Tribunal de grande instance de Paris, 15 novembre 2018, n° 18/56845

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 15 nov. 2018, n° 18/56845
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 18/56845

Texte intégral

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 15 novembre 2018 N° RG : 18/56845 N° RG 18/56845 – N° Portalis 352J-W-B7C-CNP3X par Z A, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, N° : 1/FF

Assistée de X Y, Greffier. Assignation du : 20 Août 2018

1

DEMANDERESSE

Confédération CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE […]

représentée par Maître Charles CONSTANTIN-VALLET de la SELEURL CONSTANTIN-VALLET, avocats au barreau de PARIS – #E1759

DÉFENDERESSE

Société LABORATOIRES FORTE PHARMA […]

représentée par Me Jean-christophe ANDRE, avocat au barreau de PARIS – #P0221

DÉBATS

A l’audience du 04 Octobre 2018, tenue publiquement, présidée par Z A, Vice-Présidente, assistée de X

Y, Greffier,

Copies exécutoires délivrées le:

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Nous, Président, Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil,

Suivant autorisation donnée le 17 août 2018, la confédération CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV) a assigné, par acte du 20 août 2018, soit avant le 21 août 2018, la SA de droit monégasque LABORATOIRES FORTE PHARMA devant la juridiction des référés pour l’audience du 6 septembre 2018 à 10h30, l’assignation devant être délivrée au plus tard le 21 août 2018, aux fins de voir, au visa des articles 808 et suivants du code procédure civile, L.121-1 et suivants et L621-11 du code de la consommation, L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, de la directive 2002/46/CE du 10 juin 2002 et de la directive n° 2005/29, du règlement CE n°1924/2006, du règlement (UE) n°432/2012 et du décret n°2006-352 du 20 mars 2006 :

- dire et juger que la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA s’est rendue coupable d’une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 qui constitue un trouble manifestement illicite et un dommage imminent,

- ordonner, en conséquence, toutes les mesures conservatoires et de remise en état de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent,

- dire et juger que les manquements de la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA ne souffrent d’aucune contestation sérieuse au même titre que les préjudices en résultant pour la confédération,

- lui accorder, en conséquence, une provision de 20.000 euros en raison de son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs,

- lui accorder une provision de 60.000 euros en raison de son préjudice associatif,

- condamner la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA à lui payer la somme de 8500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 4 octobre 2018, la CCLCV a demandé au juge des référés, au visa des articles 808 et suivants du code procédure civile, L.121-1 et suivants et L621-11 du code de la consommation, L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, de la directive 2002/46/CE du 10 juin 2002 et de la directive n° 2005/29, du règlement CE n°1924/2006, du règlement (UE) n°432/2012 et du décret n°2006-352 du 20 mars 2006, de :

- rejeter l’ensemble des demandes, moyens, fins et prétentions de la société LABORATOIRES FORTE PHARMA;

- écarter des débats l’ensemble des pièces produites par la société LABORATOIRES FORTE PHARMA rédigée en anglais et ne faisant pas l’objet de traduction en français, à savoir, les pièces adverses n°10, n°11, n°12, n°13 et, en conséquence, REJETER tout moyen et argumentation de la défenderesse qui se fondent sur ces pièces ;

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- constater que la société LABORATOIRES FORTE PHARMA, dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700, manque aux bonnes pratiques et à la diligence professionnelle ;

- constater que la société LABORATOIRES FORTE PHARMA, dans le cadre de la commercialisation et de la présentation du complément alimentaire XtraSlim 700, a recours à des allégations, indications et présentations fausses, mensongères, trompeuses et de nature à induire en erreur les consommateurs concernant la nature, les éléments essentiels, la composition, les effets et les résultats attendus de ce complément alimentaire ;

- constater que la société LABORATOIRES FORTE PHARMA, dans le cadre de la commercialisation et de la présentation du complément alimentaire XtraSlim 700, utilise des allégations de santé interdites ;

- constater que la méthode de commercialisation et de présentation mise en œuvre par la société LABORATOIRES FORTE PHARMA a altéré ou est susceptible d’altérer le comportement économique des consommateurs ;

- en conséquence, dire et juger que la société LABORATOIRES FORTE PHARMA s’est rendue coupable d’une pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 qui constitue tant un trouble manifestement illicite qu’un dommage imminent ;

