ADLC, Avis 21-A-04 du 28 avril 2021 relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux

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avocats.notaires.over-blog.com · 28 avril 2021

L'ADLC PROPOSE SA CARTE POUR 2021-2023 : INSTALLATION DE 250 NOUVEAUX NOTAIRES https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr/communiques-de-presse/liberte-dinstallation-des-notaires-des-huissiers-de-justice-et-des Liberté d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires : propositions de cartes pour 2021-2023 L'Autorité propose de nouvelles cartes d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires pour la période 2021-2023. En raison de la crise sanitaire, l'Autorité a retenu une approche particulièrement …

 
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Sur la décision

Référence :
Aut. conc., avis n° 21-A-04 du 28 avr. 2021
Numéro(s) : 21-A-04
Textes appliqués :
462-4-1
Identifiant ADLC : 21-A-04
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Avis n° 21-A-04 du 28 avril 2021 relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux L’Autorité de la concurrence (commission permanente), Vu le code de commerce, notamment son article L. 462-4-1 ; Vu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, notamment son article 52 ; Vu le décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; Vu le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 modifié relatif aux officiers publics et ministériels ; Vu les avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 et n° 18-A-08 du 31 juillet 2018 relatifs à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux ; Vu la notice explicative du 1er juillet 2016 de l’Autorité de la concurrence sur la notion de « recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels » dans les zones mentionnées au I de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; Vu les arrêtés conjoints du ministre de l’économie et des finances et du garde des Sceaux, ministre de la justice, du 16 septembre 2016 (NOR : JUSC1625721A) et du 3 décembre 2018 (NOR : JUSC1825286A), pris en application de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; Vu les décisions du Conseil d’État n° 406017 du 19 mai 2017, n° 403815 du 16 octobre 2017 et n° 426489 du 14 octobre 2020 ; Vu le document de consultation publique mis en ligne par l’Autorité de la concurrence le 2 juin 2020 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants du ministère de la justice et le commissaire du Gouvernement, entendus lors de la séance du 11 mars 2021 ;

Les représentants du Conseil supérieur du notariat (CSN), de la chambre des notaires de Paris, de l’association « Liberté d’installation des diplômés notaires » (LIDN), ainsi que d’une société titulaire d’un office notarial créé en 2018, entendus sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 463-7 du code de commerce ; Est d’avis :

- de proposer aux ministres de la justice et de l’économie une carte révisée des zones mentionnées au I de l’article 52 de la loi du 6 août 2015, assortie de nouvelles recommandations sur les rythmes d’installation dans ces zones ;

- d’établir un bilan sur l’accès aux offices de notaire, et de formuler des recommandations au garde des Sceaux, ministre de la justice, afin d’améliorer cet accès ; Sur la base des observations suivantes : 2

Résumé1

Conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce créé par l’article 52 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (« loi Macron »), l’Autorité de la concurrence rend, au moins tous les deux ans, au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des notaires. Après les deux premiers avis, adoptés le 9 juin 2016 et le 31 juillet 2018, l’Autorité émet un troisième avis et soumet aux ministres de la justice et de l’économie une nouvelle proposition de carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création d’offices notariaux sur la prochaine période biennale (2021-2023). Les travaux de l’Autorité s’appuient notamment sur une consultation publique, organisée dans les conditions prévues à l’article L. 462-4-1 du code de commerce, qui a recueilli 408 contributions exploitables. À partir des dernières données économiques et financières consolidées disponibles pour la période 2015-2019, l’Autorité a effectué une analyse quantitative et qualitative de l’offre notariale lui permettant de faire les constats suivants :
- le maillage territorial a été renforcé par les deux premières vagues de créations d’offices ;
- l’activité notariale a connu une forte croissance de 2015 à 2019 (+33 % sur 5 ans), le chiffre d’affaires global de la profession franchissant le seuil de 8 milliards d’euros en 2018 (contre 6,5 milliards d’euros en 2015) et son taux de marge global dépassant 30 % depuis 2017 (contre 27,5 % en 2015) ;
- la répartition du chiffre d’affaires moyen et du résultat net moyen par notaire libéral sur la période 2015-2019 reflète les disparités existantes entre les territoires ;
- les créations d’offices intervenues depuis 2017 n’ont pas, à ce stade, entraîné de diminution de l’activité des notaires déjà en place ; elles ont, tout au plus, légèrement ralenti la croissance de cette activité, qui n’en a pas moins été particulièrement élevée. Depuis mars 2020, la crise sanitaire impacte fortement l’économie nationale. Ses possibles évolutions sont, pour l’heure, incertaines. Elles dépendront principalement des mesures mises en place par le Gouvernement pour endiguer la pandémie, notamment la politique de vaccination et la limitation des déplacements (confinements, couvre-feux, mesures de freinage). En dépit d’un choc conjoncturel de mars à mai, l’activité notariale, pour sa part, s’est globalement maintenue en 2020 : la baisse du chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de -3 % par rapport à 2019. Les offices notariaux ont en effet été durement affectés par le premier confinement national de mars à mai 2020 (fermeture des offices, activité immobilière ralentie, etc.), de sorte qu’au premier semestre 2020, le chiffre d’affaires médian par notaire a baissé de 20 % par rapport au second semestre 2019 (et de 8 % par rapport au premier semestre 2019). Toutefois, les offices ayant communiqué leur produit d’exploitation définitif (environ 60 %) semblent avoir bénéficié d’un fort effet de rattrapage au second

