Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 3e section, 18 novembre 2013, n° 12/11416

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 3e sect., 18 nov. 2013, n° 12/11416
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/11416

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

1/1/3 resp médicale

N° RG :

12/11416

N° MINUTE :

PAIEMENT

D CC

Assignation du :

2, 3 et 13 juillet 2012

AJ N° 2011/45973

Après expertise du

— Docteur M-N O

[…]

27 rue du Faubourg Saint I

[…]

— Docteur P-Q R

[…]

[…]

[…]

JUGEMENT

rendu le 18 novembre 2013

DEMANDERESSE

Madame G H épouse X

[…]

[…]

représentée par Me D L, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0521

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2011/45973 du 01/12/2011 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

DÉFENDEURS

Monsieur I B

[…]

[…]

[…]

Compagnie SWISSLIFE

[…]

[…]

représentés par Me Hélène FABRE de l’Association FABRE SAVARY FABBRO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0124

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) D’ILLE ET C

[…]

[…]

représentée par Maître Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0295

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame S T-U, 1re Vice-Présidente Adjointe

Madame Rozenn LE GOFF, Vice-Présidente

Madame Nadine GRAND, Vice-Présidente

assistées de Elisabeth AUBERT, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 7 octobre 2013 tenue en audience publique devant S T-U et Nadine GRAND, magistrats rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

En premier ressort

Sous la rédaction de S T-U

[…]

Madame G X, née le […], souffre d’une chondropathie rotulienne des deux genoux.

En mai 2007, elle a ressenti une gêne à la marche se situant majoritairement au niveau de son genou droit.

Le 18 juillet 1997, après un arthroscanner, une arthroplastie rotulienne droite par arthroscopie a été réalisée par le Docteur Y, sous garrot et rachianesthésie.

Madame X n’a pas bénéficié de séances de rééducation par kinésithérapie, le Docteur Y ayant imputé ses douleurs résiduelles à son état psychologique.

Madame X, souhaitant un autre avis a consulté le Docteur Z qui a constaté que la rotule du genou droit était mal centrée.

Il lui a prescrit des anti-inflammatoires, des séances de rééducation par kinésithérapie ainsi que le port d’une attelle.

Ce traitement n’améliorant pas la symptomatologie douloureuse, le Docteur Z a proposé à Madame X une intervention chirurgicale consistant en une transposition tibiale antérieure du genou droit avec arthroplastie rotulienne le 15 septembre 1997.

Cette intervention, réalisée sous anesthésie générale, s’est déroulée sans particularité et Madame X a été consolidée dans des temps normaux.

Le 23 mars 1998, le Docteur Z a procédé au retrait du matériel mis en place car la baguette osseuse s’était cassée en raison d’une chute en décembre 2007.

En mai 1998, des douleurs similaires ont été ressenties par Madame X cette fois-ci au genou gauche.

Le Docteur Z a proposé à Madame X de pratiquer la même intervention que celle qu’elle avait subie sur l’autre genou.

Une intervention de transposition de la tubérosité tibiale antérieure avec patelloplastie a ainsi été prévue pour le 18 mai 1998.

Madame X a été reçue en consultation pré-anesthésique par le Docteur A, anesthésiste qui opérait habituellement avec le Docteur Z à la clinique JOUVENET.

Cet anesthésiste ayant dû être hospitalisé pour une appendicectomie, le Docteur B a été contraint de le remplacer.

Il a rendu visite à Madame X la veille de l’intervention, soit le 17 mai 1998.

Le 18 mai 1998, l’intervention a été menée sous garrot pneumatique, anesthésie locorégionale (sans mise en place de cathéter inguinal) et sous anesthésie générale.

Madame X a quitté la Clinique JOUVENET le 27 mai 1998 pour être hospitalisée en externe à la clinique D’ORGEMONT où elle a bénéficié des séances de rééducation.

C’est à ce moment-là qu’elle a constaté qu’elle ne récupérait pas de force et qu’elle avait une mauvaise flexion, ce qui aurait été à l’origine d’une majoration d’un état anxio-dépressif ancien.

