Tribunal de commerce de Paris, 24 janvier 2022, n° 2021016655

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 24 janv. 2022, n° 2021016655
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : 2021016655

Texte intégral

Copie exécutoire : Me B REPUBLIQUE FRANCAISE Sébastien TESLER de la

SELARL AD LITEM JURIS

Copie aux demandeurs : 2 AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Copie aux défendeurs : 2

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

15 EME CHAMBRE

JUGEMENT PRONONCE LE 24/01/2022

PAR SA MISE A DISPOSITION AU GREFFE

24

RG 2021016655

14/05/2021

ENTRE: GIE ORGANISATION REGIONALE DES PROFESSIONS IMMOBILIERES ESSONNE

(GIE ORPI ESSONNE), dont le siège social est […]

[…]

Partie demanderesse comparant par Me B-Sébastien TESLER membre de la

SELARL AD LITEM JURIS Avocat au barreau d’Evry

ET: SAS I@D FRANCE, dont le siège social est […]

[…]

Partie défenderesse : assistée de la SELAS VOGEL & VOGEL en la personne de Me Joseph VOGEL avocat (E0791) et comparant par Me JOSEPH Carole Avocat (E791)

APRES EN AVOIR DELIBERE

LES FAITS :

GIE ORGANISATION REGIONALE DES PROFESSIONS IMMOBILIERES ESSONNE (ci après ORPI E), est composé de 49 agences immobilières sur le territoire de l’Essonne et du

Val-de-Marne. L’objet d’ORPI E est la coordination des agences, la mutualisation de certains services et

l’établissement de règles communes d’exercice de la profession d’agent immobilier.

La société IAD France (ci-après IAD), est un réseau de mandataires immobiliers en France et certains pays d’Europe. Elle a mis en place un réseau de professionnels de l’immobilier et dispose d’une carte professionnelle de transactions.

ORPI E considère que certaines activités d’IAD font l’objet de pratiques illicites et de concurrence déloyale.

IAD le conteste.

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N° RG: 2021016655 TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

JUGEMENT DU LUNDI 24/01/2022

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Un premier jugement a été rendu par le tribunal de commerce de Melun, le 16 décembre 2020, qui a statué et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.

C’est dans ce contexte que le tribunal de céans a été saisi.

LA PROCEDURE :

⇒ Suivant assignation du 23 octobre 2018, signifiée à personne se déclarant habilitée et à

l’audience du 11 juin 2021 ORPI E demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions :

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,

Vu la loi Hoguet du 2 janvier 1970, Vu l’article L. 121-1 du Code de la consommation,

Vu l’arrêté du 10 janvier 2017,

A titre principal,

DEBOUTER IAD de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions ;

JUGER que les pratiques commerciales d’IAD violent la règlementation applicable aux agents immobiliers ;

JUGER que les violations de la règlementation applicable aux agents immobiliers par IAD constituent des actes de concurrence déloyale ;

JUGER que les violations de la règlementation applicable aux agents immobiliers par IAD causent un préjudice à ORPI E;

En conséquence,

CONDAMNER IAD à se mettre en conformité avec les dispositions de l’arrêté du 10 janvier 2017 dans un délai d’un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500 € par infractions constatées ;

CONDAMNER IAD à verser au ORPI E les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble commercial subi:

10 000 € au titre de l’illicéité du barème des honoraires de vente immobilière appliqué

-

jusqu’en mai 2018;

30 000 € au titre de l’application de barème d’honoraires individualisé à chaque mandataire en méconnaissance de l’article 4 de la loi Hoguet ;

10 000 € au titre de la pratique d’honoraires différents des honoraires affichés ; 5 000 € au titre des difficultés d’accès au barème d’honoraires sur le site;

10 000 € au titre de l’illicéité des annonces locatives publiées sur le site internet

-

d’IAD;

10 000 € au titre de l’absence de justification de la compétence professionnelle des

-

agents commerciaux recrutés et mandatés par IAD ;

10 000 € au titre de la communication trompeuse de la société IAD; 5 000 € au titre du préjudice moral; four



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JUGEMENT DU LUNDI 24/01/2022

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CONDAMNER IAD à verser à ORPI E la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’instance;

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

⇒ A l’audience du 24 juin 2019, puis à l’audience du 17 septembre 2021, IAD demande au tribunal, dans les derniers états de ses prétentions :

