57, les sociétés F Mooland Osmann et Carla Mayotte F Baltus, représentées par Me A, concluent au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés requérantes à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- l’offre du groupement, non conforme à l’article 6 du règlement de consultation et aux articles 15 et 42 du contrat de concession, était irrégulière ; l’annexe 34 au projet de contrat n’a pas été renseignée ; la totalité du personnel de la Régie n’est pas repris ; le groupement n’est donc pas susceptible d’être lésé par les manquements qu’il invoque ;

- l’offre finale retenue était régulière ;

- la CACL a satisfait à son obligation d’information ;

- un intérêt public s’oppose à la reprise de la procédure, de nature à préjudicier à la bonne exécution du marché de partenariat du Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) conclu le 27 décembre 2019 et au bénéfice de fonds européens.

Par une décision du 5 février 2019, le président du tribunal a désigné Mme X, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2014/23/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 ;



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- le règlement d’exécution (UE) n° 2015/1986 de la Commission du 11 novembre 2015 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été convoquées à l’audience publique du 20 février 2020 à 15 heures.

Ont été entendus, au cours de cette audience le rapport de Mme X, juge des référés, les observations de Me Ferré pour les sociétés F Zuneve, AZ F, STIVMAT, société de F B C et Y, celles de Me Cailloce, substituant Me Peyrical, et M. Z pour la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral, et celles Me A pour les sociétés F Mooland Osmann et Carla Mayotte F Baltus.

La clôture de l’instruction a été reportée au 27 février 2020 à 12 heures, en application de l’article R. 522-8 du code de justice administrative.

Les sociétés F Mooland Osmann et Carla Mayotte F Baltus ont présenté une note en délibéré le 28 février 2020.

La Communauté d’Agglomération du Centre Littoral a présenté une note en délibéré le 28 février 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 8 février 2018, le conseil communautaire de la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral (CACL) a décidé de déléguer l’exploitation du service de transport public de voyageurs sur le périmètre jusqu’alors exploité par la Régie communautaire de transport (RCT). Par un avis de concession publié le 10 août 2018 au journal officiel de l’Union européenne, la CACL a lancé un appel public à la concurrence pour la sélection de l’actionnaire opérateur d’une société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), ayant pour objet de gérer le contrat de concession du service de transport public urbain, d’une valeur estimée de 50.000.000 euros et d’une durée de cinq ans à compter du 1er mars 2020, avec une période de transition de quatre mois. Le groupement d’opérateurs économiques composé des sociétés F Zuneve, Alick Zuneve (AZ F), Société de F Internationale de Voyageurs et de Marchandise Anamay F (STIVMAT), société de F B C et Y, a remis une candidature, qui a été retenue. Après avoir participé à deux séances de négociation, les 3 octobre et 14 et 15 novembre 2019, il a présenté une offre finale, dont la date limite de remise avait été reportée au 27 décembre 2019. Les offres des deux candidats retenus ont été appréciées par la commission de délégation de service public en fonction de deux critères, la valeur technique, notée sur 55 points, décomposée en sept sous-critères, et la valeur financière, notée sur 45 points, décomposée en trois sous- critères. Par une délibération du 31 janvier 2020, le conseil communautaire de la CACL a approuvé l’attribution du contrat de concession au groupement « Mosaïque », composé des sociétés F Mooland Osmann (TMO) et Carla Mayotte F Baltus (CMTB). Par un courrier du 18 février suivant, le groupement Zuneve a été informé du rejet de son offre, qui a obtenu 86 points sur 100, dont 38 points pour le critère financier et 48 points pour celui de la valeur technique, tandis que celle de son concurrent a obtenu 89,3 points, soit 41,3 points pour le critère financier et 48 points pour la valeur technique. S’agissant du critère financier, le



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groupement évincé a obtenu les notes respectives de 25,5, 10 et 2,5 pour les trois sous-critères du coût kilométrique unitaire, de la contribution et compensation forfaitaires et de la crédibilité de l’offre financière, tandis que le groupement attributaire s’est vu attribuer les notes respectives de 30, 6,3 et 5 pour les mêmes sous-critères. Pour le critère technique, le groupement évincé a obtenu les notes respectives de 13, 10, 7, 5, 5, 4 et 4 pour les sept sous- critères moyens humains et support technique, pertinence des dessertes, qualité et continuité du service, qualité de l’information voyageurs, réorganisation des lignes proposée lors de l’entrée en exploitation du Bus à Haut Niveau de service (BHNS), crédibilité et faisabilité technique, pertinence en termes de développement durable, tandis que le groupement Mosaïque s’est vu attribuer les notes respectives de 15, 8, 9, 4, 3, 5 et 4 pour les mêmes sous-critères.