Par la suite une algoneurodystrophie a été évoquée par le Docteur Z ainsi qu’un défaut de verrouillage du genou et une fracture de la baguette osseuse.

Le 7 juin 1999, le Docteur Z a procédé au retrait du matériel ainsi qu’à une plastie de renfort au niveau du tendon rotulien sous anesthésie générale.

Les suites opératoires ont été marquées par un syndrome douloureux ainsi qu’une absence de verrouillage actif du genou gauche.

Au cours du mois de juin 2001, un électromyogramme, un scanner et IRM ont été réalisés à la clinique DES LILAS. L’électromyogramme a mis en évidence une atteinte du nerf crural, atteint ou rompu, selon les praticiens consultés, lors de l’anesthésie pratiquée par le docteur I B le 18 mai 1998.

Madame X, après s’être rapprochée en vain du docteur B et de son assureur a saisi le président du tribunal de céans aux fins d’expertise judicaire.

Selon ordonnance de référé rendue le 2 octobre 2009, les Docteurs O (chirurgien orthopédique) et R (médecin anesthésiste) ont été désignés en qualité d’Experts Judiciaires.

Les Experts ont rempli leur mission et déposé leur rapport au greffe du Tribunal de grande instance de Paris le 4 juillet 2010.

Par exploits des 2, 3 et 13 juillet 2012, madame G X a assigné le docteur I B, son assureur la SA SWISSLIFE Assurance et Patrimoine et la CPAM d’ILLE et C aux fins de déclaration de responsabilité et indemnisation du préjudice subi, en présence du tiers payeur.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2013, madame G X demande au tribunal de :

— Déclarer le Dr B responsable des préjudices subi par Mme X consécutivement à l’anesthésie pratiquée au cours de l’intervention chirurgicale sur le genou gauche le 18 mai 1998.

— Condamner in solidum le Dr B et son assureur J K à payer à Mme X :

o La somme de 278.702,06 € au titre des préjudices patrimoniaux ;

o La somme de 91.506,00 € au titre des préjudices extrapatrimoniaux.

— Déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM d’Ille-et-C.

— Condamner in solidum le Docteur B et J K à payer à Mme X une indemnité 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

— Condamner in solidum le Docteur B et J K à payer à Maître D L une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

— Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

— Condamner le Dr B et son assureur J K aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et ceux engagés dans le cadre de la procédure de référé, dont distraction au profit de Maître D L, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Elle se prévaut du rapport d’expertise pour faire valoir que le docteur I B a manqué à son devoir d’information et a commis une faute en blessant le nerf fémoral lors de son intervention.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 décembre 2012, la CPAM d’ILLE et C demande au tribunal de :

— CONDAMNER solidairement le Dr B et la SA J K à verser à la CPAM D’ILLE ET C la somme de 78.591,10 €, à due concurrence de l’indemnité réparant le préjudice corporel de la victime, toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement.

— DIRE que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la demande.

— CONDAMNER solidairement le Dr B et la SA J K à verser à la CPAM D’ILLE ET C la somme de 2.000,00 €, par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

— DIRE que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par celui-ci en application du tarif des huissiers devra être supporté par le débiteur en sus de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— CONDAMNER également les mêmes et sous la même solidarité en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, Avocats, et ce, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juin 2013, le docteur I B demande au tribunal de :

— Constater qu’aucune faute technique n’a été retenue par les experts à l’encontre du Docteur B dans la réalisation du geste anesthésique lors de l’intervention du 18 mai 1998,

— Constater qu’aucun défaut d’information ne peut être retenu à l’encontre du Docteur B,

— Constater que le lien de causalité direct et certain entre le geste anesthésique et l’atteinte du nerf fémoral à l’origine des séquelles de Madame X n’est pas établi,

En conséquence,

— Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes,

— La condamner à verser au Docteur B et à la société Swisslife la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hélène FABRE, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

