Tribunal de commerce de Paris, 19ème chambre, 18 octobre 2017, n° 2016064825

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 19e ch., 18 oct. 2017, n° 2016064825
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2016064825

Texte intégral

Copie exécutoire :

REPUBLIQUE FRANCAISE

Copie aux demandeurs : 2 Copie aux défendeurs : 2

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 19EME CHAMBRE

JUGEMENT PRONONCE LE 18/10/2017 : par sa mise à disposition au Greffe

9 RG 2016064825

ENTRE :

Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances, dont le siège social est […], élisant domicile à la DGCCRF, politiques de la concurrence et de la consommation, Télédoc 252 – […]

Partie demanderesse : assistée de Mme Y Z et M. C D Mandataires […]

ET :

SA MR X, dont le siège social est 1 rue Montaigne 45380 La Chapelle-Saint- Mesmin – RCS B 3480033473

Partie défenderesse : assistée de Me Selinsky Avocat et comparant par Me Delay- Peuch Nicole Avocat (A377)

APRES EN AVOIR DELIBERE Faits :

SA MR X est une entreprise spécialisée dans le commerce de produits de X ; elle dispose de magasins intégrés qui vendent aux consommateurs, et d’un réseau de magasins adhérents auprès desquels elle joue notamment un rôle de centrale de référencement. Les magasins adhérents achètent ainsi directement auprès des fournisseurs référencés par MR X.

Jusqu’en janvier 2012, le secteur du X bénéficiait d’un régime dérogatoire aux dispositions de la loi LME en matière de délai de paiement. L’alignement sur le droit commun à partir de 2012 s’est traduit par un raccourcissement des délais de paiement qui ont augmenté les besoins en fond de roulement des magasins et généré des problèmes de trésorerie chez de nombreux adhérents.

Afin de faciliter le règlement des factures dans les délais légaux de droit commun, MR X a mis en place un système de « reverse factoring » ou «affacturage inversé» avec la banque allemande DZB Bank. Le dispositif a donné lieu à des conventions de règlement centralisé entre MR X, les magasins, les fournisseurs ayant adhéré au système, et DZB Bank.

La DGCCRF a ouvert une enquête nationale sur le fonctionnement de ce système et son financement, laquelle s’est déroulée d’octobre 2013 à fin 2014. Cette enquête a donné lieu à des contrôles au siège de MR X et des magasins adhérents, ainsi qu’auprès de certains fournisseurs.

7

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2016064825 JUGEMENT DL MERCREDI 18/10/2017 19EME CHAMBRE PAGE 2

A l’issue de cette enquête, le Ministre de l’Economie et des Finances a estimé que ce système d’affacturage inversé constituait une pratique restrictive de concurrence au sens de l’article 442-6 2° du code de commerce, en ce sens qu’elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au profit de MR X et de ses adhérents et au détriment des fournisseurs, et a décidé en conséquence de saisir le tribunal de céans pour que MR X soit condamné à une amende civile outre diverses injonctions et publications.

Procédure :

Par acte du 26 octobre 20186, signifié à personne se déclarant habilitée, Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances assigne SA MR X.

Par cet acte, Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances demande au tribunal de :

Vu l’article L.442-6 du code de commerce,

— - Dire et juger que les quatre conventions conclues entre DZB BANK gmbh et la SA MR X, la DZB BANK gmbh et chaque fournisseur adhérent au système, la DZB BANK gmbh et les magasins indépendants sous l’enseigne MR X adhérents au système et entre la SA MR X et chaque fournisseur- forment un tout indissociable matérialisant le système de règlement centralisé mis en place par la SA MR X;

— Dire et juger que l’obligation des fournisseurs de payer un escompte de 1,4 % hors taxes de chaque facture et une commission de service centralisé et de ducroire de 1,4% de chaque facture toutes taxes comprises, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à cet ensemble contractuel au profit de la SA MR. X et de ses magasins adhérents, et contrevient donc aux dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce ;

En conséquence, – - Enjoindre à la SA MR X de cesser la pratique susvisée ;

— - Condamner la SA MR X à une amende civile de deux millions d’euros ;

— - Condamner la société SA MR X à publier pendant six mois à compter du jugement à intervenir, le dispositif dudit jugement sur les sites internet Wwww.mrbricolage.com et www.mrbricolage.fr ;

— - Condamner la société SA MR X à publier à ses frais, sous huit jours à compter du jugement à intervenir, le dispositif dudit jugement dans les périodiques LSA, le Monde et les Echos ;