2. Les sociétés F Zuneve, AZ F, STIVMAT, F B C et Y demandent au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L.551-5 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision par laquelle la CACL a rejeté leur offre et de l’ensemble des décisions se rapportant à la consultation. Subsidiairement, au cas où la CACL agirait, non en qualité d’entité adjudicatrice mais de pouvoir adjudicateur, elles demandent l’annulation des décisions de rejet de leur offre, de sélection de l’offre du groupement Mosaïque et de toute autre décision se rapportant à la procédure. Elles demandent qu’il soit enjoint à la CACL, d’une part, si elle entend poursuivre la procédure, de la reprendre après avoir écarté comme irrégulières la candidature, sinon l’offre, du groupement Mosaïque, subsidiairement, de la reprendre au stade précédant la remise des offres finales, d’autre part, de communiquer aux candidats les informations essentielles relatives à la SEMOP à constituer (apports, répartition du capital et des résultats) et à la concession d’exploitation du service (horaires, charges, notamment de personnel, contrats à reprendre, état des biens mis à disposition, service minimum et niveau des recettes prévisibles), en accordant un délai suffisant pour la remise des offres. Elles demandent, en outre, d’une part, qu’il soit enjoint à la CACL de communiquer les motifs détaillés du rejet de leur offre ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs à l’offre retenue et, dans l’attente, de suspendre la signature du contrat, d’autre part, de prescrire avant dire-droit, sur le fondement de l’article R.623-1 du code de justice administrative, une enquête concernant les propos sur le détachement du personnel fonctionnaire de la RCT tenus par les représentants de la CACL lors des négociations.

Sur le cadre juridique et l’office du juge des référés :

3. Aux termes de l’article L.551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet (…)la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique (…) Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ». Selon le I de l’article L.551-2 de ce code : « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat (…) ».

4. L’article L.551-5 du code, sur le fondement duquel les requérantes présentent leurs demandes, concerne les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet,



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notamment, la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une SEMOP. En vertu de l’article L.551-6, pour les contrats passés par ces entités adjudicatrices, le juge du référé précontractuel peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations dans un certain délai, suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat, mais ne dispose pas du pouvoir d’annuler tout ou partie de la procédure.

5. Aux termes de l’article 9 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, alors applicable : « Les pouvoirs adjudicateurs sont : 1° Les personnes morales de droit public ; (…) ». En vertu du 1° de l’article 10 de la même ordonnance, les pouvoirs adjudicateurs exerçant une des activités d’opérateur de réseaux définies à l’article 11 sont des entités adjudicatrices. Cet article 11 dispose que : « I. – Sont des activités d’opérateur de réseaux au sens de la présente ordonnance : (…) 6° Les activités d’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par (…) autobus, autocar (…) Le service de transport est regardé comme fourni par un réseau de transport lorsqu’une autorité nationale ou territoriale compétente définit les conditions générales d’organisation du service, notamment en ce qui concerne les itinéraires à suivre, la capacité de transport disponible ou la fréquence du service (….) ».

6. Les textes relatifs aux entités adjudicatrices, qui dérogent au droit commun, sont d’interprétation stricte. La CACL, qui concède le service public des F, ne peut être regardée comme exerçant elle-même une activité d’exploitation du réseau au sens du 6° de l’article 11 de l’ordonnance du 29 janvier 2016. Elle agit donc, non en qualité d’entité adjudicatrice, mais en qualité de pouvoir adjudicateur. Par suite, les conclusions des sociétés requérantes doivent être regardées comme présentées, non sur le fondement des dispositions, rappelées au point 4, de l’article L.551-5 du code de justice administrative, mais sur celles, citées au point 3, de l’article L.551-1 de ce code.

7. En vertu de l’article L.551-10 du code, les personnes habilitées à engager un recours en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué. Il appartient dès lors au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, même de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.

Sur la demande d’informations :

8. Aux termes de l’article 29 du décret du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, alors applicable : « I. – Pour les contrats de concession dont la valeur est égale ou supérieure au seuil visé à l’article 9, à l’exception des contrats de concession relevant du a et du b du 2° de l’article 10, l’autorité concédante, dès qu’elle a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats et soumissionnaires le rejet de leur candidature ou de leur offre. Cette notification précise les motifs de ce rejet et, pour les soumissionnaires, le nom du ou des attributaires ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de l’offre. Un délai d’au moins seize jours est respecté entre la date d’envoi de la notification et la date de conclusion du contrat de concession. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de cette notification à l’ensemble des candidats et soumissionnaires intéressés. La notification de l’attribution du contrat de concession comporte l’indication de la durée du délai de suspension que l’autorité concédante s’impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. II. – Le respect des délais mentionnés au I n’est



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pas exigé dans le cas de l’attribution du contrat de concession au seul opérateur ayant participé à la consultation. ». Il résulte de ces dispositions que les contrats de concession ayant pour objet les activités relevant du b du 2° de l’article 10 du décret, qui vise l’exploitation de services de transport de voyageurs relevant de l’article 5, paragraphe 3 du règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007, ne sont pas soumis à l’obligation, pour l’autorité concédante, de notifier aux soumissionnaires, avant la signature du contrat, la décision d’attribution.