à titre subsidiaire

— Constater que le défaut d’information ne peut être à l’origine que d’une perte de chance d’éviter l’atteinte au nerf fémoral et donc la paralysie du quadriceps gauche présentée par Madame X,

— Constater que cette perte de chance est inexistante dès lors que Madame X avait connaissance des risques inhérents au geste anesthésique et n’aurait en conséquence pas refusé le protocole anesthésique proposé même si elle avait été informée différemment,

— Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes,

— La condamner à verser au Docteur B et à la société Swisslife la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hélène FABRE, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

à défaut,

— Dire et juger que le taux de perte de chance ne saurait dépasser 10%,

— Faire sommation à Madame X d’avoir à communiquer la carte grise de son véhicule actuel,

Avant application du taux de perte de chance, retenir les éléments d’indemnisation suivants :

— Dépenses de santé actuelles :

o Madame X : 0 euros

o CPAM : débouté

— Frais divers : débouté

— Dépenses de santé futures :

o Madame X : 116,18 euros

o CPAM : 20.387,80 euros

— Incidence professionnelle : débouté,

— Frais d’adaptation du véhicule : réservé

A défaut : 17.507,60 euros,

— Tierce personne : débouté,

— DFT : 4.536 euros,

— Préjudice esthétique temporaire : 2.000 euros,

— Souffrances endurées : 9.000 euros,

— DFP : 21.671 euros,

— Préjudice esthétique : 1.000 euros,

— Préjudice d’agrément : débouté.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

La clôture est intervenue par ordonnance du juge de la mise en état du 24 juin 2013.

SUR CE,

I/SUR LA RESPONSABILITE

attendu que tout praticien est tenu, tant en vertu du contrat qui le lie à son patient qu’en application de l’article L. 1111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique d’un devoir de conseil et d’information ;

que l’information du patient porte, de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu’en cas de litige c’est au professionnel d’apporter, par tous moyens en l’absence d’écrit, la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé ;

attendu que les experts ont indiqué : "madame G X n’a pas reçu d’information particulière quant aux risques encourus du fait de l’intervention chirurgicale. Elle n’a pas reçu non plus d’informations quant à la technique d’anesthésie que le docteur B se proposait d’utiliser. Il faut ici noter que le docteur I B ne devait pas être l’anesthésiste pour l’intervention du 18 mai 1998 que ce n’est donc pas lui qui a reçu madame X en consultation d’anesthésie pré-opératoire et que le médecin consulté, le docteur A avait proposé un protocole d’anesthésie générale comme il avait été fait pour la précédente intervention du 15/09/1997. Par contre, le docteur B s’il a satisfait à l’obligation d’une visite pré-anesthésique la veille de l’intervention, n’ a pas dit au cours de cette visite son intention de recourir à une anesthésie loco-régionale comme complément de l’anesthésie générale. Par là même les risques encourus du fait de cette technique n’ont pas été dits.

qu’en réponse à un dire, les experts ont précisé « Au cours de la réunion d’expertise, Madame X a indiqué que le Docteur B n’avait pas dit qu’il ferait avant l’anesthésie générale une anesthésie loco-régionale.

Interrogé sur ce point précis par les experts, le Docteur B n’a pas contredit Madame X » ;

qu’il suit de là que le tribunal retient un défaut d’information à l’encontre du docteur I B ;

attendu que le contrat médical met à la charge du médecin l’obligation de dispenser au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à la date de son intervention, cette obligation concernant tant l’indication du traitement que sa réalisation et son suivi ;

que tout manquement à cette obligation qui n’est que de moyens, n’engage la responsabilité du praticien que s’il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine avec la faute commise ;

attendu que les experts ont indiqué :

"Le dossier médical de Madame X est mal renseigné car la notion de douleur ressentie par Madame X n’est pas rapportée dans le compte rendu d’anesthésie, ce qui en empêche d’en dire le moment ».

« La douleur décrite par Madame X est tout à fait caractéristique d’un contact de l’aiguille utilisée pour l’anesthésie avec le nerf fémoral ».

