Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 8 novembre 2013, n° 12/07121

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 8 nov. 2013, n° 12/07121
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/07121

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

3e chambre 3e section

N° RG :

12/07121

N° MINUTE :

Assignation du :

23 Avril 2012

JUGEMENT

rendu le 08 Novembre 2013

DEMANDEUR

Monsieur C X

[…]

[…]

représenté par Me Olivier GARY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0246 & Me Alexis BAUDOUIN, Avocat au barreau de POITIERS.

DÉFENDERESSE

Société LOR COMUNICATION SAS

[…]

[…]

représentée par Maître Georges SOUCHON de la SCP GIBIER SOUCHON FESTIVI RIVIERRE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0452

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie SALORD , Vice-Président, signataire de la décision

D E, Juge

F G, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS

A l’audience du 23 Septembre 2013, tenue publiquement, devant D E, F G, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société LOR COMMUNICATION a édité un ouvrage sur l’aromathérapie paru sous le titre “AROMATHERAPIA” pour lequel Monsieur C X a réalisé des planches de botanique, Madame H A a écrit des textes et Monsieur J-K B a effectué des photographies.

Cet ouvrage se revendique être une encyclopédie pratique et illustrée sur les huiles essentielles.

Monsieur X indique avoir été contacté par Monsieur Y pour réaliser une soixantaine d’illustrations botaniques selon la technique de l’aquarelle.

Il indique avoir collaboré étroitement à la conception de l’ouvrage dans lequel ses oeuvres devaient être incluses entre les mois de février et d’octobre 2011.

Il a émis trois devis les 19 janvier, 7 mars et 5 mai 2011 au tarif de 120 euros par planche.

Il précise avoir réalisé 67 aquarelles d’un format de 21 x 30 cm, qui ont été insérées dans une pré-maquette partielle en réduction qui lui a été présentée en mars 2011.

Une note de droit d’auteur a été établie le 7 juillet 2011 aux termes de laquelle l’illustrateur cédait ses droits pour l’ouvrage moyennant le prix global de 8 040 euros.

Monsieur X affirme que, malgré ses demandes répétées, il n’a jamais reçu la première de couverture et qu’il a découvert, à l’automne 2011, la commercialisation d’un ouvrage reproduisant 66 de ses illustrations en l’absence d’un quelconque contrat d’édition alors que l’exploitation de ses oeuvres était différente de celle prévue sur la pré-maquette.

Il considère que la parution de l’ouvrage sans mention de son nom sur la couverture comme auteur des illustrations et après dénaturation de ses dessins porte atteinte à ses droits d’auteur.

Deux mises en demeure adressées à l’éditeur les 16 novembre 2011 et 19 janvier 2012 sont restées vaines, à l’exception de la demande de restitution des originaux.

Monsieur C X a alors fait assigner la société LOR COMMUNICATION en contrefaçon de ses droits d’auteur, devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d’huissier délivré le 23 avril 2012.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2012, Monsieur X prie le tribunal de :

Vu les articles L 121-1, L 121-2, L 131-4, L132-1, L 335-2, et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Vu la directive communautaire 2044/48/CE du 29 avril 2004 :

RECEVOIR Monsieur X en ses demandes fins et conclusions, les déclarer bien fondées,

DEBOUTER intégralement la société LOR COMMUNICATION de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence :

CONDAMNER la société LOR COMMUNICATION à verser à Monsieur X la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de la violation de ses droits patrimoniaux ;

CONDAMNER la société LOR COMMUNICATION à verser à Monsieur X la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de la violation de son droit moral ;

Z la destruction des « bleus » par la société LOR COMMUNICATION, sous contrôle d’huissier et sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Z, la publication du jugement à intervenir dans deux journaux au choix du demandeur et aux frais avancés de la société défenderesse dans les limites de 10 000 euros par insertion ;

CONDAMNER la société LOR COMMUNICATION à verser une somme de 7000 euros à Monsieur X au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens;

Z l’exécution provisoire.

Au soutien de ses demandes, il conteste la nature d’oeuvre collective de l’ouvrage AROMATHERAPIA au motif que sa contribution personnelle ne se fond pas dans l’ensemble en vue duquel l’oeuvre a été conçue.

