Tribunal administratif de Lyon, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2105644

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2105644
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 2105644
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juillet 2021 et 9 février 2022, M. A C, représenté par la SELARL Chanon Leleu Associés (Me Leleu) demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 15 juin 2021 par laquelle le directeur de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon l’a placé en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019, dans l’attente de l’avis du comité médical et l’a maintenu à demi-traitement, hors indemnité de fonction, de sujétion et d’expertise (IFSE), jusqu’à la date de la reprise de ses fonctions, de son reclassement, de sa mise en disponibilité ou de son admission à la retraite ;

2°) de mettre à la charge de l’INSA de Lyon la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision contestée méconnaît les dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ; en effet :

• elle est entachée d’un défaut de motivation en tant qu’elle refuse de reconnaître l’imputabilité au service de sa maladie ;

• elle est entachée d’une insuffisance de motivation en tant qu’elle prononce son placement en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019 dans l’attente de l’avis du comité médical ;

— elle est entachée d’un défaut de base légale, dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit un tel placement en autorisation spéciale d’absence qu’il n’a d’ailleurs jamais sollicité ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article 47-5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dès lors que le directeur de l’INSA de Lyon s’est abstenu de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) à titre provisoire alors que l’instruction de sa déclaration de maladie professionnelle n’était pas terminée à l’issue du délai de cinq mois ;

— elle est entachée de vices de procédure au regard des dispositions des articles 47-6 et 47-7 du même décret et méconnaît celles de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dès lors qu’elle a pour effet de refuser implicitement la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie ;

— elle méconnaît les dispositions des articles 34 et 35 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dès lors qu’elle a pour effet de le placer en congé de maladie ordinaire d’office sans qu’une procédure d’octroi d’un congé de longue maladie n’ait été menée parallèlement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2021, l’Institut national des sciences appliquées de Lyon conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet.

Il fait valoir que :

— il n’y a plus lieu de statuer sur la requête de M. C, dès lors que la décision contestée du 15 juin 2021 a été retirée par une décision du 5 octobre suivant ;

— la décision attaquée du 15 juin 2021 n’avait ni pour objet, ni pour effet, de refuser de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie du requérant, sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle étant d’ailleurs en cours d’instruction ;

— les moyens soulevés par l’intéressé sont infondés.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2022, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a informé le tribunal qu’elle n’était pas compétente pour défendre dans le cadre de la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code général de la fonction publique ;

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

— le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

— le décret n° 85-1534 du 31 décembre 1985 ;

— le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

— le décret n° 2016-580 du 11 mai 2016 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience, à laquelle le directeur de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche n’étaient ni présents, ni représentés.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B ;

— les conclusions de M. Arnould, rapporteur public ;

