Tribunal administratif de Melun, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2010370

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2010370
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 2010370
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 décembre 2020, le 16 février 2021 et le 11 janvier 2022, la SCI Chrono, représentée par Me Gras, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 28 octobre 2020 par laquelle le maire de Chelles s’est opposé à la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux autorisés par la déclaration préalable n° DP 77.108.19.0272 délivrée le 30 janvier 2022 ;

2°) d’enjoindre à la commune de Chelles de lui délivrer une décision de non-opposition à la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux autorisés par la déclaration préalable n° DP 77.108.19.0272 délivrée le 30 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chelles une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le tribunal administratif de Melun est compétent pour connaître de ce litige ;

— la requête est recevable dès lors que la décision attaquée ne mentionne pas les voies et délais de recours ce qui emporte l’inopposabilité du délai de recours fixé à l’article R. 421-1 du code de justice administrative ;

— la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors, d’une part, qu’elle ne comporte pas les mentions exigées par l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme, et d’autre part, qu’elle n’indique pas les travaux qui auraient été réalisés sans autorisation, ne peut se fonder sur la visite de l’immeuble dès lors que les agents ne sont pas entrés dans les appartements et ne peut se prévaloir de documents photographiques qui ne satisfont pas l’obligation de motivation ;

— la décision attaquée est entachée d’un vice de procédure dès lors qu’elle n’a pas été mise en demeure en méconnaissance des dispositions de l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme ;

— la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors que, conformément à l’autorisation délivrée le 30 janvier 2020, 11 fenêtres de toit ont été réalisées et que la division d’un immeuble en plusieurs logements pouvait ne pas faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme ;

— la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit dès lors que c’est à tort que le maire de Chelles a contrôlé cette division au travers de l’attestation de la conformité et qu’en outre, la société requérante n’a pas divisé son immeuble en plusieurs logements.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2021, le 27 octobre 2022 et le 1er décembre 2022, la commune de Chelles, représentée par Me Gerphagnon, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté ;

— la société requérante n’a pas effectué les travaux conformément à la déclaration préalable du 30 janvier 2020.

Par une lettre en date du 8 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office tiré de ce que les conclusions à fin d’annulation de la décision du 28 octobre 2020 du maire de Chelles sont irrecevables dès lors que cette décision, qui ne comporte pas la mise en demeure prévue à l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme, ne fait pas grief à la société requérante.

Des observations ont été enregistrées le 14 novembre 2022 pour la SCI Chrono.

En application des dispositions de l’article R. 613-2 du code de justice administrative, la clôture de l’instruction est intervenue trois jours francs avant l’audience.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Blanc, conseillère,

— les conclusions de M. Grand, rapporteur public,

— et les observations de Me Demaret, représentant la SCI Chrono.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande de déclaration préalable reçue en mairie le 16 décembre 2019 et complétée le 15 janvier 2020, la SCI Chrono a indiqué que " l’immeuble possède actuellement 4 appartements. Le RDC sera inchangé. Le R + 1 sera redistribué en 2 appartements dont un en duplex. L’immeuble conservera donc 4 appartements. Mise en œuvre de 11 fenêtres de toit au niveau des combles. Les chassis oscillo basculant seront encastrés dans le pan de la toiture « . Par un arrêté du 30 janvier 2020, le maire de Chelles ne s’est pas opposé à cette déclaration préalable de travaux relatifs à la pose de fenêtres de toit en précisant que » les pièces fournies dans ledit dossier précisant que le nombre de logements existants est de 4 et que le projet n’a pas pour effet de créer de logement supplémentaire « . Par un courrier réceptionné le 5 août 2020 par les services de la commune, la société pétitionnaire a informé le maire de Chelles que les travaux étaient achevés et a communiqué à la commune le procès-verbal d’huissier de justice attestant de ce que » toutes les fenêtres de toit ont été installées en date du 3 août 2020 ". Par un courriel du 13 août 2020, la commune de Chelles a indiqué à la société requérante qu’afin de s’assurer de la conformité effective des aménagements réalisés, la commune souhaiterait organiser une visite des lieux concernés. Une visite des lieux a eu lieu le 5 octobre 2020. A la suite de cette visite, la société requérante a envoyé un courriel à la commune de Chelles le 6 octobre 2020 en sollicitant la confirmation de la commune quant à la conformité des travaux autorisés par la décision de non-opposition à déclaration préalable délivrée le 30 janvier 2020. Par un courriel du 16 octobre 2020 à la suite de la visite du 5 octobre 2020, la commune a informé la société requérante qu’il était possible que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux fasse l’objet d’une contestation car les plans d’agencement du premier étage ne paraissent pas correspondre aux faits, que le nombre de logements présents dans l’immeuble serait de 7, que les logements qui se trouvent dans la cour arrière n’apparaissent pas dans l’acte notarié et que cet ensemble immobilier est en contrariété avec plusieurs dispositions du règlement du plan local d’urbanisme opposable. La commune informe la société requérante qu’elle a la faculté d’organiser une visite de contrôle des travaux prévue par l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme, s’exerçant jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux, que la visite peut être autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Meaux et que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait de faire obstacle aux fonctions de recherche et de constatation des infractions aux règles d’urbanisme. Par une décision du 28 octobre 2020, dont la société requérante demande l’annulation, le maire de Chelles a contesté la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux à la déclaration préalable DP 77 108 19 0272.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme : « L’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d’État fixe les cas où le récolement est obligatoire. / Passé ce délai, l’autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux. / Les visites effectuées dans le cadre du récolement des travaux sont soumises aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 461-1 et des articles L. 461-2 et L. 461-3 ». Aux termes de l’article R. 462-9 du même code : « Lorsqu’elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l’autorisation, l’autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration préalable met en demeure, dans le délai prévu à l’article R. 462-6, le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l’autorisation accordée. / Cette mise en demeure est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal. Elle peut être envoyée par échange électronique dans les cas prévus à l’article R. 423-48. Elle rappelle les sanctions encourues ».