9. Aux termes de l’article 31 du même décret : « L’autorité concédante communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté, qui n’a pas été destinataire de la notification prévue à l’article 29, les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre ainsi que le nom du ou des attributaires du contrat de concession, dans les quinze jours de la réception d’une demande à cette fin. L’autorité concédante est tenue de communiquer aux soumissionnaires ayant présenté une offre qui n’a pas été éliminée en application de l’article 25 les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, dans les quinze jours de la réception d’une demande à cette fin ».

10. Le 4 février 2020, le groupement évincé a sollicité la communication des motifs détaillés du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages de l’offre retenue. Il n’est pas contesté que ces éléments lui ont été adressés par deux courriers du 18 février suivant. Les conclusions tendant à la communication de ces informations sont donc privées d’objet. Il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur les conclusions à fins de suspension, d’annulation et d’injonction :

11. Les dispositions de l’article L.1541-1 du code général des collectivités territoriales autorisent un groupement de collectivités territoriales à créer, avec au moins un actionnaire opérateur économique sélectionné après une mise en concurrence, une société d’économie mixte à opération unique, pour une durée limitée, à titre exclusif en vue de la conclusion et de l’exécution d’un contrat ayant comme unique objet, notamment, la gestion d’un service public. Le II du même article précise qu’elle revêt le caractère d’une société anonyme régie par le livre II du code de commerce. En vertu du III, le groupement de collectivités territoriales détient entre 34 % et 85 % du capital de la société et 34 % au moins des voix dans les organes délibérants, la part de capital de l’ensemble des actionnaires opérateurs économiques ne pouvant être inférieure à 15 %.

12. Aux termes de l’article L.1541-2 du même code : « I. – Sous réserve du présent article, la sélection du ou des actionnaires opérateurs économiques et l’attribution du contrat à la société d’économie mixte à opération unique mise en place sont effectuées par un unique appel public à la concurrence respectant les procédures applicables aux délégations de service public (…) selon la nature du contrat destiné à être conclu entre (…) le groupement de collectivités territoriales et la société d’économie mixte à opération unique (…) III. – En complément des informations obligatoires selon la nature du contrat destiné à être conclu, l’avis d’appel public à la concurrence comporte un document de préfiguration (…) Ce document (…) comporte notamment : 1° Les principales caractéristiques de la société d’économie mixte à opération unique : la part de capital que (…) le groupement de collectivités territoriales souhaite détenir ; les règles de gouvernance et les modalités de contrôle dont la collectivité ou le groupement de collectivités souhaite disposer sur l’activité de la société définies, le cas échéant, dans un pacte d’actionnaires ; les règles de dévolution des actif et passif de la société lors de sa dissolution ; 2° Le coût prévisionnel global de l’opération pour (…) le groupement de collectivités territoriales et sa décomposition. IV. – Les critères de



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sélection des candidats sont définis et appréciés (…) conformément aux règles applicables selon la nature du contrat destiné à être conclu avec la société d’économie mixte à opération unique. Le coût global de l’opération est apprécié en tenant compte de la souscription au capital et au financement de la société d’économie mixte à opération unique. V. – A l’issue de la mise en concurrence et de la sélection du candidat, sont arrêtés et publiés les statuts de la société d’économie mixte à opération unique ainsi que, le cas échéant, le pacte d’actionnaires conclu. VI. – Le contrat, comportant les éléments prévus par l’appel public à la concurrence, est conclu entre (…) le groupement de collectivités territoriales et la société d’économie mixte à opération unique, qui est substituée au candidat sélectionné pour l’application des modalités de passation prévues selon la nature du contrat »..

En ce qui concerne les informations apportées aux candidats :

13. L’article 27 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 prévoit que la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation. Aux termes de l’article 4 du décret du 1er février 2016 : « I. – Les documents de la consultation sont constitués de l’ensemble des documents fournis par l’autorité concédante ou auxquels elle se réfère, pour définir l’objet, les spécifications techniques et fonctionnelles, les conditions de passation et d’exécution du contrat de concession (…) et, s’il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l’usager. Ils comprennent notamment l’avis de concession, le cahier des charges de la concession et, le cas échéant, l’invitation à présenter une offre. Toute modification des documents de la consultation est communiquée (…) aux candidats admis à présenter une offre (…) dans des conditions garantissant leur égalité et leur permettant de disposer d’un délai suffisant pour remettre leurs candidatures ou leurs offres. II. L’autorité concédante communique, au plus tard six jours avant la date limite fixée pour la réception des candidatures ou des offres, les renseignements complémentaires sur les documents de la consultation sollicités en temps utile par les candidats ou soumissionnaires ». L’article 7 du règlement de la consultation prévoit que les modifications doivent être apportées moins de quinze jours avant la date limite de remise des offres. Enfin, aux termes de l’article 46 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 : « Les autorités concédantes peuvent organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par voie réglementaire. La négociation ne peut porter sur l’objet de la concession, les critères d’attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. » et aux termes de l’article 14 du règlement de la consultation : « lors des négociations, les candidats pourront être invités à remettre des compléments ou des modifications à leurs offres ».

