Tribunal administratif de Paris, 28 décembre 2018, n° 1604796 ; 1604898 ; 1607744 ; 1607745

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 28 déc. 2018, n° 1604796 ; 1604898 ; 1607744 ; 1607745
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1604796 ; 1604898 ; 1607744 ; 1607745

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

1604796-1604898-1607744-1607745 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DES

IMMEUBLES WALTER et autres AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COORDINATION POUR LA SAUVEGARDE DU

BOIS DE BOULOGNE et autres
Mme H. et ASSOCIATION DES AMIS ET VOISINS

DU RANELAGH Le tribunal administratif de Paris M. D. et autres

__________ (4ème Section – 2ème Chambre)
Mme Françoise S-T Rapporteur ___________
M. Laurent Gauchard Rapporteur public ___________

Audience du 14 décembre 2018 Lecture du 28 décembre 2018 _________ 68-03-025-03-03 68-04-042-03 C

Vu la procédure suivante :

I) Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 1604796 le 31 mars 2016, le 6 février 2017 et le 30 mai 2017, le syndicat de copropriété des immeubles Walter, représenté par son syndic GTF, le syndicat de copropriété du […], représenté par son syndic AX Stouls, la SCI Vertolix, M. A. et M. T., représentés par la Selarl Huglo Lepage & Associés, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté de permis de construire délivré le 18 mars 2016 par le préfet de la région Ile-de-France à l’association Aurore ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat ou la maire de Paris une somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est recevable dès lors notamment que les requérants ont un intérêt à agir en tant que M. T. réside au n°37 de l'[…], soit juste en face du lieu



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d’implantation du projet, que M. A. et la copropriété du […]

Maunoury sont situés à moins de 200 mètres du projet, que les immeubles Walter sis, 2 à […], inscrits au titre des monuments historiques, se trouvent à 230 mètres du projet et que la SCI Vertolix est propriétaire d’un bien immobilier au […], à moins de 100 mètres ; les conditions d’occupation et de jouissance de leur propriété seront irrémédiablement compromises par le permis litigieux dès lors qu’ils ne sont séparés par aucune construction ou écran végétal et disposeront alors d’une vue directe sur les constructions, les privant de la vue sur le bois et de la tranquillité qui régnait jusqu’alors, représentant une part importante de la valeur de leurs propriétés, qu’ils subiront de plein fouet les nuisances sonores générées, de jour comme de nuit, qu’ils se verront privés de toute possibilité de circuler et/ou stationner sur une partie de l’allée des Fortifications ; le voisin immédiat justifie « en principe » d’un intérêt à agir, et il ne lui est pas imposé de démontrer le caractère certain des atteintes que le projet litigieux peut porter à ses intérêts ;

- le permis de construire méconnaît les articles R. 423-1 et R. 431-1 et suivants du code de l’urbanisme dès lors qu’aucune justification de la maitrise foncière du terrain n’est apportée et que le titre produit au dossier de permis de construire est inapproprié à la construction objet du permis, qui est délivré sur le domaine public routier, sans enquête publique et déclassement préalable, et au moyen d’un titre inadapté ; le projet aurait dû faire l’objet, limitativement, d’une permission de voirie puisqu’il donne lieu à emprise et que la liberté de circulation sur la voie publique est anéantie ; l’administration a procédé à un déclassement « de fait » de la portion du domaine public routier en cause, sans suivre la procédure requise, et donc sans enquête publique et acte formel de déclassement et une enquête publique s’imposait en tant que le projet porte atteinte aux fonctions de desserte et de circulation de l’allée des Fortifications qui constitue l’une des principales voies d’accès du Bois de Boulogne ;

- le pétitionnaire a présenté le dossier frauduleusement dès lors qu’il a dissimulé le fait, attestés par les constats de l’huissier le 9 août 2016, avec photos à l’appui, que les constructions étaient directement ancrées au sol, et les a présentées comme ayant un caractère prétendument démontable et réversible ;

- le permis méconnaît les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l’urbanisme dès lors que la notice du projet architectural est lacunaire et ne comporte aucune description de l’état initial du terrain s’agissant de certains éléments et n’indique pas ce qui devra être le cas échéant modifié ou supprimé ; la notice et les documents produits ne permettent pas d’apprécier

l’insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel depuis les propriétés riveraines ainsi que le traitement des accès et du terrain ; le traitement végétal des constructions, des clôtures, l’organisation et l’aménagement des accès aux constructions sont autant d’éléments qui ne sont pas abordés ;

- le préfet de police a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que, par voie d’exception, la ministre chargée des sites, l’architecte des Bâtiments de France et la commission des sites, dès lors que le projet visé ne répond à aucune nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d’ordre économique, social, culturel ou d’aménagement et qu’il apparaît irréversible ;

- le permis précaire méconnaît l’article L. 433-1 du code de l’urbanisme en tant qu’il porte atteinte de façon disproportionnée aux règles d’urbanisme dès lors qu’il méconnaît les articles UV.1 et UV.2 du plan local d’urbanisme selon lesquels les occupations et utilisations du sol à usage d’habitation sont interdites et alors que le permis litigieux autorise l’implantation

d’un centre d’hébergement destiné à constituer un lieu de vie et à accueillir 200 personnes ; il méconnaît l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme dès lors que le projet porte atteinte au site classé et que la ministre est incompétente pour prendre des mesures qui seraient l’équivalent

d’un véritable déclassement ; il porte atteinte aux immeubles Walter inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques qui se trouvent à 230 mètres du projet, en pleine co-



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visibilité, pour lesquels l’avis de l’ABF était préalablement requis alors que celui-ci, dans son rapport, ne mentionne à aucun moment ces bâtiments ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dès lors que le permis est susceptible de présenter des risques non négligeables pour la sécurité publique, non seulement pour la sécurité des riverains, mais aussi pour celle des personnes hébergées en tant que sa fermeture entraînera incontestablement de nombreuses difficultés de circulation et de stationnement, et un encombrement proportionnel des voies alentour ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 avril 2016, le 15 mars 2017, le 30 mai 2017 et le 15 juin 2017, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article E761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les syndicats des copropriétaires requérants, qui ne peuvent agir que pour la défense des parties communes des immeubles, n’établissent pas, ni même n’allèguent, que les intérêts dont ils ont la charge seraient lésés ; la qualité de voisin immédiat est réservée aux personnes qui se trouvent en mitoyenneté avec le projet, ou son directement en face, ce qui n’est pas le cas des requérants et rien ne permet de sérieusement affirmer que l’édification d’un centre d’hébergement d’urgence pour trois ans sur l’allée des

Fortifications serait de nature à induire, en soi, une diminution de la valeur vénale des immeubles situés à distance ;

- le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n’avait pas qualité pour solliciter un permis de construire au motif que la convention d’occupation du domaine public serait illégale est infondé dès lors qu’il n’est pas interdit une occupation autorisée par voie de convention plutôt que par un titre unilatéral et qu’il n’existe pas de différence de régime entre les permissions de voirie et les conventions d’occupation du domaine public justifiant une censure ; l’autorisation d’occupation du domaine public consentie à l’association Aurore ne peut être assimilée à un acte de déclassement et n’avait alors pas à faire l’objet d’une enquête publique ; l’occupation privative du domaine public est légale dès lors qu’elle se concilie avec les usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d’y exercer et en l’espèce

l’installation du centre n’affecte pas l’usage de l’allée, qui conserve notamment son rôle de jonction entre la partie urbanisée et le Bois de Boulogne ;

- le moyen tiré de l’insuffisance du projet architectural doit être écarté dès lors qu’il contient une description de l’état initial du terrain avec la notice PC 4 ; s’agissant de l’insertion de la construction, un repérage photographique du contexte a notamment été réalisé comprenant

15 vues de l’environnement proche du projet et des constructions avoisinantes, permettant de le situer précisément ; s’agissant du traitement végétal des constructions, des clôtures et des accès, celui-ci relève les arbres existants et le projet implanté sur la surface bitumée est entouré des arbres le long de la voie et les clôtures et les accès sont traités dans la notice PC 4 ;

- le permis précaire est justifié par un impérieux motif d’ordre public qui résulte du nombre insuffisant de places d’hébergement à Paris pour les personnes sans abri et il n’appartient pas au juge d’apprécier l’opportunité du choix du terrain retenu, ni de rechercher si

d’autres auraient permis de réaliser l’opération envisagée ;

- le moyen tiré de ce que le centre d’hébergement provisoire sur une partie de l’allée des Fortifications dénaturerait le site classé du Bois de Boulogne et constituerait un déclassement partiel de fait doit être écarté dès lors qu’aucun déclassement de fait ne peut être constaté en tant que le projet se situe sur un segment de l’allée des Fortifications, en lisière du Bois de Boulogne,

à la limite de la zone urbaine générale à proximité immédiate du boulevard périphérique ; les installations sont provisoires, leur autorisation étant délivrée pour trois ans, à l’issue desquels



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elles sont démontées ; le projet assure une bonne insertion architecturale et paysagère, comme

l’ont reconnu dans un avis favorable tant l’architecte des Bâtiments de France que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ;

- le moyen tiré de ce que l’avis de l’architecte des Bâtiments de France est irrégulier pour avoir considéré que le projet n’était pas en situation de co-visibilité avec les immeubles

Walter inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques manque en fait dès lors que pour que le projet puisse être considéré comme situé dans le champ de visibilité d’un édifice inscrit au titre des monuments historiques, il faut qu’il se situe dans un périmètre de 500 mètres autour du monument historique et qu’il soit en situation de co-visibilité avec le monument historique et en l’espèce, le projet n’est pas visible depuis l’immeuble, ni en même temps que lui ;

- l’allée des Fortifications n’est pas un axe majeur puisqu’elle ne dessert pas des endroits qui ne soient pas accessibles par ailleurs ; l’accès des piétons n’est pas modifié et leur sécurité est assurée puisque les véhicules motorisés n’emprunteront plus la voie sur la portion concernée ;

- l’administration n’avait pas à rechercher si la convention d’occupation du domaine public avait été régulièrement délivrée dès lors que le pétitionnaire a attesté avoir qualité pour déposer sa demande et qu’au moment où l’administration a statué, elle ne disposait d’aucune information de nature à établir le caractère frauduleux de la demande.

