Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 2e section, 5 janvier 2017, n° 15/19137

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 2e ch. 2e sect., 5 janv. 2017, n° 15/19137
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/19137

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

2e chambre 2e section

N° RG :

15/19137

N° MINUTE :

Assignation du :

15 Décembre 2009

JUGEMENT

rendu le 05 Janvier 2017

DEMANDEURS

Mademoiselle B A

[…]

[…]

[…]

Monsieur D A

[…]

[…]

Madame E A épouse X

[…]

[…]

représentés par Me Philippe SCARZELLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1281

DÉFENDEURS

Monsieur F A

[…]

[…]

Monsieur G A

[…]

[…]

S.C.I. A – L

[…]

[…]

représentés par Me Thierry DOUËB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1272

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Jérôme Y, Vice-Président

Madame Hélène DUBREUIL, Vice-Présidente

Madame H Z, Juge

assistés de Murielle C, Greffier,

DÉBATS

A l’audience collégiale du 10 novembre 2016 présidée par M. Y et tenue en audience publique, rapport a été fait par Mme Z, en application de l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2017.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire, en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Faits constants :

Le 17 février 1959, M. F A et I J se sont mariés à […] sans contrat de mariage.

De leur union, sont nés quatre enfants :

— G A, né le […],

— B A, née le […],

— D A, né le […]

— E A, née le […].

La société A L, constituée en novembre 2000, est propriétaire d’un immeuble situé […] à PARIS (75) et son capital était composé ainsi :

* M. F A : 750 parts (n°1 à 750)

* I A : 750 parts (n°751 à 1500)

soit au total, 1 500 parts.

Pour la constitution de cette société, les époux A ont fait chacun un apport personnel de 750.000 francs pour financer l’achat d’un “ local d’habitation situé […] à Paris 11e”. I A a été désignée gérante.

Par deux actes sous seing privé du 8 mai 2002 :

— M. F A a cédé 38 parts de la SCI A L (n°713 à 750) à la société HOTEL BRISTOL (société anonyme de la famille A dont M. F A est actionnaire et était représentant légal avant que son fils G A ne lui succède)

— I A a cédé 38 parts de la SCI A L (n°1462 à 1500) à la société HOTEL BRISTOL par référence à la valeur nominale.

Par acte authentique du 19 décembre 2005, M. F A et I A ont fait donation de parts et de démembrements de celles-ci par référence à leur valeur nominale au profit de leur fils G A, ainsi qu’il suit :

— la toute propriété de 656 parts de la SCI A L :

parts n°1 à 328 de M. F A

parts n°713 à 1040 de I A

— la nue-propriété de 450 parts de la SCI A L :

parts n°329 à 553 de M. F A

parts n°1041 à 1266 de I A.

Par acte en date du 28 février 2006, une autre cession des parts de la SCI A L à M. G A est intervenue à leur valeur nominale, ainsi qu’il suit :

* par la société HOTEL BRISTOL : 76 parts sociales (n°1425 à 1500)

* par M. F A : 159 parts sociales (n°554 à 712)

* par I A : 159 parts sociales (n°1266 à 1424).

I A est décédée le […], laissant à sa succession :

— son époux et

— ses quatre enfants.

Aux termes de ces opérations, qui se sont étalées sur environ quatre ans, M. G A est devenu, après le décès de sa mère, le principal associé de la SCI A L puisqu’il détient en pleine propriété 1.275 parts sociales et en nue-propriété 225 parts sociales.

Le 15 décembre 2009, Mmes B et E A et M. D A ont assigné la SCI A L, M. F A et M. G A en nullité d’une donation de parts sociales de la SCI A L du 19 décembre 2005 par M. F A et I A au profit de leur fils aîné M. G A.