14. En vertu du I de l’article 1er de l’ordonnance du 29 janvier 2016, les contrats de concession soumis à ladite ordonnance respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, ce qui permet d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit apporter aux candidats, avant le dépôt de leurs offres l’ensemble des informations et documents pertinents.

S’agissant des caractéristiques essentielles de la SEMOP :

15. Les dispositions, citées au point 12 du code général des collectivités territoriales, relatives à la constitution d’une SEMOP ne concernent pas l’offre elle-même de l’actionnaire opérateur économique candidat à la passation du contrat et n’imposent pas à la personne publique qui entreprend de constituer une SEMOP de fixer par avance de manière intangible



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dès le stade de la mise en concurrence tous les éléments des statuts et du pacte d’actionnaires, le V de l’article L.1541-2 de ce code indiquant au contraire que les statuts de la société ainsi que, le cas échéant, le pacte d’actionnaires sont arrêtés et publiés à l’issue de la mise en concurrence et de la sélection de l’actionnaire opérateur économique. Il ressort, en outre, des travaux parlementaires qu’il appartient aux candidats de faire des propositions quant aux caractéristiques de la société anonyme à constituer, en particulier de déterminer leur part de capital ainsi que les moyens techniques et financiers permettant la réalisation de l’opération. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance que les offres concurrentes étaient fondées sur des hypothèses très différentes ne révèle pas que les candidats auraient élaboré leurs offres dans l’incertitude ou que la mise en concurrence aurait été « intrinsèquement biaisée », en l’absence de « comparabilité des offres ».

16. Si le dossier de consultation initial ne comportait aucun projet de statuts, ce document a été transmis en cours de procédure, en temps utile pour permettre aux candidats de présenter leur offre. Le document de préfiguration prévu par le III de l’article L.1541-1 du code général des collectivités territoriales rappelle que la part du capital détenue par l’actionnaire public peut varier entre 34 % et 85 %, précise que la CACL, se positionnant comme actionnaire minoritaire, envisage de détenir entre 34 % et 49 % des parts, puis indique : « Ce chiffre pourra faire l’objet de propositions de la part de chaque candidat, et de négociations de la part de la CACL ». Dès lors qu’il appartient aux candidats de déterminer leur part de capital, la mention d’une fourchette entrant dans les limites fixées par le III de l’article L.1541-1 du code général des collectivités territoriales ne révèle aucun manquement aux règles de la commande publique. Il était, en outre, précisé que le montant du capital social de l’actionnaire privé, au minimum de 37.000 euros, devrait suffire à couvrir le fonds de roulement nécessaire à l’exploitation conformément à l’exigence de capacité financière prévue par l’article R.3113-31 du code des F. Les candidats ont été informés que la présidence du conseil d’administration ou de surveillance serait assurée par un représentant de la CACL et que les sièges, droits de vote, apports numéraires et bénéfices seraient attribués en fonction de la répartition du capital social proposée par les offres. Enfin, les sociétés requérantes invoquent le défaut de précisions sur l’applicabilité du droit de la commande publique aux SEMOP. A supposer, d’une part, que ce défaut de précisions juridiques puisse caractériser un manquement aux obligations d’information du pouvoir adjudicateur, d’autre part, qu’il soit susceptible de léser le candidat, la CACL a répondu en temps utile à une question sur ce point. Dans les circonstances qui viennent d’être exposées, les candidats, qui pouvaient en outre se référer aux dispositions applicables du code général des collectivités territoriales ainsi qu’aux règles du droit commun du code civil et du code de commerce, ont disposé d’informations suffisantes pour leur permettre de formuler leur offre, dans des conditions conformes aux principes de libre accès à la commande publique, de transparence et d’égalité de traitement.

S’agissant des charges de personnel :

17. L’article 15 du projet de contrat prévoit le détachement ou la mise à disposition des fonctionnaires de la RCT et le transfert à la SEMOP des contrats des agents contractuels. Il précise qu’à l’expiration du contrat de délégation de service public de l’exploitant actuel de la ligne 7 Matoury-Cayenne, en juillet 2021, le délégataire est tenu de reprendre, conformément aux dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, l’ensemble du personnel aux conditions salariales, d’ancienneté et d’avantages sociaux en cours de validité à la date de reprise. En réponse à une question, la CACL a précisé qu’elle s’engageait à ne pas imposer le transfert d’un nombre d’agents supérieurs à celui communiqué lors de l’invitation à remettre une offre finale.