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi le corps de l’avis et ses annexes ci-après. 3

semestre 2020, pour ceux créés avant 2017, et d’une croissance supérieure à celle du second semestre 2019, pour ceux créés après. Pour élaborer sa proposition de carte pour 2021-2023, l’Autorité a retenu les critères suivants : tout d’abord, les zones d’installation ont été délimitées à partir des zones d’emploi telles qu’actualisées par l’Insee en 2020. La création récente d’offices notariaux en Guadeloupe et en Martinique, dans des zones qui en étaient jusqu’alors dépourvues, a par ailleurs conduit à des ajustements locaux. Le nombre total de zones d’installation est ainsi passé de 306 à 293. L’offre et la demande de prestations notariales ont été étudiées suivant la méthodologie élaborée par l’Autorité dans ses précédents avis, qui a été validée à deux reprises par le Conseil d’État statuant au contentieux. Les seuils de chiffre d’affaires utilisés pour apprécier le potentiel de création dans chaque zone d’installation ont été maintenus. Toutefois, pour tenir compte des possibles conséquences à court et moyen terme de la crise sanitaire sur la profession notariale, qui sont encore entachées d’une forte incertitude à ce stade, l’Autorité a décidé d’adopter une approche qui, à plusieurs égards, est encore plus prudente qu’à l’accoutumée. 1) Tout d’abord, l’horizon auquel elle a évalué le besoin en nouvelles installations libérales a été reculé de cinq ans, de 2024 à 2029. Ainsi, l’Autorité sera à même de réévaluer à trois reprises (en 2023, 2025 et 2027) l’objectif de créations d’offices, et de prendre en compte le contexte économique et sanitaire à l’occasion de chacune de ces révisions biennales. 2) Ensuite, alors qu’il avait été jusqu’ici systématiquement reconduit, le reliquat des nominations non pourvues lors de la précédente carte a été abandonné. Selon la DACS, il s’élève au moins à 87 professionnels. 3) Enfin, la vitesse de convergence vers l’objectif d’installation de long terme a été ralentie. Sur ce dernier point, l’Autorité a défini le taux de progressivité des créations d’offices pour la période 2021-2023 en envisageant trois scenarii de sortie de crise :
- selon le scénario « prudent », la campagne de vaccination et les autres mesures d’endiguement de la pandémie permettraient d’éviter un nouveau confinement généralisé. Progressivement, l’activité économique connaîtrait un retour à la normale grâce à la levée des restrictions sanitaires ;
- le scénario « de crise durable » envisage la possibilité d’un nouveau confinement généralisé au niveau national sur plusieurs semaines, selon des modalités semblables à celui d’octobre-décembre 2020. L’activité économique resterait perturbée, au moins jusqu’à fin 2022 ;
- dans le troisième scénario, un confinement national strict, selon des modalités similaires à celui de mars-mai 2020, serait nécessaire pour contrôler la pandémie. L’activité économique en serait fortement et durablement affectée, en particulier, le marché immobilier. Compte tenu des informations dont elle dispose au moment de l’élaboration de la présente proposition de carte, l’Autorité se projette dans le scenario central. Ce scénario avait d’ailleurs anticipé les dernières mesures adoptées par le Gouvernement au début du mois d’avril 2021 (confinement généralisé à l’ensemble du territoire, mais selon des modalités plus souples qu’en mars-mai 2020). 4