Par des mémoires enregistrés le 8 février 2017 et le 14 mars 2017, l’association Aurore, représentée par Me R et le Cabinet Versini-Campinchi Merveille Colin, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir dès lors que les requérants ne démontrent aucune atteinte à leurs conditions de jouissance ou d’occupation de leur propriété en tant que le permis est précaire et ne peut donc compromettre irrémédiablement les conditions

d’occupation et de jouissance, que le projet est distant de 57 mètres des premières constructions de l’avenue Maunoury, que la seule vue directe sur les constructions ne constitue pas à elle seule une telle atteinte, que l’inspecteur des sites de Paris a considéré que « le projet en tant que tel

s’insère assez habilement dans le secteur », que le centre sera séparé des habitations par un filtre végétal constitué par les arbres existants ;

- le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n’aurait pas démontré qu’il a obtenu

l’autorisation du propriétaire pour l’utilisation du terrain manque en droit dès lors que le pétitionnaire doit seulement attester de cette autorisation et qu’en l’espèce le contrat

d’occupation conclu suffisait à en attester ; en outre, une autorisation d’édifier un bâtiment peut être accordée sur le domaine public routier sans qu’il y ait déclassement, dès lors que l’emprise

n’est pas définitive et en l’espèce la convention n’a pour effet de supprimer la circulation et les stationnements bilatéraux que temporairement ; les requérants ne démontrent aucunement que la demande de permission de voirie devait intervenir avant la conclusion de la convention

d’occupation du domaine public, ou avant la demande de permis de construire ; la police du domaine public est une législation distincte de celle de l’urbanisme et n’a pas vocation à conditionner la légalité d’un permis de construire ;

- le projet architectural répond aux exigences des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l’urbanisme dès lors que la notice contient une description des lieux, que l’accès des piétons au départ de la promenade vers le Bois de Boulogne est maintenu et qu’il n’y a pas de raison

d’indiquer les arbres à supprimer dans la mesure où aucun ne sera abattu ; la notice et les documents graphiques permettent d’apprécier l’insertion du projet dès lors que le dossier contient deux documents d’insertion, que la première construction « avoisinante » est située à



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plus de 57 mètres du projet, que les accès au terrain, compte tenu du caractère précaire de la construction, ne sont pas modifiés ; le traitement végétal des constructions, clôtures,

l’organisation et l’aménagement des accès sont abordés dans le projet et il est rappelé que la construction s’implantera intégralement sur la voirie et que, compte tenu du caractère provisoire de la construction, il n’est pas envisageable de percer le bitume pour implanter de nouveaux arbres ;

- le moyen tiré de l’absence de réversibilité de la construction est inopérant dès lors qu’il ne concerne en rien la légalité du permis de construire ;

- les requérants se gardent bien de démontrer en quoi ces violations seraient disproportionnées à l’objectif de loger les sans-abris :

- le moyen tiré de ce que l’allée des Fortifications serait à la frontière entre la zone naturelle et forestière et la zone urbaine verte du PLU manque en fait dès lors que l’allée des

Fortifications est classée en zone UG du PLU « secteur privilégiant l’habitation » ;

- le moyen tiré de ce que le permis méconnaît l’article R. 111-21 du code de

l’urbanisme en tant que le projet porterait une atteinte irrémédiable à la vocation de promenade du Bois de Boulogne doit être écarté dès lors que la circulation piétonne reste possible sur les trottoirs, ce qui exclut toute atteinte aux départs de promenade, que la circulation des cycles non motorisés est détournée et ainsi n’est pas entravée, que l’assiette de la construction est exclusivement sur la chaussée, si bien que seule la circulation automobile est modifiée par le projet ;

- le moyen tiré de l’atteinte aux monuments protégés manque en fait dès lors que si

l’immeuble est dans le champ de visibilité de l’allée des Fortifications, le tronçon concerné par le projet objet du permis de construire n’est pas dans le champ de visibilité ;

- le moyen tiré de la violation de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme doit être écarté dès lors que la voie n’est pas un axe majeur de circulation et que l’accès non motorisé au

Bois reste possible ;

Par un mémoire enregistré le 14 mars 2017, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que:

- la requête est irrecevable en tant que les requérants ne démontrent pas leur intérêt à agir et que l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens qu’ils gèrent ou occupent, dès lors que le centre est éloigné de plus de 50 mètres des habitations, que les immeubles et biens immobiliers des principaux requérants ne font nullement face aux structures modulaires et que les immeubles Walter en sont éloignés de plus de 230 mètres ;

- le moyen tiré de l’absence de déclassement est inopérant dès lors que le préfet n’avait pas à vérifier que le domaine public concerné avait fait l’objet d’une procédure de déclassement et il est infondé dès lors qu’un déclassement est nécessaire si l’emprise est définitive ;

- le moyen tiré de la nécessité d’une permission de voirie est inopérant à l’encontre du permis de construire en vertu du principe d’indépendance des législations ;

- les moyens tirés de l’incompatibilité de l’occupation consentie avec l’affectation du domaine public, de l’atteinte injustifiée et disproportionnée portée à l’intérêt général, et de

l’absence de contrepartie financière de l’occupation doivent être écartés dès lors que l’occupation privative est bien compatible avec l’affectation publique et que l’installation du centre d’hébergement n’affecte pas l’usage actuel de l’allée ;

- le moyen tiré de l’insuffisance du projet architectural doit être écarté dès lors que concernant la notice architecturale, des pièces complémentaires ont été déposées le 24 novembre

2015, développant le contexte existant d’insertion, l’insertion dans un site protégé, la gestion des déplacements et accès, le traitement des clôtures, le descriptif de l’architecture modulaire, son



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traitement et la remise en état du site et l’examen de l’ensemble de ces pièces a été jugé satisfaisant ;

- le projet répond à une nécessité caractérisée dès lors que le motif d’ordre social ayant conduit au projet présentement attaqué, est réel et que ce seul motif est suffisant ;

- le moyen tiré de la violation des dispositions du PLU de Paris doit être écarté dès lors que n’ayant pas été déclassée, l’allée se situe toujours en zone UG ;

- le moyen tiré de l’atteinte portée au site classé, et le détournement de la procédure de déclassement doivent être écartés dès lors que l’allée des Fortifications est en zone UG, que l’arrêté est un permis précaire délivré pour une durée de trois ans, que le projet propose une emprise constructible de 1198m² sachant que le Bois de Boulogne offre une étendue de 846 hectares, ce qui correspond à une emprise de 0,01%, que la circulation piétonne reste possible et la piste cyclable n’est pas supprimée mais déviée et à l’issue de l’autorisation, la voie bitumée accueillant le site sera rendue à la nature ;

- le moyen tiré de l’atteinte portée aux monuments protégés doit être écarté dès lors que l’architecte des Bâtiments de France a constaté que malgré la période hivernale (absence de feuilles aux arbres), la profusion de ceux-ci (…) empêchait de voir en même temps depuis l’espace public, les immeubles Walter et les bâtiments modulaires du projet ;

- le moyen tiré de la violation de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme doit être écarté dès lors que l’allée des Fortifications ne joue pas un rôle essentiel en matière de circulation qui se fait par l'[…] et le boulevard Suchet, qu’aucune modification n’a affecté l’accès des piétons et que la voie sera interdite à la circulation automobile, renforçant par la même la circulation des piétons ;

Par ordonnance du 6 juillet 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 6 juillet 2017.

Les parties ont été informées le 17 octobre 2018, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris pour signer le permis de construire, celui-ci devant être délivré par le maire de Paris.

L’association Aurore a produit, le 26 octobre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public relevé d’office par le tribunal.

Le préfet de Paris a produit le 2 novembre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.

La ville de Paris a produit, le 26 novembre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 1604898, le 1er avril 2016, le 12 octobre 2016, le 30 mai 2017, le 16 juin 2017 et le 26 juin 2017, la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne, l’association des riverains du Bois de Boulogne, l’association XVIème Demain et M. M., représentés par Me Musso, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 18 mars 2016 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet de Paris a délivré à l’association Aurore un permis de construire à titre précaire pour la réalisation d’un centre d’hébergement d’urgence sur l’allée des Fortifications, dans le 16ème arrondissement de Paris ;



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2°) d’annuler l’autorisation de la ministre de l’environnement en date du 25 janvier

2016 accordant à l’association Aurore une autorisation de travaux au titre de l’article E341-10 du code de l’environnement ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros en application de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le permis de construire porte atteinte aux intérêts de l’association Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne, de l’association des Riverains du Bois de Boulogne et de l’association XVIème Demain qui ont pour mission de défendre, selon leurs statuts, respectivement, la destination initiale de promenade publique et de loisirs donnée au Bois de

Boulogne, les intérêts des habitants des quartiers riverains du Bois de Boulogne et de l’hippodrome d’Auteuil et les intérêts de la population du XVIème arrondissement ; en vertu de leurs statuts, leurs présidents sont habilités à agir en justice ;

- M. M. a un intérêt à agir dès lors que son logement se trouve face à l’allée des

