Tribunal de commerce de Bayonne, 13 mai 2013, n° 2012003129

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Sur la décision

Référence :
T. com. Bayonne, 13 mai 2013, n° 2012003129
Juridiction : Tribunal de commerce de Bayonne
Numéro(s) : 2012003129

Texte intégral

NUMERO D’INSCRIPTION AU REPERTOIRE GENERAL : 2012 003129

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE

JUGEMENT DU 13/05/2013

La cause a été entendue à l’audience du 11/03/2013 à laquelle siégeaient :

Président : Monsieur Patrick PHILIBERT Juges : Monsieur Christian ROCHEREAU Monsieur Pierre LAFARGUE

assistés du Greffier d’audience : Maître SALAGOITY

après quoi les Président et juges en ont délibéré pour rendre ce jour la présente décision dont les parties ont été avisées de la date du prononcé par mise à disposition au Greffe :

ENTRE DEMANDEUR ($) : S.E.E MAYTE SAUVEUR ET FILS (SARL) MAISON ESKERRAINIA 64220 ST D LE VIEUX REPRESENTANT ($) : MAITRE X Y ET DEFENDEURS (S) : GRAND SALOIR SAINT NICOLAS (SAS) 49, AVENUE D’IENA […] ($) : Me Pascale DEMOLY, loco Me Isabelle UHALDEBORDE-SALANNE

Frais de greffe compris dans les dépens (Art 701 du CPC) : 67,60 € HT, 13,25 € TVA, 80,85 € TTC

Copie exécutoire envoyée le 13/05/2013 à MAITRE X Y Copie exécutoire envoyée le 13/05/2013 à Me Pascale DEMOLY, loco Me Isabelle UHALDEBORDE-SALANNE

ROLE 2012 003129

Par acte introductif d’instance de la SCP KARSENTI-PERES & PEREÈS, huissier(s) de justice à PARIS en date du 3 juillet 2012 remis à personne habilitée,

— la société MAYTE SAUVEUR ET FILS (SEE) à ST D LE VIEUX (64220) a fait donner assignation à :

— la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS (SAS) à PARIS (75116) aux fins de comparaître devant le Tribunal de Commerce de Bayonne pour s’entendre et voir :

Vu l’article 1382 du Code Civil ;

Vu les articles L.121-1, L.217-1 et L.213-1 du Code de la Consommation;

— - Constater que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaires en fabriquant et commercialisant sous la dénomination « Pavé Basque » des saucissons constituant la reproduction du produit original créé par la société MAYTE SAUVEUR ET FILS, de même qu’en adoptant une présentation similaire à celle de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS est susceptible de créer ou de renforcer le risque de confusion;

— - Constater que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS s’est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en commercialisant son produit sous la dénomination « Pavé Basque» en l’absence de tout rattachement du produit à la région considérée, cette référence de surcroît à nouveau susceptible de renforcer la confusion avec le produit authentique de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS

— - Condamner la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS au paiement d’une somme de 80.000 € en réparation du préjudice matériel subi par la société MAYTE SAUVEUR ET FILS;

— - Condamner la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS au paiement d’une somme de 50.000 € en réparation du préjudice moral subi à raison des mêmes actes et des pratiques commerciales trompeuses perpétrées à son préjudice ;

— - Ordonner la cessation sous astreinte de toute commercialisation de saucisson imitant le produit conçu par la société MAYTE SAUVEUR ET FILS et de tous matériels de commercialisation ou de publicité similaires à ceux utilisés par la société MAYTE SAUVEUR ET FILS (caissettes de 6 agrémentées d’un fronton) ;

— - Plus généralement, interdire à la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS toute référence au terme «Basque» ainsi qu’aux couleurs et symboles emblématiques de cette région pour commercialiser un produit ne présentant aucun rattachement avec le Département des Pyrénées Atlantiques;

— - Ordonner la publication du jugement à intervenir par extrait dans deux journaux au choix de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS, et aux frais de la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS, sans que cette insertion puisse dépasser la somme de 6.000 € à la charge de la défenderesse;

— - Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir;

Condamner la défenderesse à verser à la société MAYTE SAUVEUR ET FILS une somme de 10.000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile; Et condamner la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS aux entiers dépens.

Par conclusions en défense, la société GRAND SALOIR ST NICOLAS demande au Tribunal de :

Vu les articles L. 211-10 à L. 211-11-1 et D 211-6-1 du code de l’ organisation judiciaire et Annexe tableau VI, Vu l’article 92 du code de procédure civil,

Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Subsidiairement

Se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Bordeaux

Encore plus subsidiairement,

se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Commerce de PARIS

Subsidiairement,

Dire et juger que les demandes en pratiques commerciales trompeuses de la société S.E.E. MAYTE SAUVEUR ET FILS sont mal fondées;

Dire et juger que la société S.E.E. MAYTE SAUVEUR ET FILS ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice;

Débouter en conséquence la société S.E.E. MAYTE SAUVEUR ET FILS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

La débouter notamment de ses demandes tendant à voir interdire à la concluante la commercialisation d’un saucisson rond sans peau

Donner acte à la concluante de ce qu’elle est disposée à changer l’étiquette de son produit de façon à ce que celle-ci ne comporte plus aucun élément emblématique de la région basque, produit qui sera désormais appelé «le Pavé recette basque»

Dite et juger que le projet d’étiquette présenté au tribunal est exempt de toute tromperie sur l’origine et les caractéristiques du produit.

Dire et juger que la société MAYTE SAUVEUR ET FILS s’est rendue coupable de faits de concurrence déloyale au sens de l’article 1382 du code civil en dénigrant sa concurrente Condamner la société MAYTE SAUVEUR ET FILS à payer à la société GRAND SALOIR ST NICOLAS une somme de 10 000 € en réparation de son préjudice.

Condamner la société MAYTE SAUVEUR ET FILS, à publier en page d’accueil de son site en intégralité ou par extrait, au choix de la requérante, le jugement à intervenir et ce dès signification du jugement à intervenir pendant une période de six mois, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard.

Condamner la société S.E.E. MAYTE SAUVEUR ET FILS à payer à la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, Condamner la société S.E.E. MAYTE SAUVEUR ET FILS en tous les dépens

Après 4 renvois l’affaire est venue à l’audience du 11 mars 2013 où elle a été plaidée et mise en délibéré.

LES FAITS

Il n’est pas contesté que :

La société MAYTE SAUVEUR ET FILS est une société familiale implantée dans le pays basque à SAINT D LE VIEUX (64), créée en 1993, afin de reprendre une tradition et un savoir-faire familial ancestral d’élevage et d’élaboration de produits de salaison basques remontant à 1885. Elle a pour activité la confection de charcuteries, de conserves et de produits divers de salaison basques positionnés « haut de gamme», dont un produit phare consistant en un saucisson présentant des caractéristiques bien particulières (forme de disque, évoquant ainsi un béret basque; l’absence totale de peau) mis sur le marché à partir de 2003 et diffusé à partir 2005.

La forme du saucisson a fait l’objet d’un dépôt de modèle auprès de l’INPI le 17 mai 2005 et deux marques : « Saucisson Béret» enregistrée à l’INPI le 31 janvier 2008 sous le numéro 3 553 287 en classe 29 pour désigner des «charcuteries» et des « salaisons » et « Boneta », variante basque de la précédente, enregistrée à l’INPI le 21 août 2009 sous le numéro 3 637085 en classe 29 pour désigner des « charcuteries, saucissons et saucisses ».

— - La Société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS, qui a pour nom commercial Loste Tradi-France, est une filiale du groupe CA Traiteur & Salaisons spécialisé dans la fabrication de produits traiteurs et de charcuterie fine haut de gamme. Elle commercialise, toute une gamme de saucissons secs aux formes les plus variées sous la marque « Loste ».

