Tribunal administratif de Nîmes, 7 décembre 2023, n° 2304359

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 7 déc. 2023, n° 2304359
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2304359
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2023, la SASU Monleau Isolation, représentée par Me Bernardin, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation des lots n°71, 72, 73, 74 et 75 de l’accord cadre à bons de commande lancé par le Conseil départemental du Gard pour la réalisation d’entretien courant, de travaux de maintenance et de réparations pour l’ensemble de ses bâtiments ;

2°) d’annuler la décision d’attribution des lots n°71, 72, 73, 74 et 75 de l’accord cadre à bons de commande lancé par le Conseil départemental du Gard pour la réalisation d’entretien courant, de travaux de maintenance et de réparations pour l’ensemble de ses bâtiments ;

3°) d’enjoindre au Conseil départemental du Gard de reprendre la procédure au stade de l’analyse des offres après avoir écarté les offres des sociétés Pelatan et Pelatan Agencement comme étant irrégulières ;

4°) de mettre à la charge du Conseil départemental du Gard la somme de 3 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

— la lettre de rejet de l’offre est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l’article R.2181-3 du code de la commande publique et aucune suite n’a été donnée à son courrier du 17 novembre 2023 demandant la communication des motifs de la décision ;

— les sociétés Peletan et Peletan Agencement ont proposé des offres qui ont respectivement été retenues pour les lots 71 et 75 et 72 et 74, or si ces sociétés constituent des personnes morales distinctes, elles ne disposent pas d’une autonomie commerciale et doivent être regardées comme un même soumissionnaires qui a alors présenté plusieurs offres en méconnaissance des dispositions combinées des articles R.2151-6 du code de la commande publique et L.1220 du même code qui impliquent qu’un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot à l’attribution duquel il candidate ;

— les deux sociétés ont les mêmes dirigeants et actionnaires, le même siège social et partagent donc les mêmes locaux et leurs activités sont également identiques, il revient au Conseil départemental du Gard d’apporter la preuve que les sociétés n’ont pas candidaté sur les mêmes lots ;

— ce manquement est susceptible de la léser ;

— l’article L.3 du code de la commande publique prévoit le respect du principe d’égalité entre les candidats et la CJUE considère que lorsque le pouvoir adjudicateur dispose d’éléments mettant en doute le caractère autonome et indépendant des offres présentées par certains soumissionnaires, il est tenu de vérifier, le cas échéant en exigeant des informations supplémentaires de ces soumissionnaires, si leurs offres sont effectivement autonomes et indépendantes. S’il s’avère que ces offres ne sont pas autonomes et indépendantes, l’article 2 de la directive 2004/18, relative au principe d’égalité de traitement, s’oppose à l’attribution du marché aux soumissionnaires ayant soumis une telle offre (CJUE, 17 mai 2018, aff. C-531/16, « Ecoservice projektai » UAB.

— il revenait au conseil départemental du Gard d’interroger les sociétés sur leurs liens dont certains éléments apparaissaient de manière évidente ; en s’abstenant de le faire il a méconnu l’égalité de traitement des candidats sauf à démontrer que l’ordre de priorité choisi par les sociétés ait été identique ;

— les sociétés Peletan se sont vu attribuer 4 lots en méconnaissance du règlement de consultation et de l’égalité de traitement des candidats ;

— les règles d’attribution des lots prévues par le règlement ont été respectées et la société requérante ne prouve pas avoir été lésée.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2023, le département du Gard, représenté par sa présidente en exercice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— le courrier du 13 novembre 2023 est suffisamment motivé et par un courrier du 23 novembre 2023 le département a communiqué les motifs détaillés de sa décision, à la suite de la demande de la requérante sur le fondement des articles R. 2181-2 et R. 2181-4 du CCP ; les analyses des offres qui revêtent le caractère de documents préparatoires jusqu’à la signature du marché n’ont pas à être communiqués ;