Fortifications et de la partie de la chaussée sur laquelle doivent être installés les ouvrages de l’association Aurore et qu’il aura une vue directe sur les installations qui entraînent une modification sensible des lieux, en prévoyant notamment l’arrivée de 200 habitants supplémentaires sur un espace qui devait normalement être libre de toute construction ;

- le permis de construire est entaché d’incompétence du préfet dès lors que la construction autorisée ne concourt pas à la réalisation d’une mission de service public en tant que la construction relève du patrimoine de l’association Aurore, qui pourra réutiliser ces installations pour d’autres usages, et qu’elle finance cette opération à l’aide d’un prêt qu’elle a souscrit et bénéficie d’une garantie accordée non par l’Etat mais par la ville de Paris ;

- le permis est entaché d’illégalité dès lors que le préfet n’a pas repris l’ensemble des conditions posées par la ministre de l’environnement pour donner son autorisation en tant qu’il retient que l’autorisation est donnée pour une durée de trois ans à compter de l’ouverture de la structure tandis que la ministre a donné son accord pour une durée de trois ans à compter de la date à laquelle elle a pris la décision, et en tant que la condition imposée de ce que le maître d’ouvrage doit « renaturer » le terrain d’assiette en prévoyant un projet paysager n’a pas été reprise dans le permis de construire et ne s’impose donc pas à son bénéficiaire ;

- le permis est entaché d’irrégularité dès lors que la consultation du ministre de l’environnement, qui a donné lieu à l’autorisation du 25 janvier 2016, est intervenue dans des conditions irrégulières en tant qu’elle a été rendue au seul visa de la demande de permis de construire et que les modifications du dossier de permis de construire, intervenues postérieurement, n’ont pas été portées à sa connaissance ;

- le permis a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière en tant que l’avis du 25 février

2016 de l’architecte des Bâtiments de France est entaché d’une erreur de fait dès lors que le projet était visible depuis les immeubles Walter et que l’ABF ne pouvait donc considérer que le projet n’appelait pas d’observations ;

- le projet ne pouvait faire l’objet d’une demande de permis de construire, mais devait être instruit selon la procédure du permis d’aménager dès lors que les ouvrages à réaliser sont démontables, qu’ils sont réalisés sans fondations et qu’aux termes de l’article R. 421-20 du code de l’urbanisme, en site classé la création d’un espace public doit être précédée de la délivrance

d’un permis d’aménager, et qu’en l’espèce les ouvrages font l’objet d’un classement au titre des établissements recevant du public dans les catégories L et N ; les constructions doivent être regardées comme « résidences démontables » au sens du « m » de l’article J421-19 du code de

l’urbanisme, rien ne permettant d’affirmer que celles-ci doivent être autonomes des réseaux publics ;



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- le déclassement de la voie publique est définitif dès lors qu’il est prévu la renaturation du terrain à la fin de l’emprise de la construction l’allée des Fortifications n’étant dès lors plus une voie publique ; l’allée des Fortifications n’est pas destinée à recevoir des constructions, étant bordée par deux zones à vocation paysagère ;

- le permis de construire méconnaît l’article L. 433-2 du code de l’urbanisme et est atteint d’un vice d’incompétence négative dès lors qu’il n’appartenait pas au bénéficiaire du permis de construire de prendre l’initiative d’une mesure d’expertise, qui plus est, contradictoire mais qu’il était fait obligation à l’autorité qui délivre le permis de désigner l’expert chargé de

l’état des lieux ;

- le permis de construire méconnaît l’article J423-74 du code de l’urbanisme dès lors qu’aucun élément du dossier n’établit que, préalablement à sa signature, le projet de permis de construire a été transmis au maire ce qui est une formalité substantielle ;

- le permis de construire et la décision ministérielle sont illégaux dès lors que le projet n’est pas compatible avec l’objet du classement tel qu’il ressort des textes applicables au site classé et à la Charte du Bois de Boulogne en tant qu’il prévoit la création de constructions nouvelles à usage d’habitation, assortis de travaux d’aménagement, et modifie ainsi définitivement une partie du site classé ; le ministre a admis implicitement que le projet portait atteinte aux objectifs du classement mais a considéré qu’un accord pouvait être accordé pour une durée limitée ; l’article E341-10 du code de l’environnement n’investit pas le ministre d’un pouvoir lui permettant d’imposer des travaux de « renaturation » non prévus dans le projet qui lui est soumis ;

- le permis de construire méconnaît l’article L. 433-1 du code de l’urbanisme dès lors que le projet qu’il autorise ne répond pas à une situation de « nécessité caractérisée » et n’est qu’une expérimentation ; le projet déroge de manière disproportionnée aux règles d’urbanisme applicables en tant qu’il prévoit des constructions sur la bande de roulement d’une voie ouverte à la circulation, que les cheminements et allées ne seront pas préservés et que le préfet a commis une erreur de droit en justifiant de la régularité du projet par référence à la zone UG du PLU alors que le projet se trouve en bordure des zones N et UV lesquelles sont inconstructibles ;

- la « nécessité caractérisée » n’est pas établie par les arguments avancés par le préfet tirés des besoins en matière de logement et de personnes déplacées, alors que le projet concerne des « sans-abris » et de la nécessité d’abattre des arbres sur le site de la Porte de Saint-Cloud en cas de choix de ce site ; ni l’absence de solution alternative, ni le caractère réversible, ni la renaturation du terrain invoqués à l’appui de l’autorisation ne pouvaient justifier la réalisation du projet ;

- le caractère entièrement démontable du projet est contredit par le dossier de permis de construire qui prévoit la réalisation d’une tranchée pour les réseaux.

Par des mémoires enregistrés le 21 avril 2016 et le 15 juin 2017 la maire de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence du préfet est retenue dès lors que le projet s’inscrit dans le cadre d’une compétence étatique, répond à un besoin de l’Etat et est conçu en fonction de ses besoins en tant que le permis de construire est octroyé à une association reconnue d’utilité publique, afin de réaliser un centre d’hébergement provisoire d’urgence pour les personnes sans-abri ;

- l’arrêté préfectoral litigieux respecte l’autorisation ministérielle dès lors que c’est bien

l’implantation des constructions modulaires qui est autorisée pour une période de trois ans et qu’il

n’y aurait aucun sens à autoriser la réalisation des constructions pour une période de trois ans en faisant partir le délai à compter de la date de signature de l’autorisation ministérielle ;



N° 1604796,1604898,1607744,1607745 9

- la ministre disposait de tous les éléments essentiels pour se prononcer sur le projet au regard du site classé et il n’était pas nécessaire que la ministre soit de nouveau consultée, les modifications apportées au dossier étant mineures et ne se rapportant pas à l’implantation, l’emprise au sol, les caractéristiques des façades ou des clôtures, seules susceptibles d’intéresser

l’insertion dans le site classé ;

- la condition tenant à la co-visibilité de l’article L. 621- 2 du code de l’urbanisme n’est pas satisfaite dès lors que le projet n’est pas visible depuis l’immeuble, ni en même temps que lui ;

- le projet n’avait pas à faire l’objet d’un permis d’aménager dès lors qu’en vertu des articles L. 433-1 et L. 421-6 du code de l’urbanisme, le permis de construire précaire peut être accordé pour des projets qui, hors situation dérogatoire, relèvent du permis de construire ou du permis d’aménager et que le projet ne relève pas de l’article R. 421-20 du code de l’urbanisme dès lors qu’il consiste en la création d’un centre d’hébergement provisoire pour les sans-abris et non d’un espace public ;

- l’article L. 433-2 du code de l’urbanisme ne prévoit pas qu’il revient à l’autorité qui délivre le permis de construire de préciser les modalités de réalisation de l’expertise et de désigner le professionnel ;

- le moyen tiré de ce que le préfet n’aurait pas adressé copie du projet de décision au maire manque en fait dès lors qu’il résulte des visas de l’arrêté préfectoral litigieux que la maire de Paris a été consultée et a donné un avis favorable au projet de permis précaire les 10 décembre 2015 et 29 février 2016 ;

- le permis de construire est justifié par un impérieux motif d’ordre social ;

- le permis de construire précaire ne déroge pas de manière disproportionnée aux règles d’urbanisme applicables de la zone UG dès lors notamment qu’il autorise une construction provisoire, pour une durée de seulement trois ans, non plus qu’aux règles applicables aux zones

N et UV, dès lors que la ville de Paris n’a pas procédé au déclassement de l’allée des Fortifications ;

- la décision ministérielle n’est pas illégale en tant qu’aucun déclassement de fait ne peut être constaté ; qu’un déclassement de fait n’emporterait pas application des règles de la zone N et que la superficie du site affecté par le projet en cause est minime et ne peut constituer un déclassement partiel ; que le projet est compatible avec l’affectation à la promenade publique du

Bois de Boulogne ; le projet propose une bonne insertion architecturale et paysagère et s’insère dans son environnement ;

- l’autorisation ministérielle n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que de nombreuses démarches effectuées pour trouver des places d’hébergement d’urgence ont été précédemment rappelées et que le centre d’hébergement est provisoire et le permis délivré à titre précaire.