Il en déduit qu’il a été porté atteinte à ses droits d’auteur, en l’absence de tout contrat de cession conforme aux dispositions des articles L.335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et à défaut de rémunération proportionnelle pour l’exploitation de l’ouvrage.

Il se plaint d’une violation de ses droits de reproduction dès lors que son autorisation dans la note de droit d’auteur ne valait que pour l’exploitation d’un ouvrage exactement conforme à la pré-maquette qui lui avait été communiquée en mars 2011 et ne prévoyait aucune exploitation sur internet ou à titre publicitaire.

Il soutient que son éventuel accord résultant des échanges de mails n’était pas éclairé puisqu’il pensait que l’accord allait être régularisé ultérieurement. Il estime donc que l’exploitation de ses illustrations a été faite sans son autorisation.

Par ailleurs, il invoque des atteintes à son droit moral d’auteur résultant, selon lui, de la violation de son droit de paternité en l’absence de mention de son nom sur la première de couverture et du non-respect de l’intégrité de ses oeuvres, qui ont été agrandies, réduites ou inversées et dont certaines ont été reproduites sur un fond jaune et non sur un fond blanc, ce qui constitue selon lui une modification de son oeuvre.

En réparation, Monsieur X sollicite la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice matériel résultant de la perte de rémunération proportionnelle, outre 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, ainsi que des mesures complémentaires de publication judiciaire et de destruction.

Pour s’opposer aux demandes reconventionnelles, il conteste toute mauvaise foi et tout manquement à ses engagements contractuels soulignant à ce titre l’absence de contrat d’édition. Enfin, il estime que son action est dépourvue de tout caractère abusif

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 mai 2013, la société LOR COMMUNICATION demande au tribunal de :

Vu les articles L113-2 alinéa 3, L.113-5 alinéa 2, L131-4 alinéa 2, L132-5 alinéa 1, L132-6 alinéa 1, et L. 132-8 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1134 et 1316 à 1316-4 du code civil,

A TITRE PRINCIPAL :

1°/ CONSTATER que l’ouvrage « AROMATHERAPIA », créé à l’initiative et sous la direction de la société LOR COMMUNICATION, est une œuvre collective, dont cette société se trouve investie de l’ensemble des droits ab initio, conformément à l’article L. l13-5 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle ;

CONSTATER en conséquence qu’aucun contrat de cession de droits d’auteur n’était nécessaire à la société LOR COMMUNICATION pour exploiter le travail des différents contributeurs qu’elle a sollicités pour la réalisation de ce livre, et notamment pour exploiter le travail de Monsieur C X ;

En conséquence.

DEBOUTER Monsieur C X de l’ensemble de ses demandes ;

2°/ CONSTATER en outre que le travail de Monsieur C X – en ce qu’il reproduit, sans apport créatif propre et de manière neutre, par simple observation de la nature, et sans mise en scène particulière, les plantes naturelles choisies par la société LOR COMMUNICATION -est dépourvu de toute originalité et, par conséquent, ne constitue pas un travail d’auteur protégeable au sens du code de la propriété intellectuelle et de la jurisprudence ;

En conséquence,

DEBOUTER de plus fort Monsieur C X de l’ensemble de ses demandes fondées sur les droits d’auteur.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si, par extraordinaire, le tribunal devait considérer que Monsieur X pouvait revendiquer un quelconque droit d’auteur sur les dessins illustratifs réalisés,

1°/ CONSTATER que ces droits d’auteur de Monsieur C X ont fait l’objet, par contrat écrit, respectant les mentions légalement obligatoires prévues par le code de la propriété intellectuelle, d’une cession effective et parfaite à la société LOR COMMUNICATION, cession confirmée et précisée par la suite à deux reprises :

— par acceptation par la société LOR COMMUNICATION, agissant par la voie de son mandataire, Monsieur Y, dans un courriel à Monsieur X du 11 février 2011, de l’offre contractuelle claire et ferme formulée par Monsieur X dans son devis à la société LOR COMMUNICATION du 19 janvier 2011 ;