« Il existe une concordance de territoire d’innervation entre la douleur initiale décrite par Madame X et le déficit neurologique actuel, soit une paralysie motrice du nerf fémoral gauche ».

« Il n’est pas possible de dire ou d’infirmer la participation éventuelle du garrot dans la constitution des lésions tant manquent les précisions de sa mise en œuvre ».

« Par contre l’histoire clinique qui voit successivement une douleur aigue dans le territoire du nerf fémoral au moment de la réalisation du bloc nerveux, un déficit moteur dans ce même territoire encore aujourd’hui constatable et un examen électromyographique qui situe la « lésion » nerveux au creux inguinal, invite à considérer que l’origine de la souffrance fémorale gauche actuelle se trouve dans le traumatisme subi par ce nerf au moment de la réalisation du bloc nerveux ».

attendu que le médecin est tenu d’être irréprochable dans ses gestes techniques et doit limiter les atteintes qu’il porte au patient à celles qui sont nécessaires à l’opération ;

qu’en conséquence, dès lors que la réalisation de l’acte médical n’impliquait pas la lésion constatée et qu’il n’est pas démontré que la complication survenue résulte d’une anomalie anatomique rendant l’atteinte d’un organe ou d’un tissu inévitable, la faute technique du praticien ne peut être exclue ;

que les experts ont mis en évidence à partir de leur analyse des pièces médicales et auditions des parties la certitude d’une blessure provoquée par le docteur I B, n’ont jamais évoqué qu’il se fut agi d’un aléa thérapeutique, de sorte que cette maladresse est bien fautive et engage la responsabilité du praticien ;

attendu qu’en raison tant du manquement fautif à son obligation d’information que de la faute technique commise, le docteur I B doit être condamné in solidum avec son assureur à indemniser madame G X de l’intégralité du préjudice subi et à rembourser le tiers payeur subrogé dans les droits de la patiente ;

II/ SUR LE PREJUDICE

attendu que les experts ont conclu comme suit sur le préjudice de madame G X :

Déficit fonctionnel temporaire 35% du 29 juin 1998 au 18 mai 1999,

— Date de consolidation : 18 mai 1999,

— Déficit fonctionnel permanent : 25%,

— Préjudice professionnel : oui, aménagement de poste en tenant compte des difficultés pour monter et descendre les escaliers,

— Souffrances endurées : 3,5/7,

— Préjudice esthétique temporaire : 1,5/7,

— Préjudice esthétique définitif : 1/7 ;

— Frais de santé futurs : renouvellement annuel de la canne utilisée par Mme X, consultation du médecin généraliste mensuellement pour le renouvellement des ordonnances d’antalgiques et une consultation en centre antidouleur semestriellement afin d’adapter le traitement antalgique.

— Frais de véhicule : boîte automatique.

madame G X née le […] n’avait pas d’emploi au moment des faits. Elle est mère de 5 enfants nés entre 2003 et 2012 ;

attendu que madame G X demande à ce que la date de consolidation soit reportée au 2 juin 2001 aux motifs que le 07/06/1999, le Docteur Z a effectué une ablation du matériel d’ostéosynthèse et du fragment osseux, une arthroscopie, une neurolyse et une arthroplastie rotulienne, que le 13 octobre 1999 et le 22 mai 2001, il avait constaté l’absence de verrouillage du genou et prescrit un examen électromyographique et que ce n’est qu’au cours de l’IRM du genou gauche du 2 juin 2001 qu’est démontrée la parfaite consolidation de la transposition de la tubérosité tibiale antérieure ;

mais attendu que cet argument avait déjà été soumis aux experts qui, pour confirmer la date du 18 mai 1999 ont expliqué qu’elle correspondait à un délai d'« un an après la réalisation du bloc fémoral, délai au terme duquel la littérature médicale rapporte la guérison sans séquelle des déficits du nerf fémoral liés à des blocs nerveux » ; qu’ils ont rejeté la date proposée du 2 juin 2001, date de l’IRM du genou gauche au motif qu’il « n’est bien sûr pas possible de confondre les évolutions de la chirurgie osseuse et celles du traumatisme nerveux, il s’agit de deux pathologies bien distinctes » ;

que le tribunal se fondant sur les arguments précis et circonstanciés des experts retient la date de consolidation fixée par ces derniers ;

que compte tenu de tous les éléments qui précèdent, il convient de fixer ainsi qu’il sera ci-après indiqué les divers préjudices de la victime, étant précisé qu’en vertu de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire de la caisse contre les tiers s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elle a pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel ;

