Tribunal Judiciaire de Nanterre, 26 avril 2023, n° 23/00077

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Nanterre, 26 avr. 2023, n° 23/00077
Numéro(s) : 23/00077

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE
RÉFÉRÉS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 26 AVRIL 2023
N° RG 23/00077 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YA2Q
N° minute :
DEMANDERESSE AA Z Madame AA Z […] AG AC représentée par Maître Antoine CHRISTIN de la SELARL ANTOINE CHRISTIN AVOCAT, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 720
DEFENDEUR
Monsieur AG AC […]
représenté par Maître Frédéric SANTINI de la SCP RICOUR RIVOIRE TOULLEC DUVERNOY SANTINI BIZARD BOULAN LEDUCQ, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 713
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président : Laura EDERIQUE, Vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal, Greffier : Esrah FERNANDO, Greffière
Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Le juge des référés, après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 01 mars 2023, a mis l’affaire en délibéré à ce jour :
Vu l’assignation signifiée par exploit d’huissier du 4 janvier 2023 à la requête de Mme AA Z à l’encontre de M. AG AC afin de voir :
- ordonner à ce dernier d’avoir à procéder à la reprise des murs et du sol de la courette conformément au devis présenté par la société SOGECOP, le tout sous astreinte de 350 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance à intervenir et cessera de courir à compter de l’établissement d’un procès-verbal de constat de commissaire de justice constatant la réalisation desdits travaux qui sera réalisé à sa charge ;
- se réserver la liquidation de l’astreinte prononcée ;
- débouter M. AG AC de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;
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 – condamner M. AG AC à payer à Mme AA Z une somme de 2.500 euros à titre de contribution à ses frais irrépétibles ;
- condamner M. AG AC aux entiers dépens ;
- rappeler que l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir est de droit ;
Vu l’exament de l’affaire à l’audience du 1 mars 2023, lors de laquelle les parties ont comparuer dûment représentées par leurs conseils respectifs ;
Vu les déclarations de l’avocat de Mme AA Z soutenant les termes de son assignation introductive d’instance ;
Vu les dernières conclusions de M. AG AC notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) le 28 février 2023 développées oralement par son conseil à l’audience précitée afin de voir :
- débouter Mme AA Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme AA Z à payer à M. AG AC la somme de 1.500 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
Vu les dispositions des articles 446-1 et 455 du Code de procédure civile, ce dernier prévoyant qu’une décision doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ;
Vu les dispositions des articles 834 et 835 du Code de procédure civile.
EXPOSE DES MOTIFS
Sur la demande principale
Selon l’article 834 du Code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Selon l’article 835 du Code de procédure civilé, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Selon l’article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
En l’espèce, Mme AA Z sollicite la remise en état, sous astreinte, de la courette jouxtant son studio et appartenant à M. AG AC en faisant principalement valoir :
- qu’elle est propriétaire d’un studio de 19 m² situé en rez-de-chaussée du bâtiment F d’une copropriété sise 23, rue des Vignes à MEUDON (92190), studio qu’elle a occupé avant de le louer le 4 janvier 2021 à Mme AF X ;
- que M. AG AC est propriétaire non occupant de l’immeuble voisin, […] ;
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 – que depuis le 10 avril 2020, elle subit des infiltrations d’eau arrivant depuis le plafond et s’écoulant le long du mur de la pièce principale de son studio, ce qui occasionne des dommages sur le revêtement des murs et sur le sol de cette pièce principale ;
- qu’après une recherche de fuite menée le 9 juillet 2020 par la SAS SOGECOP, l’origine du sinistre a été localisée au niveau de la courette de l’immeuble voisin appartenant à M. AG AC, lequel a été invité à remplir un constat amiable de dégât des eaux, mais n’y a pas donné suite ;
- que plusieurs réunions d’expertise amiable se sont déroulées les 17 novembre 2020, 3 novembre 2020, 6 avril 2021 et 13 avril 2021, les dernières en présence de M. Y, mandaté par l’assureur de M. AG AC, confirmant au bout du compte l’origine du désordre comme un défaut d’étanchéité du mur enterré de l’immeuble locatif appartenant à ce dernier ;
- que toutes ses sollicitations auprès du défendeur par SMS, par courrier électronique et par courrier se sont révélées infructueuses, y compris celles faites par l’intermédiaire de la conciliatrice de justice.