— par acceptation pleine et entière, dans un courriel du 20 juin 2011 à 19h01 de Monsieur X à Monsieur Y, des cinq clauses de cession de droit précisément listées et détaillées par écrit sept heures et demi plus tôt dans le courriel adressé à Monsieur X le 20 juin 2011 à 11h28 par Monsieur Y, agissant en qualité de mandataire de la société LOR COMMUNICATION ;

— par co-signature, le 7 juillet 2011 pour Monsieur X et le 28 juillet 2011 pour la société LOR COMMUNICATION, de la facture établie par Monsieur X lui-même et reprenant les termes et conditions de son devis du 19 janvier 2011 ;

CONSTATER que la société LOR COMMUNICATION se trouve ainsi bien investie :

— de l’ensemble des droits d’auteur de Monsieur C X sur les 67 dessins de plantes réalisés et nécessaires à la publication et à l’exploitation de l’ouvrage « AROMATHERAPIA », ainsi qu’à toutes les actions de promotion et de communication organisées en faveur de ce titre quel qu’en soit le support, imprimé ou audiovisuel, et quel qu’en soit l’objet, y compris commercial ou publicitaire ;

— de l’exclusivité d’usage desdits dessins, en son nom propre ou celui de tout partenaire, notamment détenteur de la marque « PURESSENTIEL », comme stipulé dans l’échange de courriel contractuel du 20 juin 2011 entre les parties ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X de l’ensemble de ses demandes fondées sur une prétendue absence de contrat de cession de droits d’auteur ;

2°/ CONSTATER que Monsieur C X a formellement exprimé son accord, conformément aux dispositions des articles L. 131-4 alinéa 2, L. 132-5 alinéa 1, et L. 132-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, à ce que son travail d’illustrateur de l’ouvrage scientifique, technique et encyclopédique « AROMATHERAPIA » fasse l’objet d’une rémunération forfaitaire, conformément au devis de Monsieur X du 19 janvier 2011 et à la facture établie par Monsieur X lui-même le 7 juillet 2011 ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X de ses demandes fondées sur une prétendue absence de rémunération proportionnelle aux résultats d’exploitation de son travail ;

3°/ CONSTATER que la courte « pré-maquette partielle » de mars 2011 ne pouvait présenter un caractère contractuel contraignant pour la société LOR COMMUNICATION et que Monsieur C X ne pouvait ignorer qu’un tel projet était nécessairement appelé à évoluer ;

CONSTATER de même que Monsieur C X a été tenu parfaitement informé de l’évolution de la mise en page des pages du livre incorporant ses dessins, évolution et mise en pages qu’il a approuvé par écrit, comme en atteste notamment les courriels entre les parties des 5 mai 2011 et surtout du 1er septembre 2011;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X du chef de ses demandes fondées sur le prétendu non-respect par la société LOR COMMUNICATION de la forme de la courte «pré-maquette partielle » de mars 2011 ;

4°/ CONSTATER que la reprise de certains des dessins de Monsieur C X sur le site Internet mis en place par la société LOR COMMUNICATION pour la promotion du livre «AROMATHERAPIA » entre dans l’exploitation normale de ce livre et des éléments qu’il réunit, dont les dessins de Monsieur C X, conformément notamment à l’échange contractuel écrit de courriels du 20 juin 2011 entre Monsieur C X et le mandataire de la société LOR COMMUNICATION ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X de toutes ses demandes de ce chef liées à l’utilisation de ses dessins aux fins de promotion du livre « AROMATHERAPIA », notamment sur Internet ;

5°/ CONSTATER que le nom de Monsieur C X figure bien, en sa qualité d’aquarelliste botanique ayant contribué à l’illustration du livre, en page de garde de celui-ci, en des caractères et selon une position parfaitement visibles et identifiables ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X de ses demandes fondées sur la prétendue violation par la société LOR COMMUNICATION de son droit moral à la paternité de son œuvre ;

6°/ CONSTATER que l’incorporation des dessins de Monsieur C X dans l’ouvrage « AROMATHERAPIA », pour lequel ils ont été commandés par la société LOR COMMUNICATION, ne porte en rien atteinte à l’intégrité de l’œuvre de Monsieur C X, comme celui-ci l’a lui-même reconnu en qualifiant notamment la mise en page finale retenue par la société LOR COMMUNICATION de « vraiment magnifique » dans son courriel du 1er septembre 2011 à 21h02 ;