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18. La CACL a mis à la disposition des candidats les annexes 37 a « Liste du personnel à reprendre » et 37 b « emplois à temps plein par poste » ainsi qu’un fichier des rémunérations de novembre 2018 à octobre 2019. Les candidats disposaient ainsi d’informations détaillées, ancienneté, grade, type de contrat, poste, traitement indiciaire, indemnités, salaire brut, cotisations salariales et charges patronales sur les cent-vingt-quatre agents, dont soixante-neuf agents titulaires détachés et cinquante-cinq agents non titulaires transférés. La CACL a également communiqué le protocole de fin de conflit conclu le 2 décembre 2019 avec les partenaires sociaux, faisant état de la proposition de complément salarial et de reconstitution de carrière, en précisant que l’offre devait le prendre en compte. Le groupement évincé a indiqué, d’une part, qu’il n’entendait pas reprendre l’ensemble du personnel de la RCT, en excluant vingt agents inaptes à la conduite, d’autre part, que le protocole de fin de conflit ne présentait à son encontre et à celle de la SEMOP aucun caractère obligatoire. En se bornant à faire état des imprécisions de ce document, dont elles entendaient s’affranchir, concernant le complément salarial et la reconstitution de carrière, les sociétés requérantes n’apportent pas d’éléments qui caractériseraient une lésion suffisante de leurs intérêts, ni même une insuffisance des informations relatives au personnel à reprendre.

S’agissant des autres contrats à reprendre :

19. Il ne résulte pas de l’instruction que la CACL aurait imposé aux candidats la reprise d’un contrat autre que l’accord cadre relatif au système de billettique, qui leur a été communiqué. Suite à une question sur les conventions de locations de locaux ou matériels, elle a indiqué que « Les documents seront transmis lors des négociations dans la mesure où ils sont disponibles et s’ils sont à reprendre par le futur exploitant ». Enfin, le règlement de la consultation prévoyait que les candidats devaient produire des attestations d’assurance, comme prévu par l’annexe 27 au projet de contrat. Dans ces conditions, aucun manquement ne peut être reproché à la CACL.

S’agissant du service concédé :

20. Les candidats ont disposé des précisions de l’article 6 du règlement de la consultation, du projet de convention, des informations de l’annexe 1 sur le périmètre d’exploitation, des informations de l’annexe 2sur le réseau des huit lignes, des informations sur la consistance du service, la fréquentation du réseau et la gamme tarifaire. Les annexes 3 b et 3 g au projet de contrat, mais également le site internet tenu à jour par la RCT, offraient pour l’ensemble des lignes et des périodes scolaires et de vacances scolaires des informations détaillées sur les horaires de passage, les fréquences minimales, maximales et moyennes, le temps d’exploitation, les kilométrages unitaire et total, le nombre de passages complets, ce qui permettait aux candidats d’élaborer une offre satisfaisante.

21. Les sociétés requérantes allègent avoir provisionné d’importants surcoûts en raison des incertitudes liées au service minimum en cas de grève du personnel, de force majeure ou d’intempéries, s’agissant notamment de l’obligation de remboursement des titres de F et des pénalités, alors au demeurant que l’article 45-1 du projet de convention de leur offre finale exclut l’application de pénalités si lorsque le défaut de réalisation de l’objectif annuel de fréquentation sur lequel elles se sont engagées, prévu par l’article 25 du contrat relatif au risque commercial, n’est manifestement pas imputable à l’opérateur. Alors qu’elles ont produit un plan de transport adapté conforme aux dispositions de l’article L.1222-4 du code des F, comportant les conséquences du service minimum sur les recettes et les charges, le



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kilométrage à réaliser, les circuits à assurer et le personnel mobilisable, elles se bornent à soutenir que l’annexe 9 au projet de contrat prévue par l’article 4.4 selon laquelle l’interruption de service peut donner lieu à pénalité sous forme de réfaction de la contribution financière, ne leur a pas été communiquée, sans établir en quoi elles auraient été lésées par le manquement invoqué, d’autant qu’il résulte du rapport d’analyse des offres que l’impact du service minimum était sans incidence sur la comparaison des offres au regard du sous-critère n° 3 de la valeur technique relatif à la continuité et à la qualité du service public de transport, qui a été apprécié en fonction de trois éléments, gestion de la phase de reprise du personnel, outils d’exploitation et points de vente. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction que les incidences financières du défaut d’information allégué seraient susceptibles d’avoir lésé le candidat évincé ou avantagé son concurrent.

S’agissant des biens mis à disposition du délégataire :