Vu l’article L420-7 du Code de commerce et ses Annexes 4-1 et 4-2 modifiées par Décret n°2011-1877 du 14 décembre 2011

Vu l’article L420-1 du Code de commerce

Vu l’article 31 du Code de procédure civile

Vu l’adage < Nul ne plaide par procureur » Vu la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce Vu le décret n°2016-173 du 18 février 2016 relatif à la formation continue des professionnels de l’immobilier

Vu l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière

1. A titre principal, DIRE ET JUGER que l’action d’ORPIE est irrecevable

1. DIRE ET JUGER que l’action d’ORPI E est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir

DIRE ET JUGER que ORPI E n’est pas un concurrent d’ IAD et qu’il n’intervient dans aucun processus économique sur le marché de l’immobilier;

DIRE ET JUGER que ORPI E n’a pas d’intérêt personnel à agir dans le cadre de la présente action en concurrence déloyale ;

DIRE ET JUGER que ORPI E ne dispose pas non plus d’un mandat à agir au nom de la défense des intérêts particuliers de chacun de ses membres ;

DIRE ET JUGER que ORPI E ne dispose pas enfin d’un mandat à agir pour défendre l’intérêt collectif des agents immobiliers ;

DIRE ET JUGER que l’action d’ORPI E est irrecevable faute d’intérêt à agir;

2. DIRE ET JUGER que l’action du GIE ORPI ESSONNE est également irrecevable car contraire au principe « Nemo Auditur »

DIRE ET JUGER que l’adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » interdit à une partie de se prévaloir de sa propre turpitude pour justifier de l’intérêt de son action ;

DIRE ET JUGER que certains agissements des membres d’ORPI E sont eux tout à fait contraires aux obligations légales et réglementaires qui leur incombent ;

DIRE ET JUGER que les comportements illicites des membres d’ORPI E ont nécessairement des répercussions sur la légitimité de l’action d’ORPI E ;

DIRE ET JUGER que l’action d’ORPI E est à ce titre irrecevable; риз



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A titre subsidiaire, sur les demandes d’ORPI E, si le Tribunal devait juger l’action II. recevable.

1. Sur les griefs reprochés à IAD

DIRE ET JUGER que ORPI E n’apporte la preuve d’aucun manquement de la société IAD

FRANCE à la législation et à la réglementation applicable ;

En particulier :

DIRE ET JUGER que la situation née d’un défaut de conformité du barème affiché par IAD jusqu’en mai 2018 n’a duré que très peu de temps et de ce fait n’est pas fautive;

DIRE ET JUGER que les barèmes actuels pratiqués par IAD sont tout à fait conformes aux dispositions légales et réglementaires applicables ;

DIRE ET JUGER qu’il n’existe aucune difficulté d’accès aux barèmes d’honoraires pratiqués par IAD ;

DIRE ET JUGER que les annonces locatives publiées sur le site internet d’ IAD sont tout à fait conformes aux dispositions légales et réglementaires applicables ;

DIRE ET JUGER qu’IAD respecte l’ensemble des dispositions légales et réglementaires applicables aux agents commerciaux en matière d’obligation de compétence et de formation continue;

DIRE ET JUGER que la communication d’IAD n’est pas trompeuse.

2. Sur les préjudices prétendument subis par ORPI E

REJETER l’ensemble des demandes indemnitaires formulées par ORPI E ;

DIRE ET JUGER que ORPI E n’apporte la preuve d’aucun manquement de la société IAD aux dispositions de l’arrêté du 10 janvier 2017 qui nécessiterait une mise en conformité sous astreinte;

DIRE ET JUGER que ORPI E n’apporte la preuve d’aucune manquement d’ IAD qui lui aurait causé un trouble commercial justifiant l’octroi de dommages et intérêts ;

DIRE ET JUGER que ORPI E n’apporte la preuve d’aucun détournement de clientèle organisé par la société IAD à ses dépens justifiant l’octroi de dommages et intérêts;

DIRE ET JUGER que les agents commerciaux mandatés par IAD n’entretiennent aucune confusion quant à leur qualité ;

REJETER les demandes d’injonction d’ORPI E ;

3. Sur l’exécution provisoire

Subsidiairement, NE PAS ORDONNER l’exécution provisoire sur la demande de condamnation de la société IAD à modifier ses barèmes ;

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Subsidiairement, NE PAS ORDONNER l’exécution provisoire sur les demandes pécuniaires d’ORPI E, sauf à l’assortir d’une caution bancaire intégrale conformément aux dispositions de l’article 517 du Code de procédure civile;

Au cas où par impossible l’action d’ORPI E était jugée recevable, faire droit aux III. demandes reconventionnelles d’IAD si le Tribunal devait juger l’action d’ORPI E recevable.