Par des mémoires enregistrés le 8 février 2017, le 14 mars 2017 et le 14 juin 2017, l’association Aurore, représentée par le Cabinet Versini-Campinchi Merveille Colin et Me

Q R, conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. M. ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir dès lors qu’il ne rapporte pas la preuve de ce qu’il habiterait effectivement au 39, avenue Maunoury et que la circonstance qu’il aurait une vue directe sur les installations ne constitue pas à elle seule une atteinte à ses conditions d’occupation ou de jouissance ;



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- le préfet était compétent pour délivrer le permis dès lors que l’activité d’accueil des sans-abris en structure d’hébergement d’urgence relève, et notamment par la nature fondamentale des droits qu’elle met en œuvre, de l’intérêt général ;

- le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu la portée de l’autorisation du ministre de l’environnement manque en droit et en fait dès lors que la ministre a précisé que le délai commencerait à courir à compter de l’implantation du centre d’hébergement provisoire et non pas à compter de son autorisation ; le préfet n’a pas entaché sa décision d’un vice qui affecterait sa compétence, en s’abstenant de reprendre la condition imposée par la ministre de

l’environnement de renaturer le site à l’issue de la période de validité du permis précaire, en tant que cette obligation est effectivement prescrite par le permis délivré ;

- le moyen tiré de ce que la ministre s’est prononcée sur un dossier différent de celui qui

a, finalement, été autorisé doit être écarté dès lors que le changement opéré l’a été pour être en conformité avec l’accès des personnes à mobilité réduite mais ne change rien à l’ensemble du projet, et les requérants ne démontrent pas que la ministre aurait pris une autre décision si le second projet lui avait soumis ;

- l’avis de l’ABF n’est pas entaché d’une erreur de fait dès lors que la vue réciproque depuis le point de la construction autorisée le plus proche de l’immeuble Walter ne permet pas de voir l’immeuble Walter et les requérants ne démontrent pas que l’architecte des Bâtiments de

France aurait pris une autre décision si le second projet lui avait été montré ;

- le projet n’entre pas dans la définition de « résidences démontables » et ne pouvait donc être soumis à la procédure prévue à l’article L. 421-19 du code de l’urbanisme, mais devait faire l’objet d’une demande de permis de construire ;

- le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû préciser les modalités de réalisation de l’expertise prévue à l’article L. 433-2 du code de l’urbanisme manque en droit dès lors qu’il n’y est pas prévu que le préfet désigne lui-même l’expert et les modalités de l’expertise ;

- le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû transmettre une copie du projet de décision au maire avant signature est inopérant en tant qu’il ne conditionne pas la légalité du permis de construire dans la mesure où la transmission n’a qu’une vocation d’information ;

- le projet est compatible avec l’objet du classement du Bois de Boulogne en tant notamment qu’il ne porte pas atteinte à la vocation de promenade du Bois de Boulogne puisque la circulation piétonne reste possible sur les trottoirs, ce qui exclut toute atteinte aux départs de promenades et la circulation des cycles non motorisés est détournée et ainsi n’est pas entravée et

l’assiette de la construction est exclusivement sur la chaussée, si bien que seule la circulation automobile est modifiée par le projet ;

- le permis précaire répond à une nécessité caractérisée par le besoin d’hébergement

d’urgence ;

- les éventuelles non-conformités aux règles d’urbanisme, à les supposer établies, seraient particulièrement limitées, dès lors que la construction est limitée, qu’elle s’insère dans le bois, et ne fait pas obstacle à la promenade des piétons et des cyclistes.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2017, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de

Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préfet est compétent pour délivrer une autorisation d’urbanisme pour les projets réalisés pour le compte de l’Etat en vertu des articles L. 422-1 et L. 422-2 du code de l’urbanisme et l’hébergement d’urgence fait bien partie des compétences de l’Etat et relève d’une mission de service public ;

- le délai de trois ans commence à courir à compter de l’installation du centre dès lors que la décision de la ministre vise une demande de « durée d’installation » et « autorise à titre provisoire, pour une durée de trois ans l’implantation du centre d’hébergement provisoire » ;



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- la condition posée par la ministre de « renaturer » le site est reprise par le permis de construire dès lors que la décision de la ministre est visée dans l’arrêté de permis de construire et qu’il est explicitement mentionné, aux terme de l’article 2 de l’arrêté que « le bénéficiaire du permis respectera (…) les prescriptions émises dans leurs avis et accords ci-joints par (…) la ministre en charge des sites » ;

- les modifications non communiquées à la ministre sont des pièces graphiques répondant à des demandes de la préfecture qui n’impactent pas l’aspect général du projet et son insertion dans le site classé et correspondent à divers plans techniques précisant la position de la borne incendie, les moyens d’accès aux personnes à mobilité réduite, les liens entre les bâtiments ainsi que les divers accès et circulations ;

- l’ABF n’a pas commis d’erreur de fait dès lors qu’il s’est rendu sur les lieux pour juger de l’existence de la co-visibilité et qu’il a remarqué que malgré la période hivernale, la profusion des arbres sur le mail légèrement vallonné et d’une belle largeur empêchait par la densité des ramures de voir en même temps depuis l’espace public, les immeubles Walter et les bâtiments modulaires du centre projeté ;

- un permis à titre précaire peut être délivré à titre exceptionnel en vertu des articles R. 433-1 et L. 421-6 du code de l’urbanisme lorsque les exigences du permis d’aménager ne sont pas toutes remplies ;

- aux termes de l’article L. 433-2 du code de l’urbanisme, l’Etat n’a pas vocation à désigner au préalable un expert, ce qui est du ressort et de la responsabilité du maître d’ouvrage ;

- le projet de décision a bien été transmis au maire en tant que le permis de construire vise expressément l’avis favorable de la maire de Paris des 10 décembre 2015 et 29 février 2016 ;

- le projet n’est pas incompatible avec l’affectation du Bois de Boulogne dès lors que l’allée des Fortifications se trouve en zone UG ; l’arrêté attaqué est un permis précaire délivré pour une durée de trois ans ; le projet propose une emprise constructible de 1198m² sachant que le Bois de Boulogne offre une étendue de 846 hectares ; la circulation piétonne reste possible et la piste cyclable n’est pas supprimée mais déviée ; la voie bitumée accueillant le site sera rendue à la nature ;

- la dérogation aux règles d’urbanisme n’est pas disproportionnée en tant que la réglementation applicable est bien celle relative à la zone UG du PLU et que le projet propose une emprise constructible représentant 0,01% du Bois de Boulogne, que la circulation piétonne reste possible, que la circulation des voies n’est pas modifiée et la fermeture du tronçon facilite la circulation sur la voie de sortie du boulevard périphérique.

Le ministre chargé de l’environnement a été mis en demeure le 25 janvier 2017 de présenter ses observations et n’a pas produit de mémoire ;

Par ordonnance du 1er août 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 1er août 2017.

Les parties ont été informées le 18 octobre 2018, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions tendant à l’annulation de l’accord préalable du ministre chargé des sites, celui-ci ne constituant pas une décision susceptible de recours.

L’association Aurore a produit, le 26 octobre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.

Le préfet de Paris a produit le 2 novembre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.



N° 1604796,1604898,1607744,1607745 12

La ville de Paris a produit, le 26 novembre 2018, des observations en réponse au moyen

d’ordre public.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 1607744 le 19 mai 2016 et le

27 mars 2017, l’association des amis et voisins du Ranelagh, Mme A Mme H., représentées par Me Cotillon, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 18 mars 2016 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet de Paris a délivré à l’association Aurore un permis de construire à titre précaire pour la réalisation d’un centre d’hébergement d’urgence sur l’allée des Fortifications, dans le 16ème arrondissement de Paris ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le permis de construire attaqué lèse chacune des requérantes et leur procure un indéniable intérêt à agir ;

- l’association a un intérêt à agir dès lors que l’installation des constructions prévues bouleverse l’environnement et le cadre de vie des habitants du quartier, porte atteinte au patrimoine architectural et à la qualité de l’urbanisme et altère la sécurité ainsi que les conditions de circulation et de stationnement dans le quartier, préoccupations figurant dans ses statuts ;

- le président n’avait pas besoin d’une autorisation d’agir en justice de la part du bureau dès lors que celui-ci ne compte que deux membres, et qu’en tout état de cause, cette autorisation est produite au dossier ;

- si la ville de Paris a déposé sa demande de permis de construire le 13 novembre 2015, l’affichage n’était pas effectif à la date du dépôt des statuts de l’association le 10 décembre et lors de la séance du conseil municipal des 15, 16 et 17 décembre, la demande de permis de construire n’a jamais été évoquée ;

- la convention attaquée bouleverse l’environnement et le cadre de vie de Mme F. dont le bien immobilier est situé dans la rue perpendiculaire à moins de 200 mètres et de Mme H., qui habite l’immeuble situé en face du projet sur lequel elle a une vue directe ;

- la jurisprudence admet largement l’intérêt à agir des voisins et en l’espèce le projet a des effets importants dès lors notamment qu’aucun rideau végétal ne masquera les bâtiments autorisés et que le projet les prive d’une voie, de trottoirs, d’une bande cyclable et d’aires de stationnement les usagers ;

- l’arrêté est entaché d’incompétence en tant qu’il revenait au maire de Paris, et non au préfet, de délivrer le permis de construire en application de l’article L. 422-1 du code de

l’urbanisme dès lors que le projet de construction modulaire a été imaginé, conçu et sera exploité par l’association Aurore ;

- le projet n’était pas soumis à un permis de construire précaire mais devait faire

l’objet d’un permis d’aménager en tant qu’il consiste à aménager un terrain et que les préfabriqués autorisés constituent des résidences démontables ; il méconnaît ainsi l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme et le préfet a entaché sa décision d’erreur de droit ;

- le permis de construire précaire litigieux déroge aux règles d’urbanisme de façon disproportionnée dès lors qu’il permet l’implantation d’un projet sur une voie publique qui n’a fait l’objet d’aucun déclassement préalable ; il n’est pas implanté à l’alignement ; il forme une saillie sur voie qui ne correspond pas à celles exceptionnellement admises ; il porte atteinte au site qui est classé et à l’intérêt des lieux avoisinants et la clôture donnant sur l’avenue Maunoury ne comporte aucun dispositif assurant une perception des espaces libres ; dès lors, en n’indiquant