— - En 2012, elle a eu l’intention de commercialiser un saucisson rond sous la dénomination « BERET BASQUE » et y a renoncé au profit de « LE PAVE BASQUE», suite à mise en demeure du Conseil de la société MAYTE daté du 13 avril 2012, du fait que cette dénomination de saucisson en forme de disque porterait atteinte, d’une part, à sa marque française SAUCISSON BERET et à ses droits d’auteur datant de 2005.

— - La société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS commercialise elle-même depuis de nombreuses années et antérieurement à 2005 des saucissons de formes rondes ou carrées, tels que les saucissons «LE LOSTOURON» ou « CARRE CAMEMBERT».

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’appui de son assignation Maître X Y du Barreau de BORDEAUX, pour la société MAYTE SAUVEUR ET FILS expose :

Sur l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse:

L’assignation a été délivrée le 3 juillet 2012. Ce n’est que la semaine précédent l’audience de plaidoirie, que la défenderesse a soulevé pour la première fois, l’incompétence du Tribunal de céans au profit du TGI de Bordeaux au motif que les termes «distinctif », « innovant» ou « original» constitueraient des termes utilisés dans le domaine du droit Or ces termes avant tout du langage courant et d’autre part la société MARYTE SAUVEUR n’invoque à l’appui de ses demandes aucun droit de propriété intellectuelle. Elle se fonde exclusivement fondée sur des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice par la société GRAND SALOIR, question relevant de la compétence du Tribunal de Commerce de Bayonne.

A l’inverse, la jurisprudence isolée, que la société GRAND SALOIR tente artificiellement et tardivement de plaquer sur le présent litige, est à l’évidence inapplicable. L’arrêt rendu le 20 juillet 2007 dans l’affaire ELLE ET VIRE / LACTALIS a retenu l’incompétence du Tribunal de Commerce pour statuer sur la demande en concurrence déloyale qui lui était présentée au motif, tout à fait spécifique, que la forme du produit était également déposée à titre de marque tridimensionnelle, de sorte qu’interdire l’usage de la forme du produit revenait à interdire également l’usage de la marque déposée par le défendeur, ce que le Tribunal de Commerce ne peut évidemment pas faire.

Dans le cas présent Le Tribunal n’a donc aucune appréciation à porter sur une question de droit d’auteur ou de modèle puisque ce droit n’est pas invoqué et que le grief est celui de concurrence déloyale, indépendant de tout droit de Propriété Intellectuelle. Les demandes étant exclusivement des demandes fondées sur les articles 1382 du Code Civil et L.121-1 du Code de la Consommation, demandes dont il n’est pas contestable qu’elles relèvent de la compétence du Tribunal de Commerce lorsqu’elles sont formulées entre commerçants, ce qui est le cas.

Le risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre « LE BERET» ET « LE PAVE

BASQUE)»

L’article l a, alinéa 3 de la Convention d’Union de Paris pour la protection de la Propriété Industrielle donne comme premier exemple d’actes interdits au titre de la concurrence déloyale « tous faits quelconques de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle d’un concurrent ». Le fait de créer, ne fût-ce par imprudence ou négligence, une confusion ou un risque de confusion avec l’entreprise d’un concurrent ou avec ses produits ou services constitue un acte de concurrence déloyale : L’originalité peut être un des facteurs d’appréciation du risque de confusion, mais elle n’est pas le seul. Dans le cas présent le risque de confusion est indiscutable,

L’antériorité de la commercialisation du «Béret» par la société MAYTE . Son projet de saucisson sans peau dont la forme évoque celle d’un béret basque a débuté dès l’année 2003 par la création et la conception d’une forme originale de saucisson. La société GRAND SALOIR, pour sa part, n’a mis son saucisson sur le marché qu’en 2012.

L’intensité de la notoriété et de la reconnaissance du saucisson « Le Béret» auprès du public est démontrée. « Le Béret» est le produit phare de la société MAYTE SAUVEUR lui permet de se distinguer de ses concurrents et illustre à la fois tout son savoir-faire artisanal et traditionnel et sa capacité d’innovation, ainsi que le démontrent les attestations de clients versées aux débats. Ce produit est également mis en avant par la presse locale ainsi que certains sites web spécialisés dans le tourisme au Pays Basque. Il bénéficie donc d’une notoriété importante auprès de la clientèle et se rattache directement, dans l’esprit du public, au savoir-faire authentique et artisanal de la société MARYTE SAUVEUR.

Ses traits originaux et distinctifs : son nom, sa forme, évocatrice d’un béret basque, son absence de peau, son conditionnement publicitaires ont été délibérément imités par GRAND SALOIR afin d’entretenir la confusion dans l’esprit de la clientèle et de tirer ainsi profit de la notoriété du produit MAYTE SAUVEUR.

Pour tenter d’atténuer sa responsabilité au titre de cette atteinte flagrante aux droits de la société MAYTE SAUVEUR, la défenderesse prétend qu’elle n’aurait jamais commercialisé de produit sous le nom « Béret Basque » bien qu’ayant commencé à le faire. Même à le supposer les diverses attestations versées aux débats démontrent sans contestation possible qu’un représentant commercial de la société GRAND SALOIR a démarché la clientèle avec un produit similaire au « Béret» et présenté sous la même dénomination:

Que la société GRAND SALOIR ait pris la précaution de ne pas faire figurer ou de faire disparaître ce terme de son site internet ne prouve rien à cet égard puisque le catalogue interactif en ligne est le catalogue 2011 et que le produit précisément n’y figure pas !

Les arguments de la défenderesse ne sont pas pertinents : Ainsi 1) le fait que le béret basque ne fait pas partie des produits les plus vendus sur le site internet du demandeur est hors de propos car ce n’est pas le volume de vente qui qualifie un produit de produit phare, 2) Le saucisson Boneta composé de piment d’Espelette qui est une variante du béret basque) figure, précisément, parmi les «coups de cœur» sur le site internet de la société MAYTE SAUVEUR 3) si d’autres sociétés commercialisent des saucissons aux formes similaires, nombre de ces produits sont très largement postérieurs à celui en litige et ne remettent pas en cause l’originalité d’un produit conçu en 2003. Ils sont également dotés d’une identité régionale forte et donc n’engendrent aucun risque de confusion avec ce dernier. En outre la plupart n’ont pas une forme de disque.

Sur les 12 produits cités, seuls trois saucissons proviendraient du pays-basque : Le Galet de l’Adour, le Saucisson rond Pilota et le […]. Seuls les saucissons «Petricorena» et « Chailla » sont en proches du produit MAYTE SAUVEUR, et pour cause ces sociétés étaient, toutes deux clientes de la société MAYTE SAUVEUR !

4) La société GRAND SALOIR argue du fait que les deux saucissons n’auraient pas exactement les mêmes dimensions, et les mêmes contours. Mais la jurisprudence admet la concurrence déloyale en l’absence d’une copie servile de produits. La seule imitation du caractère original ou de l’apparence du produit suffit. Un consommateur moyennement attentif qui n’aurait pas les deux produits simultanément sous les yeux pourrait facilement confondre les deux produits.

La presse locale s’est d’ailleurs fait écho de la ressemblance flagrante entre les deux produits.

La présence d’une étiquette n’est pas suffisante pour lever la ressemblance puisque certains revendeurs enlèvent celle-ci et qu’elle même accroît la confusion en mettant en avant divers symboles du Pays Basque,

L’absence de peau de « Le Béret» est un critère associé au produit commercialisé par la société MAYTE SAUVEUR et repris par la société GRAND SALOIR

Sachant que les poids sont les mêmes, la société GRAND SALOIR est la seule à reproduire, toutes ces caractéristiques.