— les sociétés Pelatan et Pelatan Agencement ont des moyens propres qui permettent de les regarder comme des soumissionnaires distincts ; s’ils devaient être regardés comme un même soumissionnaire, l’irrégularité des offres n’est pas prescrite par le règlement, lequel ne limite pas les offres mais seulement leur attribution ; Ainsi il conviendrait d’appliquer la règle prévue à l’article R. 2151-6 du code de la commande publique et ne prendre en considération que la dernière enveloppe remise à savoir celle de l’entreprise Pelatan Agencement qui resterait attributaire des lots 71 et 75, l’entreprise Tresquoise serait attributaire des lots 72 et 73 et seul le lot 74 permettrait à la société requérante de devenir attributaire ; en l’absence de lésion le moyen doit être rejeté ;

— le principe d’égalité de traitement n’a pas été méconnu à titre principal en raison de l’autonomie commerciale des sociétés et à titre subsidiaire en l’absence de lésion de la société requérante ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, la SARL Pelatan Agencement et la SARL Pelatan, représentées par Me Garreau, concluent au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

— la société requérante ne précise pas en quoi, les irrégularités qu’elle soulève à l’encontre de la procédure, sont de nature à l’avoir lésée ; elle n’est au demeurant pas lésée ;

— les sociétés Pelatant et Pelatan Agencement constituent des opérateurs économiques distincts ;

— le principe d’égalité de traitement a été respecté ;

— le département du Gard apportera les éléments démontrant le caractère suffisant de la motivation du rejet de l’offre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la commande publique ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Boyer, vice-présidente, en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Paquier, greffière d’audience, le 6 décembre 2023 à 10 heures 30, Mme Boyer a lu son rapport et entendu les observations de :

— Me Bernardin, représentant la SASU Monleau Isolation prend acte de ce que les éléments d’information lui ont été transmis, elle relève que les enjeux du marché sont importants, qu’il revenait au conseil départemental du Gard de suivre à l’égard des sociétés Pelatan et Pelatan Agencement une procédure d’information en accord avec la jurisprudence de la CJUE pour que soit respecté le principe d’égalité de traitement des candidats, que les sociétés Pelatan et Pelatan Agencement dont il n’est pas contesté qu’elles sont des entités juridiques distinctes devaient être considérées comme un seul et même opérateur au sens des jurisprudences de la CJUE et du Conseil d’Etat dès lors qu’elles sont administrées et gérées par les mêmes actionnaires et gérants, disposent d’un même siège et que leurs offres procèdent d’une même stratégie commerciale, si les prix proposés sont identiques, le choix d’un prix unique quelle que soit la zone géographique concernée témoigne d’une même politique commerciale, de même que l’ordre de préférence des lots, les DQE montrent des prix pratiqués identiques et tous les documents sont signés par la même personne ; le département du Gard aurait dû interroger les sociétés sur leur lien pour veiller au respect de l’égalité de traitement, que l’attribution de quatre lots au même opérateur économique méconnaît les dispositions de règlement de la consultation ; les sociétés Pelatan ont tenté d’influencer la procédure de passation du marché ; la SASU Monleau Isolation qui aurait dû se voir attribuer un lot est lésée ;

— Mme A pour le département du Gard qui reprend la teneur de ses écritures et précise que l’autonomie commerciale des sociétés est réelle en raison de la différences de moyens et de l’absence de similitude des offres qui reposent sur des prix distincts, que la stratégie commerciale du prix unique est sans incidence et ne concerne pas l’acheteur, que ce dernier n’avait pas à mettre en œuvre une procédure d’information et que la société qui ne peut prétendre qu’à l’attribution d’un lot ne peut pas se prévaloir d’une lésion, dès lors que l’autonomie commerciale des sociétés est reconnue, la règle d’attribution de deux lots par zone a été respectée ;

— Me Garreau pour les sociétés Pelatan et Pelatan Agencement qui reprend la teneur de ses écritures et précise que la société requérante étant classée 3ème et 4ème elle ne peut se prévaloir d’avoir été lésée, que l’autonomie commerciale repose sur une présomption puisqu’il n’est pas contesté que les sociétés sont deux personnes juridiquement distinctes, que l’absence d’autonomie n’est pas démontrée par la requérante dès lors que des moyens humains et matériels propres sont justifiés, que les sociétés ont présenté des offres distinctes avec une variation de prix de 6 000 euros alors que le critère prix entre dans la notation pour 60%, que les attestations décennales montrent des activités distinctes et que les sociétés ont des enseignes différentes.