— et les observations de Me Gouy-Paillier, substituant Me Leleu, représentant M. C.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, fonctionnaire de l’État depuis le 1er septembre 2001 et détaché au sein de l’Institut régional d’administration (IRA) de Lyon du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, a été lauréat du concours interne de recrutement dans le corps des adjoints techniques principaux de recherche et de formation 2ème classe – session 2018 en vue d’occuper un poste d’opérateur logistique polyvalent – transport et logistique, situé au sein de la direction du patrimoine et du développement durable (DIRPAT – DD) de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon. Par un arrêté du 23 août 2018, la rectrice de l’académie de Lyon l’a nommé en qualité d’adjoint technique principal de recherche et de formation (ATRF) de 2ème classe, dans la branche d’activité professionnelle « G », emploi-type « opérateur logistique » et l’a affecté au sein de l’INSA de Lyon à compter du 1er septembre 2018. Victime d’un malaise le 12 septembre suivant et placé en arrêts de travail, M. C a été examiné par un médecin agréé qui a conclu, le 15 novembre 2018, à son inaptitude permanente et définitive à l’exercice de ses fonctions, à l’absence d’aménagements possibles de son poste de travail et au caractère justifié de ses arrêts de travail au titre d’un état dépressif. Saisi par l’INSA de Lyon, le comité médical départemental du Rhône a émis, le 10 janvier 2019, un avis défavorable à l’aptitude de l’intéressé à l’exercice de ses fonctions et un avis défavorable à son reclassement, en considérant qu’il était inapte de manière absolue, permanente et définitive à ses fonctions et à toutes fonctions. Après avoir été placé en congé de maladie ordinaire du 12 septembre 2018 au 1er février 2019, M. C a été placé en congé de maladie ordinaire d’office, du 2 février au 26 septembre 2019 inclus, par une décision du directeur de l’INSA de Lyon du 6 février 2019 qui sera annulée par un jugement du tribunal en date du 9 septembre 2020. Saisi une nouvelle fois par l’INSA de Lyon, le comité médical départemental du Rhône a émis, le 4 mars 2021, un avis défavorable à l’aptitude de l’intéressé à l’exercice de ses fonctions et un avis favorable à son reclassement dans un autre emploi, sur un poste adapté à son état de santé. Par une décision du 9 juin 2021, le directeur de l’INSA de Lyon a placé M. C en période de préparation au reclassement du 4 mars 2021 au 3 mars 2022 inclus, avec conservation de l’intégralité de son traitement et de ses droits à avancement. Enfin, par une décision du 15 juin 2021, dont le requérant demande au tribunal de prononcer l’annulation, le directeur de l’INSA de Lyon l’a placé en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019, dans l’attente de l’avis du comité médical, et l’a maintenu à demi-traitement, hors indemnité de fonction, de sujétion et d’expertise (IFSE), jusqu’à la date de la reprise de ses fonctions, de son reclassement, de sa mise en disponibilité ou de son admission à la retraite.

Sur l’exception de non-lieu à statuer opposée en défense et l’étendue du litige :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait plus lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution.

3. Toutefois, lorsqu’une décision administrative faisant l’objet d’un recours contentieux est retirée en cours d’instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l’annulation de la nouvelle décision. Lorsque que le retrait a acquis un caractère définitif, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision.

4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que par une décision du 5 octobre 2021, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur de l’INSA de Lyon a partiellement modifié la décision contestée du 15 juin 2021 en substituant au placement de M. C en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019 un placement de l’intéressé en disponibilité d’office, à titre conservatoire, à compter de la même date. Cette nouvelle décision, qui doit être regardée comme procédant au retrait partiel de la décision initiale, comportait la mention régulière des voies et délais de recours et a été portée à la connaissance du requérant au plus tard le 22 octobre 2021, date à laquelle il a accusé réception du mémoire en défense de l’INSA de Lyon, auquel elle était jointe. Dès lors que M. C n’établit ni même n’allègue avoir formé un recours à l’encontre de la décision du 5 octobre 2021 en tant qu’elle retire partiellement la décision contestée du 15 juin 2021, le retrait partiel ainsi opéré a acquis un caractère définitif et il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation du requérant dirigées contre cette dernière décision en tant qu’elle le place en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019. Par suite, l’exception de non-lieu à statuer opposée en défense doit, dans cette mesure, être accueillie.

5. En revanche, il y a toujours lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation de M. C dirigées contre la décision du 15 juin 2021 en tant qu’elle l’a maintenu à demi-traitement, hors IFSE, jusqu’à la date de la reprise de ses fonctions, de son reclassement, de sa mise en disponibilité ou de son admission à la retraite, et les conclusions à fin d’annulation du requérant doivent également être regardées comme dirigées contre la décision du 5 octobre 2021 en tant qu’elle le place en disponibilité d’office, à titre conservatoire, à compter du 6 février 2019.

Sur les conclusions à fin d’annulation des décisions des 15 juin et 5 octobre 2021 :

6. En premier lieu, les décisions contestées n’ont ni pour objet, ni pour effet, de placer M. C en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019. Par suite, les moyens tirés de ce que ces décisions seraient entachées d’une insuffisance de motivation au regard des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration et d’un défaut de base légale sont inopérants et ne peuvent qu’être écartés.