Enfin l’imitation du support publicitaire est répréhensible sur le terrain de la concurrence déloyale ce qui est le cas :

D’un coté une panière dotée d’une paroi verticale rouge brique évoquant un fronton et agrémentée d’inscriptions en rouge, vert et blanc, dans laquelle les saucissons sont présentés par 6 de l’autre une

caissette dont le couvercle se transforme en une paroi verticale évoquant un fronton, utilisant les mêmes couleurs rouge, vert et blanc, pour présenter ses produits, conditionnement prévu pour présenter, précisément, 6 saucissons. La différence de matière importe peu en ce sens où c’est l’imitation de l’apparence générale du produit qui compte.

Les actes de parasitisme Le parasitisme consiste à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de

ses efforts et de son savoir-faire. Ainsi selon la Cour d’Appel de Paris : « Même à défaut de copie servile, du moment que l’imitation d’un produit concurrent a permis XX d’économiser des frais de coûteuses études de marché sur le goût des consommateurs et leur besoin ainsi que des investissements conséquents et de placer un article à même d’être tout de suite bien accueilli, de tels agissements sont constitutifs d’un comportement parasitaire de concurrence déloyale »,

La société GRAND SALOIR a tiré délibérément profit des efforts et des investissements substantiels (287.320 € HT, d’innovation réalisés par la société MARYTE SAUVEUR qui lui ont permis d’obtenir la reconnaissance par la presse et ses clients d’un savoir-faire et une notoriété du produit.

En outre elle a déposé auprès de la société OSEO un dossier de demande d’aide liée à son programme d’innovation dont l’objet était le développement d’un nouveau produit original de salaison: « Le Béret ». L’aide lui a été accordée. Le devis du programme d’innovation (joint au contrat OSEO) révèle que 50.292 € ont été investis en les frais de personnel, des frais généraux et d’achat, des frais d’innovation (design, laboratoires,) et dans la sous-traitance.

Le tableau global des investissements (joint au dossier OSEO) montre que les investissements réalisés et spécifiquement affectés au projet du « Béret» représentent une somme totale de 81. 957 €. De fait en avril 2011, la société MARYTE SAUVEUR s’est vue récompensée par la remise d’un oscar de créativité et d’innovation, remis par la Chambre régionale des métiers et par le Conseil régional.

Les investissements ont été faits pour l’extension et de modernisation des locaux de production pour élargir sa gamme de charcuterie de salaisons. Des aides ont été octroyées cet effet par le Conseil Régional, le FEADER et le Conseil Général. La convention conclue cite le montant prévisionnel total de l’opération, soit 633.442, 52 € HT.

Les pratiques commerciales trompeuses Il est de manière constante, qu’une action en concurrence déloyale peut être intentée par le concurrent

du commerçant qui a diffusé une publicité trompeuse pour le consommateur ou une information tronquée. (Cass. 1°° Civ., 27 nov. 2008, n° 07-15.066) Or la société GRAND SALOIR entretient une confusion quant à l’origine basque de son produit, origine avec laquelle elle n’a aucun lien : son siège est à Paris et ses principaux établissements en Bretagne, en Aveyron et en Provence.

Rien ne justifie donc qu’elle présente son produit en le rattachant au Pays Basque, de surcroît en mettant particulièrement l’accent sur cette référence, qui figure en gros caractères sur son présentoir, tandis que le terme « Pavé» figure en petit caractère, sauf à vouloir accentuer la confusion avec le produit de son concurrent authentiquement basque et à se prévaloir, sans droit, de la notoriété associée de longue date aux salaisons basques. Non sans cynisme, la société GRAND SALOIR revendique expressément « L’authenticité» (sic) de son produit, mettant l’accent dans le cadre de ses documents publicitaires sur cette origine et présentant son produit à la vente dans une caissette aux couleurs basques (rouge, blanc et vert), agrémentée d’inscriptions rédigées dans une police de type «basque », et faisant appel aux symboles emblématiques du Pays-Basque (pelotari, croix basque, … ) alors que le produit est sans lien aucun avec la région considérée. Or il a été jugé que: « Le commerçant qui orchestre une promotion publicitaire tendant à induire en erreur le consommateur sur la nature ou la qualité du produit se rend coupable d’une manœuvre de concurrence déloyale (…)» (CAParis, Ch.4, JurisData n° 2011-014195)

Afin de contester le caractère trompeur de son produit, la défenderesse cite deux jurisprudences citées à l’appui des conclusions adverses ne sont absolument pas transposables au cas d’espèce. En effet le terme « Laguiole» est un terme générique désignant un couteau et sans lien aucun aux yeux du consommateur avec la commune portant ce nom, qui est au demeurant peu connue du grand public. Alors que le terme «basque» est bien identifié à une région géographique, dotée de surcroît d’une

identité régionale forte et parfaitement connue du public. Dans le cas présent, le produit revendique une origine géographique qu’il ne possède pas. La tromperie est donc établie.

Quant à la présence du piment d’Espelette (0,18 % !!) cela ne peut déterminer l’origine et l’authenticité d’un produit ne dépendent que du procédé de fabrication ou par son lieu de fabrication. Selon la jurisprudence rendue au visa de l’article L 121-1 du Code de la consommation le simple fait d’abuser le consommateur quant à l’origine du produit suffit pour caractériser le caractère trompeur, peu importe que le secteur géographique soit un signe d’identification juridiquement protégé ou non. En rattachant son produit au Pays Basque, la société défenderesse cherche à l’évidence à tirer profit de l’aura attachée par le consommateur à cette région et à ses produits de salaisons.

Sur la proposition de modification formulée in extremis par la société GRAND SALOIR

La société propose au Tribunal, 24 heures avant l’audience, de modifier l’étiquette de son produit en supprimant les éléments d’iconographie basque et en remplaçant la désignation « pavé basque» par celle de « pavé recette basque» admettant ainsi le bien fondé des reproches qui lui sont faits. C’est donc bien que le mot « basque» injustifié de son étiquette fait vendre et lui permet de se placer dans le sillage du produit similaire authentiquement basque de la société MAYTE SAUVEUR ;

Cette proposition est irrecevable car il n’existe aucune « recette basque» du saucisson.

Dans des circonstances en tous points similaires, la CA de Paris conclut que de tels agissements constituent des pratiques commerciales trompeuses réprimées par l’article L.121-1 du Code de Commerce et des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société dont le produit est lui authentiquement élaboré au lieu indiqué.

Le Tribunal prononcera donc l’interdiction d’usage de tout éléments faisant référence à l’iconographie et aux couleurs emblématiques du Pays-Basque et tout usage du terme « basque» ou de toute mention du type «Recette basque », «formule basque» ou toute mention similaire sur les conditionnements, étiquettes, plaquettes de présentation et tout document commercial ou publicitaire, y compris sur les sites internet se rapportant au produit «Pavé» de la société GRAND SALOIR.

Sur le préjudice subi par la société MARYIE SAUVEUR Le préjudice subi par la société MAYTE SAUVEUR doit être évalué en prenant en compte le manque

à gagner résultant des actes de concurrence déloyale perpétrés lequel est difficile à établir, précisément, en l’absence de tous éléments relatifs à la commercialisation exacte par la société GRAND SALOIR. De jurisprudence constante « le préjudice s’infère des actes de concurrence déloyale ». Ici il peut être évalué à 80.000 € car il comprend: Un préjudice d’image et de réputation et un ralentissement de l’évolution du chiffre d’affaires de l’année 2011 à l’année 2012.