La société Tresquoise d’Isolation n’est ni présente ni représentée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Une note en délibéré présentée par la SASU Monleau Isolation a été enregistrée le 6 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le Conseil départemental du Gard a lancé une procédure de publicité et de mise en concurrence sous forme d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution de divers lots selon des accords-cadres à bons de commande ayant pour objet la réalisation d’entretien courant, de travaux de maintenance et de réparations pour l’ensemble des bâtiments du Conseil départemental du Gard. Le marché est décomposé en 65 lots, par corps d’état et secteur géographique. La SASU Monleau Isolation a candidaté pour les lots 71,72, 73 74 et 75 relatifs à l’installation de plafonds suspendus sur diverses zones géographiques. Ses offres ont été rejetées par décisions du 13 novembre 2023. La SASU Monleau Isolation doit être regardée comme demandant au juge du référé précontractuel l’annulation de la procédure de passation des accords-cadres concernant les lots 71 à 75.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ».

3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le juge saisi peut ordonner à l’auteur d’un manquement aux dispositions auxquelles ces dispositions se réfèrent, de se conformer à ses obligations, suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, annuler ces décisions et supprimer des clauses ou des prescriptions destinées à figurer dans le contrat. Toutefois, les pouvoirs conférés au juge des référés précontractuels par l’article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.

En ce qui concerne la décision de rejet de l’offre :

4. Aux termes de l’article R. 2181-3 du code de la commande publique : « La notification prévue à l’article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l’offre ». Aux termes de l’article R. 2181-3 du même code : " La notification prévue à l’article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l’offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l’attribution du marché, l’acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l’attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l’article R. 2182-1 « . Aux termes de l’article R. 2181-4 du même code : » À la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n’a pas été rejetée au motif qu’elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l’acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : / [] 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue ".

5. Les informations que l’acheteur est tenu de communiquer, spontanément ou sur demande du candidat ou soumissionnaire, en application des dispositions citées au point précédent ont notamment pour objet de permettre à l’opérateur économique dont la candidature ou l’offre a été rejetée de contester utilement ce rejet devant le juge des référés précontractuels. Par suite, le non-respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n’est plus caractérisé si, d’une part, l’ensemble des informations mentionnées aux articles R. 2181-3 et R. 2181-4 du code de la commande publique ont été communiquées au candidat ou soumissionnaire évincé à la date à laquelle statue le juge des référés précontractuels, d’autre part, le délai qui s’est écoulé entre leur communication et cette date a été suffisant pour permettre à l’intéressé de contester utilement son éviction.

6. Il résulte de l’instruction que la SASU Monleau Isolation a, par lettre de rejet de son offre ainsi que par courrier du 14 novembre 2023 répondant à sa demande de motifs, reçu l’ensemble des informations prévues aux articles R.2181-3 et R. 2181-4 précités du code de la commande publique et qu’elle a par ailleurs bénéficié, avant que la présente ordonnance ne statue sur sa requête, d’un délai suffisant pour contester utilement le rejet de son offre, ce qu’elle a, au demeurant, admis lors de l’audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 2181-3 et R.2181-4 du code de la commande publique doit être écarté.