En conséquence,

DEBOUTER Monsieur C X de l’ensemble de ses demandes fondées sur une prétendue atteinte au droit moral à l’intégrité de son œuvre ;

ET A TITRE RECONVENTIONNEL :

1°/ CONSTATER la particulière mauvaise foi de Monsieur C X dans ses rapports contractuels avec la société LOR COMMUNICATION, rapports pourtant établis et confirmés par écrit ;

En conséquence,

CONDAMNER Monsieur C X, pour violation de son obligation de bonne foi dans ses rapports contractuels avec la société LOR COMMUNICATION, à payer à cette société, à titre de dommages et intérêts, la somme de 10.000 € (dix mille euros) ;

2°/ CONSTATER que, par ses agissements visant à entraver la publication du livre «AROMATHERAPIA » et la promotion de celui-ci, notamment sur internet, Monsieur C X a violé son obligation de garantir à la société LOR COMMUNICATION l’exercice paisible des droits détenus par cette société, et ce en violation de l’article L.132-8 du code de la propriété intellectuelle ;

En conséquence,

CONDAMNER Monsieur C X, à titre de dommages et intérêts, à verser à la société LOR COMMUNICATION la somme de 10.000 € (dix mille euros) ;

3°/ CONSTATER que le caractère particulièrement mal fondé de l’ensemble des demandes formulées par Monsieur C X devant le tribunal de céans, ainsi que la mauvaise foi mise à les soutenir, appuyés même de mensonges caractérisés et mis en évidence par la société défenderesse, rend la présente procédure particulièrement abusive, au préjudice de la société LOR COMMUNICATION ;

En conséquence.

CONDAMNER Monsieur C X à verser à la société LOR COMMUNICATION la somme de 10.000 € (dix mille euros) pour procédure abusive ;

4°/ CONDAMNER en outre Monsieur C X à payer à la société LOR COMMUNICATION la somme de 10.000 € (dix mille euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER enfin Monsieur C X aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SCP GSFR, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Z l’exécution provisoire des condamnations de Monsieur C X à intervenir.

La société LOR COMMUNICATION se prévaut de la titularité ab initio des droits d’auteur sur l’oeuvre collective créée à son initiative et sous sa direction et fait valoir qu’elle pouvait librement exploiter le livre AROMATHERAPIA, y compris à des fins promotionnelles.

L’éditeur conteste toute originalité des dessins de Monsieur X dès lors qu’il s’agirait selon lui d’une reproduction fidèle et sans apport créatif d’éléments de la nature. Il conteste donc l’existence de droits d’auteur au profit du demandeur.

Subsidiairement, la défenderesse fait valoir que la cession des droits de ce dernier est régulièrement prouvée par les trois devis qui lui ont été adressés et qui ont été réglés et par la note de droits d’auteur du 7 juillet 2011 émanant du demandeur. Elle rappelle que l’écrit sous forme électronique constitue une preuve qui a la même force probante que l’écrit sur support papier.

Elle soutient que les parties ont fait le choix d’une rémunération au forfait et que le demandeur est mal fondé en toutes ses réclamations supplémentaires formées de ce chef.

Elle souligne que la pré-maquette ne l’engageait pas de manière contraignante et que l’utilisation des dessins sur internet, dans le cadre de la promotion du livre, est parfaitement licite.

La société LOR COMMUNICATION conteste toute atteinte au droit moral de l’auteur rappelant que le nom de Monsieur X figure en page de titre et estime que les variations de fonds des illustrations, dues aux impératifs techniques, ne constituent pas une dénaturation des dessins originaux.

A titre reconventionnel, elle excipe de la mauvaise foi de l’illustrateur dans ses rapports contractuels et se plaint d’une atteinte à l’exercice paisible des droits cédés. Elle se prévaut enfin du caractère abusif de la présente procédure.