Le «Pavé Basque» a été mis sur le marché au cours de l’année 2012 et s’est directement ressentie sur l’évolution du volume des ventes de la Société MARYTE SAUVEUR. Le CA de « Béret» et « Boneta » avait augmenté de 107, % de l’année 2010 à l’année 2011, est tombée à 10,5 % en 2012, faisant subir à la société un manque à gagner. Il est aussi remarquable que les clients professionnels de la société MARYTE SAUVEUR subissent les mêmes conséquences du parasitisme

En réponse, la société GRAND SALOIR prétend 1) que l’indemnisation ne saurait être égale au manque à gagner. Or, vu l’article 1382 du Code Civil, le préjudice est bien égal, en vertu d’une jurisprudence constante, à la perte subie et au gain manqué. 2) que d’autres facteurs sont intervenus. Mais la capacité de production a été augmentée. Et si le marché était saturé la société MAYTE SAUVEUR aurait pu substituer ses propres ventes à celles de la société GRAND SALOIR.

Le préjudice moral La Cour de Cassation vient de poser en principe que, rien ne s’oppose à ce qu’une personne morale

subisse un préjudice et obtienne une réparation pécuniaire à ce titre. (Cass. Com., 15 mai 2012, n? 11- 10.278). Dans le cas présent il justifie l’allocation d’une somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ainsi causé.

La cessation du trouble

Pour prévenir le renouvellement du dommage concurrentiel en interdisant la poursuite de l’activité délictueuse, le juge peut ordonner toute mesure qu’il estime nécessaire afin que cessent les manœuvres déloyales l’assortir d’astreinte pour la rendre efficace.

À titre de réparation complémentaire, cette sanction pour contribuer à la réparation du préjudice subi, d’ordonner la publication par extrait du jugement à intervenir au sein de deux publications au choix de la société MARYTE SAUVEUR et aux frais avancés de la société GRAND SALOIR, sans que le coût global de cette insertion puisse excéder, à la charge de la défenderesse, 10.000 € HT.

Sur la demande reconventionnelle en dénigrement Sur le grief fait à la société MARYTE SAUVEUR de la présence sur son blog d’un lien qui, sous

l’intitulé « copie non conforme» dirige sur le site du Journal Sud-Ouest sur un article du 28 octobre 2013 se faisant l’écho du litige entre les parties, il y a lieu de souligner que ledit lien se borne à rediriger sur l’article en cause, émanant d’un tiers, sans commentaire et que le journaliste, auteur de cet article, fait état de ce qu’il a, en vain, essayé de prendre contact avec la société LOSTE pour obtenir sa version des faits et que celle-ci s’est obstinément refusée à lui donner quelque élément d’information; La défenderesse ne saurait imputer à faute à la société MARYTE SAUVEUR un article dont elle n’est pas l’auteur. Les jurisprudences qu’elle cite sont inapplicables à s’appliquer à un article d’information établi par un journaliste indépendant qui a manifestement souhaité réaliser son enquête en toute impartialité, ce que l’attitude de la société LOSTE ne lui a pas permis.

Le dénigrement exige une volonté de nuire et une intention malveillante qui font, à l’évidence, défaut en l’espèce.

Délivrer une information exacte dans des termes mesurés ne constitue pas un dénigrement.

En défense, Maître Pascale DEMOLY, Avocat au Barreau de PARIS, loco la SCP GARDERA, pour la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS réplique :

in limine litis sur l’incompétence du tribunal de commerce Abandonnant toutes les demandes visées dans son courrier du 13 avril 2012 sur l’atteinte à de

prétendus droits d’auteur et a fortiori, de marque, la société MAYTE SAUVEUR prétend changer totalement de stratégie et choisi désormais d’agir en concurrence déloyale et en parasitisme. Or depuis la loi du 4 août 2008 (Journal Officiel 5 Aout 2008), l’ensemble du contentieux de la propriété intellectuelle relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance (COJ, art. L. 211- 4) : actions civiles et demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, les droits d’auteur, les droits voisins et les droits des producteurs de bases de données

Dans ses conclusions signifiées le 17 décembre 2012, la société MAYTE SAUVEUR reproche à la concluante d’avoir copié la forme d’un saucisson qu’elle prétend «original et distinctif» et verse aux débats un dessin et modèle qu’elle dit être relatif au saucisson « Béret basque ». Confondant par les caractères « distinctif» ou « innovant» de son saucisson, les notions de droit des marques, avec le droit des brevets elle cite plusieurs fois son « originalité» ce qui constitue clairement une référence à un des critères de protection au titre des droits d’auteur. De fait sa mise en demeure précise le 13 avril 2012 : « la fabrication de saucissons reproduisant les caractéristiques de la création de notre cliente constitue des actes de contrefaçon de droits d’auteur»

Or, dans une affaire semblable la cour de cassation a jugé (arrêt du 20 février 2007) «(…) ; que c’est à bon droit que la cour d’appel, qui n’a pas méconnu l’objet du litige, a retenu que l’action de la société LBF mettait la juridiction saisie dans l’obligation d’apprécier la contrefaçon ou l’imitation d’un produit protégé par un dépôt de marque, action relevant de la compétence du tribunal de grande instance; que le moyen n’est pas fondé »

La doctrine est unanime : «c’est le tribunal de grande instance qui doit être saisi. Point final» (Pr Z A, «Maquiller un contentieux de contrefaçon en contentieux de concurrence déloyale» par B C),

La transposition de la doctrine aux droits d’auteur et à la présente espèce conduit à dire que "Il arrive que, en présence de droits d’auteurs, il soit néanmoins plus prudent de ne se fonder que sur la concurrence déloyale, voire sur le parasitisme, pour sanctionner une copie illicite. C’est le cas lorsque le droit d’auteur peut apparaître comme faiblement original. Dans ce dernier cas, une action fondée sur le droit d’auteur exposerait le demandeur à une action reconventionnelle en absence de protection au titre des droits d’auteur pour défaut d’originalité, ce qui illustrerait, à son préjudice, le gag de l’arroseur arrosé. C’est pourquoi il est alors plus sage de se fonder sur le droit commun pour

caractériser une imitation fautive susceptible de provoquer un risque de confusion. Dans ce cas de figure, le présent arrêt souligne que c’est le tribunal de grande instance qui est compétent»

En effet, la seule reproduction de la forme du saucisson sera fautive en cas de protection au titre des droits d’auteur.

En l’absence de toute protection à ce titre, la seule reproduction de cette forme sera insuffisante à caractériser la concurrence déloyale qui nécessite l’existence d’un fait distinct. Le tribunal sera donc amené en tout état de cause, à apprécier le bénéfice d’une protection au titre des droits d’auteur et/ou des dessins et modèles.

Concernant ce dernier, la société MAYE SAUVEUR déclare aujourd’hui au tribunal que ce droit d’auteur n’a pas été renouvelé: mais alors pour quelle raison l’a-t-elle versé aux débats ? Soit la société MAYTE SAUVEUR reconnaît que la forme de son produit n’est susceptible d’aucune protection au titre des droits d’auteur et des dessins et modèle et le tribunal pourra examiner l’éventualité d’une faute distincte de la seule copie du produit, soit elle considère avoir des droits de propriété intellectuelle sur cette forme et il n’appartient pas au tribunal de céans d’examiner la légitimité de ces droits.

Or, la société MAYTE SAUVEUR se contente dans ses écritures de prétendre que le mot « original» est invoqué dans son sens courant et non juridique mais elle ne dit à aucun moment qu’à ce jour et contrairement à ce qu’elle alléguait au début du litige, le saucisson n’est pas protégeable au titre des droits d’auteur.

Ainsi, les demandes de la société MAYTE SAUVEUR concernant la prétendue « copie» de la forme de son saucisson qu’elle considère comme « original» n’est manifestement pas un fait distinct de la copie d’une œuvre protégeable par le droits d’auteur.

Le tribunal ne pourra donc que se déclarer incompétent au profit du TGI de Bordeaux

Si les exceptions doivent être soulevées in limine litis, il est de jurisprudence constante que devant les juridictions dont la procédure est orale, ce qui est le cas, celles-ci peuvent être invoquées à l’audience. (Cas, .civ 10- 2009)

Par ailleurs, la révélation des fondements réels de l’action de la société MAYTE SAUVEUR résultant de ses dernières écritures, la concluante est fondée et donc recevable à solliciter du tribunal de se déclarer incompétent.