Ainsi, au regard du potentiel de création d’offices à l’horizon 2029, qu’elle évalue entre 2 400 et 2 600 nouveaux notaires libéraux, l’Autorité recommande au Gouvernement la création d’offices supplémentaires permettant l’installation libérale de 250 nouveaux notaires sur la période de validité de la prochaine carte (2021–2023). Les 293 zones seront par conséquent, d’installation libre pour 112 d’entre elles, et d’installation contrôlée, pour 181 d’entre elles. En ce qui concerne les recommandations qualitatives, l’Autorité a pris acte du fait que plusieurs de ses recommandations précédentes ont été suivies d’effet et estime qu’il n’est, par conséquent, pas nécessaire de les reconduire. Elle se félicite ainsi des réformes engagées, conformément à ses propositions, sur les points suivants:
- le régime juridique applicable aux zones d’installation contrôlée a été modifié afin de prévoir la sollicitation de l’Autorité pour avis uniquement dans l’hypothèse où le ministre de la justice envisage une création d’offices dans ces zones dites désormais « rouges », et non plus dans l’hypothèse où il envisage de la refuser (zones anciennement dites « orange ») ;
- la procédure de nomination dans les zones d’installation libre (zones dites « vertes ») a fait l’objet de modifications visant à l’accélérer et à l’améliorer, par exemple, par la mise en place d’un tirage au sort électronique. À cet égard, l’Autorité appelle l’attention des candidats sur la réduction de certains délais et la nécessité nouvelle de confirmer leur candidature après le tirage au sort, sous peine de caducité de l’ensemble de leurs demandes ;
- les possibilités de remises tarifaires ont été sensiblement accrues ; le taux plafond de droit commun des remises a été doublé, passant de 10 à 20 %, et le seuil d’assiette à partir duquel ce taux est appliqué a été abaissé de 150 000 à 100 000 euros. Autrement dit, en cas de mutation d’un bien immobilier, une remise de 20 % (au lieu de 10 %) peut désormais être accordée sur les émoluments calculés sur la part excédant 100 000 euros (au lieu de 150 000 euros) de la valeur de ce bien ;
- le dispositif d’élaboration de la proposition de carte a été amélioré, grâce à la publication d’un certain nombre de données sur le site OPM et le site du CSN, s’inscrivant dans une logique de transparence et d’accessibilité des informations. Enfin, l’Autorité formule neuf recommandations qualitatives qu’il conviendrait de mettre en œuvre lors de la prochaine période biennale, afin d’améliorer le dispositif régissant la liberté d’installation des notaires. La première recommandation vise, dans un souci de sécurité juridique, à préciser les modalités selon lesquelles s’effectuent les demandes de transfert d’office, en cas de période de latence entre l’expiration de la précédente carte et l’adoption de la nouvelle. Les deux recommandations suivantes visent à abaisser les barrières à l’entrée pour les candidats à l’installation :
- Recommandation n° 2 : clarifier les règles applicables en matière de sollicitation personnalisée et les assouplir pour permettre aux professionnels de communiquer efficacement sur leur offre de services et de développer leur clientèle. En effet, l’Autorité constate que des difficultés persistent, malgré l’adoption du décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 qui a encadré l’extension et a apporté certains assouplissements aux modes de communication accessibles aux officiers publics ou ministériels ; 5