22. En son préambule et son article 9.1, le projet de contrat prévoit la mise à disposition du délégataire des biens immobiliers (dépôt de bus, agence commerciale partagée avec la régie de transport scolaire, installations techniques propriétés de la collectivité) ainsi que les biens mobiliers, véhicules et matériels d’exploitation tels que répertoriés à l’Annexe 15. L’article 5 du contrat prévoit que ; « L’Autorité Organisatrice : (…) – procède, en règle générale, aux investissements en biens immobiliers et mobiliers relatifs à l’exploitation des services (…) met à disposition du délégataire les biens immobiliers (dépôt de bus, agence commerciale partagée avec la régie de transport scolaire, installations techniques propriétés de la collectivité) ainsi que les biens mobiliers (véhicules, matériels d’exploitation du réseau…) tels que répertoriés à l’Annexe 15 ; – décide, éventuellement sur proposition de son Délégataire, de tous investissements nouveaux pouvant donner lieu à modification de la contribution forfaitaire ». L’article 2 du règlement de la consultation prévoit que la garde du matériel, l’entretien courant et la maintenance des biens, équipements et matériels mis à disposition par la Collectivité sont au nombre des missions du gestionnaire du service public. Par l’annexe 15, inventaire A, la CACL a transmis aux candidats la liste des trente-cinq véhicules, soit trente-trois autobus et deux minibus, exploités par la RCT en précisant leur immatriculation, leur marque, leur modèle, la date de première mise en circulation, le nombre de places, la longueur, le taux de rejets en CO2, la présence de ceintures et l’accessibilité. Elle a ajouté, en réponse aux questions, des précisions sur les équipements, climatisation, présence de « girouettes » externes, billettique, vidéosurveillance, aménagements anti agression et annonces visuelles de demande d’arrêt. La visite du site prévue le 25 janvier 2019 à 9 heures, permettait, le cas échéant, alors même que les deux tiers de véhicules étaient en service, de compléter les informations relatives aux autobus accidentés hors service, suffisantes pour que les candidats puissent présenter utilement leur offre. Si les requérantes font valoir que le défaut d’informations sur la vétusté des véhicules et l’absence de communication des carnets d’entretien a induit de nombreux aléas, provisionnés à hauteur de 200 000 euros, ce défaut d’information à le supposer établi, sans incidences financières déterminantes au regard de la valeur estimée du marché, n’est pas susceptible d’avoir lésé le groupement évincé ou avantagé son concurrent.

S’agissant des recettes d’exploitation :

23. Aux termes de l’article 5 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 : « Les contrats de concession sont les contrats conclus par écrit, par lesquels une ou plusieurs autorités concédantes soumises à la présente ordonnance confient (…) la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré un risque lié à l’exploitation de l’ouvrage



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ou du service, en contrepartie soit du droit d’exploiter (…) le service qui fait l’objet du contrat (…). La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le concessionnaire assume le risque d’exploitation lorsque, dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés, liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service. ». L’article 14 du règlement de la consultation prévoit que les négociations ne peuvent conduire à la remise en cause de l’économie générale du contrat, notamment le principe selon lequel l’exploitation technique et financière se fait aux risques et périls du délégataire.

24. L’article 33 du projet de contrat prévoit le paiement par la CACL d’une contribution financière forfaitaire « assise sur les coûts du Délégataire et sur tous autres critères pertinents comme le nombre de kilomètres parcourus par la flotte des véhicules utilisés directement par le Délégataire ou ses sous-traitants pour l’année de référence ainsi que sur l’objectif de fréquentation annuelle sur lequel le Délégataire s’engage à l’Article 25 pour la même année de référence. », correspondant à la différence entre les dépenses et les recettes prévisionnelle d’exploitation, ces dernières incluant les recettes commerciales, les recettes annexes et la compensation tarifaire. L’article 40 prévoit dans certaines hypothèses la possibilité de révision, de la contribution financière forfaitaire, de la compensation tarifaire et de l’exécution technique du service.

25. Les candidats devaient remettre une offre finale sur la base d’un « réseau remanié selon les fichiers transmis dans le cadre de la préparation du second tour de la négociation », compte tenu de la desserte du Larivot et de la mise en exploitation du TCSP. La CACL a transmis les informations nécessaires à l’élaboration de cette offre sur la base, notamment, d’une dizaine de postes de charges fixes et variables permettant au candidat d’estimer les coûts d’exploitation et de s’engager sur un risque d’exploitation. L’annexe 3 d « Fréquentation du réseau », mentionne, pour chacune des huit lignes, le kilométrage, le nombre réel de voyageurs par type de titre de F en 2016 et 2017, puis du 1er avril au 31 octobre 2018. L’absence de données fiables sur la fréquentation en 2018 ne résulte d’aucun élément de l’instruction, alors même que les résultats de la totalité de l’année 2018 résultent d’une extrapolation. La CACL n’était pas tenue d’apporter davantage de précisions s’agissant notamment du risque commercial selon les hypothèses de fréquentation du réseau. Enfin, si le règlement de la consultation prévoit une annexe n° 33 relative aux engagements du délégataire en matière de lutte contre la fraude, l’absence d’éléments précis sur la fraude interne, d’ailleurs sans incidence notable, ne caractérise aucun manquement à l’obligation d’information des candidats.

En ce qui concerne la notation des sous-critères :

26. Aux termes de l’article 47 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 : « Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective. ». En vertu de l’article 27 du décret du 1er février 2016 ; « I. – Pour attribuer le contrat de concession, l’autorité concédante se fonde, conformément aux dispositions de l’article 47 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 susvisée, sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l’innovation. Lorsque la gestion



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d’un service public est déléguée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. Les critères et leur description sont indiqués dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. ».