Sur l’absence d’actes de concurrence déloyale Depuis la loi Le Chapelier de 1791, la liberté du commerce et de l’industrie est la règle, la concurrence

déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce. Un produit sans droit de propriété intellectuelle peut être reproduit, en l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit.

La société MAYTE SAUVEUR se contente de prétendre à une confusion volontaire par une dénomination similaire à sa marque déposée puis reproche à sa concurrente de commercialiser un saucisson de forme similaire et de caractéristiques identiques aux siens et enfin d’utiliser un matériel publicitaire similaire à celui qu’elle a adopté.

La société MAYTE SAUVEUR commercialise une gamme variée de produits de charcuterie dont toute une gamme de saucissons, aux formes diverses et n’a pas le monopole sur un saucisson en forme de disque et sans peau. Ainsi, le public n’identifie nullement les saucissons de la société MAYTE SAUVEUR en raison de leur forme de disque. L’oscar Croc’Viande, qui lui a été remis en 2011 pour son saucisson béret, ne démontre pas le caractère original de sa forme mais plus celui de son «affinage particulier».

Un lien dans l’esprit des consommateurs entre la forme de disque du saucisson et les produits de la société MAYTE SAUVEUR est d’autant moins probable qu’une douzaine de sociétés, (pièce 07) commercialisent des saucissons aux formes similaires dont certains proviennent d’autres régions de France. La défenderesse commercialise elle-même depuis de nombreuses années et avant 2005 des saucissons aux formes rondes ou carrés, telles que Le Lostouron, le Carré d’Auvergne et le Carré Camembert

Elle commercialise aujourd’hui toute une gamme de saucissons aux formes les plus diverses:

Une confusion ne saurait davantage résulter d’un poids similaire, (250 grammes) lequel est un poids courant. Concernant la forme en « disque », cette forme ronde est répandue chez diverses sociétés depuis de nombreuses années, de sorte qu’elle ne fait pas penser aux produits de la société MAYTE SAUVEUR : les droits qu’elle revendique sont des plus flous. Elle tente de faire croire qu’elle aurait

commercialisé son saucisson « béret» en 2005 mais ne produit qu’un dépôt de dessin et modèle le 17 mai 2005 et un dépôt de marque « Le Béret» le 31 janvier 2008 auprès de l’INPI De fait ses saucissons semblent avoir été commercialisés bien plus tard, en 2011 vu l’article relatif à l’Oscar Croc Viande bien que la société MAYTE soutient désormais que son produit aurait été mis sur le marché à partir de 2003 alors que dès sa mise en demeure il aurait été conçu en 2005.

Sur la prétendue notoriété du saucisson « Le Béret» auprès du public : La société MAYTE SAUVEUR, pour en justifier, elle ne verse aux débats deux attestations de clients, dont les affirmations ne sont étayées par aucune pièce justificative, et qui été établies pour les besoins de la cause. L’avis deux clients ne peuvent justifier de sa notoriété, pas plus qu’un article de presse du 28 octobre 2012, sur la présente procédure à l’initiative de la société MAYTE et en tout cas de retentissement local.

Un avis accessible sur le site Internet touristique du Petit futé sur la charcuterie MAYTE SAUVEUR fait état de «Jeur fameux béret basque » mais cet avis daté de 2012 n’apparaît uniquement que par une recherche sur la ville de Saint D Le Vieux, et révèle au contraire que d’autres produits sont promus au moins autant que le saucisson.

Force est de constater que la société MAYTE SAUVEUR ne rapporte pas la preuve de la notoriété de son saucisson «Le Béret» auprès de la clientèle sur le territoire français.

Sur l’absence de commercialisation du produit litigieux sous la dénomination « BERET BASQUE» : Aucun produit n’a effectivement été commercialisé sous cette appellation auprès du public. Les attestations produites aux débats par MAYTE ne démontrent pas que le produit litigieux a été commercialisé auprès des consommateurs sous la dénomination «BERET BASQUE » puisque le produit n’a figuré dans aucun des catalogues, ni aucun document de communication externe de la société défenderesse sous cette dénomination. La société défenderesse renoncé au projet d’user de cette dénomination bien avant tout mise sur le marché du fait du courrier du Conseil de la société MAYTE du 13 avril 2012.

L’usage d’une forme de disque et d’absence de peau pour un saucisson n’est pas l’apanage de la société MAYTE qui n’est sur ce marché qu’un intervenant parmi d’autres. D’ailleurs elle se garde de revendiquer un droit d’auteur sur une création qu’elle prétend comme «originale», alors même qu’elle fondait ses demandes sur la contrefaçon de droits d’auteur dans sa mise en demeure du 13 avril 2012. La société GRAND SALOIR a déjà par le passé et avant 2005 commercialisé des saucissons dotés de cette caractéristique, et notamment le « CARRE CAMEMBERT». En tout état de cause et surtout, le groupe CA Traiteur & Salaisons, dont la société GRAND SALOIR est une filiale, dispose d’un brevet « procédé de fabrication de saucisson et saucisson ainsi obtenu» n° 97 13 609 déposé le 22 octobre 1997 et publié le 23 avril 1999, qui lui a été cédé par la société CA HOLDING par contrat en date du 21 juin 2004.

Sur les différences entre les produits et entre les présentations commerciales en cause – Le Saucisson Béret commercialisé par MAYTE SAUVEUR et le Pavé basque commercialisé par le

GRAND SALOIR sont de formes différentes : le premier aux contours irréguliers, le second de la forme d’un fromage tel qu’un camembert, au contour parfaitement rond et aux côtés plats. Une confusion entre les deux produits est d’autant moins probable que figure sur le saucisson l’étiquette au nom commercial LOSTE, notoirement connu qui apparaît très clairement. Si des revendeurs enlèvent l’étiquette du produit incriminé cela ne saurait engager la responsabilité de la concluante.

— Les caractéristiques revendiquées par la société MAYTE SAUVEUR sont les suivantes : une panière dotée d’une paroi verticale évoquant un fronton, dans laquelle les saucissons sont présentés par 6, une couleur « rouge brique », «des inscriptions en rouge, vert et blanc ». Mais elle ne justifie pas commercialiser ses produits dans le conditionnement et ne saurait s’approprier le bénéfice de la couleur « rouge brique», depuis longtemps couleur des produits LOSTE. De plus contrairement à sa panière, la caissette de la société concluante se ferme et ne peut contenir plus de 6 pièces.

Ensuite, il s’agit d’une panière en rotin pour la société MAYTE SAUVEUR alors qu’il s’agit d’une caissette en bois déroulé pour la société GRAND SALOIR, de sorte que leur apparence est totalement distincte.

Sur l’absence de parasitisme La notion de parasitisme suppose une notoriété du produit et nécessite de démontrer la réalisation

d’investissements substantiels pour la création et la promotion du produit invoqué. Or la notoriété de son saucisson n’est pas établie, comme il a été démontré précédemment. Concernant les investissements, le programme d’innovation et de développement du «béret» a été évalué à hauteur de 287 320 € par la société MAYTE SAUVEUR, et non pas par OSEO, selon ses propres devis très estimatifs. En outre le programme présenté par la société MAYTE à OSEO n’est pas spécifique au «Béret». Le montant des investissements projetés propres au « béret » s’élève à 13 500, et non 81 957 € comme l’indique la demanderesse. Les investissements liés au projet d’extension et de modernisation des locaux de production en réalité ne concernent pas le saucisson «le Béret» spécifiquement. Concernant le prix pratiqué par la société GRAND SALOIR (qui ne constitue pas une faute en vertu du principe de la libre concurrence ) le prix indiqué du produit incriminé à 7 €, soit 1 € moins cher que le produit MAYTE SAUVEUR, ce qui ne saurait être considéré comme abusivement bas ou de vil prix.

