Tribunal administratif de Limoges, 29 mai 2018, n° 1800331

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Sur la décision

Référence :
TA Limoges, 29 mai 2018, n° 1800331
Juridiction : Tribunal administratif de Limoges
Numéro : 1800331

Texte intégral

gl

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LIMOGES

N° 1800331

____________________ REPUBLIQUE FRANÇAISE

Syndicat CGT GM & S Industrie France et autres

_____________________
M. X Y AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Rapporteur

______________________


M. Z-A B

Rapporteur public Le Tribunal administratif de Limoges ______________________

(2ème chambre)

Audience du 24 mai 2018 Lecture du 29 mai 2018 ____________________ 66-07 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mars et 25 avril 2018, le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S, le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, représentés par la SCP A…& Associés, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Nouvelle Aquitaine a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 5 000 euros au profit de chacun des requérants en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le contrôle exercé par la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de la Nouvelle-Aquitaine sur la régularité de la procédure a été manifestement insuffisant ;

- la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel est irrégulière dès lors que les réunions du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 17 juillet 2017 ne se sont pas formellement tenues et qu’aucunes réunions des représentants du personnel autres que celles du 1er septembre 2017 ne se sont tenues en méconnaissance de l’article L. 1233-30 du code du travail, que les ordres du jour


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communs des réunions extraordinaires du comité d’entreprise et du CHSCT du 17 juillet 2017 ont été unilatéralement établis par l’administrateur judiciaire sans concertation préalable avec le secrétaire du comité d’entreprise en méconnaissance du deuxième alinéa de l’article L. 2325-15 du code du travail, enfin, que le comité d’entreprise a été placé dans l’impossibilité de prononcer un avis sur le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi dans la mesure où la dernière version du tableau de définition des catégories professionnelles, modifiant substantiellement la détermination desdites catégories telle qu’elle résultait des discussions préalables entre les institutions représentatives du personnel et les co-administrateurs judiciaires de la société GM & S Industry France, n’a été adressée au comité d’entreprise que lors de la réunion du 1er septembre 2017 au cours de laquelle il devait être consulté sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ;

- le plan de sauvegarde de l’emploi est insuffisant dès lors que les mesures de reclassement et d’accompagnement qu’il contient ne sont ni précises ni concrètes ; par ailleurs, les recherches de reclassement effectuées par les co-administrateurs judiciaires ont été insuffisantes ; enfin, les mesures de reclassement sont limitées aux propositions décidées par l’institution chargée de la gestion du régime d’assurance de garantie des salaires (AGS) et n’ont pas été fixées au regard des moyens dont disposait l’administrateur alors qu’il appartenait à ce dernier de décider des mesures à mettre en œuvre et que de telles mesures se seraient alors imposées à l’AGS ;

- les catégories professionnelles retenues, définies dans le seul but de permettre à la société GMD de reprendre les contrats de travail qui lui convenaient dans le cadre de la procédure de cession des actifs de la société GM & S Industry France, ne sont pas conformes aux exigences jurisprudentielles qui imposent de regrouper au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;

- les critères d’ordre des licenciements n’ont pas été correctement fixés en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail dès lors qu’en basant le critère relatif à l’évaluation des qualités professionnelles sur la seule ancienneté des salariés dans l’entreprise, critère insuffisant pour appréhender les compétences professionnelles de ces derniers, le plan de sauvegarde de l’emploi revient à omettre la prise en compte du critère précité et à prendre en compte, à deux reprises, le critère relatif à l’ancienneté ;

- les co-administrateurs judiciaires disposaient d’outils objectifs suffisamment fiables et précis pour évaluer les compétences professionnelles des salariés tels que des entretiens individuels, le présentéisme ou la polyvalence des intéressés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2018, le préfet de la région Nouvelle- Aquitaine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l’irrégularité commise dans la définition des catégories professionnelles est inopérant dès lors que les catégories professionnelles ont été arrêtées dans le jugement de cession du 7 septembre 2017 du tribunal de commerce de Poitiers, jugement qui s’impose tant au liquidateur qu’à l’administration chargée d’homologuer le document unilatéral ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2018, la SELARL Gladel et la SELARL AJ Partenaires, agissant en qualité de co-administrateurs judiciaires de la société GM

& S Industry France, représentés par Me B…, concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1 500 euros soit solidairement mise à la charge des requérants en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Ils soutiennent que :

- le moyen tiré de l’irrégularité commise dans la définition des catégories professionnelles est inopérant dès lors que les catégories professionnelles ont été arrêtées dans le jugement de cession du 7 septembre 2017 du tribunal de commerce de Poitiers, jugement qui s’impose tant au liquidateur qu’à l’administration chargée d’homologuer le document unilatéral ;

- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté pour le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, par la SCP A…& Associés a été enregistré le 7 mai 2018.