1. Les préjudices patrimoniaux temporaires

1.1. Les dépenses de santé actuelles

attendu qu’elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime ;

qu’en application de l’article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, la CPAM dispose d’un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel ;

attendu que la CPAM d’Ille et C produit un décompte actualisé et définitif à hauteur de 25 399,86 €, étayé par l’attestation d’imputabilité du docteur E, et correspondant aux frais exposés suite aux fautes commises au cours de l’intervention litigieuse ;

que ce poste de préjudice est constitué de la seule créance de la CPAM d’Ille et C laquelle doit lui être payée ;

1.2. Les frais divers

attendu que l’Expert Judiciaire n’a pas retenu la nécessité d’une tierce personne ;

que madame G X ne peut prétendre à la nécessité d’une tierce personne en lien strict avec la faute du docteur I B de juin 1998 à mai 1999 en procédant par simple affirmation ;

que la demande est rejetée ;

1.3. La perte de gains professionnels actuels

attendu que Mme X étant sans emploi au moment des faits, il n’y a eu aucune perte de gains professionnels actuels ;

2. Les préjudices patrimoniaux permanents

2.1. Les dépenses de santé futures

attendu que les Experts Judiciaires ont précisé que les frais futurs consisteront en :

— Une consultation de médecine générale mensuelle pour le renouvellement des antalgiques,

— Une consultation semestrielle en centre antidouleur,

— Le renouvellement de la canne utilisée par Mme X annuellement.

attendu que les séances de kinésithérapie relevant du traitement de la douleur, la créance de la CPAM s’élève à la somme de 27.791,38 € ;

attendu que l’Expert a relevé la nécessité de renouvellement annuel de la canne anglaise de madame G X ;

que la CPAM ne prend en charge le renouvellement de la canne utilisée par Mme X que tous les 5 ans ;

que le coût de la canne étant de 12,20 € avec une annuité par la CPAM d’Ille et C de 9,15 €, le calcul retenu par le tribunal est celui du défendeur, avec le barème GAZ PAL 2004, soit une somme restant à charge de 116,18 € ;

que la créance au titre de ce poste est de 27.907,56 € ;

que la somme de 116,18 € est due à madame G X et le solde correspondant à la créance de la CPAM d’Ile et C doit lui revenir ;

2.2. Les frais de véhicule adapté

attendu que l’Expert a préconisé l’utilisation d’une boîte automatique par Mme X,

que madame G X ne peut prétendre à l’achat d’un nouveau véhicule par le défendeur mais seulement au surcoût correspondant à un véhicule doté d’une boite automatique, avec un renouvellement tous les 7 ans ;

que dès lors le calcul de la dépense par les défendeurs est entériné par le tribunal, soit la somme de 17.507,60 € ;

2.3. Tierce personne

attendu que s’il est vrai que l’expert n’a pas retenu de besoin en tierce personne, il a cependant rappelé l’intrication étroite entre les conséquences de la paralysie du quadriceps gauche, conséquence de la souffrance du nerf fémoral gauche et celles de l’arthrose du genou non imputable au docteur I B ;

qu’il a ainsi, pour le déficit fonctionnel permanent caractérisé par l’impossibilité de courir, de s’accroupir, la fatigue à la marche prolongée et les difficultés à monter et descendre les escaliers évalué celui-ci à 25% dont 2/3 imputables à l’atteinte du nerf crural ;