Sur l’absence de pratiques commerciales trompeuses La référence à un lieu géographique n’est pas ipso facto considérée comme trompant le public sur la

provenance du produit. La société MAYTE SAUVEUR reproche à la société GRAND SALOIR d’avoir rattaché son produit au Pays Basque en ayant mis l’accent sur cette origine dans le cadre de ses documents publicitaires.

Le terme « pavé» n’est pas écrit en petits caractères par rapport au terme « basque » sur l’étiquette et la marque LOSTE, apparaît en caractères plus importants et en majuscule, sur fond blanc en haut de l’étiquette.

De fait s’il est fait usage de certaines références au Pays Basque pour la commercialisation du Pavé, c’est parce que celui-ci contient du piment d’Espelette, comme clairement indiqué sur l’étiquette du produit. Or, le piment d’Espelette est un élément d’identification de la cuisine basque et son faible pourcentage s’explique par ses qualités gustatives intrinsèques.

La société MAYTE ne peut s’attribuer un monopole sur le terme « basque» ni sur les éléments faisant référence au Pays Basque tels qu’une figure de pelotari ou les couleurs rouge et verte et l’alphabet basque.

Le terme «basque» n’est pas un signe d’identification de la qualité et de l’origine (label rouge, appellation d’origine contrôlée, igp ou spécialité traditionnelle garantie, mention « agriculture biologique ») ni ne bénéficie d’un certificat de conformité, dont l’utilisation frauduleuse serait sanctionnée.

Au vu de l’ensemble des raisons qui précèdent, la société MAYTE SAUVEUR sera déboutée de ses demandes sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses. Ceci étant, et dans une volonté d’apaisement, la société concluante a décidé de modifier l’étiquette du produit , supprimant tous les joueurs de pelotari et la croix basque et utilisant la mention « recette basque» qui n’indique manifestement pas une origine. La nouvelle étiquette est exempte de tout caractère trompeur quant à l’origine du produit.

Sur l’absence de préjudice subi par la société MAYTE SAUVEUR Les demandes d’indemnités de plus de 130.000 € formées par MAYTE SAUVEUR sont fantaisistes et

abusives.

Le préjudice de la société MAYTE SAUVEUR ne peut pas être évalué en prenant en compte le manque à gagner, comme elle le prétend du fait que la société GRAND SALOIR serait responsable de l’évolution de son chiffre d’affaires ou de cinq de ses clients mais n’en justifie pas le lien de causalité entre la baisse de son CA avec lesdits clients et les faits reprochés à la concluante. Il ressort en outre que les ventes liées à ces produits sont toujours en progression pour la société MAYTE SAUVEUR, même si elles ralentissent. Un ralentissement de la progression du chiffre de vente d’un produit peut avoir plusieurs origines naturelles hormis même la situation actuelle de crise. Lorsque le marché est totalement couvert, la progression se ralentit naturellement.

Le préjudice « d’image et d’atteinte à sa réputation artisanale, de terroir et familiale» est affirmé sans preuve ni justification. Du point de vue des consommateurs, il existe de nombreux saucissons de forme plus ou moins similaire sur le marché, qui sont commercialisés par de nombreux opérateurs

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distincts. Le public ne peut opérer de rapprochement entre le saucisson de la société MAYTE SAUVEUR et celui de la concluante d’autant que le nom commercial LOSTE, est clairement indiqué. Sur le prétendu préjudice moral invoqué par la société MAYTE SAUVEUR

MAYTE ne prend même pas la peine d’apporter une quelconque justification de la somme qu’elle réclame à ce titre.

Cette demande n’est étayée par aucune pièce.

A titre reconventionnel: sur les actes de dénigrement de la société MAYTE SAUVEUR à l’encontre de la concluante

Nul n’est autorisé à accuser, de manière directe ou indirecte publiquement son concurrent de faits dont l’existence fait l’objet d’un procès en cours sous peine de s’exposer à une condamnation pour dénigrement au visa de l’article 1382 du code civil.

Ni le droit, ni la liberté de la presse ne permettent de livrer au public n’importe quelles informations. Les auteurs de la divulgation doivent répondre des fautes commises dans leurs communiqués en faisant état, dans un but de dénigrement évident, d’une décision de justice non encore devenue définitive

En l’espèce, la société MAYTE SAUVEUR avait mis en ligne et, ce dès le lendemain de sa diffusion, un article de presse paru dans le journal Sud-Ouest relatif à la présente instance. Les faits ont été constatés par Me E F huissier en date du 1" mars 2013 (pièce n°19) L’article de presse fait état de l’assignation délivrée par la société MAYTE SAUVEUR et contient des informations que le journaliste n’a manifestement pas pu obtenir autrement qu’en demandant à celle-ci de lui révéler les contenus de son dossier.

Or, la société MAYTE SAUVEUR a cru pouvoir non seulement mettre sur son site un lien renvoyant directement à l’article en question mais surtout mettre au-dessus de ce lien le titre « Copie non conforme» en très gros caractère et en gras.

L’article en question fait état de la réclamation de la société demanderesse concernant la marque, réclamation qui n’a pu faire l’objet d’une condamnation en justice, puisque pour couper court à toute discussion, la concluante a avant toute commercialisation, changé le nom de son produit.

L’intégralité de l’article est manifestement dicté par la demanderesse, la concluante n’ayant pas eu d’autre choix que d’indiquer au journaliste que la procédure étant en cours, elle ne pouvait répondre à ses questions ce qui est précisément ce qu’aurait dû faire la société MAYTE SAUVEUR.

Il est patent que le renvoi à cet article et surtout la mention « copie non conforme» accompagnant la publication ont pour but de nuire en dénigrant son produit, en portant atteinte à sa réputation; alors même qu’aucune décision n’est rendue. De tels agissements sont constitutifs d’une faute par dénigrement causant un préjudice à la concluante et à sa réputation.

Q

SUR CE LE TRIBUNAL, In limine litis – Sur la compétence du Tribunal :

Attendu que la société GRAND SALOIR a soulevé une exception d’incompétence matérielle de notre Tribunal ; que cette exception a été soulevée avant toute défense au fond et fin de non-recevoir, qu’elle est motivée et désigne la juridiction civile de BORDEAUX qui, selon elle est compétente ;

Qu’il importe peu que cette exception ait été soulevée tardivement au niveau des échanges de conclusions, par nature évolutives, faites entre les parties avant la présente audience puisque seules les dernières sont présentées au tribunal de céans dont la procédure est orale ; qu’il est de jurisprudence constante que, dans ce cas, les exceptions peuvent être invoquées à l’audience ;

Que sur audience la société GRAND SALOIR a subsidiairement soulevé une exception d’incompétence territoriale de notre Tribunal, qu’elle est motivée et désigne la juridiction Commerciale de PARIS qui, selon elle est compétente ;

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Que pour les mêmes raisons cette seconde exception, comme la première, sera déclarée par le Tribunal, recevable dans sa forme ;

Attendu que la demande d’exception matérielle repose sur les termes de la mise en demeure adressée par la société MAYTE SAUVEUR à la défenderesse le 13 avril 2012 où est fait état des articles L. 713-3 et L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dont les litiges relèvent exclusivement, de par l’article L. 331-1 du même code « des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire » « y compris lorsque (les actions civiles) portent également sur une question connexe de concurrence déloyale » ;

Que cependant l’assignation introductive d’instance, et les conclusions subséquentes, délaissant toutes références à la propriété intellectuelle précitée sont entièrement fondées en droit, sur l’article L. 221-1 du Code de la consommation, lequel servent de supports aux litiges de concurrence déloyale entre commerçant et sur les articles 1182 et 1183 du code civil, lesquels forment le droit commun qui sanctionne le parasitisme ;