— - Condamner la SA MR X à payer au Trésor Publie la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 CPC ;

— - Condamner la SA MR X aux entiers dépens ;

— - Ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

A

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2016064825 JUGEMENT DV MERCREDI 18/10/2017 19EME CHAMBRE PAGE 3

Aux audiences des 21 mars et 27 juin 2017, par conclusions d’incident de communication de pièces, SA MR X demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions, de :

Vu l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme, Vu les articles 15 et 132 CPC, Vu les articles 11 et 138 à 142 CPC,

— Ordonner à Mr le ministre chargé de l’Economie (Direccte du Centre-Val de Loire) sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, de produire aux débats les 60 procès-verbaux de déclaration et rapports qui n’ont pas été produits et qui ont été établis lors des contrôles listés en pièces n° 8 à savoir :

1. contrôle de la société Milbox en date du 5 novembre 2013, 2. contrôle de la SAS Amphora en date du 7 novembre 2013, 3. contrôle de la société Smartwares Safety and lighting France en date du 13 novembre 2013, . contrôle de la société Soloplast-VossChemie en date du 13 novembre 2013, . contrôle de la société Brico André – Mr X en date du 13 novembre 2013, . contrôle de la société Vynex en date du 14 novembre 2013, , contrôle de la SA JOLMET en date du 14 novembre 2013, . contrôle de là société Scover Plus, en date du 14 novembre 2013, 9. contrôle de la société Borgo X service en date du 15 novembre 2013, 10. contrôle de la société 2C X en date du 15 novembre 2013, 11. contrôle de la société Spirella France en date du 18 novembre 2013, 12. contrôle de la société GGP France en date du 18 novembre 2013, 13. contrôle de la société Erstein Brico en date du 19 novembre 2013, 14. Procès-verbal de déclaration et de prise de documents établis lors du contrôle de la société Bricopertuis en date du 19 novembre 2013, 15. contrôle de la société Etablissement Mermier Lemarchand Reunis en date du 20 novembre 2013,

16. contrôle de la société LT Aqua Plus en date du 20 novembre 2013,

17. contrôle de la société Sundis en date du 20 novembre 2013,

18. contrôle de la société L’Outil Parfait en date du 21 novembre 2013,

19. contrôle de la société Evolution Power Tools en date du 21 novembre 2013,

20, contrôle de la société Chalonbrico en date du 22 novembre 2013,

21. contrôle de la société Aqualux en date du 22 novembre 2013,

22. contrôle de la société Exploitation Ets Normand en date du 22 novembre 2013, 23. contrôle de la société JMCX en date du 25 novembre 2013,

24, contrôle de la société AB7 Industries en date du 25 novembre 2013,

25, contrôle de la société Skylab en date du 25 novembre 2013,

26. contrôle de la société Nadaro en date du 26 novembre 2013,

27. contrôle de la SARL Pierre Benoist en date du 26 novembre 2013,

28. contrôle de la société Sciages usinage panneaux sup-bois en date du 26 novembre 2013,

29. contrôle de la société VPC Investissement en date du 26 novembre 2013,

30. contrôle de l’EURL Punta Mura en date du 27 novembre 2013,

31. contrôle de la société Floval en date du 28 novembre 2013,

0 N O @ À

3h

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2016064825 JUGEMENT DU MERCREDI 18/10/2017

19EME CHAMBRE

32. 33, 34, 35, 36. 37, 38.

39

41

[…]

contrôle de la société Bricodeal Solutions en date du 28 novembre 2013, contrôle de la société Bricominges en date du 28 novembre 2013, contrôle de la société Bricodel en date du 28 novembre 2013,

contrôle de la SAS Brico 7 en date du 28 novembre 2013,

contrôle de la société Bigeon en date du 28 novembre 2013,

contrôle de la SARL Pierre Benoist en date du 29 novembre 2013, contrôle de la société Point X en date du 29 novembre 2013,

. contrôle de la société Agri Bâti Brico Gaz en date du 2 décembre 2012, 40.