27. Les sociétés requérantes font valoir qu’il ressort du rapport d’analyse des offres que le pouvoir adjudicateur a modifié le sens et la portée des sous-critères financiers n°s 1 et 3 ainsi que ceux des sous-critères techniques n°s 1 et 3.

28. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation des offres pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection définis et rendus publics. Il n’est pas tenu d’informer les candidats des modalités de mise en œuvre de ces critères. La méthode de notation ne peut être utilement contestée devant le juge du référé précontractuel qu’en cas d’erreur de droit ou de discrimination illégale. Par ailleurs, la seule circonstance que les méthodes de notation mises en œuvre soient susceptibles d’aboutir à une différenciation plus grande des candidats sur certains seulement des critères de jugement des offres ne saurait être regardée comme privant ceux-ci de leur portée.

29. S’agissant du sous-critère financier n° 1 « somme des montants de la contribution forfaitaire et de la compensation forfaitaire demandée à la collectivité », noté sur 30, les requérantes font grief à la CACL d’avoir réintégré à ces montants, prévus par les articles 33 et

30.2 du contrat, le montant annuel de 944.000 euros correspondant à la rémunération des vingt agents de la RCT, dont le groupement Zunève n’envisageait pas le détachement. Toutefois, il ressort du rapport d’analyse des offres que la perte de 2,8 points occasionnée par cette réintégration reste en deçà de l’écart global de 3,3 points séparant les deux concurrents. Le groupement Zunève, dont la note globale serait restée inférieure, n’est donc pas susceptible d’être lésé par le manquement qu’il invoque.

30. Le sous-critère financier n° 3 « qualité de l’offre financière : cohérence et crédibilité

», noté sur 5, a été apprécié en fonction de la cohérence et de la crédibilité du cadre de réponse, le niveau de l’apport en fonds propres et les conséquences financières du protocole de fin de conflit. Ces éléments d’appréciation des offres ne peuvent être regardés comme sans rapport avec l’objet du marché et le sous-critère annoncé par l’article 13 du règlement des offres.

31. Le sous-critère technique n° 1 « moyens humains et support technique apportés par le candidat », noté sur 15, pouvait, sans irrégularité, être apprécié, non seulement compte tenu des seuls biens définis par l’article 29 « biens mis à disposition par le délégataire » et l’annexe n° 1 au projet de contrat « Convention de mise à disposition des moyens et des savoir-faire du siège et de la direction déléguée de la société candidate à la SEMOP », mais au regard de l’ensemble des moyens matériels et humains affectés à l’exécution du contrat, y compris les biens mis à disposition du délégataire conformément à l’article 28 du contrat et les effectifs repris ou détachés.

32. S’agissant du sous-critère technique n° 3 « Qualité et continuité du service public de transport de voyageurs », noté sur 10, la CACL n’était pas tenue de préciser les éléments au regard desquels les offres seraient comparées sur ce point et d’en informer les candidats. Ce sous-critère a été apprécié en fonction de la gestion de la période de transition pour le détachement du personnel de la RCT, des outils d’exploitation (reprise de la billettique) et des points de vente. Ces éléments d’appréciation des mérites des offres ne sont pas sans rapport avec le critère et le sous-critère annoncés.



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En ce qui concerne la régularité de la candidature et de l’offre de l’attributaire :

33. L’article 21 du décret du 1er février 2016 prévoit notamment que l’autorité concédante vérifie les conditions de participation relatives aux capacités et aux aptitudes des candidats nécessaires à la bonne exécution du contrat de concession. En vertu du I de l’article 23 du même décret, avant de procéder à l’examen des candidatures, l’autorité concédante qui constate que des pièces ou informations dont la production était obligatoire peut demander aux candidats de compléter leur dossier dans un délai approprié, en informant les autres candidats de la mise en œuvre de cette disposition. Le II du même article prévoit que les candidats qui produisent une candidature incomplète ou contenant de faux renseignements ou documents ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure et que les candidatures irrecevables présentées par un candidat qui ne possède pas les capacités ou les aptitudes exigées en application de l’article 45 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 sont également éliminées. Cet article 45 prévoit que « I. – Les autorités concédantes ne peuvent imposer aux candidats que des conditions de participation à la procédure de passation propres à garantir qu’ils disposent de l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, de la capacité économique et financière ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l’exécution du contrat de concession. Lorsque la gestion d’un service public est déléguée, ces conditions de participation peuvent notamment porter sur l’aptitude des candidats à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public. Ces conditions sont liées et proportionnées à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. … ». Enfin, l’article 25 du décret du 1er février 2016 précise que : « Les offres inappropriées ou qui ne respectent pas les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation sont éliminées. Est inappropriée l’offre qui est sans rapport avec l’objet de la concession parce qu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modifications substantielles, de répondre aux besoins et aux exigences de l’autorité concédante spécifiés dans les documents de la consultation. ».