Que le dépôt de modèle de saucisson obtenu par la société MAYTE SAUVEUR auprès de l’INPI le 17 mai 2005 étant périmé puisque obtenu depuis plus de 5 années, ne peut plus être utilisé à ce titre, ainsi que le reconnaît elle -même la société MAYTE SAUVEUR;

Que de plus les moyens de fait et les demandes de la société requérante ne concernent et ne traitent pas de propriété ou de droit à l’image mais de la caractérisation « d’actes de concurrence déloyale et parasitaires » par création volontaire de confusion dans l’esprit des clients sur les caractéristiques et la présentation des saucissons de son concurrent la société GRAND SALOIR, ainsi que de "pratiques commerciales trompeuses de cette dernière qui commercialise son produit sous la dénomination «Pavé Basque», et ceci en l’absence de tout rattachement du produit à la région considérée" ;

Que dès lors le litige introduit et argumenté par la société MAYTE SAUVEUR ne concerne pas un acte civil mais un acte commerçant et à ce titre relève de la juridiction commerciale ;

Attendu en second lieu que la compétence territoriale est de droit commun attribuée au tribunal du lieu où le défendeur à son domicile, ou son siège social en cas de personne morale ; que cependant l’article 46 du CPC offre une option de compétence qui permet à la victime – la société MAYTE SAUVEUR – de saisir, outre la juridiction du domicile du défendeur, celle du lieu où le fait dommageable a été commis et celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, en l’occurrence le Tribunal de commerce de BAYONNE ;

Que dès lors la société MAYTE SAUVEUR est dans les deux cas fondée à choisir le tribunal de céans ;

En conséquence, le Tribunal déboutera la société GRAND SALOIR de ses demandes de renvois soit au TGI de BORDEAUX soit au TC de PARIS, et se déclarera compétent.

Sur les manœuvres de concurrence déloyales de la société GRAND SALOIR :

Sur le risque de confusion dans l’esprit de la clientèle entre « LE BERET» ET « LE PAVE

BASQUE» Attendu que la société MAYTE SAUVEUR soutient essentiellement que les traits originaux et

distinctifs de son saucisson : son nom, sa forme, évocatrice d’un béret basque, son absence de peau, son conditionnement publicitaire ont été délibérément imités par la société GRAND SALOIR afin

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d’entretenir la confusion dans l’esprit de la clientèle et de tirer ainsi profit de la notoriété du produit MAYTE SAUVEUR ;

Que s’il est vrai que le saucisson le Béret commercialisé par MAYTE SAUVEUR et le saucisson Le pavé basque commercialisé par le GRAND SALOIR ont approximativement les mêmes caractéristiques de forme, d’absence de peau, de poids et par là se distinguent des saucissons présentés sous la forme allongée habituelle, pour autant l’utilisation de ces caractéristiques n’est pas en soit répréhensible en matière de libre concurrence, tant qu’elles n’induisent pas un risque de confusion entre les produits ;

Que de fait, d’autres saucissons de formes non allongées et sans peau sont déjà présents sur le marché ainsi que l’indique la société GRAND SALOIR, ce que reconnaît la société MAYTE SAUVEUR tout en précisant que « Ils sont également dotés d’une identité régionale forte et donc n’engendrent aucun risque de confusion (…) » ;

Qu’il est donc établi que le Béret commercialisé par MAYTE SAUVEUR n’a à aucun titre l’exclusivité commerciale des caractéristiques précitées ;

Que la société GRAND SALOIR est donc en droit de commercialiser un saucisson plat sans peau et ceci d’autant plus qu’elle dispose par le groupe CA Traiteur & Salaisons, dont elle est la filiale, d’un brevet « procédé de fabrication de saucisson et saucisson ainsi obtenu» n° 97 13 609 déposé le 22 octobre 1997 et publié le 23 avril 1999, qui lui a été cédé par la société CA HOLDING par contrat en date du 21 juin 2004 ; Que GRAND SALOIR a de ce fait commercialisé avant 2005 des saucissons ayant cette caractéristique, et notamment le « CARRE CAMEMBERT» ;

Attendu que concernant le point décisif en matière de concurrence qu’est le risque de confusion entre les deux pièces, le Tribunal a pu observer sur un échantillon de chaque saucisson et de chaque présentoir présentés à l’audience par les deux parties que :

— - Le Béret présente une forme bombée à base circulaire – rappelant la forme d’un béret – de couleur blanc-grise assez uniforme.

— - Le Pavé Basque présente une forme cylindrique franche, de même diamètre que le Béret mais significativement plus épaisse, – de la forme « camembert » – de couleur marbrée de zones contrastées blanches et brunes.

— - Le Béret est nu, le Pavé Basque est entouré diamétralement d’une large étiquette rouge portant le nom de LOSTE (Marque de GRAND SALOIR).

Que ces différences de forme et d’état de surface, c’est à dire d’apparence entre les deux produits – même en l’absence d’étiquette – sont suffisamment marquées pour garantir l’absence de toute confusion chez un consommateur qui souhaiterait en faire l’achat, et ce d’autant plus qu’il aurait déjà été familier de l’un des deux ;

Que les deux présentoirs sont classiquement constitués d’un réceptacle à fond plat muni d’un rabattant ; que celui du Béret est un panier en rotin tressé alors que celui du Pavé Basque est une caissette à couvercle en planchette pleine et de capacité plus réduite ; que ces caractéristiques physiques sont assez différentes pour ne pas prêter à confusion ; que les couleurs et décorations publicitaires dont il sera fait état plus loin ne prêtent pas non plus à confusion entre les produits disposés dans chaque présentoir ;

Qu’en conclusion il n’apparaît donc pas que la société GRAND SALOIR se soit rendue coupable

d’action déloyale par création de confusion ou de risque de confusion entre son produit et celui de la société MAYTE ;

Sur le parasitisme

Attendu que le parasitisme, qui est le détournement à son profit de la notoriété d’un concurrent,

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suppose une notoriété certaine et la mise en œuvre d’un moyen fautif pour la détourner, tel que l’acquisition frauduleuse d’un savoir faire ( par exemple par la débauche illicite de salariés), la création de confusion ou de copie servile au niveau des produits ;

Que la société MAYTE SAUVEUR, société familiale implantée dans le pays basque, créée en 1993, ne démontre pas qu’elle dispose à ce jour d’une notoriété importante, au-delà de l’attestation de deux clients et d’un oscar de créativité et d’innovation, remis par la Chambre régionale des métiers et par le Conseil régional ; qu’aucun élément n’est fourni au Tribunal sur sa zone géographique de chalandise ;

Que la société GRAND SALOIR dispose d’un savoir faire antérieur à la commercialisation du produit de la société MAYTE SAUVEUR ainsi que le montre le brevet déposé le 22 octobre 1997 dont elle dispose comme indiqué ci-avant ;

Que surtout la société MAYTE SAUVEUR n’apporte pas la preuve d’une faute commise par la société GRAND SALOIR puisque compte tenu de ce qui précède, le risque de confusion entre les produits des deux sociétés est inexistant ; que l’acceptation par la société GRAND SALOIR de ne pas commercialiser son saucisson sous le nom prévu initialement Béret Basque – afin de tenir compte de la contestation de la société MAYTE SAUVEUR qui à raison voyait là une source de confusion avec son propre produit – est une preuve de sa bonne foi ;

En conséquence, le Tribunal considérant que tant les produits en litige que leur mode de présentation ne présentent aucun risque de confusion au niveau du consommateur moyen, et que la société GRAND SALOIR n’a pas fait preuve de parasitisme, déboutera la société MAYTE SAUVEUR de sa demande de constater que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaires ainsi que de ses demandes tendant à la voir interdire la commercialisation d’un saucisson rond sans peau.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