contrôle de Ja société Lippi La Cloture en date du 3 décembre 2013,

. contrôle de la société Somagie en date du 4 décembre 2013, 42, 43. 44. 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51. 52. 53,

contrôle de la société Couleurs du Monde en date du 4 décembre 2013, contrôle de la société Ateliers 28 en date du 5 décembre 2013,

contrôle de la société C2 AVL en date du 5 décembre 2013,

contrôle de la société Wirquin Plastiques en date du 6 décembre 2013, contrôle de la société Fischer en date du 6 décembre 2013,

contrôle de la société V33 en date du 6 décembre 2013,

contrôle de la société Les Fresnes en date du 6 décembre 2013,

contrôle de la société Minerva Oil en date du 9 décembre 2013,

contrôle de la société CQFD en date du 9 décembre 2013,

contrôle de la société Etablissements A B en date du 10 décembre 2013, contrôle de la société Decotec en date du 10 décembre 2013,

contrôle de la société Soc de Matériaux de X de crolles en date du 11

décembre 2013,

54,

contrôle de la société Soc Mater Const Pontcharra Ets Rigaud en date du 11

décembre 2013,

55. 56. 57, 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66. 67. 68. 69. 70.

71

contrôle de la SARL Dicacri en date du 11 décembre 2013,

contrôle de la société Bricocoach en date du 13 décembre 2013,

contrôle de la société Weser en date du 17 décembre 2013,

contrôle de la SAS Dirickx en date du 17 décembre 2013,

contrôle de la SARL Renz en date du 7 janvier 2014,

contrôle de la société X Champ le Roi en date du 7 janvier 2014, contrôle de la SARL Nouvelle Brosserie Auvergnate en date du 17 juin 2014, contrôle de la société SAS Star Light en date du 23 juin 2014,

contrôle de la société Robert Bosch France en date du 3 juillet 2014, contrôle de la société Cie des Pets Food en date du 10 juillet 2014, contrôle de la société NMC France en date du 17 juillet 2014,

contrôle de la société Etablissements Decayeux en date du 23 juillet 2014, contrôle de la société Cogex en date du 29 juillet 2014,

contrôle de la SARL weber Stephen France en date du 4 septembre 2014, contrôle de la SAS Scotts France en date du 5 septembre 2014,

contrôle de la société Husqvama France en date du 9 septembre 2014,

. contrôle de la société ToutPret en date du 10 septembre 2014, 72. 73. 74.

contrôle de la société Celloplast en date du 19 septembre 2014, contrôle de la SA Gerflor en date du 17 septembre 2014, contrôle de la SASUBGI Distribution en date du 26 octobre 2014 ;

— Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

A t

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS o , JUGEMENT DU MERCREDI 18/10/2017 N° RG : 2016064825 19EME CHAMBRE

[…]

— Réserver les dépens.

A l’audience du 16 mai 2017, le Ministre de l’Economie et des Finances, par conclusions en réponse sur l’incident de communication de pièces, demande au tribunal de :

Vu l’article 6$1 de la Convention Europé j 1 Vu les artioleî 15 et 132 du Code de ;Êîäîëeâäfiegarde des droits de l’Homme, Vu les articles L. 442-6-12° et L. 442-6 III du code de commerce,

— - Dire et juger que les dispositions des articles 15 et 132 du code de procédure civile et de l’article 6 de la CESDMH n’imposent pas au Ministre de l’économie de faire droit à la demande de communication de pièces de la société Mr. X ;

En conséquence,

— - Débouter la société Mr. X de sa demande de communication de pièces ;

— - Enjoindre la société Mr. X de conclure au fond ; '

— - Condamner la société Mr, X à payer au Trésor public la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

A l’audience du 12 septembre 2017, par conclusions en réponse n° ini

, , . > NC n°2, le Ministre l’Economie et des Finances, dans le dernier état de ses prétentions, demande au triburä de : !

Vu l’article 681 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droij ! Vu les articles 15 et 132 du Code de Procédure Civile, Foits de l’Homme, Vu les articles L. 442-6-12° et L. 442-6 III du code de commerce,

— D_ir_î et juger que le Ministre a respecté les articles 15 et 132 du code de procédure civile ;

— - Constater la communication par le Ministre de l’Economie de l’ensemble des procès- verbaux et rapports de contrôle relatifs à l’enquête sur le système de règlement centralisé mis en œuvre par MR X et en sa possession ;

— Dire et juger que les conditions pour donner droit à une demande de production forcée au titre de l’article 142 du code de procédure civile ne sont pas réunies pour les copies de documents emportées à l’occasion de ces contrôles, en raison de l’absence de motivation et de l’atteinte au secret des affaires qu’ entraînerait une telle production ;

En conséquence,

— Débouter la société MR X de toutes demandes de communication de piéces supplémentaires ;

— - Enjoindre la société MR X de conclure au fond.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet de conclusions ; celles ci 3 é 5 – , – . 3 -ci ont été éch

présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure. changées en

«  A l’audience du 27 juin 2017, l’affaire est confiée à l’examen d’un | j j moa aa À uge chargé d’in laffgare sur l’incident de communication de pièce, et les parties scj>ntg convoâuéeé Êmslgä audience du 12 septembre 2017.