- en conséquence, ordonner toutes les mesures conservatoires et de remise en état de nature à faire cesser le trouble manifestement illicite et le dommage imminent ;

- ordonner la cessation de la commercialisation du complément alimentaire XtraSlim 700 dans son état actuel et la modification immédiate de l’ensemble des supports de présentation, de commercialisation et de publicité du produit ;

- pour ce faire, ordonner notamment les mesures suivantes :

· ordonner le retrait et interdire pour l’avenir toute publicité, toute présentation, sur l’ensemble des supports de vente, de présentation ou de publicité du produit faisant mention d’éléments trompeurs ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l’efficacité et les résultats attendus du produit et, notamment :

· de toutes les mentions faisant référence à l’étude WF/NP 16-6422 portant sur le complexe d’aliments wakamé- curcuma ;

· de toutes les mentions ou formulations visant à affirmer la preuve de l’efficacité du produit XtraSlim 700 ;

· de toutes les mentions ou formulations faisant un lien direct entre la perte de poids ou un amincissement de la silhouette ou une perte de 700 Kcal/jour, par le biais de la prise du produit XtraSlim 700 ;

· de toutes les allégations de nature à présenter une activité physique comme étant inutile, inefficace ou dénigrante ;

· de toutes les allégations de santé non autorisées et portant notamment sur les ingrédients suivants : le cassis, le wakamé et le konjac ;

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· de toutes les mentions, références ou formules suivantes ou de celles qui en auraient le même sens (ensemble ou détachées) : « efficacité prouvée » ; brûleur de graisse « Extra fort » (alors qu’il peut simplement être indiqué « brûleur de graisse ») ; « résultat de cette étude : – 700 Kcal/jour » ; « scientifiquement prouvé » ; « résultat scientifique » ; « XtraSlim 700 brûle 700 calories par jour » ; « L’innovation minceur 2018 pour perdre du poids » ; « une formule unique, exclusive, à l’efficacité prouvée, qui brûle en moyenne 700 Kcalories par jour ! » ; « Pour brûler 700 Kcal/jour et perdre du poids, je fais une cure d’XtraSlim 700, mon bruleur de graisses extra fort à l’efficacité prouvée » ; toutes les formulations de nature à promettre des résultats rapides telles qu’accoler « rapidement » à la formule « retrouver une silhouette idéale » et de toutes autres mentions, formulations, références similaires ;

· ordonner le retrait de la vente et le rappel des invendus du complément alimentaire XtraSlim 700 eu égard aux éléments trompeurs et erronés figurant tant sur le boîtier contenant les gélules que sur le packaging ;

· ordonner le retrait et interdire pour l’avenir sur l’ensemble des supports de présentation, toutes les références et présentations tronquées et trompeuses des résultats de l’étude portant sur le complexe alimentaires wakamé-curcuma ;

· ordonner le retrait sur le site internet de la société L A B O R A T O I R E S F O R T E P H A R M A (https://www.fortepharma.com/fr) des deux graphiques représentant les effets supposés de la prise du produit sur la silhouette et les calories brûlées par jour ;

· ordonner le retrait et le rappel de l’ensemble du mobilier et support de présentation (tels que les présentoirs et affiches) distribués auprès du réseau de distribution (pharmacie et parapharmacie) à destination du consommateur ;

· ordonner la cessation de la diffusion du spot publicitaire réalisé pour promouvoir le complément alimentaire XtraSlim 700 sur tous support de diffusion ;

· ordonner la publication en première page du site internet de la s o c i é t é L A B O R A T O I R E S F O R T E P H A R M A (https://www.fortepharma.com/fr) de la décision à intervenir et ce, pendant une durée minimum de trois mois ;

· ordonner la communication par la société LABORATOIRES FORTE PHARMA du nombre de boîtes du complément alimentaire XtraSlim 700 vendues sur le territoire français depuis le début de la commercialisation de ce produit ;

- ordonner l’exécution par la société LABORATOIRES FORTE PHARMA de l’ensemble des mesures conservatoires et de remise en état prononcées par la décision à intervenir dans un délai de deux semaines à compter de la signification de la décision et ce, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard ;

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- dire et juger que les manquements de la société LABORATOIRES FORTE PHARMA ne souffrent d’aucune contestation sérieuse au même titre que les préjudices en résultant pour la CCLCV ;