Elle réclame dès lors l’indemnisation du préjudice résultant de ce comportement fautif du demandeur.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 juillet 2013.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur la qualification de l’ouvrage “AROMATHERAPIA”

En vertu de l’article L. 113-2, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

En l’espèce, la société LOR COMMUNICATION a eu l’initiative de l’ouvrage consacré à l’aromathérapie, ce que reconnaît le demandeur dans son acte introductif d’instance et dans les conclusions ultérieures.

Il est également constant que Monsieur X a été contacté par Monsieur Y, mandataire de la société LOR COMMUNICATION, afin de réaliser trois dessins à titre d’essai.

Cet essai ayant été concluant, il lui a été indiqué par mail du 11 février 2011 que la commande porterait, sauf imprévus, sur 60 plantes. Le 14 février 2011, il a reçu une liste de 66 huiles essentielles à illustrer et finalement, il a réalisé pour ce projet 67 planches botaniques.

Le 25 février 2011, il a été destinataire d’une pré-maquette.

Les délais de réalisation des dessins étaient fixés par la société LOR COMMUNICATION, le titre de l’ouvrage, Aromatherapia, a été décidé par l’éditeur et communiqué au dessinateur par mail du 20 mars 2011.

Il n’est ni allégué, ni démontré, que Monsieur X ait eu des contacts avec Madame H A , auteur des textes, ni avec J-K B, auteur des photographies insérées dans l’ouvrage, ni qu’il ait participé à des réunions éditoriales.

Au contraire, la société LOR COMMUNICATION établit qu’elle a été à l’initiative du projet et qu’elle a dirigé la réalisation de ce livre, notamment en commandant et en coordonnant les différentes contributions.

S’agissant plus spécifiquement de la contribution de Monsieur X, elle démontre qu’elle lui a communiqué la liste des plantes à illustrer dans un tableau indiquant les huiles essentielles, le nom latin des plantes dont elles sont extraites et l’indication des espèces apparentées ,après relecture par un expert qu’elle avait mandaté pour éviter toute erreur.

Enfin, il est établi que la société LOR COMMUNICATION a payé aux contributeur les commandes qu’elle leur a passées, et en particulier à Monsieur X, ce qui résulte des devis prévoyant un prix unitaire de 120 € par illustration et de la note de droit d’auteur en date du 7 juillet 2011 fixant un tarif forfaitaire pour les droits de reproduction limités à l’ouvrage .

Au regard de ces éléments, il est avéré que la société LOR COMMUNICATION est seule à l’initiative du livre Aromatherapia qu’elle a dirigé, publié et divulgué sous sa direction et sous son nom.

Le livre Aromatherapia est donc une oeuvre collective sur laquelle la société LOR COMMUNICATION détient les droits d’auteur.

Sur la protection des illustrations de Monsieur X au titre du droit d’auteur

Aux termes de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit, en vertu de l’article L.112-2 9° du code de la propriété intellectuelle les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

La contribution personnelle d’un auteur à un ouvrage collectif n’exclut pas l’existence de droits d’auteur sur l’oeuvre individualisée.

La société LOR COMMUNICATION conteste l’originalité des illustrations de Monsieur X et prétend qu’il s’agit de simples reproductions d’éléments de la nature, sans aucun effort créatif.

Cependant, elle ne verse au débat aucun élément de nature à contester utilement l’originalité des dessins de Monsieur X ou à démontrer qu’il s’agirait d’une reproduction fidèle de la flore.

Or, dans les illustrations litigieuses, la disposition des plantes et des détails qui en sont extraits, ainsi que les effets d’ombre et de lumière mettant en valeur certains des éléments les composant, sont des choix esthétiques, portant l’empreinte de la personnalité de Monsieur X.

Par conséquent, lesdites illustrations sont protégeables au titre du livre 1er du code de la propriété intellectuelle.

Sur l’atteinte aux droits patrimoniaux de Monsieur X

Conformément aux dispositions de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

Le tribunal relève que le requérant fonde ses demandes uniquement sur l’absence de contrat d’édition ce qui, selon lui, interdisait toute exploitation par la défenderesse de l’ouvrage, tant en édition papier que sur internet.