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, la contestation de la conformité des travaux doit être précédée d’une mise en demeure, en la forme qu’elles prévoient, et ayant pour objet de conduire le maître d’ouvrage à déposer une demande d’autorisation modificative ou à mettre les travaux en conformité avec l’autorisation accordée.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée, qui doit être regardée comme la mise en demeure mentionnée aux articles L. 462-2 et R. 462-9 du code de l’urbanisme, indique que les travaux réalisés ne respectent pas ceux autorisés par la déclaration préalable délivrée le 30 janvier 2020. Toutefois, cette décision n’énonce pas, dans ses motifs, son objet et se borne à mentionner que des travaux ont été irrégulièrement réalisés sans rappeler les sanctions encourues. Au surplus, le courrier ne comporte aucune indication des possibilités ouvertes au maître de l’ouvrage par l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme, auquel le courrier au demeurant ne fait aucune référence, à savoir déposer un dossier modificatif ou mettre les travaux en conformité. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée en méconnaissance de l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme.

5. En second lieu, il est constant que l’arrêté du 30 janvier 2020 du maire de Chelles de non-opposition à déclaration préalable de travaux autorise uniquement « la pose de fenêtres de toit ». Or, d’une part, par un constat d’huissier du 3 août 2020, la société pétitionnaire justifie de ce que toutes les fenêtres de toit ont été installées au 8 rue de Gournay à Chelles. Il ressort donc des pièces du dossier que les fenêtres de toit ont été réalisées conformément à l’autorisation délivrée le 30 janvier 2020. D’autre part, et à supposer que la circonstance que des logements supplémentaires ont été créés soit établie, ces travaux n’étaient pas concernés par l’arrêté du 30 janvier 2020 précité et ne peuvent légalement fonder la décision attaquée. Ainsi, c’est à tort que le maire de Chelles a fondé la décision du 28 octobre 2020 sur le motif tiré de ce que « le 5 octobre 2020, il a pu être constaté lors de la visite de conformité par des agents des directions de l’urbanisme et juridique, et confirmé concomitamment par des documents photographiques en possession de la commune, que les travaux réalisés ne respectent pas ceux autorisés par la déclaration préalable citée en référence notamment concernant le nombre de logement, l’agencement et la surface de plancher de ces derniers ». Par suite, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation et d’une erreur de droit doivent être accueillis.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen invoqué par la société requérante n’apparaît susceptible de fonder, en l’état du dossier, son annulation.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Eu égard au motif d’annulation retenu par le présent jugement, et alors que le délai prescrit au maire de Chelles pour s’opposer à la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux est désormais dépassé, il y a lieu de lui enjoindre de délivrer à la société requérante une attestation certifiant la conformité des travaux, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais liés à l’instance :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Chrono, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la commune de Chelles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Chelles le versement à la société requérante de la somme qu’elle demande en application de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 28 octobre 2020 du maire de Chelles est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Chelles de délivrer à la SCI Chrono l’attestation prévue par les dispositions de l’article R. 462-10 du code de l’urbanisme, dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Chelles au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Chrono et à la commune de Chelles.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Mullié, présidente,

Mme Jeannot, première conseillère,

Mme Blanc, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

T. BLANCLa présidente,

N. MULLIE

La greffière,

C. ROUILLARD

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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Tribunal administratif de Melun, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2010370