Tribunal administratif de Montreuil, 11ème chambre, 13 décembre 2022, n° 2204669

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 11e ch., 13 déc. 2022, n° 2204669
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2204669
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars et 2 septembre 2022, M. N’Doula A, représenté par Me Patureau, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ou « salarié » dans un délai d’un mois et sous une astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Dans le dernier état de ses écritures, il soutient que :

­ la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation ;

­ elle a été prise en méconnaissance de l’article R. 431-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors qu’en tout état de cause, il n’a pas pu prendre un rendez-vous via le téléservice qui ne saurait être obligatoire dans ces circonstances ;

­ elle a été prise en méconnaissance des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er septembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au non-lieu à statuer et au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens qu’elle comporte ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 6 septembre 2022 a fixé la clôture d’instruction au 14 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

­ le code des relations entre le public et l’administration ;

­ l’arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l’article R. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif aux titres de séjour dont la demande s’effectue au moyen d’un téléservice ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Doyelle, premier conseiller, a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant malien né en 1972, a sollicité, par un courrier reçu en préfecture le 7 juillet 2021, la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ou « salarié ». Le requérant demande au tribunal l’annulation de la décision implicite du préfet de la Seine-Saint-Denis née le 7 novembre 2021 lui refusant la délivrance du titre de séjour demandé.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision implicite de rejet :

2. Si le silence gardé par l’administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu’elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d’annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.

3. Dans ces conditions, les conclusions d’annulation présentées par M. A doivent être regardées comme dirigées contre l’arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 31 août 2022, intervenu en cours d’instance, qui s’est substitué à la décision par laquelle a été implicitement rejetée la demande de titre de séjour présentée par M. A le 7 juillet 2021. Il s’ensuit que les conclusions du préfet de la Seine-Saint-Denis au non-lieu à statuer ne sauraient être accueillies.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 31 août 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

4. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police () ». Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. »

5. En l’espèce, la décision refusant la délivrance d’un titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet de la Seine-Saint-Denis fait notamment état des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur lesquelles il se fonde pour considérer que M. A devait se présenter à la préfecture pour déposer sa demande de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La demande d’un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’immigration s’effectue au moyen d’un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. / Les personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande bénéficient d’un accueil et d’un accompagnement leur permettant d’accomplir cette formalité. Le ministre chargé de l’immigration fixe les modalités de cet accueil et de cet accompagnement. » Aux termes de l’article R. 431-3 du même code : « La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l’article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu’il détermine soient adressées par voie postale. » L’article 1er de l’arrêté du 27 avril 2021 susvisé et codifié à l’annexe 9 au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’inclut pas, dans la liste des catégories de titres de séjour dont la demande s’effectue au moyen d’un téléservice, celles relatives à l’admission exceptionnelle au séjour prévue par l’article L. 435-1 de ce code ou à la vie privée et familiale prévue par l’article L. 423-23 du même code.

7. D’une part, il ressort des dispositions précitées que les demandes de délivrance d’une carte de séjour temporaire au titre de l’admission exceptionnelle ou de la vie privée et familiale ne s’opèrent pas au moyen d’un téléservice mais doivent s’effectuer à la préfecture, étant précisé que le préfet de la Seine-Saint-Denis n’a déterminé aucune catégorie de titre de séjour pouvant lui être adressée par voie postale. À cet égard, le requérant ne saurait induire d’un changement rédactionnel, par rapport aux anciennes dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de cette règle de présentation d’une demande de titre à la préfecture que la présence personnelle de l’étranger n’y serait plus obligatoire et qu’il pouvait ainsi déposer sa demande de titre par voie postale dans l’attente d’une éventuelle convocation en préfecture.

8. D’autre part, le requérant soutient qu’en tout état de cause, la prise de rendez-vous à la préfecture de Seine-Saint-Denis pour déposer une demande de titre de séjour s’effectue au moyen d’un téléservice qui délivre un nombre de rendez-vous insuffisant pour satisfaire l’intégralité des demandes. Contestant la décision préfectorale du 31 août 2022 qui indique que M. A ne justifie pas être dans l’impossibilité d’effectuer par lui-même le dépôt de sa demande en préfecture, le requérant produit un rapport du défenseur des droits portant sur la dématérialisation et les inégalités d’accès aux services publics qui souligne la difficulté d’obtenir des rendez-vous dans trente préfectures pour déposer une demande de titre de séjour et, donc, la nécessité pour les demandeurs de réitérer leur démarche parfois pendant plusieurs mois, ainsi que de nombreuses captures d’écran mentionnant l’indisponibilité de plages horaires pour prendre un rendez-vous en vue de déposer une demande d’admission exceptionnelle au séjour à la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Il ressort cependant de ces pièces que tant le rapport du Défenseur des droits qui date du 14 janvier 2019 que les copies d’écran qui n’ont pas été réalisées par le demandeur et qui datent de mai 2019 à septembre 2020 sont très antérieures à la date du dépôt de dossier par voie postale du 7 juillet 2021. Le requérant ne justifie d’aucune démarche effective et utile auprès de la préfecture pour l’obtention d’un rendez-vous soit au moyen du téléservice prévu à cet effet, dont l’impossibilité d’utilisation pour des raisons tenant à sa conception ou à son mode de fonctionnement n’est pas attestée au cours des mois précédant le dépôt de sa demande de titre par voie postale, soit par un autre moyen, étant rappelé que, même en l’absence de rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n’a en tout état de cause déterminé aucune catégorie de titre de séjour pouvant lui être adressée par voie postale.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance en droit et en fait de l’article R. 431-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté. Dès lors que la décision de refus de titre de séjour est fondée à bon droit sur l’absence de comparution personnelle de M. A, ce dernier ne peut utilement se prévaloir à l’encontre de la décision attaquée de moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté préfectoral du 31 août 2022. Il s’ensuit que ses conclusions aux fins d’annulation, celles aux fins d’injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. N’Doula A et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l’audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

­ M. Tukov, président,

­ Mme Van Maele, première conseillère,

­ M. Doyelle, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,Le président,SignéSignéG. DoyelleC. Tukov La greffière,SignéN. Kassime

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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