— Recommandation n° 3 : veiller à ce que le cadre réglementaire applicable à la sous-traitance et à la mutualisation d’activités par des offices de notaire prenne en compte la situation des offices créés. L’Assemblée générale du CSN a adopté les 2-3 juillet 2019 deux résolutions relatives, d’une part, à la mutualisation des activités notariales entre les offices et, d’autre part, à la sous-traitance des activités notariales. Ces textes prévoient que seules certaines tâches peuvent être mutualisées, sous réserve de respecter le secret professionnel, ou sous-traitées, sous réserve de recourir à un prestataire agréé par le CSN. Or, l’Autorité estime que les possibilités de recours à la mutualisation et à la sous-traitance, sous réserve des règles déontologiques, ont un impact particulièrement significatif sur l’économie des offices et l’établissement des modèles d’affaires en phase de démarrage d’activité. Les trois recommandations suivantes visent à améliorer le dispositif d’élaboration de la cartographie :
- Recommandation n° 4 : inviter le Gouvernement à transmettre au Parlement le rapport prévu au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 sur l’opportunité d’étendre l’application de la liberté d’installation aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;
- Recommandation n° 5 : étendre la liste des données collectées par l’Autorité dans les conditions fixées par l’arrêté du 11 septembre 2018 au « nombre d’actes » (ventilé par grandes catégories), à l’âge et au sexe des titulaires ou associés, à la localisation et au nombre de bureaux annexes ;
- Recommandation n° 6 : rendre obligatoire la mise en place d’un outil de suivi de l’activité des bureaux annexes par le biais d’une ventilation des produits et des charges entre l’office principal et son (ses) bureau (x) annexe (s), dans le cadre de la mise en place de la comptabilité analytique imposée par l’article R. 444-20, II, du code de commerce. Les trois recommandations suivantes visent à améliorer l’accès des femmes et des jeunes aux offices :
- Recommandation n° 7 : étendre le dispositif prévu par l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des ordres professionnels à la profession de notaires ;
- Recommandation n° 8 : mener une réflexion sur la mise en place d’un système de « notaire remplaçant », notamment dans le cas des congés maternité et paternité ;
- Recommandation n° 9 : favoriser l’implication et la représentation des créateurs d’offices dans les diverses instances représentatives de la profession et les fonctions d’inspection.

6

SOMMAIRE

I. INTRODUCTION 10 II. LE CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE 11 A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA PROFESSION 11 B. LES NOUVELLES MODALITÉS D’INSTALLATION DES NOTAIRES 12 1. Présentation du dispositif législatif 12 a) L’élaboration de la carte 12 b) Les conditions de nomination des candidats 12 2. Présentation des mesures réglementaires 14 a) Décret fixant les critères présidant à l’élaboration de la carte 14 b) Arrêté conjoint adopté à la suite de la proposition de carte de l’Autorité du 31 juillet 2018 15 c) Les modifications du régime juridique relatif aux notaires intervenues depuis le précédent avis 15 (1) Le régime de la formation notariale 16 (2) Les modifications du régime concernant les modalités d’adoption de décisions relatives aux offices 16 (3) Les tarifs réglementés des notaires 17 (4) L’accès à la profession de notaire 17 (5) Les modalités de représentation au sein des instances notariales 18 d) L’adaptation du cadre règlementaire à la crise sanitaire 19 e) Allègement de cotisations ordinales en période de crise sanitaire 21 C. LA CONSULTATION PUBLIQUE 21 III. LA REVISION DE LA CARTE D’INSTALLATION DES NOTAIRES 22 A. ÉTAT DES LIEUX DE L’OFFRE ET DE L’IMPLANTATION NOTARIALES 22 1. Démographie et implantation géographique 23 2. Résultats économiques 27 a) Données par office 27 b) Données par notaire libéral 29 3. La situation économique des notaires installés avant 2017 confrontés à la concurrence des notaires installés dans le cadre de la loi Macron 31 4. La situation économique des notaires nouvellement installés 32 B. ÉTAT DES LIEUX DE LA DEMANDE ET IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE

35 1. La crise sanitaire et l’évolution de la situation économique nationale 35 a) Le deuxième trimestre (avril – juin 2020) : une économie brutalement 7

ralentie 36 b) Le troisième trimestre (juillet – septembre 2020) : un rebond de l’économie 36 c) Le quatrième trimestre (octobre – décembre 2020) : un nouveau ralentissement de l’économie mais plus modéré que le premier 37 d) Les perspectives d’évolution de la situation à moyen terme 38 2. L’impact de la crise sanitaire sur la demande de prestations notariales 38 a) La croissance démographique 39 b) Le nombre de décès 39 c) Le nombre de mariages, PACS et divorces 41 d) Le marché immobilier 42 e) Conclusion 46 C. IMPACT OBSERVÉ DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES OFFICES CRÉÉS ET EXISTANTS 47 1. Un ralentissement des activités notariales au premier semestre 2020 47 2. Un rattrapage constaté au second semestre 2020 48 3. Une baisse de chiffre d’affaires globalement contenue pour l’année 2020 49 D. ADAPTATION DE LA MÉTHODOLOGIE 50 1. La délimitation des zones d’installation 51 2. La prise en compte de l’offre et de la demande 54 3. Le recours à des seuils de chiffre d’affaires et l’horizon du rééquilibrage 55 4. L’impératif de progressivité des créations 57 a) Le scenario « prudent » 58 b) Le scenario « de crise durable » 59 c) Le scenario « très pessimiste » 59 IV. LA PROPOSITION DE CARTE ET LES RECOMMANDATIONS DE L’AUTORITE 60 A. PROPOSITION DE CARTE RÉVISÉE DES ZONES D’IMPLANTATION, ASSORTIES DE RECOMMANDATIONS SUR LE RYTHME DE CRÉATION DE NOUVEAUX OFFICES NOTARIAUX 60 B. LES RECOMMANDATIONS DES PRÉCÉDENTS AVIS SUIVIES D’EFFET ET QU’IL N’EST PAR CONSÉQUENT PAS NÉCESSAIRE DE RECONDUIRE 62 1. Renforcer la cohésion territoriale 62 a) Le bilan de la procédure de nomination aux offices créés dans les 77 zones oranges sur la période 2018-2020 62 b) Le nouveau régime juridique applicable aux zones d’installation contrôlée 63 2. Améliorer la procédure de nomination aux offices créés 63 a) Le bilan de la mise en œuvre de la procédure de nomination sur la 8