Par jugement du 25 juillet 2013, le tribunal de grande instance de PARIS a :

— rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

— dit les consorts A demandeurs recevables tant en leurs demandes initiales qu’additionnelles

— ordonné une mesure d’expertise, confiée à Mme M N-O, avec mission notamment de :

* donner la valeur du bien situé […] aux différentes dates de cessions et de donations de parts

* donner une évaluation de la valeur locative, année par année, de ce bien immobilier depuis son acquisition par la SCI A L

* évaluer, s’il y a lieu, tous autres biens qui figureraient parmi les actifs de la SCI A L

* donner une évaluation de la valeur de la SCI A L en tenant compte des plus values latentes immobilières

* donner son avis sur la valeur des parts sociales mentionnées dans les actes de donation du 19 décembre 2005 et de cession du 28 février 2006

— sursis à statuer sur le surplus des demandes et dit que l’affaire sera radiée des affaires en cours et rétablit d’office ou à l’initiative de la partie la plus diligente après dépôt du rapport d’expertise.

Le rapport d’expertise est parvenu au greffe le 27 janvier 2015.

Il conclut aux éléments suivants :

— M. G A n’a pas justifié de ses revenus de 2000 à 2006

— les biens immobiliers inscrits à l’actif de la SCI A L, SCI de caractère strictement familial ont été évalués à hauteur de :

* 690.000 euros à la date de la donation du 19 décembre 2005 et de l’acte de cession du 28 février 2006

* 840.000 euros à ce jour

— compte tenu des caractéristiques de cette SCI de nature exclusivement familiale, dépourvue de bilans et de passif et dont la totalité des voix est exclusivement détenue par M. G A depuis la donation du 19 décembre 2005, la valeur des parts est équivalente à la valeur patrimoniale de son actif net

— dans l’hypothèse d’une cession à ce jour de la totalité des parts de la SCI et à condition que ces biens immobiliers ne soient plus utilisés à usage de résidence principale par M. G A, la plus value-latente serait de 78.710 euros et la valeur locative déterminée à compter de la date d’achèvement de l’immeuble, soit le 1er avril 2002 et jusqu’eu 2014 inclus serait au total de 320.821,58 euros.

Par ordonnance du 19 mars 2015, le juge de la mise en état a radié l’affaire, celle-ci ayant été réenrôlée suite au dépôt du rapport d’expertise et aucune demande n’étant formée par les parties.

Suite au courrier du conseil des demandeurs du 8 décembre 2015 reçu le 9 décembre 2015, l’affaire a été réenrôlée.

Prétentions :

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2016, Mmes B et E A et M. D A demandent au tribunal de :

— les déclarer recevables

— dire et juger de nul effet et réputées non écrites les dispositions de la donation de 37 parts sociales de la SCI A L du 19 décembre 2005 par M. F A et I A au profit de leur fils aîné M. G A, aucun des deux donateurs n’en étant propriétaires

— prononcer la nullité de la donation de parts sociales de la SCI A L du 19 décembre 2005 par M. F A et I A au profit de leur fils aîné M. G A pour défaut d’état estimatif

— dire et juger que l’acte de cession de parts sociales du 28 février 2006 de la SCI A L est une donation déguisée

— dire et juger que cette donation et cessions de parts ont porté atteinte à leur réserve héréditaire

— dire et juger que la somme de 840.000 euros doit être rapportée à la succession de I A et que la valeur de ces parts devra être ajoutée à l’actif successoral

— dire et juger que la donation déguisée sera réductible si elle empiète sur la part et les droits que la loi réserve aux héritiers réservataires

— Subsidiairement, dire et juger que M. F A et M. G A ont commis un recel de 750 parts dont I A était propriétaire dans le capital de la SCI A L et ne peuvent donc prétendre à aucun droit sur ces biens et leurs produits

— Sur les mesures accessoires :

* assortir la décision de l’exécution provisoire

* condamner les défendeurs solidairement à leur payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* condamner les défendeurs solidairement aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2016, la SCI A L, M. F A et M. G A demandent au tribunal de :

— déclarer irrecevable la demande des demandeurs concernant la nullité de la donation pour les parts sociales n°713 à 750 pour défaut d’intérêt à agir