DECLARER IAD recevable en ses demandes reconventionnelles ;

DIRE ET JUGER que ORPI E et ses membres prennent le prétexte de la présente espèce pour contester le mode de fonctionnement licite du réseau mis en place par IAD ;

DIRE ET JUGER que l’action engagée par les membres d’ORPI E à travers ce dernier est constitutive d’une pratique anticoncurrentielle au sens de l’article L. 420-1 du Code de commerce ;

CONDAMNER ORPI E à verser à IAD avec exécution provisoire la somme de 50 000 euros

à titre de dommages et intérêts afin de réparer le préjudice que cette dernière subit du fait des pratiques anticoncurrentielles prohibées mises en œuvre par ORPI E et ses membres ;

DIRE ET JUGER que les agences membres d’ORPI E que ce dernier indique représenter ne respectent pas leurs obligations en matière d’affichage de barème ;

CONDAMNER ORPI E à verser à IAD avec exécution provisoire la somme de 20 000 € au titre de l’absence de publication de barème ;

CONDAMNER ORPI E à verser à IAD avec exécution provisoire la somme de 10 000 € au titre de la pratique de ristournes systématiques et massives sur les honoraires pratiqués ;

En tout état de cause,

DEBOUTER ORPI E de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER ORPI E à payer à IAD 25 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNER ORPI E aux dépens.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier.

A l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire du 23 novembre 2021, les parties entendues, les débats ont été clos et le jugement mis en délibéré pour être prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal le 24 janvier 2022.

LES MOYENS

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, tant dans leurs plaidoiries que dans leurs écritures, appliquant les dispositions de l’article

455 du CPC, le tribunal les résumera succinctement de la façon suivante :

Sur la recevabilité de l'action d'ORPI E tury

S



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→ IAD soutient que :

ORPI E n’ayant pas elle-même un statut d’agent immobilier, elle n’est pas

● concurrente de IAD, elle ne peut se présenter, en conséquence, comme concurrente prétendue lésée.

ORPI E en tant que GIE (Groupement d’Intérêt Économique) n’a pas intérêt à agir car :

Elle n’a aucun intérêt individuel, O

Elle n’est pas mandatée au nom de la défense des intérêts particuliers de O chacun de ses membres,

ORPI E reproche à IAD de ne pas afficher ses barèmes et de procéder à des campagnes annonçant des réductions de prix et en même temps, elle s’en dispense pour elle-même lors de ses propres campagnes. Un requérant ne peut se prévaloir de prétendue violation d’une règle alors que lui-même la viole.

⇒ ORPI E, en réplique

Dit que selon ses statuts, elle est fondée à entamer les procédures nécessaires pour

défendre ses intérêts et celui des membres de la société coopérative.

Soutient qu’un organisme (syndicat, fédération professionnelle, organisme

interprofessionnel et autre) comme ORPI E a intérêt à agir.

Affirme que, selon le code de commerce, les groupements d’intérêts économique

(GIE) jouissent de la personnalité morale.

Défend que les GIE ne sont pas tenus de fournir un quelconque mandat pour agir en justice, une telle habilitation n’est exigée, ni par la loi, ni par ses statuts. Elle ne cherche pas à représenter la profession des agents immobiliers, elle représente juste ses membres.

Sur les violations réglementaires et les actes de concurrence déloyale

⇒ ORPI E

Soutient que IAD affiche sur son site internet des barèmes illicites jusqu’au mois de

mai 2018, les barèmes, en effet, ne doivent pas contenir des fourchettes de prix.

En conclut que les barèmes d’honoraires n’ont pas respecté les dispositions de

l’arrêté du 10 janvier 2017, au moins pendant un an.

Dit que le barème établi par IAD après le mois de mai 2018, ne respecte pas les dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970, les collaborateurs d’IAD, qui sont des agents commerciaux, ne peuvent avoir des honoraires différenciés par collaborateur.

