Tribunal de commerce de Paris, 14 septembre 2018, n° 2016022556

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 14 sept. 2018, n° 2016022556
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2016022556

Texte intégral

[…]

REPUBLIQUE FRANCAISE Copie exécutoire : Laëtitia

LISIMACHIO

Copie aux demandeurs : 2

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Copie aux défendeurs : 3

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

16 EME CHAMBRE

JUGEMENT PRONONCE LE 14/09/2018 par sa mise à disposition au Greffe

12 RG 2016022556 ENTRE: M. C X, demeurant 51 rue Henri Matisse 78960 Voisins-le-Bretonneux Partie demanderesse : assistée de SELAFA REINHART MARVILLE TORRE Avocat

(K30) et comparant par Me Pierre HERNE Avocat (B835)

ET: 1) SARL Y, dont le siège social est […] et encore pour signification […]

2) SAS Z, dont le siège social est Tour de l’Horloge – 4 Place H Armand

[…] – RCS B 497513168 Parties défenderesses assistées de Me Philippe BRUNSWICK du Cabinet BRUNSWICK Avocat et comparant par Me Laëtitia LISIMACHIO Avocat (C1044)

APRES EN AVOIR DELIBERE

Les faits

La société Y a une filiale, la SAS Z, qui exerce une activité de conseil en technologie digitale et édition de solutions marketing sur internet et qui a absorbé en 2015 une autre filiale d’Y: Z BI SERVICES. M. C X est embauché par

Y le 12 juin 2006 comme consultant. En 2009, il est chargé des activités de commerce électronique, de CRM et de Cloud Computing au sein d’Z en tant que salarié et est nommé à son conseil de surveillance. Depuis cette date, il souscrit à deux reprises au capital d’Z jusqu’à détenir 11332 actions sur les 66.666 qui composent le capital social. M. X reçoit également 4.278 bons de souscription de parts de créateur

d’entreprise, < BSPCE », donnant droit à la souscription d’actions ordinaires. MM. X,

VALLEE, CHAUMAIS et Y signent le 28 novembre 2012 un pacte d’actionnaires

d’Z.

En novembre 2013, M. X est remplacé à la direction opérationnelle d’Z et se voit proposer un poste de « business developer » des offres e-commerce d’Z. M. X refuse le 16 juillet 2014 de signer un avenant à son contrat de travail, considérant que cela aboutirait à un déclassement de ses fonctions. Le 6 octobre 2014, M. X saisit le Conseil de Prud’hommes de Paris d’une demande à l’encontre d’Z, visant à sanctionner la fu résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur. Le 7 novembre 2014, Z notifie à M. X son licenciement pour faute grave et le prive de ses BSPCE. Le 2 mars 2015, l’assemblée générale des actionnaires d’Z révoque M. X de ses fonctions de membre du conseil de surveillance. Le 15 avril 2015, utilisant les stipulations de

l’article 5 du pacte d’actionnaires susvisé, Y notifie à M. X, par lettre RAR, le rachat forcé de ses 11332 actions Z pour 40.800 €, soit au prix de 4,5 € par action, minoré de 20%, en se prévalant d’une part de son licenciement pour faute grave et d’autre part de sa violation de la clause de non-concurrence-exclusivité. Le 21 mai 2015, M. X

s’oppose, par courrier RAR, à la vente de ses actions et conteste tout manquement à ses obligations au titre du pacte.

Y, le 3 juin 2015, procède au transfert de propriété des actions à son bénéfice.

M


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JUGEMENT DU VENDREDI 14/09/2018

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C’est dans ces conditions que M. X a engagé la présente instance.

En cours d’instance, le 28 novembre 2016, le conseil de prud’hommes de Paris juge le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse et condamne Z à lui verser différentes indemnités. M. X D, devant la cour d’appel de Paris, le 25 janvier 2017, appel partiel du jugement du 28 novembre 2016, en s’appuyant sur le fait que le conseil de prud’hommes ne se prononce pas sur sa demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de bénéficier des BSPCE. Z D appel incident des autres chefs du jugement.

Procédure

Par acte des 25 et 30 mars 2016, M. X, demandeur, assigne les parties défenderesses, Z et Y.

