Tribunal administratif de Nantes, 7ème chambre, 16 novembre 2022, n° 2109706

  • Territoire français·
  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Illégalité·
  • Liberté fondamentale·
  • Pays·
  • Ressortissant·
  • Convention européenne·
  • Sauvegarde·
  • Liberté

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 7e ch., 16 nov. 2022, n° 2109706
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2109706
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 novembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 août et 2 décembre 2021 et le 1er mars 2022, M. M’Hamed Amine A, représenté par Me Lamy-Rabu puis par Me Kaddouri, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 23 mars 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français au plus tard le 31 juillet 2021 et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office ;

2°) d’enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard et de lui délivrer, dans l’attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

S’agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

— il n’est pas établi qu’elle a été signée par une autorité compétente ;

— elle n’est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elle est entachée d’un vice de procédure, dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une saisine de la commission du titre de séjour instituée par l’article R. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît les stipulations des 2) et 5) de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle ; elle est entachée d’une erreur de droit, compte tenu de sa relaxe ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur de droit, dès lors que le préfet s’est fondé sur des faits de violence pour lesquels il a été relaxé par un jugement du tribunal correctionnel d’Angers du 20 juillet 2021 ;

S’agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle n’est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de séjour ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 611-3, 6° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé ;

S’agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

— elle n’est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

S’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— elle n’est pas suffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

M. A a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B,

— et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant algérien né le 7 octobre 1984, s’est marié le 1er décembre 2019 avec une ressortissante française. Ce mariage a été transcrit, le 20 juillet 2020, sur les registres de l’état civil français. Le requérant est alors entré en France, le 3 décembre 2020, sous couvert d’un visa long séjour en qualité de membre de la famille d’un ressortissant français. Il a sollicité, le 29 janvier 2021, la délivrance d’un titre de séjour en qualité de conjoint d’une ressortissante française. Par un arrêté du 23 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire a rejeté cette demande, a obligé M. A à quitter le territoire français au plus tard le 31 juillet 2021 et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office lorsque ce délai sera expiré. M. A demande au tribunal d’annuler cet arrêté.

Sur les moyens communs aux différentes décisions :

2. En premier lieu, l’arrêté attaqué comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement du refus de titre de séjour en litige. Il en résulte que cette décision est suffisamment motivée, alors même qu’elle n’apporte pas de précisions sur les éléments concrets qui ont conduit l’administration à retenir un défaut d’intention matrimoniale. Conformément aux dispositions de l’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 511-1, alors en vigueur, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’obligation de quitter le territoire français est, en conséquence, motivée. De plus, l’arrêté attaqué, qui vise notamment l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constate que l’étranger est de nationalité algérienne, qu’il lui est fait obligation de quitter le territoire français et qu’il ne ressort pas de sa situation qu’il serait exposé personnellement à des traitements contraires à l’article 3 de cette convention. Il en résulte que la décision fixant le pays de destination en cas d’éloignement d’office est, elle aussi, motivée. Enfin, l’arrêté, qui vise, ainsi qu’il a été dit, l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, fait état de la convocation en justice de l’intéressé. La décision de lui accorder un délai de départ volontaire jusqu’au 31 juillet 2021, afin de pouvoir se rendre à cette convocation, est, par suite, régulièrement motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