Cependant, la société LOR COMMUNICATION, investie des droits patrimoniaux d’auteur sur l’ensemble de l’ouvrage constituant une oeuvre collective, pouvait librement l’exploiter et le représenter à des fins promotionnelles, dans des journaux généralistes ou sur internet, sans avoir à solliciter l’autorisation préalable des auteurs ayant contribué à l’oeuvre initiale ni justifier d’un contrat d’édition, étant relevé en toute hypothèse qu’en l’espèce, elle justifie de l’accord de Monsieur X en vue de la reproduction de ses 67 aquarelles pour toutes les actions de promotion et de communication organisées en faveur de l’ouvrage quel que soit le support imprimé ou audiovisuel utilisé, ainsi que cela résulte d’un échange de mail du 20 juin 2011 versé au débat.

Les copies écrans versées au débat par Monsieur X, dont la force probante n’est pas contestée, démontrent que le site www.aromatherapia-tout-sur-les-huiles-essentielles.com, est uniquement destiné à présenter l’ouvrage et à le promouvoir. Certes, il reproduit des extraits de l’ouvrage, parmi lesquels une planche de l’herbier aromatique et quatre dessins de Monsieur X mais ces reproductions sont uniquement faites à titre de publicité de l’ouvrage et ne nécessitaient pas un accord distinct de l’auteur.

Les autres sites présentant l’ouvrage ne reproduisent que la couverture de ce dernier.

Par ailleurs, les parties ont librement prévu une rémunération forfaitaire dans les conditions de l’article 132-6-4° du code de la propriété intellectuelle selon lequel, en ce qui concerne l’édition de librairie, la rémunération de l’auteur peut faire l’objet d’une rémunération forfaitaire pour la première édition, avec l’accord formellement exprimé de l’auteur dans le cas de l’illustration d’un ouvrage.

Monsieur X conteste l’application de cette exception au principe de rémunération proportionnelle, considérant que le nombre de ses aquarelles réalisées et éditées dans un format pleine page exclut tout caractère accessoire de ses illustrations.

Toutefois, le tribunal observe que l’herbier composé de 67 planches est intégré au sein d’une encyclopédie de 359 pages comprenant des recettes, des photographies et des informations complètes sur les huiles essentielles.

Du fait de l’émission de la note de droits d’auteur portant sur une unique rémunération forfaitaire, le demandeur est mal fondé à contester le mode de rémunération librement consenti entre les parties.

Monsieur X sera donc débouté de toute demande du chef de l’atteinte à ses droits patrimoniaux d’auteurs.

Sur l’atteinte au droit moral de Monsieur X

En vertu de l’article L. 121-1, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.

- sur le droit au nom

Monsieur X reproche à la société LOR COMMUNICATION de ne pas avoir mentionné son nom sur la première de couverture alors qu’y figurent le nom de Madame A, auteur des textes, et de Monsieur B en sa qualité de photographe.

Cependant, le tribunal observe que le nom de C X en tant qu’auteur des aquarelles botaniques figure en page de titre à l’intérieur de l’ouvrage et en quatrième de couverture à côté d’une illustration de fleur et dans un paragraphe dédié à “l’herbier aromatique – 66 aquarelles botaniques originales” qui évoque “le pinceau expert de C X, aquarelliste botanique, qui a réalisé une série d’illustrations originales, subtiles et nuancées pour ce livre (…) L’herbier, qui est une oeuvre en soi, rappelle le travail des herboristes dans lequel l’aromathérapie contemporaine plonge ses racines”.

Compte tenu de la mention immédiatement accessible du nom de l’auteur de l’herbier, aucune atteinte à la paternité de l’auteur n’est établie.

A ce titre, il y a lieu de relever que la mention du nom de Monsieur X en première de couverture sur la pré-maquette qui lui avait été communiquée ne valait pas engagement contractuel de l’éditeur.

En outre, le nom de Monsieur X figure également sur les extraits du site internet www.aromatherapia-tout-sut-les-huiles-essentielles.com.qu’il verse au débat dont la défenderesse est l’éditrice.

Aucune atteinte au droit de paternité du demandeur n’est donc établie à l’encontre de la société LOR COMMUNICATION.