A cette audience, à laquelle les parties se sont présentées aprè ir dé i a A7 ; après avoir débattu | ont signé un constat d’audience par lequel MR X a pris acte de la comnîä£âäâ

V/

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TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2016064825 JUGEMENT DU MERCREDI 18/10/2017 19EME CHAMBRE PAGE 6

des procès-verbaux et rapports de contrôle sans les annexes (copies des documents emportés à l’occasion de ces contrôles), et demande au tribunal d’ordonner au Ministre la communication de la seule liste des documents annexés (à l’exclusion des documents eux- mêmes) et de le débouter de sa demande d’enjoindre MR X à conclure au fond,

Le juge chargé d’instruire l’affaire, a ensuite clos les débats, mis l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé le 18 octobre 2017 par sa mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’article 450 CPC.

Moyens des parties:

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, tant dans leurs plaidoiries que dans leurs écritures, appliquant les dispositions de l’article 455 du CPC, le tribunal les résumera.

MR X explique : – - que l’enquête réalisée par le Ministre de l’Economie et des Finances a donné lieu à 86 contrôles auprès de 55 fournisseurs de produits et 31 magasins adhérents au réseau MR X ; que 72 contrôles ont fait l’objet de procès-verbaux ou rapports dont seulement 12 ont été versées aux débats, les 60 autres ne l’ayant pas été ;

— - qu’il résulte des articles 15 et 132 CPC, d’une part, et du fait que le Ministre fonde son assignation sur les procès-verbaux et rapporis réalisés dans le cadre de son enquête, d’autre part, qu’il a l’obligation de les communiquer tous ;

— - que les dispositions de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) impliquent que soit respecté le principe d’égalité des armes au profit de la partie défenderesse ; qu’en conséquence tous les procès- verbaux et rapports doivent lui être communiqués parce qu’ils sont nécessaires pour assurer sa défense, notamment parce qu’il ne peut être exclu que certains de ces procès-verbaux contiennent des éléments à décharge contredisant l’accusation du Ministre ;

— que si le Ministre a finalement accepté de communiquer la totalité des procès- verbaux et rapports, il n’a pas communiqué les copies des documents emportés à l’occasion de ces contrôles, alors qu’il ne peut être exclu que certains de ces documents contiennent des éléments à décharge ; que pour le savoir, à défaut de communiquer les documents, il faut au minimum que le Ministre communique la liste de ces documents et que cela ne serait pas contraire à la nécessité de respecter le secret des affaires.

Le Ministre de l’Economie et des Finances, s’agissant du respect des principes d’impartialité et d’égalité des armes prévus à l’article 6 de la CESDH, après avoir dans un premier temps expliqué que ces principes n’impliquent pas que soient communiqués les procés-verbaux et rapports demandés par MR X, a finalement expliqué dans ses dernières conclusions qu’au regard du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 3 juillet 2017 sur une affaire similaire, il consentait à communiquer la totalité des procès- verbaux et rapports de contrôle, mais à l’exclusion des copies des documents emportés à

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l’occasion de ces contrôles au motif que MR X ne démontre pas en quoi ces documents seraient utiles pour sa défense et que cela porterait atteinte au droit des entreprises contrôlées à la préservation du secret des affaires.

Sur ce, le Tribunal,

Sur les obligations de communication résultant des articles 15 et 132 du code de procédure

civile

Attendu que l’article 15 CPC dispose que «les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utiles les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent, et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense » ;

Attendu que l’article 132 CPC dispose que « la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance » ;

Attendu que le Ministre, dans son assignation, explique la façon dont s’est déroulée son enquête sur le système d’affacturage inversé mis en place à l’initiative de MR X, et notamment qu’il a interrogé 86 entreprises, dont 55 fournisseurs de produits et 31 magasins adhérents au réseau MR X, et que ces contrôles ont donné lieu à 72 procès-verbaux et rapports ;

Attendu que le Ministre a finalement communiqué la totalité des 72 procès-verbaux et rapports, mais sans les annexes constituées des documents demandés lors des contrôles;