M. X par cet acte délivré à personne habilitée pour Y et déposé à l’étude en application des articles 656 et 658 du CPC pour Z, et aux audiences des 27 avril et 23 novembre 2017, et 12 avril 2018 au visa des articles 1134 (articles 1103 et 1104 nouveaux) et 1844 du code civil, L 235-1 du code de commerce, et L 1331-2 du code du travail, demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions de :

Constater que l’option d’achat de titres stipulée à l’article 5 du pacte d’actionnaires du 28 novembre 2012 constitue une sanction pécuniaire prohibée à son encontre ;

Constater qu’Y a méconnu les conditions statutaires de transfert de propriété de ses titres ; Constater que son licenciement pour faute grave, qui a été jugé sans cause réelle et

sérieuse, n’est pas de nature à justifier le rachat forcé de ses actions par Y, au capital d’Z ;

Constater que la clause de non-concurrence stipulée à l’article 6 du pacte

d’actionnaires du 28 novembre 2012 est nulle en raison de son objet très général, de son caractère illimité dans l’espace, et de l’absence de contrepartie financière ;

Constater qu’il n’a pas méconnu les stipulations de cet engagement de non concurrence;

En conséquence,

Juger que l’option d’achat de titres stipulée à l’article 5 du pacte d’actionnaires du

28 novembre 2012 est nulle et de nul effet ; Juger que les conditions d’exercice de ladite option d’achat par Y n’étaient

.

pas réunies ;

Juger qu’aucun transfert de propriété n’a donc pu s’opérer au profit d’Y et

● qu’en conséquence, il est demeuré propriétaire des 11.332 actions qu’il détient au capital d’Z ;

Juger qu’il a ainsi été abusivement privé du droit que détient tout actionnaire de participer et de voter aux décisions collectives;

Le rétablir dans l’ensemble de ses droits d’actionnaire, politiques et pécuniaires ;

Ordonner à Z de retranscrire dans son compte d’actionnaire les 11.332 actions

dont il est titulaire, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

Annuler les délibérations des assemblées générales d’actionnaires d’Z prises

en violation des droits de M. X depuis le 15 avril 2015, date de l’exercice par Y de l’option d’achat litigieuse ;

Débouter Y ET Z de l’ensemble de leurs demandes, fins et

conclusions ;

Condamner solidairement Y et Z à lui payer 30.000 € au titre de

बि


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l’article 700 du CPC ;

Condamner, sous la même solidarité, Y et Z aux entiers dépens;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Y et Z, parties défenderesses, aux audiences des 23 juin 2016, 8 juin et 12 octobre 2017, des 1er mars et 28 juin 2018, dans le dernier état de leurs prétentions, au visa des articles 377 et suivants du CPC, L 228-1, L 235-8 et L 235-9 et R 228-10 du code de commerce, L 1331-2 du code du travail, dans le dernier état de leurs prétentions, demandent au tribunal de:

A titre liminaire Juger que les demandes de M. X sont irrecevables ;

A titre principal: Juger que l’article 5 du Pacte < Promesse de vente en cas de cessation des fonctions » est valide; Juger que l’article 6 du Pacte < Non concurrence-Exclusivité » est valide;

Juger que M. X a violé cet article 6 du Pacte et que l’article 5 du Pacte a été valablement mis en œuvre ;

En conséquence,

- Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

Limiter la nullité de l’article 6 du Pacte à l’obligation de non-concurrence applicable postérieurement à la perte de la qualité d’actionnaire ;

- Juger que M. X a violé son obligation d’exclusivité prévue à l’article 6 du Pacte et son interdiction de prendre des participations dans des sociétés concurrentes alors qu’il était actionnaire d’Z et que l’article 5 du Pacte a été valablement mis en œuvre;

En conséquence :

- Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes ;

A titre très subsidiaire :

- Débouter M. X de sa demande d’exécution provisoire ; En tout état de cause

- Débouter M. X de sa demande visant à constater que le licenciement pour faute grave n’est pas de nature à justifier la mise en œuvre du rachat forcé de ses actions ;

Condamner M. X au paiement de 30.000 € au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens.

Par jugement avant dire droit du 15 septembre 2017, le tribunal de céans a débouté Y et Z de leur demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision ultérieure de la cour d’appel ou de la Cour de cassation rendue en matière prud’homale sur le licenciement allégué de M. A pour faute grave et a renvoyé l’affaire pour statuer au fond. L’affaire a été confiée à un juge chargé de l’instruire seul, les parties ne s’y étant pas opposées. L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt d’écritures; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure ou régularisées par le juge chargé d’instruire l’affaire en présence des parties. A l’audience du 28 juin 2018, à laquelle les parties sont convoquées, après avoir entendu ces parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire clôt les débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 septembre 2018. Les parties en ont été avisées en application de l’article 450, alinéa 2, du CPC.