34. Les sociétés requérantes invoquent l’irrégularité de la candidature et de l’offre du groupement attributaire, en faisant valoir que les sociétés réunionnaise et mahoraise qui le composent ne disposent d’aucune implantation en Guyane. Il ne résulte d’aucun élément de l’instruction que l’offre du groupement Mosaïque, qui s’appuie sur les trente-trois autobus mis à disposition par la CACL, dont huit véhicules de réserve, nécessiterait la conclusion d’une convention d’affrètement avec un transporteur local, sous peine d’être regardée comme inappropriée ou non conforme aux conditions minimales des documents de la consultation, au sens de l’article 25 du décret du 1er février 2016. Si le groupement Zunève a prévu de sous- traiter des prestations de transport en période de forte fréquentation, cette circonstance ne révèle par elle-même aucune irrégularité de l’offre concurrente, qui s’appuie sur les seuls moyens de la CACL. Le caractère « totalement inutilisable » d’une dizaine de véhicules, dont fait état sans autres précisions un communiqué de presse des syndicats n’est pas établi et les légères incohérences entachant le kilométrage commercial proposé par le groupement retenu, au demeurant sérieusement contestées, ne révèlent pas son incapacité à assurer la continuité du service public. Si la candidature du groupement Mosaïque faisait état des quatre-cent-quarante- trois véhicules du groupe F Mooland, qui compte cinq entreprises, il ne résulte pas de l’instruction que la commission de délégation de service public aurait été induite en erreur dans son analyse des capacités techniques du candidat retenu. Par ailleurs, la circonstance que le groupement Mosaïque ait, en dépit des aléas liés à l’acceptation du dispositif et à l’absence de décret d’application, fondé son offre finale sur l’hypothèse de reprise de la totalité du personnel, en particulier celui employé par la RCT, par la voie du détachement d’office des



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agents titulaires, en application de l’article 76 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ne révèlent que cette offre aurait dû être éliminée comme irrecevable, inappropriée ou non conforme aux conditions et caractéristiques minimales de la consultation. Si les requérantes soutiennent que l’offre du groupement Mosaïque révèle une proportion insuffisante de conducteurs, non conforme aux objectifs de recentrage sur le cœur de métier et de réorganisation des services, ces enjeux définis par l’article 3 du règlement de la consultation guident l’appréciation des mérites des offres, dont il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de connaître, et ne peuvent fonder l’élimination d’une offre sur le fondement des textes cités au point précédent. De même, si les requérantes font valoir que cette offre a pour effet de maintenir l’organisation « notoirement inefficace » de la RCT, il n’appartient pas au juge du référé précontractuel de se prononcer sur l’appréciation portée sur la valeur d’une offre ou les mérites respectifs des candidatures, sous réserve de la dénaturation du contenu des offres, ce qui n’est pas le cas de l’espèce.

35. Il ne résulte d’aucun élément de l’instruction que la commission de délégation de service public, qui ne pouvait légalement appliquer de critère de préférence locale, se serait livrée à une appréciation manifestement erronée des capacités économiques, financières, techniques et professionnelles du groupement Mosaïque lors de l’examen de sa candidature ou que celui-ci aurait remis une offre finale inappropriée ou non conforme aux conditions minimales des documents de la consultation, au sens de l’article 25 du décret du 1er février 2016.

36. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, sans qu’il soit besoin ni de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la CACL, ni de se prononcer sur la régularité de l’offre du groupement évincé, et, partant, sur la demande d’enquête contradictoire concernant les propos tenus par les représentants du pouvoir adjudicateur lors des séances de négociation.

Sur les frais de procès :

37. Les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CACL, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire des sociétés requérantes la somme de 2.000 euros à payer, d’une part, à la CACL, d’autre part, au groupement composé des sociétés TMO et CMTB. Aucun dépens n’ayant été exposé pour la présente instance, les conclusions présentées sur ce point ne peuvent être accueillies.



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O R D O N N E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de communication des motifs du rejet de l’offre du groupement composé des sociétés F Zuneve, AZ F, STIVMAT, société de F B C et Y et des caractéristiques et avantages de l’offre retenue.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête des sociétés F Zuneve, AZ F, STIVMAT, société de F B C et Y est rejeté.

Article 3 : Les sociétés requérantes verseront la somme de 2.000 euros, d’une part, à la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral, d’autre part, aux sociétés F Mooland Osmann et Carla Mayotte F Baltus sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Sarl F Zuneve, première dénommée, à la Communauté d’Agglomération du Centre Littoral et aux sociétés F Mooland Osmann et Carla Mayotte F Baltus.

Fait à Bordeaux, le 2 mars 2020

Le juge des référés,

Signé
M. T. X

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies du droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance

Pour expédition conforme, Le greffier en Chef, Ou par délégation le greffier,

Signé

M-Y. H

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Tribunal administratif de Guyane, 2 mars 2020, n° 2000106