Démontre que le fait qu’IAD ne possédant qu’une seule carte professionnelle pour

tous ses mandataires, le barème doit être unique.

Rajoute, que les mandataires d’IAD ne respectent même pas, les barèmes qu’ils affichent.

Relève qu’il est très difficile, voire impossible de trouver le barème d’honoraires sur le

site d’IAD.

Constate que les mandataires d’IAD ne sont pas formés au métier de l’immobilier et

ne peuvent justifier de la compétence requise pour exercer.

Soutient qu’IAD ne respecte pas la législation, les annonces locatives sont illicites.

Dit que la défenderesse se présente, entres autres, auprès des consommateurs

comme le réseau immobilier présentant le plus grand nombre de biens à vendre, cette communication trompeuse porte préjudice à ORPI E.

→ IAD réplique que : tury



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ORPI E pratique des réductions de prix massives et illicites, ne respecte pas les

honoraires qu’elle annonce, elle ne peut arguer d’acte de concurrence déloyale de la part de IAD tout en lui reprochant des agissements qu’elle-même commet.

L’illicéité du barème au motif de l’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017 n’est pas

contestée mais elle n’a duré que très peu de temps, et d’ailleurs ORPI E a dû aussi se mettre en conformité et en l’espèce tous n’étaient pas à jour.

La DGCCRF a statué qu’un même titulaire de carte professionnelle peut enregistrer

des mandats comportant des prix différents, à la condition que le consommateur ait été préalablement informé, ce à quoi IAD s’est conformée.

● L’individualisation des honoraires de ses mandataires a été décidée par région, la dynamique du marché y est différente. Cette diversité est conforme à l’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017.

Les barèmes sont accessibles sur le site d’IAD, et aucune publicité trompeuse

n’existe.

Une formation obligatoire, sous la responsabilité d’IAD existe à destination de tous les candidats mandataires, ce qui les conduit au niveau nécessaire pour exercer.

Sur les préjudices résultant de la violation de la réglementation

⇒ ORPIE E

Affirme que les actes déloyaux d’IAD en ne respectant pas la réglementation (surtout

la violation des règles sur les honoraires), sont des faits de concurrence déloyale, qui entrainent un préjudice pour ORPI E.

Les troubles commerciaux suivant les multiples violations d’IAD doivent être

indemnisés comme il suit :

O 10.000 € au titre de l’illicéité du barème d’honoraires de vente pendant un an

(jusqu’à mai 2018).

10.000€ au titre de l’application de barème d’honoraire individualisé. O

10.000€ pour pratique d’honoraires différents des honoraires affichés. O

5000€ au titre des difficultés d’accès au barème d’honoraire sur le site d’IAD. O

10.000€ pour non-justification de la compétence professionnelle des agents O commerciaux mandatés par IAD.

10.000€ pour illicéité des annonces locatives. O

5000€ au titre du préjudice moral. O

➡ IAD réplique :

Aucune preuve d’un quelconque manquement à la réglementation actuelle d’IAD

n’est rapportée par ORPI E. aucun grief ne pourrait justifier un trouble commercial justifiant l’octroi de dommages et intérêts.

Les membres ORPI E ne respectent pas la réglementation qui leur est applicable, ce

qui justifie une demande de dommages et intérêts, pour concurrence déloyale, pour au moins deux membres estimée à 50.000€. ORPI E tente par son action de limiter la capacité concurrentielle d’IAD.

SUR CE, LE TRIBUNAL

Sur la recevabilité de l’action d’ORPI E

1. Concurrence

ORPI E est un groupement regroupant des agences immobilières de l’Essonne, IAD est une agence immobilière utilisant des mandataires, les deux parties ou leurs représentants travaillent dans le même domaine et peuvent solliciter les mêmes clients;

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JUGEMENT DU LUNDI 24/01/2022

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Le tribunal dit que les parties sont des concurrents ;