Moyens des parties

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties dans leurs écritures, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante :


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M. X, demandeur, soutient que :

L’article 5 du pacte d’actionnaires a été mis en œuvre d’une manière prématurée par les défendeurs au fond pour le rachat forcé de ses titres, en violant une des stipulations puisqu’il avait contesté son licenciement et que les défendeurs auraient dû attendre, pour enclencher ce rachat, la décision de justice définitive. En application des dispositions de l’article 480 du CPC, le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes, déclarant son licenciement sans cause réelle ni sérieuse, a l’autorité de la chose jugée, nonobstant les appels interjetés. Le débat sur les conditions de la rupture de son contrat de travail est sans incidence sur les demandes formées devant le tribunal de commerce car la clause de rachat forcé des actions en application de l’article 5 du pacte est entachée de nullité, à double titre. D’une part, elle constitue une sanction pécuniaire prohibée à l’encontre d’un salarié en application des dispositions de l’article L 1331-2 du code du travail, et d’autre part elle méconnait les conditions statutaires de transfert de propriété de ses titres qui ne peut se faire que par la signature d’un ordre de mouvement.

Y et Z, défenderesses, répliquent que :

Les demandes de M. X de nullité des délibérations des assemblées générales sont prescrites. M. X est donc irrecevable en ses demandes.

M. X a souscrit en qualité d’investisseur les actions litigieuses d’Z dont il était membre du conseil de surveillance et non pas en qualité de salarié. La clause de rachat forcé des actions contenue dans l’article 5 du Pacte est valide. Les conditions de transfert des actions ont été respectées par leur inscription en compte de l’acheteur, telle que notifiée à la société. La mise en œuvre du rachat forcé des actions s’appuie sur la violation par M. X de l’article 6 du Pacte < Non-concurrence-Exclusivité ». Il a pris en août 2013 une participation au capital d’une société dénommée AKENEO et en avril 2014, il a créé la société AKTINOVE, toutes deux concurrentes d’Z alors qu’il était encore salarié et actionnaire d’Z. De plus, M. X a fait une rétention abusive de matériel et une destruction de données appartenant à Z. Enfin, M. X demande la nullité des délibérations postérieures au rachat forcé des actions. Ces délibérations sont valides et leur remise en cause, comme celle de l’augmentation de capital ou de celle de la fusion-absorption, exposerait Z à l’ouverture d’une procédure collective. L’exécution provisoire sollicitée par le demandeur, en cas de condamnation des défenderesses, serait incompatible avec la nature de l’affaire.

Sur ce, le tribunal

Sur la fin de non-recevoir soulevée à l’encontre de certaines demandes de M. X

Attendu que l’article L. 235-9 du code de commerce dispose que : « Les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans

à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l’article L.

235-6. Toutefois, l’action en nullité d’une fusion ou d’une scission de sociétés se prescrit par

6 mois à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue nécessaire par l’opération.

L’action en nullité fondée sur l’article L. 225-149-3 se prescrit par trois mois à compter de la date de l’assemblée générale suivant la décision d’augmentation de capital. »

Attendu que les demandes présentées pour la première fois dans ses assignations des 25 et 30 mars 2016 par M. X portent sur le chef d’annulation des délibérations des assemblées des actionnaires d’Z survenues après le 15 avril 2015, mais aussi sur d’autres chefs tels que l’exercice contesté de l’option d’achat de ses actions, de bénéficier de ses droits d’actionnaire, le tribunal retient que la prescription des actions en nullité des délibérations d’Z n’est acquise que pour les délibérations concernant l’augmentation de capital votées le 4 août 2015, dont l’action en nullité a été prescrite le 4 novembre 2015, et pour celles concernant la fusion votées le 4 août 2015, dont l’inscription rendue nécessaire par l’opération au registre du commerce et des sociétés a été faite fin août 2015, dont l’action en nullité a été

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prescrite fin février 2016. Le tribunal dira les demandes de M. X recevables pour toutes celles qui concernent les délibérations des assemblées générales ayant un autre objet qu’une fusion ou une augmentation de capital ou celles concernant tout autre chef visé ci-dessus.