— déclarer irrecevables les demandeurs, en l’absence de preuve d’une atteinte à leur réserve héréditaire

— débouter les demandeurs

— sur la cession de parts sociales du 28 février 2006 :

* à titre principal : déclarer irrecevables les demandeurs pour leurs demandes additionnelles sur la cession de parts sociales

* à titre subsidiaire : débouter les demandeurs de leur demande de requalification de la cession en donation déguisée et de son rapport à la succession de I A

* à titre infiniment subsidiaire : dire et juger que la somme de 17.272,04 euros correspondant à la valeur des parts cédées par I A par acte de cession du 28 février 2006 revient à l’actif successoral

— sur le recel successoral :

* à titre principal : déclarer la demande irrecevable

* à titre subsidiaire : débouter les demandeurs

— sur les mesures accessoires :

* condamner les demandeurs à verser à chacun d’eux la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* condamner les demandeurs aux dépens in solidum, dont distraction au profit de Me Thierry DOUEB, conformément à l’article 699 du code de procédure civile

* assortir la décision de l’exécution provisoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2016.

Le 22 septembre 2016, les demandeurs ont notifié par voie électronique des conclusions aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture, expliquant qu’ils avaient rédigé des conclusions n°4 en juin 2016 et qu’après vérification sur RPVA, il apparaît qu’elles n’ont pas été correctement signifiées.

Ils ont indiqué que compte tenu du caractère récent de la clôture, la date de plaidoirie fixée au 10 novembre 2016 pourra être maintenue.

Par courrier du 11 octobre 2016, il a été indiqué aux conseils des parties que “suite à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 8 septembre 2016, si les parties en sont d’accord, l’ordonnance de clôture pourra être révoquée au jour de plaidoiries, pour clôture le même jour et plaidoiries, à condition que les dernières conclusions soient antérieures au 1er novembre 2016.

Par messages RPVA des 26 et 27 octobre 2016, les conseils respectivement des demandeurs et défendeurs ont précisé souhaiter la révocation de l’ordonnance de clôture et la fixation d’un nouveau calendrier de procédure, la simple révocation de l’ordonnance de clôture et la clôture le jour même de l’audience de plaidoirie n’étant pas suffisante pour assurer le principe du contradictoire.

A l’audience de plaidoirie du 10 novembre 2016, les parties ont réitéré leur demande de révocation de l’ordonnance de clôture.

Par jugement du même jour, le tribunal a rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture formée par les demandeurs.

Les parties ont sollicité que l’affaire soit plaidée, puis jugée avec dépôt de leurs dossiers de plaidoirie au plus tard le 14 novembre 2016, plutôt que radiée.

L’affaire a été plaidée, puis mise en délibéré au 5 janvier 2017.

Les dossiers de plaidoirie des avocats sont parvenus au greffe du tribunal le 14 novembre 2016.

MOTIFS

Vu les dernières conclusions de Mmes B et E A et M. D A notifiées par voie électronique le 19 janvier 2016,

Vu les dernières conclusions de la SCI A L, M. F A et M. G A notifiées par voie électronique le 15 juin 2016,

I. Sur les demandes de nullité de la donation du 19 décembre 2005 et de qualification de la cession du 28 février 2006 en donation déguisée :

A. Sur la donation du 19 décembre 2005 :

1) Sur la nullité de la donation du 19 décembre 2005 pour défaut d’acte estimatif :

a) Sur la recevabilité de la demande :

Les défendeurs soulèvent une fin de non recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir des demandeurs.

Ils font valoir que :

— les demandeurs indiquent que les parts sociales n’appartenaient pas à I A mais à la société HOTEL BRISTOL suite à la cession du 8 mai 2002 entre cette société et M. F A, que si c’est le cas, seule la société HOTEL BRISTOL a intérêt à agir

— que les demandeurs n’ont pas d’intérêt direct et personnel à agir.