- en conséquence, accorder une provision de 20.000 euros à la CCLCV en raison de son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs ;

- accorder une provision de 60.000 euros à la CCLCV en raison de son préjudice associatif ;

- condamner la société LABORATOIRES FORTE PHARMA à verser à la CCLCV la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

La confédération soutient que la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA a commis une pratique commerciale trompeuse constitutive d’un trouble manifestement illicite et d’un dommage imminent à faire cesser. Elle rappelle que la pratique commerciale trompeuse suppose la démonstration de deux éléments : des éléments trompeurs et mensongers de nature à altérer le comportement économique du consommateur. La confédération soutient que la présentation du complément alimentaire XtraSlim 700 est mensongère, trompeuse et de nature à induire en erreur sur les résultats attendus du produit. Elle fait valoir que les différents supports de présentation, de commercialisation et de publicité contiennent des références trompeuses à la perte de poids et à la minceur en disant qu’un complément alimentaire a des vertus amaigrissantes sans rien faire et des résultats meilleurs que la pratique d’un sport. Elle fait également valoir que les références à une prétendue étude scientifique sont mensongères et trompeuses dès lors qu’il n’y a pas la preuve d’une étude scientifique sur le produit commercialisé et que les résultats de l’étude clinique sur le complexe Liposlim, étude au demeurant ni sérieuse ni probante, ne sont pas transposables à XtraSlim 700. La confédération soutient encore que la présentation de la composition de XtraSlim 700 est fausse, que la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA a manqué à ses obligations au regard de la présentation négative de l’activité sportive et qu’elle utilise des allégations de santé interdites. Enfin, la confédération soutient que ces éléments trompeurs et mensongers ont nécessairement altéré le comportement économique du consommateur ou sont susceptibles de l’altérer.

Dans ses conclusions déposées et développées oralement à l’audience du 4 octobre 2018, la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA a demandé au juge des référés, au visa de l’article 809 du code de procédure civile, des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation, du règlement (CE) n° 1924/2006 et du règlement (UE) n° 432/2012, de : à titre principal,

- dire et juger qu’il n’y pas lieu à référé sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile compte tenu de : êl’absence d’un trouble manifestement illicite, et de êl’absence d’un dommage imminent ;

- dire et juger que la société LABORATOIRES FORTE PHARMA n’utilise pas d’allégations de santé interdites ;

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- dire et juger que la campagne publicitaire engagée par la société LABORATOIRES FORTE PHARMA autour de son produit XtraSlim 700 n’est pas constitutive d’une pratique commerciale trompeuse ;

- débouter la CCLCV de l’ensemble de ses demandes ; à titre subsidiaire,

- dire et juger disproportionnées les mesures conservatoires et de remise en état sollicitées, notamment : ê la demande de retrait de la vente et de rappel des invendus du complément alimentaire XtraSlim 700, et ê la demande de publication en première page du site internet de la société LABORATOIRES FORTE PHARMA de la décision à intervenir ;

- dire que la demande de dommages et intérêts est infondée dans son principe et dans son montant ; en toute hypothèse,

- rejeter les pièces n°20 et 21 produites par la CCLCV;

- condamner la CCLCV à verser à la société LABORATOIRES FORTE PHARMA la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la CCLCV aux dépens.

La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA, filiale d’un laboratoire pharmaceutique, expose qu’elle est experte dans les compléments alimentaires. Elle réplique à la CCLCV qu’il existe une étude scientifique sur le complexe wakamé-curcuma et que, si elle produit cette étude dans le cadre de la présente instance, elle n’a pas l’obligation légale de la publier. La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA soutient que la CCLCV ne démontre pas le caractère manifeste du trouble allégué ou le caractère imminent du dommage allégué; que l’appréciation de l’étude scientifique et de sa transposibilité au complément alimentaire XtraSlim 700 ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés; qu’il appartient d’ailleurs à la CCLCV de rapporter la preuve de la non transposabilité de l’étude sur le complexe wakamé-curcuma au complément alimentaire XtraSlim 700, ce qu’elle ne fait pas. La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA réplique encore qu’elle s’adresse à un public qui n’est pas sportif, ce qui ne signifie pas qu’elle dénigre la pratique d’un sport et qu’au surplus, la législation sur la publicité permet le recours à l’exagération. Elle réplique enfin qu’elle n’utilise pas d’allégations de santé interdites. Elle rappelle qu’il suffit au consommateur de retourner la boîte, de consulter la notice à l’intérieur ou le site internet du laboratoire pour trouver des informations complètes sur XtraSlim 700 et des conseils diététiques pour accompagner la cure. Elle fait valoir que les mesures réclamées par la CCLCV signent la mise à mort du produit et sont disproportionnées.

Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé du litige, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux conclusions des parties développées oralement à l’audience.

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SUR CE,

Sur les pièces n°10 à 13 de la défenderesse

La CCLCV demande que les pièces n°10 à 13 produites par la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA soient écartées des débats au motif qu’elles sont rédigées en anglais. Toutefois, il sera observé que la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA produit des traductions libres partielles de ces pièces, qui n’ont pas à être écartées des débats. Par ailleurs, le juge étant dans l’exercice de son pouvoir souverain et la lecture en langue anglaise des pièces n°10 à 13 ne lui posant pas de difficultés de compréhension, ces pièces ne seront pas écartées des débats.

Sur les pièces n°20 et 21 de la demanderesse

La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA demande que les pièces n°20 et 21 produites par la CCLCV soient écartées des débats au motif que la pièce n°20 relative à la diffusion du spot publicitaire le 18 septembre 2018 sur France 2 est une diffusion postérieure à la saisine du juge des référés alors que le succès d’une prétention s’apprécie à la date de l’introduction de la demande en justice. Selon elle, la pièce n°21 n’a de sens que si elle est lue conjointement avec la pièce n°20.

Il n’est toutefois pas interdit à un demandeur de produire des pièces complémentaires entre la date de la délivrance de l’assignation et la date de l’audience sous réserve du respect du principe de la contradiction, étant observé, au surplus, que la diffusion de spots publicitaires sous forme de vidéos accessibles sur le site internet de la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA avait été constatée par huissier de justice, dans un procès-verbal mentionné dans le bordereau initial annexé à l’assignation.

La demande sera donc rejetée.

Sur le trouble manifestement illicite résultant de la prétendue pratique commerciale trompeuse

Le premier alinéa de l’article 809 du code de procédure civile dispose que le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Suivant l’article L121-2 du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

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a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ; e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable.

Le bien considéré est un complément alimentaire appelé « XtraSlim700 » et commercialisé depuis le mois de janvier 2018 par la SA LABORATOIRE FORTE PHARMA.

La CCLCV soutient que le laboratoire se rend auteur d’une pratique commerciale trompeuse par une présentation mensongère et trompeuse de nature à induire en erreur le consommateur sur les résultats attendus de l’utilisation de XtraSlim700. Elle soutient que la pratique commerciale trompeuse s’exerce par le biais de la boîte contenant le complément alimentaire, du site internet du laboratoire et de la publicité (magazines, spots télévisés).

La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA réplique qu’elle a développé un complément alimentaire autour du complexe Liposlim constitué de wakamé-curcuma, qui a pour objectif la perte de calories. Elle réplique également que l’efficacité de ce complexe a été prouvée par une étude scientifique du laboratoire NINAPHARM qu’elle produit. Elle réplique encore qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’apprécier la valeur scientifique d’une étude et sa transposabilité au produit litigieux. Elle relève que la CCLCV n’apporte aucun élément de nature à exclure la transposabilité de l’étude scientifique sur le complexe Liposlim au produit XtraSlim700. La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA souligne, par ailleurs, que la promotion du complément alimentaire XtraSlim700 n’exclut pas le recours à une publicité hyperbolique qui n’est pas constitutive d’une pratique commerciale trompeuse et que les contraintes d’espace et de temps en matière de publicité télévisuelle impliquent de condenser le message diffusé pendant quelques secondes mais que le site internet du laboratoire propose un dossier complet sur le produit et dispense des conseils diététiques.

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Sur la boîte d’emballage du produit, le complément alimentaire est qualifié, de manière très visible, de :

- « brûleur de graisses extra fort(1) », le (1) renvoyant au dos de l’emballage à « une association de curcuma et de wakamé;

- avec l’indication « brûle 700 kcal/jour* efficacité prouvée (3) » le (3) renvoyant au dos de l’emballage à «étude scientifique (3) » : « L’efficacité du complexe d’ingrédients Wakamé-Curcuma a été prouvée par une étude scientifique en double aveugle versus placebo, menée sur 59 personnes pendant 28 jours », le (3) renvoyant à l’un des côtés de l’emballage avec l’indication : « Etude scientifique WF/NP 16-6422 sur le complexe d’ingrédients Wakamé-Curcuma, 59 personnes – 28 jours ».