— sur le droit au respect de l’oeuvre

Monsieur X se plaint d’une atteinte à l’intégrité de ses oeuvres de fait de l’agrandissement, du rétrécissement et de l’inversion de 59 dessins mais outre que ces modifications mineures résultent des impératifs d’impression et de mise en page pesant sur l’éditeur, il est établi que l’illustrateur a reçu le 1er septembre 2011 les épreuves en pages de l’herbier et a donné un satisfecit à l’éditeur, dès lors qu’il a écrit “je trouve cette mise en page très élégante et très “Nature”. C’est vraiment réussi. Bravo!”.

En outre, l’impression sur un fond jaune pâle ne nuit pas à la qualité des couleurs, ni à la précision des traits des illustrations, étant relevé que certaines illustrations originales sont réalisées sur des feuilles légèrement jaunies.

Il s’ensuit qu’aucune dénaturation substantielle ayant pu porter atteinte au droit moral de l’auteur n’est démontrée et Monsieur X doit être débouté de toutes ses demandes en ce sens.

Sur les demandes reconventionnelles

La société LOR COMMUNICATION soutient que Monsieur X a fait preuve de mauvaise foi dans ses rapports contractuels en contestant ses accords pourtant clairs et évidents tels qu’ils ressortent des échanges de mails ce qui constitue selon elle un manquement à l’obligation d’exécuter les conventions de bonne foi prévue par l’article 1134 du code civil. Elle réclame de ce chef l’allocation de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par ailleurs, elle indique que la contestation des contrats et accords intervenus entre les parties par l’auteur constitue une atteinte à l’exercice paisible du droit cédé par l’auteur en contravention de l’article L. 132-8 du code de la propriété intellectuelle et elle réclame à ce titre la somme de 10 000 euros.

Enfin, la société défenderesse excipe du caractère abusif de la présente procédure qui aurait été intentée dans le seul objectif de lui nuire. Elle sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Monsieur X conclut au débouté au motif qu’en l’absence de contrat d’édition, il ne peut avoir manqué à ses obligations contractuelles et qu’en l’absence de cession de ses droits, il n’est tenu à aucune obligation de garantie une jouissance paisible de ses droits d’auteur à l’éditeur. Enfin, il conteste tout abus dans l’exercice de son action en justice.

Sur ce, le tribunal constate que la société LOR COMMUNICATION formule trois demandes distinctes fondées sur les mêmes faits considérant que Monsieur X, en contestant en justice les accords passés entre les parties, a commis une faute.

Pourtant, Monsieur X a pu légitimement se méprendre sur la portée de la cession de ses droits. Il en résulte qu’aucune mauvaise foi engageant sa responsabilité contractuelle n’est caractérisée.

De plus, les demandes en paiement de redevances proportionnelles et en indemnisation des atteintes causées à son droit moral ne constituent pas une violation de la garantie édictée par l’article L 132-8 du code de la propriété intellectuelle mais l’exercice par l’auteur de son droit d’agir en justice pour faire valoir ses droits. Aucune faute n’est donc établie à ce titre.

Enfin, l’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, la défenderesse ne rapporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part du demandeur, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits à son encontre et n’établit pas l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés. Elle sera donc déboutée de sa demande au titre de la procédure abusive.

Sur les autres demandes

M. C X, qui succombe, devra supporter les entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par la SCP GSFR, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il devra par ailleurs verser à la société LOR COMMUNICATION la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature de la présente décision, il n’y a pas lieu d’en Z l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que le livre “AROMATHERAPIA” est une oeuvre collective sur laquelle la société LOR COMMUNICATION est investie des droits d’auteur ;

DEBOUTE Monsieur X de l’ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la société LOR COMMUNICATION de ses demandes reconventionnelles ;

CONDAMNE Monsieur C X aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par la SCP GSFR, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur C X à payer à la société LOR COMMUNICATION la somme de 2 000 euros (DEUX MILLE EUROS) ;

DIT n’y avoir lieu d’Z l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi fait et jugé à Paris le huit novembre deux mil treize.

Le Greffier Le Président

FOOTNOTES

1:

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 8 novembre 2013, n° 12/07121