Les demandeurs soutiennent :

— que le caractère frauduleux de l’opération donne à toute personne le droit de le contester ensuite

- que la donation porte atteinte à la réserve héréditaire, qu’ils sont héritiers.

Sur ce,

L’article 31 du code de procédure civile dispose que “l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention (…)”.

Si la donation du 19 décembre 2005 est annulée, en l’absence de revendication par un tiers, les parts sociales reviennent dans la masse des biens successoraux existants, ce qui modifie les droits des demandeurs.

Ces derniers ont donc un intérêt à agir.

Dès lors, la fin de non recevoir soulevée sera rejetée.

b) Sur le bien fondé de la demande :

Les demandeurs font valoir :

— que l’article 948 du code civil, prévoyant qu’un état estimatif doit être annexé à toute donation d’effets mobiliers est applicable ici car les parts sociales sont des effets mobiliers, que cette exigence vaut à peine de nullité, qu’il n’est pas contesté que la donation du 19 décembre 2005 ne comporte pas, en annexe, l’état estimatif exigé par ce texte

- que l’indication de la valeur nominale des parts objet de la donation lors de la souscription du capital n’est pas une estimation valide car elle méconnaît les plus-values latentes de ces parts sociales

— que les précisions données dans la donation sur la désignation et l’évaluation des parts sociales données ne sont pas suffisantes car l’atteinte aux droits des demandeurs dans la succession de leur mère est liée à l’absence d’évaluation de ces parts sociales

- que l’omission de l’état estimatif est d’autant plus préjudiciable que la valeur du bien immobilier a augmenté de manière substantielle entre son acquisition et la donation des parts sociales, comme mentionné par l’expert, qu’ainsi M. G A aurait acquis les parts de la SCI bien en deçà de leur valeur réelle.

Les défendeurs soutiennent, sur le fondement de l’article 948 du code civil que la désignation, l’énumération et l’évaluation des droits sociaux mentionnés dans la donation suppléent à l’absence d’état estimatif.

Sur ce,

L’article 948 du code civil prévoit que “tout acte de donation d’effets mobiliers ne sera valable que pour les effets dont un état estimatif, signé du donateur, et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été annexé à la minute de la donation”.

L’identification par la numérotation et l’évaluation des parts sociales figurant en pages 2 et 3 de la donation du 19 décembre 2005 constituent l’état estimatif exigé par l’article 948 du code civil.

La demande formée par les demandeurs sera donc rejetée.

2) Sur l’inefficacité de la donation du 19 décembre 2005 pour donation de parts sociales appartenant à autrui, les dispositions devant être de nul effet et réputées non écrites, en application de l’article 900 du code civil :

Les demandeurs font valoir :

— que par application combinée des articles 938 et 943 du code civil, la donation de la chose d’autrui est sanctionnée par la nullité pour assurer le principe d’irrévocabilité des donations et l’exigence posé à l’article 894 du code civil

— que les parts n°713 à 750 sont, aux termes des statuts, la propriété de M. F A et non de I A, que ces parts avaient déjà été cédées au profit de la société HOTEL BRISTOL, par acte sous seing privé du 8 mai 2002

— que la numérotation des parts n’est pas obligatoire mais lie les parties, dès lors qu’elle est dans les statuts

— que les parts ne peuvent être considérées comme fongibles car elles ont été individualisées par leur numérotation.