En application des dispositions de l’article R. 611-11-1 et du dernier alinéa de l’article R. 613-1, la clôture de l’instruction a été fixée au 9 mai 2018 par une ordonnance datée du même jour.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Y,

- les conclusions de M. B, rapporteur public,

- et les observations de Me A…, représentant le syndicat GM & S et autres et de M. C…, représentant le préfet de la Nouvelle-Aquitaine.

Une note en délibéré, enregistrée le 25 mai 2018, a été présentée pour le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France.

1. Considérant que la société GM & S Industry France, qui exploitait un site à La Souterraine (Creuse) spécialisé dans l’emboutissage, l’assemblage par soudure et la peinture par cataphorèse de pièces destinées à la sous-traitance automobile, a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 2 décembre 2016, qui a désigné la SELARL AJ Partenaires et la SELARL Gladel en qualité de coadministrateurs judiciaires ; que, par un jugement du 30 juin 2017, le tribunal de commerce de Poitiers, constatant que les démarches entreprises en lien avec les services de l’Etat et les représentants des constructeurs automobiles n’avaient pas permis d’engager un processus permettant de


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pérenniser l’activité, que le maintien de cette activité n’était assuré que grâce aux différents concours des pouvoirs publics et des clients et qu’une offre de reprise avait été déposée par la société Groupement Mécanique Découpage (GMD) le 29 juin 2017, a prononcé la liquidation judiciaire de la société GM & S Industry France, autorisé le maintien de son activité jusqu’au 21 juillet 2017 à minuit, maintenu les SELARL AJ Partenaires et Gladel en qualité de coadministrateurs judiciaires et désigné la SELARL MJO et la SCP Ponroy en qualité de co- liquidataires judiciaires ; qu’après avoir, à plusieurs reprises, autorisé le maintien de l’activité de la société liquidée, le tribunal de commerce de Poitiers a, par un jugement du 7 septembre 2017, arrêté le plan de cession des actifs de la société GM & S Industry France à la société GMD et autorisé le licenciement pour motif économique de 156 salariés occupant des postes non repris par le cessionnaire, le nombre total d’emplois repris étant fixé à 120 ; que, par une décision du 15 septembre 2017, la responsable du « pôle 3E » de l’unité départementale de la Creuse, agissant au nom de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la Nouvelle-Aquitaine, a homologué le document élaboré par la SELARL Gladel, l’un des co-administrateurs judiciaires de la société GM & S Industry France, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de cette société ; que, par un jugement du 15 janvier 2018, le Tribunal a annulé cette décision au motif qu’elle était insuffisamment motivée ; que, par une décision du 23 janvier 2018, la directrice de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de la Nouvelle-Aquitaine a pris une nouvelle décision portant homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France ; que le syndicat CGT GM & S Industrie France, l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et le comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, demandent au tribunal d’annuler cette dernière décision ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1233-24-4 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : « A défaut d’accord (…), un document élaboré par l’employeur après la dernière réunion du comité d’entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur » ; qu’aux termes de l’article L. 1233-58 de ce même code : « (…) II. Pour un licenciement d’au moins dix salariés dans une entreprise d’au moins cinquante salariés, (…) le document mentionné à l’article L.1233-24-4, élaboré par l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L.1233-57-1 à L.1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéa de l’article L.1233-57-4 et à l’article L.1233-57-7 (…)» ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 1233-57-3 dudit code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : « En l’absence d’accord collectif ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations


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prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 (…) » ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel :

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 1233-28 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : « L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte, selon le cas, le comité d’entreprise ou les délégués du personnel, dans les conditions prévues par le présent paragraphe » ; qu’à ce titre, le I. de l’article L. 1233-20 de ce code dispose, s’agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que «  (…) l’employeur réunit et consulte le comité d’entreprise sur : (…) / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail (…) / Le comité d’entreprise tient au moins deux réunions espacées d’au moins quinze jours (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1233-31 du même code : « « L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique: / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; (…) / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements (…) » ; que l’article L. 1233-32 dispose que, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l’employeur adresse « outre les renseignements prévus à l’article L. 1233-31 (…) le plan de sauvegarde de l’emploi (…) » ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 1233-58 du code du travail : « I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues à l’article L. 2323-31 ainsi qu’aux articles : (…) 3° L. 1233-30, I à l’exception du dernier alinéa, et deux derniers alinéas du II, pour un licenciement d’au moins dix salariés dans une entreprise d’au moins cinquante salariés (…) » ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été régulière ; qu’elle ne peut légalement accorder l’homologation demandée que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de