N° 1604796,1604898,1607744,1607745 13

pas précisément toutes les règles d’urbanisme auxquelles le projet ne satisfait pas, le préfet a méconnu l’article E433-1 du code de l’urbanisme ;

- le dossier de demande est incomplet au regard des dispositions de l’article R. 425-3 du code de l’urbanisme dès lors notamment qu’il ne comporte pas une notice descriptive précisant les matériaux utilisés tant pour le gros œuvre que pour la décoration et les aménagements ;

- le permis méconnaît l’article L. 141-3 du code de la voirie routière dès lors que son objet consiste à établir, pendant trois ans, sur toute la largeur d’une voie communale, des constructions modulaires condamnant son affectation, sans déclassement préalable ;

- le permis méconnaît l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme dès lors que des travaux d’extension des réseaux sont nécessaires pour desservir le centre d’hébergement et qu’à la date à laquelle le préfet s’est prononcé, celui-ci n’était pas en mesure d’indiquer précisément dans quel délai ces travaux d’extension allaient être exécutés ;

- le permis méconnaît l’article L. 341-10 du code de l’environnement dès lors que l’autorisation du ministre en charge des sites est illégal en tant que la ministre ne pouvait y prévoir le déclassement partiel d’un site classé ; cette autorisation ne pouvait permettre au permis de construire de déroger aux règles d’urbanisme temporairement, en tant qu’il concerne un site classé ; il existe des solutions alternatives pour l’implantation du site d’hébergement et que de toute façon l’absence d’emplacement alternatif ne peut conduire à la dégradation d’un site classé où le déclassement s’impose ;

- le permis a été délivré en méconnaissance des prescriptions de la ministre chargée des sites dès lors qu’il autorise l’implantation du centre d’hébergement pour une durée maximale supérieure à trois ans.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2017 et le 14 mars 2017,

l’Association Aurore, représentée par le Cabinet Versini-Campinchi-Merveille-Colin et Me

R, conclut au rejet de la requête et demande qu’il soit mis à la charge des requérantes une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérantes ne démontrent pas avoir qualité pour agir et qu’elles sont susceptibles

d’être lésées dans leurs intérêts de manière directe et certaine dès lors que notamment, le lieu

d’implantation du projet est l’endroit le plus éloigné de la portion de l’allée des Fortifications, qu’il est distant de 57 mètres des premières constructions de l’avenue Maunoury, qu’une vue directe et plongeante sur les préfabriqués ne constitue pas à elle seule une atteinte aux conditions

d’occupation ou de jouissance, de même que le fait que le projet priverait les riverains d’une voie de circulation et qu’il n’est pas établi que les constructions entraîneraient une baisse de la valeur locative et vénale d’un appartement ;

- le préfet était compétent pour délivrer le permis litigieux dès lors que les ouvrages ont été posés sur le sol par l’association Aurore qui agit au nom et pour le compte de l’Etat ;

- le projet n’avait pas à faire l’objet d’un permis d’aménager dès lors qu’il ne rentre pas dans la définition de « résidences démontables » en tant que le centre d’hébergement ne sera pas autonome vis-à-vis des réseaux publics ;

- le moyen tiré de ce que l’administration aurait commis une erreur d’appréciation de

l’atteinte aux règles d’urbanisme doit être écarté dès lors que les règles de l’alignement et de saillie ne s’appliquent pas puisque la construction est implantée sur la chaussée et que le projet s’insère au mieux dans le paysage du site en tant notamment que son lieu d’implantation est un secteur privilégiant l’habitation et que l’inspecteur des sites de Paris a considéré que le projet

s’insérait habilement dans le secteur ;



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- le moyen tiré de ce que le dossier serait incomplet manque en fait dès lors que se trouvent dans le permis de construire une notice d’accessibilité et une planche des matériaux utilisés ;

- le site n’avait pas à faire l’objet d’un déclassement dès lors que la convention n’a pour effet de supprimer la circulation et les stationnements bilatéraux que temporairement ;

- le permis ne méconnaît pas l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme dès lors que dans son arrêté le préfet vise plusieurs avis favorables dont l’un indique que « le délai des travaux sera de quatre à six mois après l’ordre de service de la commune et l’accord du client au sujet des devis respectifs » ;

- l’autorisation du ministre en charge des sites est légale dès lors que le permis prend en compte les spécificités du site classé, que le permis délivré est précaire, que le projet est limité à une durée de trois ans ; le ministre peut délivrer une autorisation spéciale limitée dans le temps ;

- le permis a été délivré en connaissance des prescriptions de la ministre chargée des sites dès lors que les délais commencent à courir à compter de l’ouverture du centre et que le préfet précise que l’enlèvement aura lieu au plus tard trois ans après le début de l’exploitation du centre d’hébergement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2017, le préfet de la région Ile-de-

France, préfet de Paris, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les requérantes ne démontrent pas un intérêt à agir en tant que l’immeuble occupé par Mme F. est éloigné d’environ 200 mètres du projet, que le centre est éloigné de plus de 50 mètres des habitations et séparé des habitations par un filtre végétal constitué par les arbres existants et que les requérantes ne prouvent pas que

l’aménagement ou les travaux soient de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens qu’elles gèrent ou occupent ;

- le moyen tiré de son incompétence doit être écarté dès lors qu’en vertu de l’article

L. 422-2 du code de l’urbanisme, il est bien compétent pour délivrer une autorisation

d’urbanisme pour les projets réalisés pour le compte de l’Etat et que l’hébergement d’urgence fait partie des compétences de l’Etat au titre d’une mission de service public qui lui est impartie ;

- un permis à titre précaire peut être délivré à titre exceptionnel lorsque les exigences du permis d’aménager ne sont pas remplies ;

- la construction pouvait être exceptionnellement autorisée à titre précaire dès lors qu’elle caractérise une nécessité ; aucun déclassement n’était nécessaire dès lors que l’emprise

n’est pas définitive mais temporaire, que le projet est compatible avec le site classé du Bois de Boulogne dès lors que le ministre compétent a donné son accord, que le projet ne représente qu’une emprise de 0,01% de la superficie du Bois et qu’il est précaire ; concernant les clôtures, les « clôtures-bois » sont pleines pour des raisons de sécurité ;

- le dossier initial de demande est complet en tant qu’il comprend bien les notices de sécurité et d’accessibilité en « partie B » ;

- les travaux de raccordement au réseau étaient mineurs et sont terminés depuis le mois de mai 2016 ;

- l’autorisation du ministre chargé des sites est légale dès lors que la détermination d’un délai par ce ministre est imposée réglementairement ; il est possible de conditionner des demandes d’autorisation de travaux dès lors que ces prescriptions ne sont pas étrangères à l’objectif de préservation du site ; le délai de trois ans commence bien à courir à compter de

l’installation du centre ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2017, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des



N° 1604796,1604898,1607744,1607745 15

requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le représentant de l’association requérante ne rapporte pas la preuve de sa qualité pour agir et de ce qu’en vertu de l’article 13.2 des statuts de

l’association, il aurait obtenu une autorisation délivrée par le bureau ; l’association a déposé ses statuts en préfecture après le dépôt de la demande de permis de construire ; les requérantes

n’établissent pas la proximité de leur propriété avec le projet, le principe même de réalisation

d’une construction ne suffit pas à établir l’intérêt à agir, le centre d’hébergement se trouve à proximité immédiate du boulevard périphérique générant plus de nuisances sonores que des habitations ;

- le préfet est compétent dès lors que le projet s’inscrit dans le cadre d’une compétence étatique et répond à un besoin de l’Etat ;

- le moyen tiré de ce que le projet devait faire l’objet d’un permis d’aménager doit être écarté dès lors que le permis de construire précaire peut être accordé pour des projets qui, hors situation dérogatoire, relèvent du permis de construire ou d’aménager et que le projet ne relève pas des dispositions de l’article L. 444-1 et de l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme en tant qu’il ne prévoit pas de procéder à l’installation de caravanes ou d’habitations principales mobiles ;

- le moyen tiré de ce que le permis procéderait d’une erreur manifeste d’appréciation doit être écarté dès lors qu’il est justifié par un impérieux motif d’ordre social résultant du nombre insuffisant de places d’hébergement à Paris ; la règle de l’alignement concerne des constructions en bordure de la voie publique, et non pas situées sur la voie et le projet est compatible avec le site en tant qu’il se situe sur un segment de l’allée des Fortifications, à proximité du boulevard périphérique, qu’il est précaire, assure une bonne insertion architecturale et paysagère et qu’il est composé de cinq bâtiments de 45 et 33 mètres de long en R+1 ou R+2, les hauteurs s’adaptant en fonction du volume du développement des arbres et les espaces entre les bâtiments laissant de multiples percées visuelles vers le Bois de Boulogne ; les règles de façades ne s’appliquent pas dès lors que les constructions prennent place sur un emplacement vierge de toute construction, en surplomb de la voirie, et le projet respecte le cadre fixé en tant que les construction modulaires comportent un soubassement, une façade de deux ou trois niveaux, un couronnement composé d’une toiture métallique et la toiture sur rez-de-chaussée n’est pas inférieure aux 3,20 mètres mentionnés dans l’article UG 11.1.3, puisqu’il ressort des plans PC 5 que la hauteur sur rez-de-chaussée est de 3,40 et 3,60 mètres ; les dispositions relatives aux clôtures sur rue sont inopérantes à l’égard du projet puisque les constructions modulaires côté avenue Maunoury ne sont pas implantées sur rue, que les éléments de fermeture ne forment pas clôture et que la clôture située côté bois, qui délimite le projet, est en treillis soudé, conforme aux dispositions de l’article UG.11-4-2 ;