qu’en définitive il existe bien un besoin en tierce personne nécessité par les conséquences de la faute du docteur I B puisqu’une part non négligeable des séquelles physiques est consécutif à la faute du praticien ; que ces restrictions sont manifestement handicapantes pour que madame G X puisse assurer les tâches quotidiennes familiales ;

que le tribunal évalue ce besoin à 2 heures par semaine ;

que l’indemnisation est fixée comme suit : pour les arrérages jusqu’au 31 décembre 2012 : 709 semaines x 2 heures x 16 € = 22.688 € ;

pour la capitalisation de la dépense le barème proposé par la commission LAMBERT-F et publié dans la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004, fondé sur les tables d’espérance de vie les plus récentes, tenant compte de la différenciation par sexe, et sur un taux d’intérêt de 3,20 %, est retenu

soit : 52 x 2 x 16 € x 24,590 (euro de rente à 36 ans pour une femme) = 40.917,76 € ;

2.4. Incidence professionnelle

attendu que ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l’ obligation de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d’une autre choisie en raison de la survenance du handicap ;

que les Experts Judiciaires ont conclu à la nécessité de trouver un poste aménagé tenant compte des difficultés de Mme X à se déplacer, notamment à monter et à descendre les escaliers ;

attendu que ce préjudice existe à raison des séquelles en lien avec la faute commise ;

que Mme X a un BEP de comptabilité, une formation d’aide puéricultrice et de secrétaire médiale ; qu’étant encore jeune, elle est à même de pouvoir reprendre un emploi lequel devra cependant correspondre à ses capacités physiques nécessairement diminuées par le déficit fonctionnel permanent lié aux faits ;

que tenant compte de ces éléments mais aussi de l’état de santé qui ne relève pas de la faute du docteur I B, la somme de 5.000 € est allouée ;

3. Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

3.1. Le déficit fonctionnel temporaire

attendu que les experts ont retenu un déficit fonctionnel temporaire de 35% pour la période du 29 juin 1998 au 18 mai 1999, soit une période de 323 jours ;

qu’il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire ;

que sur la base de 40 € par jour est allouée la somme offerte de 4.536 € ;

3.2. Les souffrances endurées

attendu qu’elles ont été évaluées à 3,5/7 par les Experts ;

que la somme de 9.000 € pour ce poste de préjudice est allouée ;

3.3. Le préjudice esthétique temporaire

attendu que l’Expert l’a évalué à 1,5/7 en tenant compte de la marche aidée par les béquilles ;

que la somme réclamée et offerte de 2.000 € est allouée ;

4. Les préjudices extrapatrimoniaux permanents

4.1. Le déficit fonctionnel permanent

attendu que ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) ;

attendu que l’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique a été évaluée par les Experts à 25% dont 2/3 liée à l’atteinte nerveuse et 1/3 à l’état arthrosique, soit 16,67% imputable ;

qu’à la date de consolidation, Mme X était âgée de 22 ans ; que compte tenu de l’âge de Mme X et de son taux d’incapacité, il est alloué une somme de 40.008 €, soit 2.400 € du point ;

4.2. Le préjudice d’agrément

attendu que ce poste de préjudice répare l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ;

que l’Expert a relevé que l’arrêt des activités de loisirs par madame G X n’est pas sans lien avec les difficultés liées à la pathologie dont elle était atteinte plutôt que par les complications de l’intervention du 18 mai 1998 ;

qu’en tout état de cause madame G X ne produit aucune pièce quant à des activités spécifiques qu’elle aurait pratiquées et contrainte d’abandonner par la faute du docteur I B ; que de surcroît le préjudice en lien avec les faits résultant du trouble dans les conditions d’existence et correspondant à la pratique de sports et loisirs pratiqués par tout un chacun, est déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent ;

que la demande est rejetée ;