Toujours sur la boîte d’emballage, à la suite de la référence au nombre de calories brûlées, il est précisé : « formule exclusive 8 ACTIFS dont wakamé – curcuma – konjac – cassis ».

Sur le site internet du laboratoire, une vidéo de 7 secondes est disponible avec le message suivant : « scientifiquement PROUVE ».

Le juge des référés est le juge de l’évidence. A ce titre, il ne lui appartient pas d’apprécier les mérites et le sérieux de l’étude communiquée dans le cadre de la présente instance par le laboratoire. Il sera relevé que l’étude à laquelle il est renvoyé sur le complexe wakamé-curcuma existe, quand bien même elle n’est pas librement accessible au consommateur, notamment sur le site internet du laboratoire.

Cette étude, qui date du 30 juin 2017, conclut que les compléments Liposlim (total de 450 mg par jour en deux prises) une heure avant le déjeuner et le dîner favorisent la perte de poids chez les personnes en surpoids et relève une perte calorique de 739,3 kcal brûlées par jour.

En l’espèce, il appartient certes à la CCLCV de démontrer le trouble manifestement illicite allégué mais il ne lui appartient pas, dans ce cadre-là, d’apporter la preuve scientifique que l’étude Liposlim, sur laquelle la SA LABORATOIRE FORTE PHARMA fonde son message commercial, n’est pas transposable au complément alimentaire XtraSlim700. Il lui suffit, en effet, de relever qu’aucune étude scientifique n’a été réalisée sur le complément alimentaire XtraSlim700 et sur l’efficacité de ses 8 actifs combinés, qu’aucune étude scientifique ne fait le lien entre le complexe Liposlim et la formule de XtraSlim700 et n’établit que le complexe wakamé-curcuma tel qu’il est présent dans XtraSlim700, de par sa quantité et son interaction avec les autres actifs, est le composant primordial qui garantit que 700 kcal/jour sont brûlées.

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Autrement dit, en étendant au complément alimentaire XtraSlim700 les conclusions de l’étude Liposlim sans autre étude scientifique attestant que les conclusions de l’un sont transposables à l’autre, y compris avec d’autres actifs, avec les quantités indiquées et les modalités de prise des gélules, la SA LABORATOIRE FORTE PHARMA a, en l’état, procédé à une extrapolation qui n’est pas scientifiquement étayée. En effet, il manque manifestement un maillon intellectuel et scientifique – quelle que soit la valeur des études scientifiques menées – indispensable pour pouvoir affirmer que XtraSlim700 a une « efficacité prouvée » ou qu’il est « scientifiquement prouvé » qu’il fait brûler 700 kcal/jour et qu’il est donc un brûleur de graisses « extra fort ». En convoquant la science, et par là-même la rigueur et la vérité scientifiques, le laboratoire exclut ipso facto sur ce point, la possibilité pour lui d’invoquer le caractère hyperbolique inhérent à la publicité. Ainsi, en se référant à la seule étude Liposlim restreinte à deux actifs du complément alimentaire XtraSlim700 sans autre étude scientifique validant la transposition des conclusions de Liposlim dans le cas de XtraSlim700, le laboratoire fonde sa pratique commerciale sur une présentation du produit qui est fausse ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, les propriétés et les résultats attendus de l’utilisation du complément alimentaire. Or, cette présentation altère ou, du moins, est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, eu égard notamment à la comparaison avec les complexes alimentaires concurrents sur le marché de la perte de poids qui, tel celui commercialisé par OENOBIOL et ANACA 3, affichent des performances moindres.

L’absence évidente d’un maillon scientifique indispensable entre le complexe Liposlim et le complément alimentaire XtraSlim700 conduit à qualifier la pratique commerciale trompeuse qui vient d’être mise en évidence de trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en condamnant, à titre de mesures conservatoires, la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA à supprimer de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :

- « extra fort » à propos de la qualification de brûleur de graisses

- « efficacité prouvée »

- « scientifiquement prouvé »

- « brûle 700 kcal/jour » en l’état, au regard de la seule étude disponible sur le complexe Liposlim, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée – l’infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée – passé un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 60 jours, le juge des référés appréciant souverainement les mesures propres à faire cesser le trouble manifestement illicite.