4. M. A soutient que la vie commune avec son épouse n’a pas cessé et qu’il est inséré, professionnellement, en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté attaqué, l’administration a été informée par un courriel du 18 mars 2021, adressé par l’épouse du requérant que la vie commune avait cessé, et qu’elle était en train d’engager une procédure de divorce, à la suite de violences commises à son encontre par son mari, le 3 mars précédent. Il en ressort également que durant l’instruction de sa demande, l’intéressé avait été interpellé pour avoir le 3 mars 2021 commis des actes de violence à l’encontre de son épouse ayant entraîné une interruption temporaire de travail de moins de huit jours et avait été placé sous contrôle judiciaire, dans l’attente d’une audience en justice, fixée le 20 juillet 2021. Dans ces conditions, les circonstances que M. A a été relaxé des fins de poursuites pénales à son encontre par un jugement du 20 juillet 2021, sans qu’au demeurant ce jugement ne précise le motif de cette relaxe, que la vie commune a repris en juillet 2021 et que l’épouse a attesté, également en juillet, n’avoir pas engagé de procédure de divorce ne permettent pas de démontrer qu’à la date de l’arrêté attaqué la vie commune n’avait pas cessé, en raison d’une mise en cause de l’intéressé pour violence conjugale. Par ailleurs, M. A, qui n’était marié que depuis un peu plus d’un an et sans enfant, a sa famille en Algérie, où il a vécu jusqu’à ses trente-six ans et où résident ses parents et trois de ses frères et sœurs. De même, la circonstance que le requérant a conclu un contrat de travail à durée déterminée le 1er juillet 2021 en qualité de déménageur, postérieur à l’arrêté attaqué, est sans incidence sur sa légalité. Par ailleurs, il ne démontre pas qu’il serait inséré professionnellement en France, eu égard à la nature et au caractère très récent, en tout état de cause, de cette activité. Par suite, le préfet n’a pas porté, en prenant l’arrêté attaqué, au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard du but en vue duquel il a été pris.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, par un arrêté du 22 février 2021, régulièrement publié, le préfet de Maine-et-Loire a accordé à Mme Magali Daverton, secrétaire générale de la préfecture de Maine-et-Loire, et signataire de l’arrêté en litige, une délégation à effet de signer, notamment, tout acte ou décision à l’exception de certaines catégories d’entre eux parmi lesquelles ne figure pas la décision attaquée. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de cette décision doit, dès lors, être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article 6 de l’accord franco-algérien visé ci-dessus : « () Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : () 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français. ()5) au ressortissant algérien, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus () ».

7. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et de l’erreur manifeste d’appréciation de la situation du requérant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent jugement.

8. En troisième lieu, le préfet ne s’est pas fondé pour refuser d’admettre l’intéressé au séjour sur la circonstance qu’il aurait commis les infractions pour lesquelles il était convoqué le 20 juillet 2021 au tribunal correctionnel d’Angers. Par suite, il ne résulte pas de sa relaxe par ce tribunal, par un jugement du même jour, que le refus de titre de séjour pris à l’encontre du requérant serait entaché, de ce fait, d’une erreur de droit.

9. En dernier lieu, aux termes des dispositions alors en vigueur de l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La commission est saisie par l’autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l’article L. 431-3 ». Il résulte de ces dispositions que le préfet n’est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour l’obtention d’un titre de séjour de plein droit en application des dispositions de ce code, ou des stipulations équivalentes de l’accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser la délivrance d’un titre de séjour.

10. Eu égard à ce qui précède, la situation de M. A ne justifiant pas la délivrance de plein droit du titre de séjour sollicité, le préfet n’était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n’étant pas établie eu égard à ce qui précède, M. A n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de cette décision à l’encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent jugement, la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l’intéressé.

13. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : () 7° L’étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; () ". Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision attaquée, le requérant n’était marié que depuis un peu plus plus d’un an à une ressortissante française et que la communauté de vie n’était pas continue. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut, dès lors, qu’être écarté.

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

14. L’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n’étant pas établie eu égard à ce qui précède, M. A n’est dès lors pas fondé à exciper de l’illégalité de cette décision à l’encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. M’Hamed Amine A, à Me Kaddouri et au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l’audience du 2 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Béria-Guillaumie, présidente,

M. Catroux, premier conseiller,

Mme Baufumé, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2022.

Le rapporteur,

X. B

La présidente,

M. C

La greffière,

Y. BOUBEKEUR

La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Nantes, 7ème chambre, 16 novembre 2022, n° 2109706