Sur la validité contestée de la clause de vente forcée des actions prévue à l’article 5 du pacte d’actionnaires

Attendu que le débat porte sur l’application de la clause de rachat forcé intitulée « Promesse 1

de vente en cas de cessation de fonctions » de l’article 5 du pacte d’actionnaires d’Z du 28 novembre 2012 qui stipule que : « Chaque Actionnaire Clé promet dès à présent, en 1 cas de :

-(….) révocation ou licenciement motivé par une faute grave ou lourde au sens donné à ce terme par la jurisprudence sociale, confirmée, en cas de contestation de l’Actionnaire Clé, par une décision de justice devenue définitive,

-violation de ses obligations telles qu’elles résultent des Articles 4-Droits de Propriété

Intellectuelle et Article 6-Non-Concurrence-Exclusivité du Pacte, de céder, à première demande, à l’Actionnaire Majoritaire tout ou partie des Titres alors détenus par lui (…) et ce pour un prix par Action égal au prix d’acquisition de l’Action concernée moins 20%.

L’Actionnaire Majoritaire disposera d’un délai de six mois à compter de la démission, du licenciement ou de la violation du Pacte pour lever l’option. »>, Attendu que l’article L. 1331-1 du code du travail dispose que : « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. », et que l’article L. 1331-2 du même code dispose que : « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. »>, Attendu au cas d’espèce que le demandeur soutient que l’application de cet article 5 du Pacte d’actionnaires, concernant la vente forcée de ses actions Z avec une décote, constitue une sanction pécuniaire illicite à son encontre, Attendu que cette clause de vente forcée s’applique également à d’autres hypothèses que la commission d’une faute grave ou lourde du salarié, telles que la démission ou révocation des fonctions de mandataire social, violation d’obligations résultant de l’article 4 du Pacte < Droits de propriété intellectuelle » ou violation des obligations résultant de l’article 6-Non concurrence-Exclusivité-,

Attendu que M. X a été nommé membre du conseil de surveillance d’Z en 2009, qu’il a acquis des actions ordinaires Z en 2009 et en 2012 en qualité d’investisseur, que ses actions ne lui ont pas été remises en sa qualité de salarié, telles qu’auraient pu être des actions gratuites, des stock-options, des BSPCE ou similaires et qu’elles ne peuvent donc être assimilées à des compléments de rémunération, Le tribunal retient que les articles L. 1331-1 et 1331-2 du code du travail ne sont pas applicables au cas d’espèce et que la clause de vente forcée des action visée à l'article 5 du pacte d’actionnaires ne constitue pas une sanction pécuniaire illicite. En conséquence, le tribunal déclarera valide la clause de vente forcée des actions visée à

l’article 5 du pacte d’actionnaires d’Z.

Sur la validité contestée de l’article 6 « Non-concurrence-Exclusivité »

Attendu que l’article 6 du pacte d’actionnaires d’Z stipule que : « Chaque Actionnaire Clé, tant qu’il sera Actionnaire de la Société et pendant une période de douze mois à compter de la date à laquelle il cessera d’être Actionnaire de la Société, (i) s’interdit de posséder, d’acquérir directement ou indirectement une participation, de gérer, d’exploiter, de contrôler, de fournir des prestations de conseil, de participer, de créer, d’être rémunéré par ou d’être lié d’une quelconque autre manière à une entité exerçant une Activité Concurrente (…), Attendu que l’Activité Concurrente est stipulée dans le pacte comme suit : « Désigne l’Activité

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d’Z et l’Activité d’Z BI et toute activité stratégique ultérieurement déployée par la Société et Z BI, ainsi que la détention de toute participation dans une entreprise française ou étrangère exerçant une Activité Concurrente. » et l’activité d’Z comme suit : « Le conseil, le développement et l’intégration de solutions informatiques dans le domaine de l’intemet, du e-commerce, de la gestion de la relation client (CRM), de

l’externalisation des applications et données (Cloud Computing) et des solutions de mobilités (développement d’applications pour terminaux mobiles). », que l’activité d’Z BI est stipulée dans le pacte comme suit : « Toute activité dans le domaine de l’analyse de données, du business intelligence et du big data. », étant ici rappelé que Z BI a été absorbée par Z,