Qu’en l’espèce, le Ministre ne s’appuie à aucun endroit de ses conclusions sur les annexes des procès-verbaux et rapports;

Qu’il en résulte que le Ministre n’a l’obligation de communiquer, au sens des articles 15 et 132 du code de procédure civile, ni les annexes, ni la liste des annexes des procès-verbaux et rapports ;

Que le moyen tiré par MR X des dispositions du code de procédure civile pour demander communication de la liste des annexes aux procès-verbaux et rapports de contrôle sera donc rejeté ;

En conséquence, le tribunal,

Sur l’article 6.1 de la CESDH sur le droit à un procès équitable et. les obligations de communication en résultant

Attendu que l’article 442-6 2° du code de commerce dispose que « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer te préjudice causé le fait (…) de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » ;

Attendu que l’article 6.1 du la CESDH dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses

A

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droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…)» ;

Attendu que le droit à un procès équitable implique notamment que soit respecté le principe de l’égalité des armes ;

Attendu que le principe de l’égalité des armes s’entend au sens de « juste équilibre entre les parties » et implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que le principe de l’égalité des armes implique que les parties puissent participer à égalité à la recherche de la preuve ;

Attendu l’action du Ministre de l’Economie et des Finances exercée en application des dispositions de l’article 446-2 du code de commerce ralève de la matière pénale au sens de la CESDH ; qu’en effet, la condamnation à l’amende civile demandée par le Ministre, de par sa nature punitive et dissuasive, et donc répressive, constitue une « accusation pénale » au sens de l’article 6 de la CESDMH ; que cela a pour conséquence de soumettre l’action du Ministre aux dispositions conventionnelles européennes susvisées;

Attendu qu’en communiquant la totalité des procès-verbaux et rapports de contrôle, à l’exclusion des annexes constituées des copies des documents demandés lors des contrôles, le Ministre reconnait ainsi qu’ils sont nécessaires au respect du droit de SA MR X d’organiser sa défense dans des conditions qui ne la mettent pas en situation de net désavantage par rapport à lui, d’une part, et qu’ils ne risquent pas de porter atteinte au secret des affaires, d’autre part; qu’en effet, ces procès-verbaux et rapports sont susceptibles de contenir des éléments à décharge, autant sur la question de la soumission ou tentative de soumission des fournisseurs de produits de X au système d’affacturage inversé que sur celle du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties;

Attendu que, de la même manière que les procès-verbaux et rapports, les annexes sont susceptibles de contenir des éléments à décharge nécessaires à l’organisation de la défense de MR X ; attendu, toutefois, que la communication des annexes peut porter atteinte au secret des affaires ; qu’en revanche, la seule liste des annexes, à l’exclusion des annexes elles-mêmes, ne peut contenir aucun élément pouvant porter atteinte au secret des affaires, mais peut révéler que certaines d’entre elles sont susceptibles de contenir des éléments à décharge sans pour autant que celles-ci portent atteinte au secret des affaires ; qu’il en résulte que la société MR X est fondée à demander que soit produite la liste des documents annexés ;

En conséquence, le tribunal, » ordonnera au Ministre de produire aux débats, dans un délai de quatre semaines à compter de la décision à intervenir, la liste des documents annexés à chacun des procès-verbaux et rapports, mais non les documents eux-mêmes ;

\f

renverra la cause à l’audience du 12 décembre 2017 pour conclusions au fond de MR X ;

À 14

réservera les dépens.

le

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : 2016064825 JUGEMENT DU MERCREDI 18/10/2017

19EME CHAMBRE

[…]

Par ces motifs

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire avant dire droit,

dit que Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances a respecté les articles 15 et 132 du code de procédure civile,

ordonne à Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances de produire aux débats, dans un délai de quatre semaines à compter de la présente décision, la liste des documents annexés à chacun des procès-verbaux et rapports, mais non les documents eux-mêmes,

renvoie la cause à l’audience du 12 décembre 2017 pour conclusions au fond de la SA MR X,

réserve les dépens,

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 septembre 2017, en audience publique, devant M. Roland Cuni, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.

Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de :

M. Patrick Careil, M. Roland Cuni et M. Patrick Legrand,

Délibéré le 3 octobre 2017 par les mêmes juges.

Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. Patrick Careil, président du délibéré et par Mme Marie-Anne Bestory, greffier,

Le greffier Le président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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