En ce qui concerne l’irrégularité tiré de ce qu’un unique opérateur économique aurait présenté plusieurs offres :

S’agissant de l’existence de l’irrégularité :

7. D’une part, aux termes de l’article L 1220-1 du code de la commande publique : « Est un opérateur économique toute personne physique ou morale, publique ou privée, ou tout groupement de personnes doté ou non de la personnalité morale, qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou d’ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services. ». Aux termes de l’article L.1220-2 du même code : « Un candidat est un opérateur économique qui demande à participer ou est invité à participer à une procédure de passation d’un marché public. ». Aux termes de l’article L.1220-3 du même code : « Un soumissionnaire est un opérateur économique qui présente une offre dans le cadre d’une procédure de passation d’un contrat de la commande publique ». Aux termes de l’article L. 2125-1 du même code : « L’acheteur peut, dans le respect des règles applicables aux procédures définies au présent titre, recourir à des techniques d’achat pour procéder à la présélection d’opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin ou permettre la présentation des offres ou leur sélection, selon des modalités particulières./Les techniques d’achat sont les suivantes : 1° L’accord-cadre, qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée. ». Aux termes de l’article R 2151-6 du code de la commande publique : « Le soumissionnaire transmet son offre en une seule fois. Si plusieurs offres sont successivement transmises par un même soumissionnaire, seule est ouverte la dernière offre reçue par l’acheteur dans le délai fixé pour la remise des offres ». Il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’un même soumissionnaire ne peut présenter qu’une seule offre pour chaque lot.

8. D’autre part, aux termes de l’article 1.4 du règlement de la consultation : « Les candidats ont la possibilité de soumettre des offres pour tous les lots. Un même candidat pourra se voir attribuer un nombre maximal de deux lots par corps d’état. (.) Les candidats ont la possibilité de soumettre des offres pour tous les lots, ils indiqueront alors leur préférence, dans l’acte d’engagement, par classement prioritaire des zones géographiques de 1 à 5. ». Aux termes de l’article 6.1 : " () Si une nouvelle offre est envoyée dans les délais par le même candidat, celle-ci annule et remplace l’offre précédente ; ".

9. Il résulte des dispositions citées aux points 7 et 8 qu’un même opérateur économique ne peut présenter qu’une seule offre par lot et qu’en cas d’offres multiples, seule la dernière offre proposée est prise en compte.

10. La SASU Monleau Isolation soutient que les sociétés Pelatan et Pelatan Agencement constituent un même opérateur économique dès lors que les deux sociétés ont ainsi qu’en témoignent leurs extraits Kbis les mêmes associés, le même dirigeant et les mêmes gérants en la personne de MM. André, Daniel et Alain Pelatan qui sont frères, que les deux sociétés ont le même siège social et qu’elles ont présenté des offres similaires. Si les sociétés par l’intermédiaire de leur conseil reconnaissent avoir un dirigeant et des gérants et actionnaires communs, elles font valoir que d’une part, ses moyens d’exploitation sont distincts en raison de la location de locaux certes situés à une même adresse mais par des baux commerciaux distincts, d’enseignes distinctes, de salariés propres ainsi qu’en témoignent les attestations URSAFF, des comptabilités distinctes, des impositions distinctes, des attestations d’assurances professionnelles multirisques et décennales propres et une flotte de véhicule spécifique à chaque entreprise et que d’autre part, il n’y a pas de similitude entre leurs offres en raison d’un écart de prix significatif. Toutefois il résulte des pièces produites que les sociétés entretiennent une confusion avec des enseignes aux logos identiques, des activités communes de plâtrier et de peinture et ne se distinguent que par les activités propres de Pelatan Agencement notamment de plaquiste alors qu’il est constant que les deux sociétés ont soumissionné sur les lot 71 à 75 en qualité de plaquistes pour la réalisation de cloisons et de plafonds suspendus, que d’ailleurs les moyens matériels revendiqués par la société Pelatan pour l’exécution du marché ne comportent que du matériel de peinture, que les DQE présentés pour chacune des offres ont été édités le même jour et signés par le dirigeant commun en termes identiques avec des différences minimes de prix aboutissant pour chaque lots d’un montant de plus de 100 000 euros à un différentiel constant de 6 000 euros soit moins de 5% en défaveur de la société Pelatant Agencement. Mais surtout il ressort de l’extrait du rapport d’analyse des offres produit dans le cadre du mémoire en défense que les sociétés ont obtenu la même note pondérée au critère technique, que ces notes pondérées correspondent à l’obtention des mêmes notes aux sept sous-critères techniques avec des annotations strictement identiques. En outre les deux sociétés ont retenu sur les lots 71, 73 et 75 le même ordre de préférence et pour les lots 72 et 74 des 3ème et 4ème un choix croisé. Cela conduit à considérer qu’il s’agit de deux offres strictement identiques, le département du Gard n’ayant pas au demeurant produit ces offres pour en démontrer le contraire. Par suite, la SASU Monleau Isolation est fondée à soutenir que les sociétés Pelatan et Pelatan Agencement devaient être regardées comme un unique opérateur économique pour l’attribution des lots 71 à 75 et qu’en acceptant les offres présentées par la société Pelatan auxquelles devaient se substituer les offres de la société Pelatan Agencement, le département du Gard à porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats.