Les défendeurs soutiennent :

— que la numérotation des parts n’est pas obligatoire, que les statuts de la SCI ont été modifiés, prévoyant une nouvelle numérotation des parts, à savoir que M. F A détient les parts sociales n°1 à 712, son épouse, n°713 à 1424 et la société HOTEL BRISTOL, n°1425 à 1500, que si les nouveaux statuts de la SCI n’ont pas été déposés au greffe du tribunal de commerce, c’est cependant cette nouvelle répartition qui a été reprise dans la donation de 2005

— que les parts sociales sont des valeurs mobilières et donc des biens fongibles, qu’elles sont interchangeables car elles ne sont pas individualisées, qu’elles donnent les mêmes droits et obligations aux associés, que ce qui compte, ce n’est pas la numérotation des parts mais le nombre de parts possédé par chacun

— que la numérotation dans la donation est une simple erreur de plume, que toutefois, I A était bien propriétaire de ces parts

— qu’en tout état de cause, ce n’est pas car un bien est individualisé qu’il n’est pas fongible, que les parties n’ont pas stipulé de clause, par laquelle les parts sociales deviennent des corps certains.

Sur ce,

L’article 894 du code civil que “la donation est un acte entre vifs par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte”.

Suivant les statuts de la SCI A L du 4 novembre 2000, en page 3, M. F A détient les parts sociales n°1 à 750 et I A, les parts sociales n°751 à 1500.

Seul le projet des statuts modifiés de la SCI A L comportant la répartition du capital social est produit par les défendeurs.

Le changement de numérotation des parts sociales n’est donc pas établi.

Par conséquent, aucune erreur de plume relative à la numérotation des parts sociales objets de la donation n’est démontrée.

Les parts sociales étant numérotées, elles ne sont pas des biens fongibles.

L’acte du 19 décembre 2005 mentionne que I A donne à M. K A les parts sociales n°713 à 1040 en toute propriété et n° 1041 à 1266 en nue-propriété, alors qu’elle n’est pas propriétaire de celles numérotées 713 à 750, qui appartenaient initialement à M. F A en vertu des statuts de la SCI A L du 4 novembre 2000, lequel les a ensuite cédées à la société HOTEL BRISTOL par acte du 8 mai 2002.

N’étant pas propriétaire des parts sociales n°713 à 750 qu’elle a données, I A ne s’est pas dépouillée de manière irrévocable.

Dès lors et en application de l’article 894 du code civil, il convient de prononcer la nullité de la donation des parts sociales n°713 à 750 en date du 19 décembre 2005.

B. Sur la cession de parts sociales du 28 février 2006 :

Les demandeurs sollicitent qu’elle soit requalifiée en donation déguisée.

a) Sur la recevabilité de la demande :

Les défendeurs soulèvent une fin de non recevoir.

En premier lieu, ils font valoir que les demandeurs n’ont pas d’intérêt à agir, qu’en effet, ils neprouvent pas que la prétendue donation déguisée porte atteinte à la réserve héréditaire, que de plus, hormis le cas prévu par l’article 911 du code civil, la sanction d’une donation déguisée excédentaire est la réduction et non la nullité.

En second lieu, ils soutiennent qu’il n’y a pas de lien suffisant entre les prétentions originaires des demandeurs tendant à la nullité de la donation et les demandes additionnelles relatives à la donation déguisée et au rapport à la succession.

Les demandeurs prétendent que l’acte de cession de parts du 28 février 2006 présente un lien indivisible avec la donation du 19 décembre 2005 car :

— c’est un acte de transfert de parts composant le capital même de la SCI A L

— il s’agit des mêmes cédants et donateurs, à savoir M. F A et I A

— il s’agit du même bénéficiaire de l’opération, à savoir M. G A

— ces opérations de donation et cession ont le même but, à savoir la transmission de tout le capital de la SCI pour permettre à M. G A d’être propriétaire d’un appartement financé par ses parents.

Sur ce,

Sur la fin de non recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir des demandeurs :

L’article 31 du code de procédure civile dispose que “l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention (…)”.

La requalification des cessions de parts sociales du 28 février 2006 en donation déguisée modifierait l’étendue des droits des demandeurs car elle augmenterait la masse partageable.

Par conséquent, les demandeurs ont intérêt à agir.

Dès lors, les défendeurs seront déboutés de la fin de non recevoir qu’ils ont soulevée de ce chef.