Mme AA Z conclut à l’existence d’un trouble manifestement illicite ayant pour origine le défaut d’étanchéité de la courette de l’immeuble voisin ayant pour propriétaire M. AG AC, trouble qu’il convient de faire cesser immédiatement. En outre, elle verse aux débats un devis de la SAS SOGECOP et deux devis de la société DO FUNDO détaillant la nature et le coût des travaux réparatoires à entreprendre.
Pour résister à ces griefs, M. AG AC rétorque :
- qu’il existe une constestation sérieuse qui fait obstacle au trouble manifestement illicite invoqué par la demanderesse, en ce sens qu’il conteste toute part de responsabilité dans la survenance du sinistre allégué ;
- qu’en outre, les deux rapports d’expertise amiable produits par Mme AA Z au soutien de ses prétentions ne sont pas contradictoires et ne lui sont donc pas opposables, ainsi que l’a rappelé à maintes reprises la jurisprudence de la Cour de Cassation.
Le défendeur conclut qu’aucune condamation ne peut intervenir à son encontre lorsqu’elle est fondée sur des rapports d’expertises non judiciaires.
***
Ceci étant exposé, il doit être souligné que le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Les dispositions de l’article 835 du Code de procédure civile sont claires : elles énoncent la reconnaissance d’un trouble manifestement illicite en dépit de l’existence d’une contestation sérieuse au fond. Par conséquent, M. AG AC est mal venu de soulever l’existence d’une constestation sérieuse entre les parties pour tenter de contester la notion de trouble manifestement illicite dans ce litige. L’arrêt de la Cour de Cassation en date du 2 février 2022 (pourvoi n°20-21.918) qu’il cite en page 4 de ses conclusions n’est pas transposable au cas d’espèce dès lors qu’il concerne un référé-provision et a été rendu au visa de l’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile relatif au versement d’une provision.
S’agissant des rapports d’expertise non judiciaires produits par Mme AA Z, la question soulevée par M. AG AC est celle de la portée, c’est-à-dire de la force probante, d’un expertise non judiciaire ou amiable, nonobstant son caractère contradictoire.
La Cour de Cassation a donné une réponse claire sur ce point depuis l’arrêt apériteur rendu par sa Chambre mixte le 28 septembre 2012 : le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties : lorsque l’expertise est amiable, le rapport doit être nécessairement conforté par un autre élément.
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Cette solution a été réaffirmée par la Haute Cour à plusieurs reprises par la suite : dans un arrêt du 13 septembre 2018 (pourvoi n°17-20.099), dans un arrêt du 26 juin 2019 (pourvoi n°18- 12226) et dans un arrêt du 14 mai 2020, (pourvoi n°19-16.278).
En l’espèce, une recherche de fuite a été initialement menée par la SAS SOGECOP, société de plomberie et d’étanchéité, laquelle a conclu le 23 juillet 2020, photographies couleur à l’appui, :
“ Suite à notre passage, nous avons constaté chez Mme Z, des taches d’infiltrations au niveau des plinthes, avec un taux d’humidité élevé.
Une courette se situant derrière le mur, nous nous y sommes rendus et après vérification, nous avons constaté l’absence d’étanchéité et la présence de fissures à de multiples endroits.
L’eau passe par là, s’infilitre par la couche du terre plein et remonte par capillarité chez Mme Z. (…) ”
Cette recherche de fuite a été suivie de plusieurs réunions d’expertise amiable qui se sont déroulées les 17 septembre 2020, 3 novembre 2020, 6 avril 2021 et 13 avril 2021 et auxquelles M. AG AC a été convié sans jamais y répondre.
Les rapports des deux expertises amiables établis le 17 novembre 2020 par le cabinet ELEX et le cabinet UNION D’EXPERTS aboutissent au même constat : l’origine du sinistre se trouve dans le dallage défectueux de la courette appartenant à M. AG AC corroborant ainsi les conclusions initiales de la recherche de fuite menée par la SAS SOGECOP quelques mois auparavant.