- le dossier de demande de permis de construire est complet en tant qu’il comporte une notice d’accessibilité et qu’il précise les matériaux utilisés ;

- le moyen tiré de ce que le permis aurait dû être précédé d’une procédure de déclassement préalable de la voie est inopérant dès lors que ni les règles du code de la voirie routière, ni les règles d’affectation des dépendances du domaine public communal ne sont au nombre des dispositions dont l’autorité qui délivre le permis de construire doit assurer le respect et en tout état de cause aucun déclassement ne devait intervenir préalablement à la délivrance du permis de construire en tant que l’association Aurore dispose d’une autorisation d’occupation du domaine public ;

- l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme n’est pas opposable dès lors que le projet nécessite un raccordement au réseau sur une longueur totale de seulement 47 mètres, et dans le seul intérêt du pétitionnaire ;



N° 1604796,1604898,1607744,1607745 16

- le projet est compatible avec le site classé du Bois de Boulogne dès lors que la superficie du site affectée par le projet en cause est minime, que le centre n’est autorisé qu’à titre provisoire et qu’il est composé de structures modulaires facilement démontables, non fondées sur le sol ; il s’insère dans son environnement en assurant une bonne insertion architecturale et paysagère et ses caractéristiques ont été étudiées afin de réduire au maximum les nuisances visuelles et de l’inscrire au mieux dans le contexte urbain ;

- le permis de construire a été délivré conformément à la prescription de l’autorisation ministérielle dès lors que c’est à compter de l’implantation du centre que le délai de trois ans commence à courir ;

Par ordonnance en date du 2 juin 2017, la clôture de l’instruction a été fixée le 2 juin 2017.

Un mémoire a été produit par le préfet de Paris le 2 novembre 2018, lequel n’a pas été communiqué aux autres parties.

Un mémoire a été produit par la ville de Paris le 26 novembre 2018, lequel n’a pas été communiqué aux autres parties.

IV. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 1607745 le 18 mai 2016 et le 26 mai 2017, M. D., Mme C., Mme L., Mme S., M. G., Mme P., M. et Mme E., M. R., M. N., M. B., Mme O., Mme K., représentés par Me Goldnadel, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 18 mars 2016 par lequel le préfet de la région Ile de France, préfet de Paris a délivré à l’association Aurore un permis de construire à titre précaire pour la réalisation d’un centre d’hébergement d’urgence sur l’allée des Fortifications, dans le 16ème arrondissement de Paris.

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 7 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir ; le permis attaqué lèse tous les mandants et leur procure un indéniable intérêt à agir dès lors que leurs habitations se situent à moins de 200 mètres du projet et que le centre d’hébergement va nécessairement avoir des effets sur leur cadre de vie au regard des nuisances sonores qui seront augmentées et de la modification des conditions de sécurité ; le projet est donc de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance de leurs biens ;

- le permis de construire a été accordé nonobstant les avis équivoques de l’architecte des Bâtiments de France qui a conclu à un avis « partagé », et de la Commission départementale de la nature des paysages et des sites qui émet des réserves sur le projet ; celui-ci méconnaît la Charte du Bois de Boulogne et, s’agissant d’un site classé, méconnaît les articles L. 341-10 du code de l’environnement et R. 425-17 du code de l’urbanisme ;

- le permis est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que la notice d’insertion en site classé contenue dans la demande de permis de construire précise que le projet est situé sur une limite du site protégé du Bois de Boulogne alors que l’allée des Fortifications se situe au sein du Bois de Boulogne qui a été classé monument naturel ;

- le permis de construire porte une atteinte disproportionnée aux règles d’urbanisme dès lors que la durée de trois ans qui a été prévue lors du dépôt du permis de construire précaire apparait injustifiée et disproportionnée au regard de l’atteinte portée au site classé ;



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- le permis de construire précaire est entaché d’illégalité dès lors que le terrain classé ne pourra pas être remis en état à l’issue de la durée prévue, alors que la ville de Paris n’est pas en mesure de prévoir les conséquences environnementales de ce projet qui est une expérimentation, que dans son avis, la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites de Paris

a fait part de ses doutes quant au terrain choisi et a souligné le risque de dégradation des arbres présents, qu’en dépit des engagements pris de n’abattre aucun arbre sur le site, de nombreux arbres l’ont été là où les modules doivent être installés, et qu’aucune étude permettant de conclure à l’absence de risque d’atteinte du terrain n’a été diligentée et n’est versée au dossier, permettant de s’assurer que l’obligation de remise en état du terrain pourra être respectée à

l’issue du délai de trois ans ;

- le projet de construction ne revêt pas un caractère exceptionnel et le motif d’intérêt général pour lequel le Conseil de Paris a voté en faveur du projet manque de transparence.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2017 et le 15 juin 2017, la ville de

Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise

à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir des requérants dès lors qu’ils se prévalent de leur qualité de « propriétaires ou locataires des biens se situant à proximité du projet » sans en apporter la preuve et individualiser les situations, et que les risques qu’ils invoquent sont infondés ;

- la procédure de l’article L. 341-10 du code de l’environnement a été respectée dès lors que la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites s’est réunie le 27 novembre 2015 et qu’a été porté à sa connaissance un rapport de l’architecte des Bâtiments de France et un rapport de l’inspecteur des sites qui, s’ils ont pu apporter des précisions sur leur appréciation en sollicitant à terme une renaturation du terrain, ne se sont pas opposés au projet ; à

l’issue de la séance du 27 novembre 2015, la commission a rendu un avis favorable au projet qui

a été soumis au ministre chargé de l’écologie, lequel a ensuite décidé de donner une autorisation au visa de laquelle a pu être délivré le permis de construire à titre précaire ;

- la méconnaissance de la Charte du Bois de Boulogne ne peut être utilement invoquée dès lors qu’il s’agit d’un simple document co-signé par plusieurs personnes publiques qui est dépourvu de valeur normative ;

- il n’y a pas d’erreur manifeste d’appréciation quant au statut de l’allée des

Fortifications qui se situe dans le site classé, mais en lisière de celui-ci et est séparée du reste du Bois de Boulogne par le boulevard périphérique ; l’incompatibilité d’un projet avec un site classé ne peut être retenue que si ce projet affecte des portions consistantes du site en cause et en

l’espèce, l’emprise domaniale servant d’assiette au projet, d’une longueur de 200 mètres, est particulièrement réduite par rapport à l’étendue du site classé du Bois de Boulogne et le projet assure une bonne insertion architecturale et paysagère ;

- la durée pour laquelle le centre d’hébergement d’urgence a été autorisé n’est pas excessive et le caractère provisoire de la construction est assuré par son caractère aisément réversible ;

- la remise en état du site est prévue et parfaitement réalisable dès lors que le mode de construction repose sur des préfabriqués déposés sur des plots et raccordements en surface, sans fondation, avec un enlèvement très rapide et le dossier de demande de permis ne prévoit la destruction d’aucun arbre ;

- le caractère exceptionnel du projet est suffisamment établi pour justifier l’octroi d’un permis de construire précaire dès lors que le centre d’hébergement provisoire est justifié par un



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impérieux motif d’ordre social qui résulte du nombre insuffisant de places d’hébergement à Paris pour les personnes sans-abri ;

Par des mémoires enregistrés le 8 février 2017 et le 14 mars 2017, l’association Aurore, représentée par Me Q R et le cabinet Versini-Campinchi-Merveille-Colin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des requérants la somme de 1 500 euros.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les requérants sont dépourvus d’intérêt à agir en tant qu’ils ne sont pas voisins immédiats du projet puisque les constructions sont situées au moins à 57 mètres et que les nuisances sonores ainsi que l’insécurité qui découleraient de la fréquentation du centre dont ils se prévalent, ne proviennent pas de « la construction, l’aménagement ou les travaux » autorisés par le permis querellé ;

- les dispositions de la Charte du Bois de Boulogne sont inopposables en droit du permis de construire ;

- les avis de l’architecte des Bâtiments de France et de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites de Paris ont bien été obtenus conformément à l’article R. 425-17 du code de l’urbanisme et ils ne lient pas l’autorité ;

- le moyen tiré de ce qu’une erreur manifeste d’appréciation quant au statut de l’allée des Fortifications aurait été commise doit être écarté dès lors que les requérants n’établissent pas que la construction ne permettrait pas au classement du site de conserver son objet en tant que la circulation piétonne reste parfaitement possible sur les trottoirs, que la circulation des cycles non motorisés est détournée et ainsi n’est pas entravée, que l’assiette de la construction est exclusivement sur la chaussée, si bien que seule la circulation automobile est modifiée par le projet et que cette assiette est extrêmement limitée ;

- le moyen tiré de l’atteinte disproportionnée aux règles d’urbanisme manque en fait dès lors que le permis est précaire et qu’il ne peut donc pas compromettre irrémédiablement l’aspect et l’état des sols ainsi que des arbres, qu’il a été démontré que seule la circulation automobile, qui était très faible, et le stationnement sont modifiés par la position du centre et ce pour une durée limitée de trois ans et qu’aucun arbre n’a été coupé ;

- le moyen tiré de ce que la ville ne serait pas en mesure de garantir qu’il sera satisfait à l’obligation de remettre le terrain en l’état à l’issu du délai est inopérant dès lors qu’il ne concerne pas la légalité du permis de construire ;

- le moyen tiré de l’absence de caractère exceptionnel et nécessaire du projet manque en fait dès lors que le manque de places d’hébergement des personnes et des familles précaires est largement établi.

Par ordonnance du 6 juillet 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 6 juillet 2017.

Les parties ont été informées le 17 octobre 2018, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence du préfet de la région Ile-de-France préfet de Paris pour signer le permis de construire, celui-ci devant être délivré par le maire de Paris.