Sur la fin de non recevoir tirée de l’absence de lien suffisant entre les prétentions originaires des demandeurs tendant à la nullité de la donation et les demandes additionnelles relatives à la donation déguisée et au rapport à la succession :

L’article 4 du code de procédure civile prévoit que “l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant”.

Ces demandes concernent la même succession.

Il y a donc un lien de connexité entre les prétentions originaires et additionnelles formulées par les demandeurs.

Dès lors, les défendeurs seront déboutés de la fin de non recevoir qu’ils ont soulevée de ce chef.

b) Sur le bien fondé de la demande :

Les demandeurs font valoir, sur le fondement de la définition de la donation déguisée et de l’article 1321 du code civil sur la simulation :

— que pour contourner les droits des trois autres héritiers réservataires, M. F A et son épouse ont étalé sur quatre ans le transfert de la totalité des droits sociaux (mai 2002, décembre 2005 et février 2006)

— que le projet de déclaration de succession ne mentionne pas, dans l’actif successoral, la participation de la SCI, dont le capital a été transféré, avant le décès de I A, au seul profit de M. G A

— que les liens de parenté existants et le fait que l’acte litigieux est une donation font qu’il n’y a pas de doute sur l’intention libérale au profit du fils aîné

— que le fait que ces cessions soient une donation déguisée est d’autant plus incontestable que M. G A n’avait pas la capacité financière pour racheter lui-même la totalité des parts de la SCI, qu’en effet, entre 2002 et 2006, il était réceptionniste dans un hôtel familial et de 2002 à 2004, il faisait l’objet d’une procédure de surendettement, qu’il est devenu propriétaire de cet appartement en ayant déboursé 60.061,36 euros, conformément à l’acte de cession du 28 février 2006 et a acquis plusieurs parts sociales en 2006 et 2009 pour plus de 75.000 euros en tout, qu’il n’a pas justifié de ses revenus à l’expert entre 2000 et 2006.

Les défendeurs soutiennent :

— qu’il n’y a pas de donation déguisée, notamment pour les parts sociales cédées par la société HOTEL BRISTOL

— qu’il n’y a pas de preuve de simulation, ni d’intention libérale de I A

— que lors du décès de I A, la participation de celle-ci dans la SCI ne faisait plus partie de son patrimoine, de sorte qu’il n’y a pas d’omission frauduleuse à ce que cela ne figure pas dans le projet de déclaration de succession

— que le lien familial n’implique pas forcément une intention libérale

— que M. G A a payé la cession du 28 février 2006, qu’il y avait donc une contrepartie financière, qu’ainsi il n’y pas d’intention libérale et de donation déguisée

— que la procédure de surendettement à l’égard de M. G A est intervenue dans un laps de temps circonscrit et dans un contexte particulier, à savoir le divorce d’avec son épouse

— qu’il n’a pas conservé ses avis d’impôt de 2000 à 2006 mais verse aux débats ses fiches de paie de décembre 2005, 2006 et 2007.

Sur ce,

Selon ses statuts du 4 novembre 2000, le capital de la SCI A L était divisé en 1.500 parts sociales.

Suivant le rapport d’expertise du 23 janvier 2015 reçu le 27 janvier 2015, les biens immobiliers dont la SCI A L était propriétaire lors de la donation du 19 décembre 2005 et de la cession du 28 février 2006 s’évaluent à 690.000 euros.

La valeur d’une part est donc de 690.000 euros divisés par 1.500, soit 460 euros.

Selon l’acte du 28 février 2006, 394 parts sociales ont été cédées au prix de 60.061,36 euros.

Le prix d’une part est donc de 152,44 euros (60.061,36/394).

M. G A a donc acheté chaque part sociale au prix unitaire de 152,44 euros, alors que la part valait 460 euros.

Par conséquent, il a acquis ses parts pour 33,14 % de leur valeur ([152,44/460] x 100).

M. F A et I A se sont donc appauvris à hauteur de 66,86% des parts cédées.

Dès lors, l’enrichissement de M. G A est démontré.