2. Intérêts à agir

IAD dénie à ORPI E sa capacité juridique à agir, n’ayant pas été mandatée à agir au nom de la défense des intérêts particuliers de chacun de ses membres ; au terme de l’article L.251-1 du code de commerce, les groupements sont constitués en vue de développer l’activité économique de leurs membres ; Les statuts d’ORPIE E du 5 juin 2014, matérialisent la volonté des signataires de participer au groupement et organisent les relations futures entre les membres ;

de plus, l’article L.251-4 du code de commerce dispose que: « Le groupement d’intérêt économique jouit de la personnalité morale et de la pleine capacité à dater de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, sans que cette immatriculation emporte présomption de commercialité du groupement. Le groupement d’intérêt économique dont l’objet est commercial peut faire de manière habituelle et à titre principal tous actes de commerce pour son propre compte. Il peut être titulaire d’un bail commercial (…) » le tribunal dit qu’ORPIE a la légitimité de représenter les agences signataires des statuts, a la jouissance de la personnalité morale, et donc le droit d’ester en justice ;

IAD dénie aussi à ORPI E son intérêt à agir en soutenant qu’ORPIE reproche des agissements à IAD, alors qu’elle-même est en faute;

Le tribunal dit qu’à supposer que les membres d’ORPI E se soient rendus coupables de comportements illicites, cela n’entache en aucune manière la capacité d’ORPI E, de formuler lui-même des griefs, vis-à-vis d’IAD, griefs que le tribunal doit maintenant examiner; en conséquence, le tribunal jugera que l’action d’ORPIE est recevable et déboutera IAD de son exception d’irrecevabilité et dira l’action recevable;

Sur les manquements à la réglementation

La liberté d’entreprendre est un principe général ayant une valeur constitutionnelle; elle implique le droit de créer et d’exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix et comme on l’entend ;

Mais la liberté du commerce n’est pas absolue et sa mise en œuvre fautive peut être sanctionnée sur le fondement de l’article 1240 du code civil qui dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ;

Conformité des barèmes

L’article 4 de la loi Hoguet dispose que « Toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier justifie

d’une compétence professionnelle, de sa qualité et de l’étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. Les dispositions du titre II de la présente loi lui sont applicables.

Les dispositions du chapitre IV du titre III du livre ler du code de commerce sont applicables aux personnes visées au premier alinéa lorsqu’elles ne sont pas salariées. (…)

Ces personnes ne peuvent pas :

1° Recevoir ou détenir, directement ou indirectement, des sommes d’argent, des biens, des effets ou des valeurs ou en disposer à l’occasion des activités mentionnées à l’article 1er de la présente loi ;

2° Donner des consultations juridiques ni rédiger des actes sous seing privé, à l’exception de mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle mentionnée à l’article 3 ;

3° Assurer la direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau.

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Les personnes qui, à la date d’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État mentionné au premier alinéa du présent article, disposent de l’habilitation mentionnée au premier alinéa sont réputées justifier de la compétence professionnelle mentionnée au présent article ».

L’article 2 de l’arrêté du 10 janvier 2017 relatif à l’information des consommateurs dispose que :

< Les professionnels visés à l’article 1er sont tenus d’afficher les prix effectivement pratiqués des prestations qu’ils assurent, notamment celles liées à la vente, à la location de biens et à la gestion immobilière, en indiquant pour chacune de ces prestations à qui incombe le paiement de cette rémunération (…) Lorsque ces prix sont fixés en fonction de la valeur du bien vendu ou du montant du loyer, l’affichage prescrit au I du présent article doit indiquer le ou les montants prélevés, en précisant, le cas échéant, les tranches de prix correspondantes, et faire apparaître tous les éléments permettant de calculer les prix. Le cas échéant, une mention intelligible et figurant en caractère très apparents précise le caractère cumulatif des tranches entre elles » ;

or, IAD a affiché sur son site internet jusqu’au mois de mai 2018, des barèmes indiquant une fourchette de prix pour les honoraires allant de 1€ à 100.000€ en forfait fixe « maximum de 10.000€ », ce qui est en contravention avec les dispositions ci-dessus entre le 18 janvier

2017 (date de la publication au JORF) et mai 2018, date de la remise en conformité par IAD ;

selon l’article 4, 2°, de la loi du 2 janvier 1970, < les personnes habilitées par un agent immobilier titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier, ne peuvent rédiger d’actes sous seing privé que s’il s’agit de mandats conclus au profit du titulaire de la carte professionnelle »> ;

ORPIE reproche à IAD d’utiliser des barèmes distincts avec une seule carte professionnelle, ce qui ne serait pas conforme ni à la loi Hoguet, ni à l’arrêté du 10 janvier 2017;