En revanche, la prétendue fausse présentation de la composition de XtraSlim700 implique une analyse et une comparaison qui ne relèvent pas de l’évidence requise en référé.

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Le prétendu manquement du laboratoire à ses obligations au regard de la présentation négative de l’activité sportive implique également d’apprécier si le propos sur le sport entre dans le registre de la publicité hyperbolique ou pas – appréciation qui ne relève pas de l’évidence requise en référé. Enfin, la prétendue utilisation d’allégations de santé interdites implique, au vu des éléments produits par chacune des parties, une analyse et une appréciation qui ne relèvent pas de l’évidence requise en référé.

Enfin, en l’absence de tout élément sur la dangerosité du complément alimentaire pour le consommateur, aucun dommage imminent n’est caractérisé, dix mois après le début de sa commercialisation.

Sur les provisions

Le second alinéa de l’article 809 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme à allouer au requérant.

* sur la provision à valoir sur l’indemnisation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif des consommateurs

La pratique commerciale trompeuse sur un aspect aussi important que la preuve scientifique de l’efficacité d’un complément alimentaire sur le marché de la minceur et de la perte de poids, de la part d’un laboratoire qui est l’un des principaux acteurs de ce marché a nécessairement porté atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs. Dès lors, l’obligation de la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA d’indemniser cette atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs n’est pas sérieusement contestable. En l’absence d’éléments sur le nombre de boîtes vendues mais en considération du prix de la boîte (entre 34 et 39 euros) et le début de la commercialisation en janvier 2018, il sera alloué à la CCLCV, légitime à solliciter la réparation de ce préjudice, une somme de 5000 euros à titre provisionnel.

* sur la provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice associatif

La CCLCV fait valoir, à l’appui de sa demande, que la pratique commerciale trompeuse imputable à la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA implique, pour elle, un travail de veille et d’information qui mobilisent de nombreux salariés et des moyens matériels et financiers importants, en plus du coût de la présente action judiciaire.

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Il n’est pas contestable que la mission de la CCLCV et son action dans le cas présent nécessitent et ont nécessité des moyens financiers et humains pour l’étude d’un nouveau complément alimentaire sur le marché de la perte de poids et l’examen de ce produit. Le travail accompli par la CCLCV du fait de la pratique commerciale trompeuse retenue a eu un coût qui s’analyse en un préjudice associatif. La CCLCV ne fournit néanmoins aucun élément sur l’ampleur de ce préjudice. Par conséquent, il ne lui sera alloué qu’une somme de 5000 euros à titre provisionnel.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La SA LABORATOIRES FORTE PHARMA sera condamnée à payer à la CCLCV la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Vu le trouble manifestement illicite,

Condamnons la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA, à titre de mesures conservatoires, à supprimer de tous les supports de présentation, de commercialisation et de publicité, actuels ou à venir, les références suivantes :

- « extra fort » à propos de la qualification de brûleur de graisses

- « efficacité prouvée »

- « scientifiquement prouvé »

- « brûle 700 kcal/jour » en l’état, au regard de la seule étude disponible sur le complexe Liposlim, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée – l’infraction étant constituée par chaque boîte mise en vente et/ou chaque publicité diffusée – passé un délai de 60 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, ladite astreinte ayant vocation à courir pendant un délai de 60 jours ;

Nous réservons la liquidation de l’astreinte ;

Condamnons la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA à payer à la CCLCV la somme provisionnelle de 5000 euros à valoir sur l’indemnisation de l’atteinte portée à l’intérêt collectif des consommateurs ;

Condamnons la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA à payer à la CCLCV la somme provisionnelle de 5000 euros à valoir sur l’indemnisation du préjudice associatif ;

Condamnons la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA à payer à la CCLCV la somme de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Page 12



Rejetons le surplus des demandes ;

Condamnons la SA LABORATOIRES FORTE PHARMA aux dépens;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 15 novembre 2018

Le Greffier, Le Président,

X Y Z A

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Tribunal de grande instance de Paris, 15 novembre 2018, n° 18/56845