En outre, les liens d’affectation existant entre parents et enfants établissent l’intention libérale.

Dans ces conditions, la cession du 28 février 2006 dans son rapport uniquement entre M. F A et I A, d’une part et M. G A, d’autre part doit être requalifiée en donation déguisée pour 66,86% des parts cédées par chaque époux, soit 106 parts (66,86% x159 arrondi).

II. Sur les demandes de rapport à la succession de I A de 840.000 euros et de dire que la donation déguisée sera réductible si elle empiète sur la part et les droits que la loi réserve aux héritiers réservataires :

A. Sur la demande de rapporter à la succession 840.000 euros :

Les défendeurs font valoir que les parts litigieuses n’appartenaient pas exclusivement à I A, de sorte qu’elles ne peuvent être rapportées à la succession de celle-ci.

Sur ce,

a) Sur l’indemnité de rapport concernant la cession du 28 février 2006 :

L’article 1438 du code civil dispose que “si le père et la mère ont doté conjointement l’enfant commun sans exprimer la portion pour laquelle ils entendaient y contribuer, ils sont censés avoir doté chacun pour moitié, soit que la dot ait été fournie ou promise en biens de la communauté, soit qu’elle l’ait été en biens personnels à l’un des deux époux (…)”.

L’article 1439 du code civil prévoit que “la dot constituée à l’enfant commun, en biens de la communauté, est à la charge de celle-ci. Elle doit être supportée par moitié par chacun des époux à la dissolution de la communauté, à moins que l’un d’eux, en la constituant, n’ait déclaré expressément qu’il s’en chargerait pour le tout ou pour une part supérieure à la moitié”.

Il est établi que ces textes s’appliquent également aux donations.

Comme il a été indiqué précédemment, la cession du 28 février 2006 est requalifiée en donation déguisée pour 106 parts par chacun des époux.

I A et M. F A étant communs en biens, en application des textes sus-mentionnés, chacune des donations des époux est rapportable pour moitié à la succession de la défunte.

Le rapport dû est donc de 106 parts (106/2 + 106/2).

Suivant le rapport d’expertise du 23 janvier 2015 reçu le 27 janvier 2015, les biens immobiliers dont la SCI A L est propriétaire sont évalués à 840.000 euros au jour de l’expertise et la société a la même valeur que ses biens immobiliers.

L’indemnité de rapport à la charge de M. G A relative à la cession du 28 février 2006 est donc de 59.360 euros (106 x 840.000/1.500) indexés suivant le coût de la construction au jour du partage.

b) Sur l’indemnité de rapport concernant la donation du 19 décembre 2005 :

L’article 1438 du code civil dispose que “si le père et la mère ont doté conjointement l’enfant commun sans exprimer la portion pour laquelle ils entendaient y contribuer, ils sont censés avoir doté chacun pour moitié, soit que la dot ait été fournie ou promise en biens de la communauté, soit qu’elle l’ait été en biens personnels à l’un des deux époux (…)”.

L’article 1439 du code civil prévoit que “la dot constituée à l’enfant commun, en biens de la communauté, est à la charge de celle-ci. Elle doit être supportée par moitié par chacun des époux à la dissolution de la communauté, à moins que l’un d’eux, en la constituant, n’ait déclaré expressément qu’il s’en chargerait pour le tout ou pour une part supérieure à la moitié”.

Il est établi que ces textes s’appliquent également aux donations.

Conformément à l’acte du 19 décembre 2005 et compte tenu de la nullité prononcée, le nombre de parts objets de la donation du 19 décembre 2005 s’élève à 618 en pleine propriété (656 – 38) et 450 en nue propriété sous l’usufruit de M. F A.

I A et M. F A étant communs en biens, la moitié des parts objets de la donation est rapportable à la succession de la première, soit 309 en pleine propriété et 225 en nue propriété sous l’usufruit de M. F A.

L’article 860 du code civil dispose que “le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation (…)”.