Or, le tribunal doit déterminer si la possession d’une seule et unique carte professionnelle contraint IAD à n’avoir qu’un seul barème ; chaque partie a versé au débat une pièce à ce sujet : pour IAD (pièce n°6) et à sa demande, le sous-directeur logement de la DGCCRF indique qu’un même titulaire de carte professionnelle peut enregistrer des mandats comportant des prix différents, à la condition impérative que le consommateur ait été préalablement informé du tarif effectivement pratiqué par l’agent commercial qu’il mandate; pour ORPI E (pièce n°34) et à sa demande, le directeur départemental de la Direction départementale de la protection des populations stipulant qu’un agent commercial étant lié contractuellement à l’agent immobilier titulaire de la carte professionnelle, il ne peut facturer aux clients des honoraires distincts du barème pratiqué par le titulaire de la carte professionnelle ; IAD soutient lors de l’audience, et dans ses conclusions, que les changements de barème qu’elle accepte, à la demande de ses mandataires, sont liés, entre autres à la situation géographique d’activité; or les pièces 12, 13, 14 et 15 de la demanderesse montrent des barèmes différents dans la même ville, ce qui est en contradiction avec les arguments de la défenderesse ; en l’espèce, sur le site d’IAD, le choix du conseiller est proposé à l’utilisateur en fonction de la ville choisie. L’utilisateur peut ensuite choisir le conseiller dont le barème lui convient dans la même ville, ce qui entraine une concurrence entre les conseillers d’IAD se référant tous à la même carte professionnelle ; de plus, en appliquant des honoraires individualisés, les mandataires (conseillers) s’octroient des prérogatives propres aux agents immobiliers en contradiction avec l’article 4.3 de la loi

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Hoguet ; le tribunal, en conclut que l’utilisation des barèmes distincts par I@D est en contradiction avec l’arrêté du 2 janvier 1970 et de la loi Hoguet; et que I@D a donc commis une faute;

Respect des honoraires

L’article L. 121-1 du code de la consommation dispose que : « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »>

IAD indique sur son site le barème individuel de chaque conseiller, le client est donc informé du barème en vigueur ; Néanmoins, l’article L. 121-2 du code de la consommation dispose que « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

(…)

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants (…) c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service (…) » ;

or, en outre, selon la pièce n°5 de la demanderesse, sur le mandat de vente d’ORPI, le prix de vente du bien était de 265.000€, selon le barème joint, lequel indique 7% pour cette tranche, soit 18550€ qui a été ramené à 10.000€ ;

de même, la pièce n°4 montre un autre mandat où l’honoraire indiqué sur le barème joint était de 18.830€, ramené à 10.000€;

le tribunal dit que I@D est fautif, vis-à-vis de l’article L. 121-2 du code de la consommation;

Sur la non-conformité de l’information aux locations

ORPIE E reproche à IAD de mentionner l’abréviation HCL (Honoraire Charge Locataire), sur son site internet, en contradiction avec l’article 4 de l’arrêté du 10 janvier 2017, qui stipule que : < 1.-Toute publicité effectuée par l’un des professionnels visés à l’article 1er, et relative à la location ou à la sous-location non saisonnière d’un bien déterminé, doit, quel que soit le support utilisé, indiquer (…)

6-Le montant total toutes taxes comprises des honoraires du professionnel mis à la charge du locataire, suivi ou précédé de la mention « honoraire charge locataire », pouvant être abréviée en < HCL » sur les supports physiques ;(…) » ;

ORPIE E verse au débat des pièces (9) qui mentionnent « HCL » sur le site internet, et non pas le texte en toute lettre ; le tribunal constate donc une irrégularité de la part d’l@D;

Sur le non-respect des obligations de compétence et de formation

L’article 4 de la loi du 2 janvier 1970 dispose que : taim



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< Toute personne habilitée par un titulaire de la carte professionnelle à négocier, s’entremettre ou s’engager pour le compte de ce dernier justifie d’une compétence professionnelle, de sa qualité et de l’étendue de ses pouvoirs dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État (..) »

or, IAD, lors des recrutements de collaborateurs indépendants (conseiller), dont elle est responsable par le fait qu’elle possède une seule carte professionnelle ne fait pas état de critère de niveau de compétence minimale ; néanmoins, il n’est pas versé au débat une grille de critères reconnus et contraignants ;

la formation continue est demandée suivant les modalités du décret n°2016-173 du 18 février 2016, qui dispose que :« Les activités validées au titre de l’obligation de formation continue sont :

1° La participation aux actions de formation mentionnées au 1° de l’article L. 6313-1 du code du travail. Ces actions peuvent être celles considérées comme prioritaires par la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de l’immobilier;

2° L’assistance à des colloques organisés dans les conditions définies à l’article L. 6353-1 du code du travail, dans la limite de deux heures par an ;

3° L’enseignement dans la limite de trois heures par an.