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l’emploi ; qu’il appartient à ce titre à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité d’entreprise, avec la convocation à sa réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu’il formule un avis en toute connaissance de cause ;

6. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes du document intitulé « document d’information CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) », établi pour une réunion de cette institution représentative du personnel le 24 avril 2017, que, dès le mois d’avril 2017, les coadministrateurs judiciaires ont engagé des travaux préparatoires avec les institutions représentatives du personnel afin de définir les catégories professionnelles présentes au sein de la société GM & S Industry France ; que le document précité faisait ainsi figurer un tableau référençant cinquante-six catégories professionnelles ; que, par un courrier électronique du 29 mai 2017, le comité d’entreprise a proposé aux coadministrateurs judiciaires, une nouvelle définition de ces catégories professionnelles en les limitant à vingt-deux ; qu’il n’est pas contesté que la première version du document unilatéral établi par les coadministrateurs judiciaires, remise aux services de la DIRECCTE par courriel du 10 mai 2017 reprenait le tableau précité, proposé par le comité d’entreprise ; qu’il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ce projet de document unilatéral, comprenant ce même tableau, a été communiqué aux membres du comité d’entreprise par lettre de convocation datée du 10 juillet 2017 ; que, par courriels des 25 et 30 août 2017, l’administration du travail a sollicité des coadministrateurs judiciaires chargés de la rédaction du document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l’emploi, la modification du tableau référençant les catégories professionnelles, inclus dans le projet de document unilatéral afin de corriger des incohérences l’affectant dans la détermination de ces catégories ; qu’afin de prendre en compte ces observations, les coadministrateurs judiciaires ont établi une deuxième, puis une troisième version du tableau référençant les catégories professionnelles ; que c’est cette troisième et dernière version, établie en réponse aux observations émises le 30 août 2017 par la DIRECCTE, et qui recense cinquante-huit catégories professionnelles, qui a été soumise aux membres du comité d’entreprise lors de la réunion qui s’est tenue le 1er septembre 2017 ;

7. Considérant que si, ainsi que les requérants le soutiennent, l’employeur a modifié, les jours précédant la tenue de la réunion du 1er septembre 2017, le tableau recensant les catégories professionnelles, il ressort de ce qui a été dit précédemment que les institutions représentatives du personnel ont été associées, dès le mois d’avril 2017, à la définition de ces catégories et que la première version du document unilatéral soumise à l’administration du travail contenait le tableau que le comité d’entreprise avait lui-même élaboré ; que la comparaison de la première définition des catégories professionnelles, fixant à cinquante-six le nombre de ces catégories, avec celle portée à la connaissance du comité d’entreprise lors de la réunion du 1er septembre 2017, et notamment destinée à prendre en compte les observations de l’administration du travail relatives à des incohérence relevées quant à la détermination de certaines catégories professionnelles, ne permet pas d’estimer que les définitions respectives des catégories professionnelles présentaient des différences significatives ; que, dans ces conditions, et alors même que le comité d’entreprise a, aux termes d’une résolution datée du 1er septembre 2017, exprimé le fait qu’il n’était pas en mesure de rendre un avis sur le « point des catégories professionnelles », ce comité doit être regardé comme ayant été mis à même de se prononcer sur la définition des catégories professionnelles ;


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8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les coadministrateurs judiciaires ont vicié la procédure d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel en présentant, lors de la réunion du 1er septembre 2017, une version modifiée du tableau recensant les catégories professionnelles ;

9. Considérant, en second lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1233-58 du code du travail citées au point 4, qu’en cas de liquidation judiciaire, l’employeur, l’administrateur ou le liquidateur, qui envisage les licenciements économiques, n’est tenu de réunir et de consulter le comité d’entreprise qu’une seule fois ; qu’il résulte de ce qui vient d’être dit au point 8 que les coadministrateurs judiciaires de la société GM & S Industry France doivent être regardés comme ayant régulièrement réuni et consulté le comité d’entreprise lors de la réunion du 1er septembre 2017 ; que, dans ces conditions, les circonstances invoquées par les requérants, tirées, d’une part, de ce que les réunions du 17 juillet 2017 du comité d’entreprise et du CHSCT, mentionnées dans la décision contestée, ne se sont pas formellement tenues, d’autre part, de ce que les ordres du jour établis pour ces mêmes réunions ont été unilatéralement établis en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2325-15 du code du travail, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée du 23 janvier 2018 ;

En ce qui concerne le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l’emploi :

10. Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions citées au point 2 que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu’à ce titre elle doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe ;