Attendu qu’au cas d’espèce, M. X soutient que l’article 6 du pacte d’actionnaires, explicitant la clause de non-concurrence-exclusivité, est de nul effet en raison de son objet très général, de son caractère illimité dans l’espace, et de l’absence de contrepartie financière, Attendu cependant que cette clause est limitée dans le temps, jusqu’à la fin d’un délai de 12 mois suivant la date de cession de ses actions, qu’elle est limitée dans l’espace à l’Union

Européenne, et que cette clause est proportionnée à l’intérêt d’Z compte tenu des informations confidentielles que M. X a obtenues en sa qualité de membre du conseil de surveillance, et que sa contrepartie financière réside dans la possibilité lui a été donnée d’acquérir des actions Z dans la perspective de l’augmentation de leur valeur,

Attendu que cette clause s’applique à M. X en sa qualité d’actionnaire et non pas en celle de salarié,

En conséquence, le tribunal retient que l’article 6 du pacte d’actionnaires est valable.

Sur la mise en œuvre litigieuse de la clause de vente forcée des actions prévue à l’article

5 du pacte d’actionnaires

Attendu que le 15 avril 2015, la défenderesse Y a informé le demandeur, M. X, de l’exercice de la clause de vente forcée de l’article 5 du pacte d’actionnaires d’Z sur l’intégralité des 11.332 actions qu’il détenait dans le capital d’Z, au prix d’acquisition moins 20%, pour les deux motifs suivants : « -licenciement pour faute grave (…)

-violation de l’article 6 du Pacte selon lequel vous vous interdisez notamment de posséder une participation dans une entité exerçant une Activité Concurrente », Attendu que le demandeur soutient que les conditions de mise en œuvre de la clause de vente forcée, à savoir d’une part son licenciement pour faute grave du 7 novembre 2014 et d’autre part la violation de l’article 6 du pacte d’actionnaires selon lequel il s’interdit de posséder une participation dans une entité exerçant une Activité Concurrente à celle de la Société, n’étaient pas réunies,

Le tribunal examinera chacun des deux motifs avancés par les défenderesses.

-Licenciement pour faute grave

Attendu que l’article 5 du pacte rappelé ci-dessus stipule que licenciement motivé par une faute grave ou lourde au sens donné à ce terme par la jurisprudence sociale, confirmée, en cas de contestation de l’Actionnaire Clé, par une décision de justice devenue définitive, Attendu que le conseil de prud’hommes de Paris a jugé le 28 novembre 2016 le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse,

Attendu que M. X et Z ont interjeté appel de ce jugement, Le tribunal retient que le motif de licenciement pour faute grave ou lourde n’est pas justifié pour une mise en œuvre de la clause de vente forcée, car non confirmé par une décision de justice devenue définitive, et écarte donc ce motif,

-Violation de l’article 6 du Pacte « Non concurrence-Exclusivité »

Attendu qu’il n’est pas contesté par les parties que M. X a pris une participation au capital de la société AKENEO le 2 août 2013,

Attendu que la société AKENEO a pour objet : « Le développement, la conception, la fabrication et la commercialisation de logiciels, la vente de matériel de maintenance, de formation, de consultations et d’assistances techniques afférentes à ces solutions, la


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prestation de services, de consultation et de formation dans les domaines informatiques, la conception et le développement de logiciels, programmes informatiques, la conception et le développement de logiciels, programmes informatiques, d’ordinateurs et de périphériques informatiques. », Attendu que jusqu’en février 2014, AKENEO exerçait exclusivement une activité de conseil particulièrement large dans le domaine de l’internet, du développement de logiciels et de l’informatique, similaire à celle d’Z, dévolue notamment à l’e-commerce, puis a étendu son activité à l’édition d’un logiciel de « Product Information Management » qui se présente comme une alternative à Excel pour gérer de manière optimale les informations-produits, et donc qu’à la date de la prise de participation en 2013 par M. X au capital d’AKENEO, il est ainsi établi qu’AKENEO exerçait une activité concurrente de celle d’Z,

Le tribunal, par conséquent, retient, sans besoin d’examiner les autres moyens et arguments soulevés par les défenderesses, que le demandeur, M. X, a manqué à son obligation telle que décrite à l’article 6 du pacte d’actionnaires d’Z en prenant une participation au capital de AKENEO qui exerce des activités concurrentes d’Z et que la mise en œuvre par les défenderesses de la vente forcée prévue à l’article 5 du pacte d’actionnaires est valable.

Il déboutera le demandeur de ses prétentions à ce titre.