4.3. Le préjudice esthétique permanent

attendu que ce poste de préjudice a été quantifié à 1/7 par les Experts, à raison de la nécessité de marcher avec une canne ;

que la somme réclamée de 1.500 € est allouée

IV / SUR LE SURPLUS

attendu que la CPAM d’Ille et C demande au tribunal de "dire que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par celui-ci en application du tarif des huissiers devra être supporté par le débiteur en sus de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

que cette demande dont le fondement n’est pas précisé, est en tout état de cause contraire aux dispositions de l’article 32 alinéa 1 de la loi du 9 juillet 1991 dans sa rédaction issue de la loi n°99-957 du 22 novembre 1999, lequel dispose que les frais d’exécution forcée sont à la charge du débiteur sauf notamment « les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge du créancier dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;

Or que le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001portant articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 fixant le tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a institué à nouveau un droit proportionnel à la charge du créancier, après annulation par le Conseil d’Etat de l’article 10 du décret précité » ;

que la demande sera en conséquence rejetée, le juge ne pouvant, sous peine d’excès de pouvoir, faire supporter par le débiteur des frais qui incombent expressément au créancier en vertu des textes précités ;

que la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d’action de la victime, n’est pas indemnitaire et se borne au paiement d’une certaine somme ; qu’en application de l’article 1153 du Code Civil, le point de départ des intérêts pour les créances des organismes sociaux est celui du jour de leur première demande en justice et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement ;

attendu que Mme X ne bénéfice de l’aide juridictionnelle que depuis le 1er décembre 2011 et a supporté les frais irrépétibles de l’instance en référé ;

que sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile est accueillie à hauteur de 2.000 €, s’agissant de frais de l’instance préparatoire au L ; qu’il est équitable d’allouer la même somme sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Maître D L et également à la CPAM d’Ille et C ;

attendu que l’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée compte tenu de l’ancienneté du litige ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que le docteur I B a manqué à son obligation d’information et a commis une faute à l’origine des préjudices subis par madame G X consécutivement à l’anesthésie pratiquée au cours de l’intervention chirurgicale sur le genou gauche le 18 mai 1998.

Condamne in solidum le Dr B et son assureur J K à payer à Mme X les sommes suivantes :

déficit fonctionnel temporaire 4.536 € (quatre mille cinq cent trente six euros),

souffrances endurées : 9.000 € (neuf mille euros),

préjudice esthétique temporaire : 2.000 € (deux mille euros),

dépenses de santé futures : 116,18 € (cent seize euros dix-huit centimes),

frais de véhicule adapté : 17.507,60 € (dix-sept mille cinq cent sept euros soixante centimes),

tierce personne définitive : 22.688 € (vingt-deux mille six cent quatre vingt-huit euros) d’arrérages et 40.917,76 € (quarante mille neuf cent dix-sept euros soixante seize centimes) de capital,

incidence professionnelle : 5.000 € (cinq mille euros),

Déficit fonctionnel permanent : 40.008 € (quarante mille huit euros),

préjudice esthétique définitif : 1.500 € (mille cinq cents euros),

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Condamne in solidum le Dr B et son assureur J K à payer à la CPAM d’Ille et C :

la somme de 25.399,86 € (vingt-cinq mille trois cent quatre-vingt-dix-neuf euros quatre-vingt-six centimes) imputable sur le poste dépenses de santé actuelles fixé à ce montant la somme de 27.791,38 € imputable sur le poste dépenses de santé futures fixé à la somme de 27.907,56 € avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification de ses conclusions contenant demande en paiement,

toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement.

Condamne in solidum le Dr B et son assureur J K à payer à madame G X la somme de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à Maître D L la même somme sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Condamne in solidum le Dr B et son assureur J K à payer à la CPAM d’Ille et C la somme de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne également les mêmes in solidum en tous les dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire et ceux engagés dans le cadre de la procédure de référé, dépens en ce qui concerne l’instance principale qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle et reconnaît au profit de Maître D L et de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, Avocats, le droit de distraction aux formes et conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ;

ordonne l’exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à Paris le 18 novembre 2013

Le Greffier La Présidente

E. AUBERT D. T-U

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Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 3e section, 18 novembre 2013, n° 12/11416