7. En deuxième lieu, selon les termes de l’article 47-5 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : « Pour se prononcer sur l’imputabilité au service () de la maladie, l’administration dispose d’un délai : / () 2° En cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. / Un délai supplémentaire de trois mois s’ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas d’enquête administrative diligentée à la suite d’une déclaration d’accident de trajet ou de la déclaration d’une maladie mentionnée au troisième alinéa du IV de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée, d’examen par le médecin agréé ou de saisine de la commission de réforme compétente. Lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, l’employeur doit en informer l’agent ou ses ayants droit. / Au terme de ces délais, lorsque l’instruction par l’administration n’est pas terminée, l’agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire pour la durée indiquée sur le certificat médical prévu au 2° de l’article 47-2 et au dernier alinéa de l’article 47-9. Cette décision, notifiée au fonctionnaire, précise qu’elle peut être retirée dans les conditions prévues à l’article 47-9. ». Et aux termes de l’article 47-9 du même décret : « Au terme de l’instruction, l’administration se prononce sur l’imputabilité au service et, lorsqu’elle est constatée, place le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l’arrêt de travail. / Lorsque l’administration ne constate pas l’imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. () ».

8. M. C soutient que les décisions contestées méconnaissent les dispositions précitées de l’article 47-5 du décret du 14 mars 1986, dès lors que le directeur de l’INSA de Lyon se serait abstenu de le placer en congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) à titre provisoire alors que l’instruction de sa déclaration de maladie professionnelle n’était pas terminée à l’issue du délai de cinq mois. Toutefois, dès lors que le requérant n’a déposé sa déclaration de maladie professionnelle que le 1er août 2019, il ne saurait faire grief à l’administration de ne pas l’avoir placé en CITIS à compter du 6 février 2019. Par ailleurs, il ressort des pièces produites en défense que par une décision du 15 février 2022, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur de l’INSA de Lyon a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie de l’intéressé. Cette décision, qui comportait la mention régulière des voies et délais de recours, a été portée à la connaissance du requérant au plus tard le 23 mars 2022, date à laquelle il en a accusé réception par l’intermédiaire de l’application informatique accessible par le réseau internet mentionnée à l’article R. 414-1 du code de justice administrative et dénommée Télérecours. Dès lors que M. C n’établit ni même n’allègue avoir formé un recours à l’encontre de cette décision, le moyen tiré de ce que son placement en disponibilité d’office à compter du 6 février 2019 serait incompatible avec les dispositions de l’article 47-5 du décret du 14 mars 1986, à supposer même qu’il soit opérant, doit être écarté puisque le directeur de l’INSA de Lyon aurait été, en tout état de cause, tenu, conformément aux dispositions précitées de l’article 47-9 du décret du 14 mars 1986, de procéder au retrait de la décision le plaçant en CITIS à titre provisoire.

9. En troisième lieu, les décisions contestées n’ont ni pour objet, ni pour effet, de refuser la reconnaissance de l’imputabilité au service de la pathologie de M. C. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation au regard des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration, des vices de procédure au regard des dispositions des articles 47-6 et 47-7 du décret du 14 mars 1986 et de la méconnaissance de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, au demeurant inapplicable à la situation du requérant dont la maladie a été diagnostiquée avant le 24 février 2019, sont inopérants et ne peuvent qu’être écartés.

10. En dernier lieu, les décisions contestées n’ont ni pour objet, ni pour effet, de placer M. C en « congé d’office » ou en « arrêt maladie ». Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 34 et 35 du décret du 14 mars 1986, en ce que le directeur de l’INSA de Lyon aurait contourné les garanties instituées en faveur des fonctionnaires placés d’office en congé de maladie, est également inopérant et ne peut qu’être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de M. C dirigées contre les décisions du directeur de l’INSA de Lyon datées des 15 juin et 5 octobre 2021 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation dirigées contre la décision du directeur de l’INSA de Lyon datée du 15 juin 2021 en tant qu’elle place M. C en autorisation spéciale d’absence à compter du 6 février 2019.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et à l’Institut national des sciences appliquées de Lyon.

Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Baux, présidente,

M. Pineau, premier conseiller,

M. Gueguen, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

C. B

La présidente,

A. Baux La greffière,

S. Rolland

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Un greffier,

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