Attendu que la société MAYTE SAUVEUR accuse la société GRAND SALOIR d’entretenir une confusion quant à l’origine basque de son produit, origine avec laquelle elle n’a aucun lien : son siège est à Paris et ses principaux établissements en Bretagne, en Aveyron et en Provence ;

Que il n’est pas contesté par la défenderesse que la viande de porc utilisée par elle ne provient pas des Pyrénées Atlantiques ; que la présence de piment d’Espelette dans la composition du saucisson, élément de saveur important, n’est malgré tout pas un gage de l’origine régionale des constituants principaux du saucisson ;

Que le nom du produit « Pavé Basque » caractérise l’intention de laisser croire qu’il provient de la région basque ; que d’autre part, tant la décoration publicitaire des présentoirs que les dessins de scènes rustiques de joueurs basques ou la croix basque figurant la caissette, attestent de la volonté de laisser croire là encore que le produit est issu de la région de Pyrénées Atlantiques ; Que cet effet est renforcé par la couleur rouge de l’ensemble, étant entendu que cette couleur est celle de la marque LOSTE et qu’elle est très fréquemment utilisée sur les étalages du fait de son pouvoir d’attraction visuelle ;

Qu’il y a donc volonté délibérée de tromperie non pas sur le produit mais sur la région d’origine du produit ;

Attendu que cette pratique trompeuse peut nuire globalement à tous le commerce régional de la charcuterie et non spécifiquement à la société MAYTE SAUVEUR ; que si l’absence de risque de confusion déjà établie ci-avant pour les deux produits « Béret » et « Pavé Basque » ne saurait être affectée par la tromperie sur l’origine territoriale du produit, il convient néanmoins de mettre fin à cette dernière ;

En conséquence le Tribunal :

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— dira que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS s’est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en commercialisant son produit sous la dénomination « Pavé Basque» en l’absence de tout rattachement du produit à la région considérée, et interdira à la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS toute référence au mot « Basque» ainsi qu’aux symboles emblématiques de cette région pour commercialiser un produit ne présentant aucun rattachement avec le Département des Pyrénées Atlantiques.

Et donc,

— Donnant acte à la société GRAND SALOIR de ce qu’elle est disposée à changer l’étiquette de son produit, rejettera la proposition du nouveau nom « Le Pavé recette basque », alors qu’il en aurait été autrement avec, par exemple, « Le Pavé au piment d’Espelette », conforme à la réalité.

Sur le prétendu préjudice commercial invoqué par la société MAYTE SAUVEUR

Attendu que le Tribunal a conclu à l’absence d’actes de concurrence déloyale et parasitaires de la part de la société GRAND SALOIR à l’encontre de la société MAYTE SAUVEUR ; que la tromperie sur la région d’origine n’affecte pas spécifiquement la société MAYTE SAUVEUR ; que la stagnation des résultats économiques de la société MAYTE SAUVEUR et de ceux de ses clients professionnels ont donc d’autres causes qui peuvent être d’une part la conjoncture économique générale de Région et d’autre part l’influence normale de la part de marché acquise selon les règles de libre concurrence par la société GRAND SALOIR ;

En conséquence le Tribunal déboutera la société MAYTE SAUVEUR de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral ainsi que de sa demande de publication du présent jugement par extrait dans deux journaux au choix de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS

Sur la demande reconventionnelle de la société GRAND SALOIR en dénigrement

Attendu que la société GRAND SALOIR assimile à un acte de dénigrement la présence le Blog de la demanderesse d’un lien qui, sous l’intitulé « copie non conforme» dirige sur le site du Journal Sud- Ouest sur un article du 28 octobre 2012 – et donc postérieurement à l’assignation introductive de la présente instance – faisant état de la réclamation par MAYTE SAUVEUR sur l’utilisation de la marque Béret Basque, alors que pour couper court à toute discussion, la défenderesse avait, avant toute commercialisation, changé le nom de son produit en Pavé Basque ;

Qu’ainsi que le montre le constat d’huissier du 1° mars 2013 mandaté par la défenderesse, l’intitulé « copie non conforme» formant le titre du lien dirigeant sur l’article du Sud Ouest n’est pas plus mis en exergue que les autres titres de la rubrique « 'Le Petit Futé parle de nous » ;

Que l’article du journaliste est rédigé en faveur de la société locale (MAYTE SAUVEUR) mais indique bien ne pas disposer des arguments de la société GRAND SALOIR, puisqu’il précise « Compte tenu de la procédure en cours, la société Loste n’a pas souhaité répondre à nos multiples sollicitations » ;

Que bien que publié pendant le déroulement de la présente instance l’article est centré sur un aspect secondaire du litige en ce qu’il traite de l’appellation Béret Basque et non du Pavé Basque ;

Qu’il apparaît au Tribunal que le lien du Blog vise plus à profiter du succès de la réclamation faite par

MAYTE SAUVEUR auprès de son concurrent qui a retiré l’appellation Béret Basque, et mettre ses propres produits en valeur, qu’à « dénigrer » ceux de la société GRAND SALOIR ;

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En conséquence le Tribunal, jugeant que la société MAYTE SAUVEUR ET FILS ne s’est pas rendue coupable concurrence déloyale envers sa concurrente, déboutera la société GRAND SALOIR de ses demandes de condamnation au paiement d’une somme de 10.000 € en réparation d’un préjudice allégué et à la publication en page d’accueil de son site du présent jugement.

Attendu que pour faire reconnaître ses droits, la société MAYTE SAUVEUR a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, il y aura lieu de condamner la société GRAND SALOIR à lui régler la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Attendu que la société GRAND SALOIR succombe, elle sera condamnée aux entiers dépens ; Attendu que vu la nature de l’affaire, le tribunal jugera l’exécution provisoire nécessaire. PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Vu les articles L.121-1, L.217-1 et L.213-1 du Code de la Consommation; Vu l’article 1382 du Code Civil ;

Reçoit les parties en leurs demandes, fins et conclusions,

Déclare recevables dans leur forme les exceptions d’incompétence matérielle et territoriales soulevées par la société GRAND SALOIR,

Déboute la société GRAND SALOIR de ses demandes de renvois soit au TGI de BORDEAUX soit au TC de PARIS, comme étant non fondées,

Se déclare compétent,

Juge que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS ne s’est pas rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaires ,

Déboute la société MAYTE SAUVEUR ET FILS de ses demandes d’interdire à la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS la commercialisation d’un saucisson rond sans peau.

Dit que la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS s’est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en commercialisant son produit sous la dénomination « Pavé Basque» en l’absence de tout rattachement du produit à la région considérée,

Interdit à la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS toute référence au mot « Basque» ainsi qu’aux symboles emblématiques de cette région pour commercialiser un produit ne présentant aucun rattachement avec le Département des Pyrénées Atlantiques,

Rejette la proposition de la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS de nouveau nom « le Pavé recette basque »,

Déboute la société MAYTE SAUVEUR ET FILS de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral,

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Déboute la société MAYTE SAUVEUR ET FILS sa demande de publication du présent jugement par extrait dans deux journaux,

Déboute la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS de sa demande de condamnation de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS au paiement d’une somme de 10.000 €,

Déboute la société GRAND SALOIR de sa demande de condamnation de la société MAYTE SAUVEUR ET FILS à la publication en page d’accueil de son site du présent jugement,

Condamne la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS au paiement à la société MAYTE SAUVEUR ET FILS la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société GRAND SALOIR SAINT NICOLAS aux entiers dépens, dont les frais de Greffe,

Ainsi jugé et prononcé

Suivent les signatures :

— Monsieur Patrick PHILIBERT, Président

— Maître SALAGOITY, Greffier

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Tribunal de commerce de Bayonne, 13 mai 2013, n° 2012003129