S’agissant des effets de l’irrégularité :

11. Eu égard aux règles rappelées aux points 8 et 9, il convenait pour le département du Gard de prendre en considération pour chaque lot, la dernière offre dont il n’est pas contesté qu’elle émanait de la société Pelatan Agencement et d’attribuer les lots selon l’ordre de préférence indiqué par les sociétés et dans la limite de deux lots par corps d’état.

12. En l’espèce, il résulte du courrier de rejet de l’offre de la SASU Monleau Isolation que les lots 71 et 75 ont été attribués à la société Pelatan Agencement et que le lot 73 a été attribué à la société Tresquoise d’isolation. L’irrégularité relative à la prise en compte de l’offre présentée par la société Pelatan est donc sans incidence sur ces attributions et la SASU Monleau Isolation ne peut se prévaloir d’une quelconque lésion. Pas suite, ses conclusions, en tant qu’elles tendent à l’annulation des accords-cadres relatifs aux lots 71, 73 et 75, doivent être rejetées.

13. S’agissant des lots 72 et 74 qui ont été attribués à la société Pelatan, la SASU Monleau Isolation est arrivée en troisième position pour l’attribution du lot n° 72 et en quatrième position pour l’attribution du lot 74, dans les deux cas derrière la société Tresquoise d’Isolation qui ainsi pouvait prétendre à l’attribution d’un lot sans dépasser le maximum de deux lots attribués pour un même corps d’état prévu par le règlement de consultation en fonction de son choix de préférence. Ainsi, la société Tresquoise Isolation ayant classé les lots 72 et 74 respectivement en 3ème et 4ème choix, elle pouvait se voir attribuer le lot n° 72 mais pas le lot n°74, son quota de deux lots étant atteint. Ainsi, l’irrégularité de l’offre de la société Pelatan est de nature à avoir lésé la SASU Monleau quant à l’attribution du lot n° 74. Toutefois cette lésion étant liée à la réattribution du lot 72 par la prise en compte de l’irrégularité de l’offre de la société Pelatan, la SASU Monleau est, par suite, fondée à demander l’annulation de la procédure de passation des accords-cadres relatifs aux lots n°72 et n° 74.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SASU Monleau Isolation est fondée à demander l’annulation des procédures de passation des accords-cadres pour les lots n° 72 et 74 et à ce qu’il soit enjoint au département du Gard de reprendre la procédure au stade des analyses des offres après avoir écarté les offres de la société Pelatan.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d’instance.

O R D O N N E :

Article 1er : Les procédures de passation des accords-cadres pour les lots n° 72 et 74 sont annulées au stade des analyses des offres.

Article 2 : Il est enjoint au département du Gard de reprendre la procédure de passation des accords-cadres des lots 72 et 74 au stade des analyses des offres après avoir écarté les offres de la société Pelatan.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par les SARL Pelatan et Pelatan Agencement au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la SASU Monleau Isolation, au département du Gard, à la SARL Pelatan, à la SARL Pelatan Agencement et à la société Tresquoise d’Isolation.

Fait à Nîmes, le 7 décembre 2023.

La juge des référés

C. BOYER

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

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