Ces activités ont trait aux domaines juridique, économique, commercial, à la déontologie ainsi qu’aux domaines techniques relatifs à la construction, l’habitation, l’urbanisme, la transition énergétique. Elles ont un lien direct avec l’activité professionnelle exercée.

Au cours de trois années consécutives d’exercice, la formation continue inclut au moins deux heures portant sur la non-discrimination à l’accès au logement et au moins deux heures portant sur les autres règles déontologiques » ;

or, I@D verse au débat son programme de formation continue, dont le tribunal relève qu’il est conforme à ce décret ;

Sur la publicité trompeuse

ORPIE fait grief à I@D de compter dans les biens à vendre des biens sous compromis, r; le tribunal estime que la démonstration n’a pas été apportée par ORPI que cette situation soit de nature à tromper le consommateur, au point de modifier le sens de la décision qu’il est susceptible de prendre ; le tribunal en conséquence dit qu’il n’y a pas eu, en l’espèce, de publicité trompeuse ;

Sur la concurrence déloyale et le préjudice

le tribunal, compte tenu de ce qui précède, dira que I@D s’est rendu coupable d’un certain nombre d’agissements constitutifs de concurrence déloyale ;

Il dit également que ces agissements portent préjudice à ORPI Essonne ; néanmoins, les débats et les pièces produites n’ont permis en aucune manière au tribunal

d’évaluer le montant de ce préjudice; cependant il s’infère certainement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial, à l’origine d’un préjudice, que le tribunal, usant de son pouvoir d’appréciation fixera à 25.000€, déboutant pour le surplus;

tang



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le tribunal, par ailleurs condamnera I@D à se mettre en accord avec la législation (loi Hoguet et arrêté du 10 janvier 2017) sur la conformité et le respect des barèmes d’honoraires dans les 3 mois suivant ce jugement sous astreinte de 500€ par infraction constatée, et ce pendant une période de 6 mois ;

Sur la demande reconventionnelle

IAD verse au débat les barèmes de deux agences ORPI qui pratiquent les mêmes honoraires, le tribunal, après examen des éléments versés aux débats, estime que la similitude entre ces deux barèmes somme toute réduits (8 lignes) ne suffit pas à établir l’existence d’une entente; en conséquence, le tribunal déboutera I@D de sa demande reconventionnelle ;

Sur l’article 700 du CPC l’exécution provisoire et les dépens

ORPI E a dû, pour faire valoir ses droits, supporter des frais irrépétibles qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Le tribunal ordonnera en conséquence à I@D de payer à ORPI la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus.

le tribunal rappellera que l’exécution provisoire étant de droit en application de l’article 514 du CPC et rien ne justifiant de l’écarter, elle sera maintenue;

IAD succombant, le tribunal la condamnera aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :

dit que I@D France a commis des actes de concurrence déloyale vis-à-vis du GIE ORPI ESSONNE ; condamne I@D FRANCE à se mettre en accord avec la législation sur la conformité

et le respect des barèmes d’honoraires dans les 3 mois suivant ce jugement sous astreinte de 500 € par infraction constatée durant une période de 6 mois ; condamne I@D France à verser à GIE ORPI ESSONNE, la somme de 25.000 € à

titre de dommages et intérêts ; déboute I@D France de sa demande reconventionnelle;

déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

condamne I@D FRANCE à verser à GIE ORPI ESSONNE la somme de 5 000 € au

titre de l’article 700 du CPC; rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;

condamne I@D FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23/11/2021, en audience publique, devant M. Z A, juge chargé

d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés. Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de :

M. B-C D, Mme X Y et M. Z A. Délibéré le 16/12/2021 par les mêmes juges.

turky



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Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. B-C D, président du délibéré et par
Mme Jessyca Zenouda, greffier.

Le président. Le greffier.

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Tribunal de commerce de Paris, 24 janvier 2022, n° 2021016655