Sur le transfert irrégulier de propriété de ses actions, allégué par M. X

Attendu que le demandeur soutient que la cession forcée de ses actions le 15 avril 2015 n’est pas valide car il n’a pas signé l’ordre de mouvement de ses titres, en contradiction avec les stipulations de l’article 12.2 des statuts,

Attendu que l’article L. 228-1 alinéa 9 du Code de commerce dispose que: « En cas de cession de valeurs mobilières admises aux opérations d’un dépositaire central ou livrées dans un système de règlement et de livraison mentionné à l’article L. 330-1 du Code monétaire et financier, le transfert de propriété s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 211-17 de ce code. Dans les autres cas, le transfert de propriété résulte de l’inscription des valeurs mobiliéres au compte de l’acheteur dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. », Attendu que l’article R. 228-10 du Code de commerce dispose que : « Pour l’application de la dernière phrase du neuvième alinéa de l’article L. 228-1, l’inscription au compte de l’acheteur est faite à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à la société émettrice. »>, Attendu, au cas d’espèce, que l’article 12.1 des statuts d’Z, en vigueur au 15 avril

2015, stipule que : « La propriété des actions résulte de leur inscription en compte individuel au nom du ou des titulaires dans le registre de mouvement de titres tenu à cet effet au siège social. (…), »,

Attendu que l’article 12.2 des statuts stipule que : « La cession des actions s’opère à l’égard des tiers et de la Société, par un ordre de mouvement de compte à compte signé du cédant ou de son mandataire. Le mouvement est mentionné sur ces registres. Cette opération ne

s’effectue que sous réserve du respect des dispositions légales et statutaires. »>, Attendu que l’article 5 du pacte d’actionnaires susvisé, stipule également : « Dans le cas où, pour une raison quelconque, l’Actionnaire Clé concerné ne remettrait pas le ou les ordres de mouvement constatant la réalisation de la Cession au profit de l’Actionnaire Majoritaire, cette constatation résultera suffisamment et sans qu’il soit besoin d’aucune autre formalité, de la consignation du prix de Cession entre les mains de la Caisse des Dépôts et de Consignations, ou d’un officier ministériel (notaire, huissier…) »,

Le tribunal retient qu’en application des dispositions légales citées ci-dessus, le transfert de propriété des actions de M. X résulte de l’inscription des actions au compte de l’acheteur telle que notifiée à Z le 15 avril 2015 et que ce transfert a été régulier, le prix de ses actions, soit 40.800 €, ayant été consigné le 1er juin 2015 auprès de la SCP B et BUZY, huissiers de justice. Le tribunal déboutera en conséquence, M. X de sa demande de juger qu’il est resté propriétaire de ses actions pour transfert de propriété irrégulier.

P M


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Sur les autres demandes de M. X

Compte tenu des décisions visées ci-dessus qui seront arrêtées par le tribunal, le tribunal déboutera le demandeur, qui succombe, de toutes ses autres demandes pour lesquelles il est recevable, qui portent sur la privation de ses droits d’actionnaire, le rétablissement de ceux-ci, sur la réinscription de ses actions à son compte individuel, sur l’annulation des délibérations des assemblées générales d’Z.

Sur l’exécution provisoire

Attendu que vu le sens de la décision que prendra le tribunal, il n’y a pas lieu de recourir à

l’exécution provisoire, le tribunal ne l’ordonnera pas.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu que pour faire valoir leurs droits, les défenderesses ont dû engager des frais non compris dans les dépens, le tribunal condamnera M. X à leur payer 15.000 €, déboutant pour le surplus, et aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire ;

-Dit M. C A recevable en ses demandes, à l’exception de celles relatives à la nullité des délibérations des assemblées générales d’Z portant sur l’augmentation de capital et la fusion;

-Déboute M. C X de l’ensemble de ses demandes ;

-Condamne M. C X à payer 15.000 € à la SASU Y et à la SAS Z au titre de l’article 700 du CPC ;

-Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

-Condamne M. C X aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 144,84 € dont 23,92 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 juin 2018, en audience publique, devant M. E F, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.

Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : MM. G H I, E F, J-K L.

Délibéré le 5 juillet 2018 par les mêmes juges. Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. G-H I, président du délibéré, et par M. Patrick Tramhel, greffier.

Le greffier Le président

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Tribunal de commerce de Paris, 14 septembre 2018, n° 2016022556