11. Considérant, tout d’abord, que si les requérants soutiennent que le repreneur, la société GMD, n’a pas respecté son engagement de communiquer le détail des éventuels postes à pourvoir au sein de différentes sociétés susceptibles de constituer une proposition de reclassement pour les salariés non repris, cette circonstance est sans incidence sur le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l’emploi dès lors que seul l’employeur, et non le repreneur, est débiteur de l’obligation de reclassement ;

12. Considérant, ensuite, qu’il ressort des pièces du dossier que les coadministrateurs judiciaires ont, par courriers du 11 juillet 2017, sollicité des sociétés relevant du groupe auquel appartenait la société GM & S Industry France mais également d’environ cinquante sociétés concurrentes localisées dans les départements de la Creuse, de la Haute-Vienne et de la Corrèze, des informations quant aux possibilités de reclassement susceptibles d’être offertes aux salariés concernés par le projet de licenciement collectif ; qu’étaient joints aux lettres du 11 juillet 2017 la liste des « emplois menacés » ainsi qu’un bulletin de réponse ; que, dans ces conditions, les


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requérants ne sont pas fondés à soutenir que les recherches de reclassements étaient insuffisantes ;

13. Considérant, en outre, qu’il résulte du document unilatéral fixant le plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France que cette dernière appartenait à 100 % à la société de droit anglais GM & S Industry Limited ; qu’il indique également que, compte tenu du prononcé de sa liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 30 juin 2017, la société GM & S Industry France n’était pas en mesure de dégager un budget pour financer le plan de sauvegarde de l’emploi et que ce financement n’était réalisable que par l’éventuelle aide du groupe GM & S « et/ou » de la société GMD, alors candidate à la reprise de cette société, les aides et exonérations pouvant être allouées par l’Etat et les collectivités territoriales ainsi que l’intervention, sur le fondement du 4° de l’article L. 3253-8 du code du travail, de l’assurance garantie salaires (AGS) ; que les mesures d’accompagnement prévues par le plan, selon les engagements des pouvoirs publics en faveur des salariés de la société GM & S Industry France, sont caractérisées par la mise en œuvre d’une aide à la formation de 100 % du coût jusqu’à 5 000 euros et 1 500 euros pour des frais annexes, le plan prévoyant l’allocation de financements complémentaires « sur dossier, au cas par cas », d’une aide à la mobilité géographique à hauteur de 1 500 euros et portée à 2 000 euros si le salarié est en « difficulté spécifique », d’une aide à la reprise et/ou à la création d’entreprise à hauteur de 2 000 euros, ainsi que d’une convention d’allocation temporaire dégressive à hauteur de 300 euros par salarié sur une durée de vingt-quatre mois ; que ce document prévoit également, que « la région mobilisera les dispositifs d’aide au reclassement en faveur des GM & S (notamment, le chèque emploi reclassement qui permet d’abonder les coûts pédagogiques liés à des formations dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle) » ; que, quand bien même l’exécution formelle de certaines mesures d’accompagnements précitées soit conditionnée à des examens au cas par cas de dossiers individuels et que des réunions ultérieures à l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi ont été tenues afin de préciser sa portée et son application, les mesures énoncées dans ce plan présentent un caractère précis et concret ;

14. Considérant, par ailleurs, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 3253-8 du code du travail que l’assurance de garantie des salaires, mentionnée à l’article L. 3253-6 de ce code, couvre notamment, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 : « (…) 4° Les mesures d’accompagnement résultant d’un PSE déterminé par (…) un document élaboré par l’employeur, conformément aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4, dès lors qu’il a été validé ou homologué dans les conditions prévues à l’article L. 1233-58 avant ou après l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (…) » ;

15. Considérant que s’il est constant que les coadministrateurs judiciaires ont saisi la délégation Unedic AGS de Bordeaux afin d’être pleinement informés des modalités d’application des dispositions précitées du 4° de l’article L. 3253-8 du code du travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces coadministrateurs se seraient estimés liés par l’accord donné par cet organisme à la mise en œuvre des mesures d’accompagnement qu’ils avaient préalablement définies ; qu’en tout état de cause, et alors même que les administrateurs judiciaires de la société GM & S Industry France se seraient estimés liés par les accords exprimés par l’organisme gérant le régime légal de l’AGS, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n’est au demeurant pas allégué par les requérants, que les mesures contenues dans le plan n’étaient pas, prises dans leur ensemble, de nature à satisfaire aux objectifs de maintien dans


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l’emploi et de reclassement des salariés compte tenu, notamment, des moyens dont disposait le groupe GM & S ;

16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan de sauvegarde de l’emploi en litige est insuffisant ;