Le cabinet ELEX a réitéré ses constatations dans un rapport d’expertise rectificatif du 18 mai 2021 tout en signalant qu’il restait en attente de la position écrite de son confère du cabinet AIS, suite à son passage différé le 13 avril 2021 pour le compte de l’assureur MAAF de l’immeuble locatif appartenant à M. AG AC. Il en résulte que ce dernier ne peut sérieusement prétendre que les expertises amiables diligentées n’étaient pas contradictoires et qu’elles ne lui sont pas opposables. En effet, ces expertises sont soumis au débat contradictoire dans le cadre de la présente instance et le cabinet AIS agissant pour le compte de l’assureur de M. AG AC y a participé. En tout cas, elles contribuent à conforter le rapport de recherche de fuites initial de la SAS SOGECOP. Autrement dit, les rapports d’expertise amiable confirment le rapport de recherche de fuites et doivent prises en considération.
Dans ces circonstances, la mauvaise foi de M. AG AC est patente, d’autant qu’il a délibérément choisi d’opposer depuis près de trois ans une posture mutique aux multiples demandes formulées par Mme AA Z et ce, quel que soit le support utilisé pour le contacter : mise en demeure du 27 septembre 2021, SMS envoyés entre septembre 2021 et août 2022, courrier électronique du 30 juillet 2020, tentative de conciliation en décembre 2021 par Mme AD AE, conciliatrice de justice après deux convocations par lettres recommandées. En fait, M. AG AC se contente de “ faire le mort ” et n’apporte à ce jour aucun élément sérieux de nature à remettre en cause sa responsabilité dans l’origine du sinistre qui perdure dans l’appartement de la demanderesse.
En tout état de cause, le dégât des eaux subi depuis plusieurs années par Mme AA Z constitue incontestablement un trouble manifestement illicite puisqu’il est contraire au principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, d’autant que l’inertie de M. AG AC pendant tout ce laps de temps démontre que ce dernier n’a aucune volonté d’y remédier.
Par conséquent, M. AG AC sera condamné à exécuter les travaux consistant en la réfection totale des murs et du sol de la courette sise […] et jouxtant le studio de Mme AA Z tels que décrits dans le devis présenté par la SAS SOGECOP le 23 juillet 2020.
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A défaut d’obtempérer, le défendeur sera contraint par une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard qui courra à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, et ce, pendant une durée de quatre mois.
Sur les demandes accessoires
En application des articles 491 alinéa 2 et 696 du Code de procédure civile, M. AG AC, qui succombe, sera condamné aux dépens de la présente instance.
En outre, la solution et l’équité commandent de condamner le défendeur à payer une indemnité de procédure de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à Mme AA Z qui s’est vu contrainte d’engager une procédure judiciaire alors qu’elle avait recherché pendant près de trois ans une résolution amiable de ce litige. Il va de soi que la demande de frais irrépétibles formulée par M. AG AC est rejetée.
Enfin, il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Les chefs de demandes plus amples ou contraires et les autres moyens seront rejetés et écartés comme infondés ou non justifiés.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe :
DIT que le trouble manifestement illicite invoqué par Mme AA Z en raison du dégâts des eaux survenu dans son studio […] est caractérisé ;
CONDAMNE M. AG AC à exécuter les travaux consistant en la réfection totale des murs et du sol de la courette sise […] lui appartenant et jouxtant le studio de Mme AA Z tels que décrits dans le devis présenté par la SAS SOGECOP du 23 juillet 2020 ;
DIT qu’à défaut d’obtempérer, M. AG AC y sera contraint par une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard qui courra à compter d’un délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, et ce, pendant une durée de quatre mois ;
SE RESERVE la liquidation de l’astreinte ;
CONDAMNE M. AG AC à payer à Mme AA Z la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. AG AC aux dépens de la présente instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;
REJETTE les autres demandes des parties.
FAIT A NANTERRE, le 26 avril 2023.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
Esrah FERNANDO, Greffière Laura EDERIQUE, Vice-présidente
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  1. Code de procédure civile
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Tribunal Judiciaire de Nanterre, 26 avril 2023, n° 23/00077