Dès lors, la valeur des parts en nue propriété doit être évaluée sous l’usufruit au jour du partage.

Selon l’article 669 du code général des impôts, “Pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière, la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière, conformément au barème ci-après : (…)

pour un usufruitier âgé de 81 ans révolus, la valeur de l’usufruit est de 30 %.

M. F A est âgé de 82 ans. La valeur de son usufruit est donc de 30% de la valeur des parts sociales et celle de la nue propriété de M. G A est donc de 70% des parts sociales.

Par conséquent, l’indemnité de rapport à la charge de M. G A relative à la donation du 19 décembre 2005 est pour les parts en pleine propriété de 142.140 euros (309 x 460) et celles en nue propriété de 72.450 euros (225 x 460 x 70%), soit 214.590 euros, indexés sur le coût de la construction au jour du partage.

B. Sur la demande de dire que la donation déguisée sera réductible si elle empiète sur la part et les droits que la loi réserve aux héritiers réservataires :

Cette demande est indéterminée en son objet, dès lors qu’aucune indemnité de réduction chiffrée n’est sollicitée.

Par conséquent, elle sera déclarée irrecevable.

III. Sur les mesures accessoires :

Compte tenu du caractère familial du litige, les parties seront déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant à la procédure, les défendeurs seront déboutés de leurs demandes au titre des dépens et condamnés solidairement aux dépens.

Au regard de l’ancienneté du litige, l’assignation ayant été délivrée le 15 décembre 2009, la décision sera assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute la SCI A L, M. F A et M. G A de la fin de non recevoir tirée de l’absence d’intérêt à agir de Mmes B et E A et M. D A qu’ils ont soulevée concernant la donation du 19 décembre 2005 ;

Déboute Mmes B et E A et M. D A de leur demande tendant à la nullité de la donation du 19 décembre 2005 pour défaut d’état estimatif ;

Annule la donation des parts sociales n°713 à 750 du 19 décembre 2005 par I A à M. G A ;

Déboute la SCI A L, M. F A et M. G A de leurs fins de non recevoir tirées de l’absence d’intérêt à agir des demandeurs et de l’absence de lien suffisant entre les prétentions originaires des demandeurs tendant à la nullité de la donation et les demandes additionnelles relatives à la donation déguisée et au rapport à la succession concernant les cessions du 28 février 2006 ;

Requalifie la cession du 28 février 2006 dans son rapport uniquement entre M. F A et I A, d’une part et M. G A, d’autre part en donation déguisée pour 106 parts cédées par M. F A à M. G A et 106 parts cédées par I A à M. G A ;

Dit que M. G A devra rapporter à la succession de I A la somme 59.360 euros, indexée sur le coût de la construction au jour du partage suite à la requalification de la cession du 28 février 2006 en donation déguisée dans son rapport uniquement entre M. F A et I A, d’une part et M. G A, d’autre part ;

Dit que M. G A devra rapporter à la succession de I A les sommes, pour les parts en pleine propriété, de 214.590 euros indexés sur le coût de la construction au jour du partage suite à l’annulation de la donation des parts sociales n°713 à 750 du 19 décembre 2005 ;

Déclare irrecevable la demande formée par Mmes B et E A et M. D A de dire que la donation déguisée sera réductible si elle empiète sur la part et les droits que la loi réserve aux héritiers réservataires ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

Déboute la SCI A L, M. F A et M. G A de leurs demandes au titre des dépens ;

Condamne la SCI A L, M. F A et M. G A solidairement à payer les dépens.

Fait et jugé à Paris le 05 Janvier 2017

Le Greffier Le Président

Mme C M. Y

FOOTNOTES

1:

Expédition exécutoire

délivrée le : 05/01/2017 à Me SCARZELLA

Copie certifiée conforme

délivrée le : 05/01/2017 à Me DOUËB

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Tribunal de grande instance de Paris, 2e chambre 2e section, 5 janvier 2017, n° 15/19137