En ce qui concerne le contrôle réalisé par l’administration :

17. Considérant que si les requérants soutiennent que la DIRECCTE a insuffisamment contrôlé la procédure d’élaboration du document unilatéral de l’employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l’administration du travail a, au cours du mois d’août 2017, exercé son pouvoir d’intervention prévu aux articles L. 1233-57 et suivants du code du travail afin d’une part, de compléter le plan de sauvegarde de l’emploi pour enrichir le dispositif de mesures d’accompagnement pour les salariés les plus en difficulté, d’autre part, d’alerter l’employeur sur les modalités de définition des catégories professionnelles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’administration aurait exercé un contrôle insuffisant au regard des dispositions de l’article L. 1233-57-3 du code du travail citées au point 2 ; que, par ailleurs, il est constant que les institutions représentatives du personnel n’ont pas saisi l’administration, en vertu des dispositions de l’article L. 1233-57-5 du code du travail, d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’employeur de fournir les éléments d’information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure ; que, par suite, le moyen tiré de l’insuffisance du contrôle réalisé par la DIRECCTE doit être écarté ;

En ce qui concerne la définition des catégories professionnelles :

18. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 642-5 du code de commerce : « Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions applicables à tous » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 642-3 du même code : « Lorsque le plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique, le liquidateur, ou l’administrateur lorsqu’il en a été désigné, produit à l’audience les documents mentionnés à l’article R. 631-36. Le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées » ; qu’il résulte de ces dispositions que les catégories professionnelles déterminées par le jugement qui arrête le plan de cession et fixe le nombre de licenciements s’imposent au liquidateur ou à l’administrateur judiciaire pour le choix des salariés à licencier, ainsi qu’à l’autorité administrative chargée d’homologuer le document unilatéral de l’employeur déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi ; qu’il ressort des pièces du dossier que les catégories professionnelles retenues dans le document unilatéral de l’employeur ayant fait l’objet de la décision d’homologation litigieuse sont identiques à celles qui ont été fixées par le jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 4 septembre 2017 ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement en contester le bien- fondé ;

En ce qui concerne les critères d’ordre :

19. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : « Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité


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d’entreprise (…) / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article. / Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif (…) » ; qu’aux termes de l’article 33 de la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la Haute-Vienne et de la Creuse, intitulé « Règles à observer en cas de licenciement collectif pour motif économique » : « (…) Si en dernier ressort, des licenciements étaient décidés, ceux-ci devraient s’opérer suivant les règles prévues en matière de licenciements pour motif économique, compte tenu notamment, sans ordre préférentiel et sans préjudice des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail : / – des nécessités de la production ; / – de la valeur professionnelle ; / – de la situation personnelle et familiale ; / – de l’ancienneté dans l’établissement (…) » ;

20. Considérant que les requérants soutiennent que le plan de sauvegarde de l’emploi méconnait les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail dans la mesure où, en prenant uniquement en compte l’ancienneté pour évaluer le critère des compétences professionnelles, il a pour conséquence d’omettre ce dernier critère ; que, toutefois, dès lors qu’une convention collective de travail est applicable au litige, en l’espèce la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la Haute-Vienne et de la Creuse, les requérants ne peuvent utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail qui ne trouvent à s’appliquer qu’en l’absence d’une telle convention ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision du 23 janvier 2018 par laquelle la DIRECCTE Nouvelle-Aquitaine a pris une nouvelle décision portant homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société GM & S Industry France ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée par les sociétés Gladel et AJ Partenaires au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat CGT GM & S Industrie France, de l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S et du comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France est rejetée.


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Article 2 : Les conclusions présentées par les sociétés Gladel et AJ Partenaires sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le jugement sera notifié au syndicat CGT GM & S Industrie France, à l’association de soutien et de défense des salariés-es de GM&S, au comité d’entreprise de la société LSI, anciennement dénommé comité d’entreprise de la société GM & S Industry France, à la société Gladel, à la société AJ Partenaires, à la société MJO Mandataire Judiciaire, à la société Ponroy, au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine et à la ministre du travail.

Délibéré après l’audience du 24 mai 2018 où siégeaient :

- M. Gensac, président,

- M. Nury, premier conseiller,

- M. Y, conseiller,

Lu en audience publique le 29 mai 2018

Le rapporteur, Le président,

L. Y P. GENSAC

Le greffier,

G. VIALLARD


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La République mande et ordonne

au ministre du travail en ce qui le concerne ou à

tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision Pour expédition conforme Pour le Greffier en Chef Le Greffier

G. VIALLARD

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Tribunal administratif de Limoges, 29 mai 2018, n° 1800331