Les requérants et l’association Aurore ont produit des observations, enregistrées le 26 octobre 2018, sur le moyen d’ordre public relevé d’office par le tribunal.



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Le préfet de Paris a produit, le 2 novembre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.

La ville de Paris a produit, le 26 novembre 2018, des observations en réponse au moyen d’ordre public.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code l’environnement ;

- le code de la voirie routière ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la construction et de l’habitation ;

- le code de l’action sociale et des familles ;

- le règlement du plan local d’urbanisme de la ville de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme S-T,

- les conclusions de M. Gauchard , rapporteur public,

- les observations de Me Sageloli représentant le syndicat de copropriété des immeubles Walter et autres et de Me O, représentant la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne et autres,

- les observations de Mme P pour le préfet de la région Ile-de France, préfet de Paris, Me Froger pour la ville de Paris, et Me R pour l’association Aurore.

Des notes en délibéré, présentées dans chacune des requêtes par la ville de Paris, ont été enregistrées le 17 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 18 mars 2016, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a délivré à l’association Aurore un permis de construire à titre précaire pour la réalisation d’un centre d’hébergement d’urgence sur l’allée des Fortifications du Bois de Boulogne. Par les présentes requêtes, le syndicat de copropriété des immeubles Walter et autres, la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne et autres, Mme H. et autres et M. D. et autres demandent à titre principal l’annulation de l’arrêté du 18 mars 2016.

2. Les requêtes visées ci-dessus, dirigées contre la même décision, présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.



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Sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Paris, le préfet de la région Ile-de-

France, préfet de Paris, et l’association Aurore  :

3. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. » .

4. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant, le cas échéant, les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de

l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de

l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

5. D’une part, M. T. justifie résider au […], dans un immeuble faisant face au Bois de Boulogne, de l’autre côté de l’avenue, et avoir une vue directe sur celui-ci. Il se prévaut en outre des atteintes visuelles et sonores générées de jour comme de nuit, par l’installation d’un centre d’hébergement provisoire de 200 places et de ce que la fermeture de la portion de l’allée des Fortifications dédiée au projet augmentera la circulation et la pollution sur l'[…]. M. M. justifie résider au […], dans un immeuble faisant face au Bois de Boulogne, de l’autre côté de

l’avenue, et avoir une vue directe sur les installations, dont il soutient en outre qu’elles vont entraîner une modification sensible des lieux notamment parce qu’elles sont situées sur une allée qui devait être libre de toute construction. Mme H. justifie résider au […]

Maunoury, dans un immeuble faisant face au Bois de Boulogne, de l’autre côté de l’avenue, et avoir une vue directe sur celui-ci. Elle se prévaut en outre des atteintes visuelles et des conséquences de voisinage engendrées par la construction en litige, qui la prive de plus de facilités de circulation et de stationnement sur l’allée des Fortifications. M. D., dont il n’est pas contesté qu’il habite au […], fait valoir qu’il réside dans un immeuble faisant face au Bois de Boulogne, de l’autre côté de l’avenue, et qu’il a une vue directe sur celui-ci. Il se prévaut en outre de ce qu’il subira des nuisances sonores du fait des allées et venues des bénéficiaires du projet et des risques de regroupement aux abords des modules, de ce que les conditions de sécurité aux abords de son logement sont modifiées et que les risques d’insécurité seront accrus. Ces riverains apportent ainsi des éléments suffisants pour justifier

d’une atteinte résultant du projet litigieux susceptible d’affecter directement les conditions de jouissance du bien dont ils sont propriétaires ou occupants. Dès lors, les fins de non-recevoir



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tirées de ce qu’ils ne présenteraient pas un intérêt suffisant leur donnant qualité pour agir à l’encontre du permis de construire contesté doivent être écartées.

6. D’autre part, dans l’hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l’un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu’il puisse, au vu d’un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions. M. T., M. M., Mme H. et M. D. étant recevables à agir, ainsi qu’il a été dit au point précédent, les fins de non-recevoir opposées en défense aux conclusions des requêtes en tant qu’elles sont présentées par d’autres requérants sont sans incidence sur la recevabilité de ces requêtes.

Sur les conclusions aux fins d’annulation de l’accord du ministre chargé des sites en date du 25 janvier 2016 présentées dans la requête n°1604898 :

7. Aux termes de l’article L. 341-10 du code de l’environnement, qui a repris les termes de l’article 12 de la loi du 2 mai 1930 : « (…) les sites classés ne peuvent ni être détruits ni être modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale ». En vertu de l’article R. 425- 17 du code de l’urbanisme, lorsqu’un projet de construction est situé dans un site classé, la décision prise sur la demande de permis de construire ne peut intervenir qu’avec l’accord exprès prévu par l’article L. 341-10 du code de l’environnement, lequel est donné par le ministre chargé des sites, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

8. Lorsque la délivrance d’une autorisation administrative est subordonnée à l’accord préalable d’une autre autorité, le refus d’un tel accord, qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours. Il en résulte que les conclusions tendant à l’annulation de l’accord du ministre chargé des sites en date du 25 janvier 2016 ne peuvent qu’être rejetées. Toutefois, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, être invoqués devant le juge saisi de cette décision. Les requérants, par suite, doivent être regardés comme ayant soulevé, à l’encontre du permis litigieux, des moyens tirés de l’illégalité de l’accord du ministre chargé des sites.

Sur les conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté du 18 mars 2016 :

En ce qui concerne le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte :

9. En vertu des dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme, dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme, le maire est compétent pour délivrer, au nom de la commune, un permis de construire ou d’aménager. Par exception, l’article L. 422-2, dans sa rédaction applicable, dispose que l’autorité administrative de l’Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur « (…) a) Les travaux, constructions et installations réalisés pour le compte (…) de l’Etat, de ses établissements publics et concessionnaires ; (…) e) Les logements construits par des sociétés de construction dans lesquelles l’Etat détient la majorité du capital ; (…) ».

10. D’une part, le projet litigieux ne saurait relever des dispositions précitées du e) de l’article L. 422-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable, dès lors que l’association



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Aurore à laquelle le permis de construire à titre précaire a été délivré ne constitue pas une société dans laquelle l’Etat détient la majorité du capital.

11. D’autre part, il résulte des dispositions combinées du a) de l’article L. 422-2 et du a) de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme que le préfet est notamment compétent pour délivrer le permis de construire lorsque la construction envisagée est réalisée pour le compte de l’Etat. La notion de réalisation pour le compte de l’Etat, au sens de ces dispositions, comprend toute demande d’autorisation d’utilisation du sol qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice par celui-ci de ses compétences au titre d’une mission de service public qui lui est impartie et à l’accomplissement de laquelle le législateur a entendu que la commune ne puisse faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis.

12. Il ressort des pièces du dossier, notamment du Pacte parisien de lutte contre la grande exclusion, produit par les défendeurs, que le permis de construire attaqué porte sur un projet qui s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec l’Etat, mais dont il est indiqué qu’il est « impulsé par le maire de Paris ». Il résulte également de l’exposé des motifs de la délibération du conseil de Paris des 14, 15, 16 et 17 décembre 2015 autorisant le maire de Paris à signer avec l’association Aurore un contrat d’occupation du domaine public en vue de l’implantation d’un hébergement provisoire que, si « L’Etat a demandé à l’association Aurore d’être le maître de l’ouvrage», le projet résulte d’une «volonté » municipale d’ « expérimenter de nouvelles approches pour l’hébergement », d'« exploiter les parcelles et terrains provisoirement délaissés ou disponibles y compris sur l’espace public (…) qui seraient suffisamment vastes pour accueillir des structures modulaires préfabriquées. » et que « Pour cette première expérimentation, il est apparu qu’une implantation Allée des Fortifications … présente l’avantage d’une emprise libre déjà viabilisée, où le trafic automobile est très réduit… ».

13. Dans ces conditions, le permis de construire litigieux ne peut être regardé, ni comme étant pris à l’initiative du préfet de Paris, ni comme relatif à un projet à l’accomplissement duquel la ville de Paris pouvait faire obstacle en raison des buts d’intérêt général poursuivis. Par suite, il y a lieu d’accueillir le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de déclassement préalable de la voie publique :

14. D’une part, aux termes de l’article E2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique./ Aucun droit d’aucune nature ne peut être consenti s’il fait obstacle au respect de cette affectation. ». D’autre part, aux termes de l’article E111-1 du code de la voirie routière : « Le domaine public routier comprend l’ensemble des biens du domaine public de l’Etat, des départements et des communes affecté aux besoins de la circulation terrestre(…) » et aux termes de L. 141-3 du même code : « Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal.(…)/ les délibérations concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d’enquête publique préalable sauf lorsque l’opération envisagée a pour conséquence de porter atteinte aux fonctions de desserte ou de circulation assurées par la voie. (…) ».



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15. En premier lieu, l’arrêté attaqué délivre un permis de construire précaire pour l’implantation d’un centre d’hébergement provisoire sur l’allée des Fortifications. Il ressort des documents graphiques du Plan local d’urbanisme de la ville de Paris que cette allée est bordée du côté de l’avenue Maunoury par une zone classée « Urbaine Verte » et du côté du bois par une zone classée « Naturelle et Forestière », ces deux zones étant situées dans l’espace boisé classé du Bois de Boulogne affecté à la promenade, et donc non constructibles. L’allée des Fortifications, d’une largeur d’environ 12 mètres, est bitumée et affectée à la circulation automobile, cycliste et piétonne et au stationnement. Par suite, il est constant qu’elle appartient au domaine public viaire, et ne constitue pas, dès lors, un espace constructible.

16. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les constructions prévues occupent, sur une section de l’allée des Fortifications, entre la porte de Passy et le square des Ecrivains Combattants, la largeur de la voie, la ferment par une clôture et en interdisent l’utilisation pour la durée du projet aux véhicules automobiles, aux cyclistes, la piste cyclable existante étant supprimée, et aux piétons, un cheminement étant créé dans le bois. En outre l’arrêté préfectoral prévoit que le bénéficiaire, à l’issue de cette période, se conformera à la prescription du ministre chargé des sites prévoyant sa « renaturation avec un projet paysager », ce qui entraînera la désaffectation définitive, au moins de cette partie de la voie.

17. Il résulte des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques et du code de la voirie routière que le préfet de Paris ne pouvait se borner à un simple changement d’affectation de l’allée des Fortifications, mais était tenu de faire procéder préalablement à une opération de déclassement, dès lors que la partie de la voie concernée par le permis de construire devait être affectée définitivement à un autre usage que la circulation publique, et alors qu’elle demeure comprise dans le domaine public du Bois de Boulogne.

18. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que l’arrêté attaqué a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière et à en demander l’annulation.

En ce qui concerne le moyen tiré de l’absence de mention, dans l’arrêté attaqué, des dérogations aux règles d’utilisation des sols et leur justification :

19. Aux termes de l’article L. 433-1 du code de l’urbanisme : « Une construction n’entrant pas dans le champ d’application de l’article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l’article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. / Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l’ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre.

». Aux termes de l’article L. 421-5 du même code : « Un décret en Conseil d’Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / a) De leur très faible importance ; / b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l’usage auquel ils sont destinés.(…) » et aux termes des dispositions de l’article L. 421-6 du même code : « Le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords et s’ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d’utilité publique.(…) ». Enfin, aux termes des dispositions de l’article L. 424-3 de ce code : « Lorsque la décision rejette la demande ou s’oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. Cette motivation doit



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indiquer l’intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d’opposition, notamment l’ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives ou réglementaires mentionnées à l’article E421-6. /Il en est de même lorsqu’elle est assortie de prescriptions, oppose un sursis à statuer ou comporte une dérogation ou une adaptation mineure aux règles d’urbanisme applicables. » .

20. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu’une autorisation délivrée à titre précaire, pour une construction qui n’est pas dispensée de toute formalité en application du code de l’urbanisme et qui ne satisfait pas aux exigences fixées par l’article L. 421-6 de ce code est, de par sa nature même, délivrée à titre dérogatoire aux règles d’urbanisme applicables. Une telle décision doit dès lors être motivée en application de l’article E424-3 précité du même code.

A ce titre, il incombe à l’autorité compétente, après avoir rappelé que la construction entre dans le champ d’application du permis de construire, d’indiquer précisément dans sa décision, d’une part, les règles mentionnées à l’article E421-6 du code de l’urbanisme auxquelles le projet ne satisfait pas, et d’autre part, les motifs qui, en fonction des circonstances ou de la nature du projet, justifient que, à titre exceptionnel, il soit dérogé à ces mêmes règles.

21. Les requérants soutiennent que, si le préfet a mentionné, dans l’arrêté attaqué, le motif général d’urgence sociale justifiant qu’il soit dérogé aux règles d’urbanisme, les seules dérogations énoncées dans l’arrêté contesté, concernant l’interdiction générale de construction en surplomb des voies, ainsi que les articles UG.12. 3 du Plan local d’urbanisme de Paris sur

l’obligation de locaux pour vélos et poussettes et U.G12.1 sur la réalisation d’aires de stationnement pour véhicules à moteur, d’autres dérogations à la règlementation applicable ne figurent pas dans l’arrêté. Il ressort en effet de l’arrêté attaqué que ne sont pas visés la dérogation à la compétence de la ville, gestionnaire du Bois de Boulogne, aux règles de co- visibilité avec un immeuble classé, ainsi que les aménagements de la zone du projet prévus par un permis précaire, outre l’implantation des constructions sur une voie publique non déclassée affectée à la circulation, dans un site boisé classé non constructible affecté à la promenade et aux loisirs, pour un usage d’hébergement permanent.

22. Les défendeurs, qui ne contestent pas sérieusement les points sur lesquels l’arrêté constitue une dérogation aux règles d’urbanisme, se bornent à indiquer que ces dérogations sont justifiées par le caractère précaire du permis de construire, qui est prévu pour une durée de trois ans. Toutefois, ils ne mettent pas en doute le fait que toutes les dérogations aux règles d’utilisation du sol ne sont pas mentionnées dans l’arrêté délivrant le permis de construire. Il en résulte que le préfet de Paris a méconnu les dispositions précitées de l’article E424-3 du code de l’urbanisme, et a entaché l’arrêté d’illégalité à ce titre.

En ce qui concerne le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis porté par l’architecte des Bâtiments de France sur les immeubles protégés :

23. D’une part, aux termes de l’article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 9 juillet 2016 : « (…) Est considéré, pour l’application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument (…) » ; aux termes de l’article L. 621-31 du même code : « Lorsqu’un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucun déboisement, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect,



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sans une autorisation préalable. ». L’article L. 621-32 de ce code dispose que « I. ― Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d’aménager ou l’absence d’opposition à déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue au premier alinéa de l’article L. 621-31 si l’architecte des Bâtiments de France a donné son accord. (…) » . D’autre part, aux termes de l’article R. 425-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er avril 2017 : « Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d’un parc ou d’un jardin classé ou inscrit ayant fait l’objet d’un périmètre de protection délimité dans les conditions fixées à l’article L. 621-30 du code du patrimoine, ou porte sur un immeuble adossé à un immeuble classé au titre des monuments historiques, le permis de construire, le permis d’aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l’autorisation prévue à l’article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l’objet de l’accord de l’architecte des Bâtiments de France. ». La visibilité depuis le site bénéficiant de la protection du statut de monument historique s’apprécie à partir de tout point de cet immeuble normalement accessible, conformément à sa destination ou à son usage, et suffit à rendre applicable la procédure de l’article L. 621-31, dès lors que le projet est situé à moins de 500 mètres.

24. L’arrêté attaqué a été pris après les avis de l’architecte des Bâtiments de France émis les 1er décembre 2015 et 25 février 2016. Ces avis mentionnent que « le projet litigieux n’étant pas situé dans le champ de visibilité d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, les articles E621-30, E621-31, E621-32 du code du patrimoine et E425-1 et J425-2 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables. ». Toutefois les requérants soutiennent, sans être contredits, que les immeubles Walter, inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, sont situés en bordure du Bois de Boulogne à 230 mètres du site du projet. Il ressort également des pièces du dossier, et, en particulier, des photographies produites par les requérants, qu’il existe une co-visibilité entre le projet litigieux et les immeubles Walter, sans qu’y fassent obstacle les circonstances, invoquées en défense, que l’allée des Fortifications se situe en contrebas des immeubles Walter et que les bâtiments pourront être dissimulés par les massifs arborés présents sur la parcelle en pente qui borde cette allée.

25. Dès lors, il appartenait à l’architecte des Bâtiments de France de rechercher si la réalisation du projet était compatible avec les nécessités de la protection des immeubles Walter, et son accord ne pouvait être délivré qu’à l’issue de ce contrôle. Il suit de là que les requérants sont fondés à soutenir que les avis émis par l’architecte des Bâtiments de France sont entachés d’irrégularité et ne pouvaient valoir accord à la réalisation du projet au sens et pour l’application des articles précités. Ce vice a entaché d’illégalité l’arrêté litigieux.

26. Aux termes de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier. ». Aucun des autres moyens soulevés n’est susceptible, en l’état du dossier, de fonder l’annulation de l’arrêté attaqué.

Sur l’application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

27. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après



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avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations».

28. Il ne résulte pas de l’instruction que les vices tenant à l’incompétence de l’auteur de l’acte et au défaut de déclassement préalable de l’allée des Fortifications pourraient être régularisés avant l’expiration du permis litigieux, lequel a été délivré par un arrêté en date du 18 mars 2016 pour une durée de trois années. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Sur les frais liés au litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme globale de 1000 euros à verser au syndicat de copropriété des immeubles Walter et autres, la somme globale de 1000 euros à verser à la Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne et autres, la somme globale de 1000 euros à verser à Mme H. et autres et la somme globale de 1000 euros à verser à M. D. et autres au titre des frais qu’ils ont exposés dans la présente instance.

30. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la ville de Paris et de l’association Aurore tendant à ce que soient mises à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans l’instance, les sommes qu’elles demandent au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris du 18 mars 2016 est annulé.

Article 2 : l’Etat versera la somme globale de 1000 euros au syndicat de copropriété des immeubles Walter et autres, la somme globale de 1000 euros à la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne et autres, la somme globale de 1000 euros à Mme H. et autres et la somme globale de 1000 euros à M. D. et autres.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes et les conclusions de la ville de Paris et de l’Association Aurore tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié :

- au syndicat de copropriété des immeubles Walter, représenté par son syndic GTF, au syndicat de copropriété du […], représenté par son syndic AX Stouls, à la SCI Vertolix, à M. A. et à M. T.,

- à la Coordination pour la sauvegarde du Bois de Boulogne, à l’association des riverains du Bois de Boulogne, à l’association XVIème Demain et à M. M.

- à l’association des amis et voisins du Ranelagh, à Mme A à Mme H.,

- à M. D., à Mme C., à Mme L., à Mme S., à M. G., à Mme P., à M. et Mme E., à M. R., à M. N., à M. B., à Mme O., et à Mme K.,



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- à la ville de Paris, au préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris et à

l’Association Aurore.

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Tribunal administratif de Paris, 28 décembre 2018, n° 1604796 ; 1604898 ; 1607744 ; 1607745