période 2018-2020 64 (1) Les délais de traitement des candidatures 64 (2) Les difficultés rencontrées par les candidats dans l’accès à l’information

64 b) Les récentes modifications de la procédure de nomination 65 (1) Les modifications relatives à la procédure de nomination de la deuxième carte 65 (2) Les modifications relatives à la procédure de nomination qui entreront en application pour la troisième carte 66 c) Rendre la procédure plus efficace en augmentant la transparence sur l’état d’avancement des candidatures et l’évolution des rangs d’instruction des demandes 69 3. Préciser le délai laissé aux candidats entre la nomination et la prestation de serment pour la création des nouveaux offices 70 4. Accroître les possibilités de remises tarifaires 71 5. Améliorer le dispositif d’élaboration de la carte 72 C. LES RECOMMANDATIONS À METTRE EN ŒUVRE LORS DE LA PROCHAINE PÉRIODE BIENNALE 72 1. Recommandations relatives aux transferts d’offices entre deux cartes 73 2. Recommandations en vue d’abaisser les barrières à l’entrée pour les candidats à l’installation 74 a) Sur la sollicitation personnalisée 74 b) Sur la mutualisation et la sous-traitance 76 (1) Sur la mutualisation 76 (2) Sur la sous-traitance 79 3. Recommandations en vue d’améliorer le dispositif d’élaboration de la carte 83 a) Sur l’extension du champ d’application territorial de la liberté d’installation à l’Alsace-Moselle 83 b) Sur la transmission systématique d’informations à l’Autorité 84 (1) Les données économiques des professionnels 84 (2) La prise en compte d’une comptabilité analytique permettant une ventilation de l’activité entre l’office principal et son (ou ses) bureau(x) annexe(s) 85 4. Recommandations en vue d’améliorer l’accès des femmes et des jeunes aux offices

86 a) Éléments démographiques sur les femmes et les jeunes 86 b) Parité au sein des instances et meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle 88 V. CONCLUSION 90 VI. ANNEXES 93 9

I. Introduction 1. Conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») est chargée de rendre « au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des notaires […] ». Dans ce cadre, elle « fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Elle établit également un bilan en matière d’accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données présentées par sexe et d’une analyse de l’évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. ». 2. Ces recommandations sont, en outre, « assorties de la carte mentionnée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (« loi Macron »). Cette carte « identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire […] apparaît utile » (troisième alinéa du I de l’article 52 précité). « Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d’activité des offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée » (quatrième alinéa du même I). Enfin, comme les recommandations, cette « carte est rendue publique et révisée tous les deux ans » (cinquième alinéa de ce I). 3. Sur proposition de l’Autorité du 31 juillet 2018 (avis n° 18-A-08 susvisé), la deuxième carte des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux, a été adoptée par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie du 3 décembre 2018. Cet arrêté a fait l’objet de recours de la part du Conseil supérieur du notariat (« CSN ») et de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, que le Conseil d’État, statuant au contentieux, a rejetés le 14 octobre 20202. 4. Le présent avis porte sur la révision de cette deuxième carte, qui est arrivée à échéance en décembre 2020. Pour mémoire, cette carte avait identifié 229 zones d’installation libre, dans lesquelles 733 nouveaux notaires libéraux étaient appelés à s’installer. Par ailleurs, elle avait délimité 77 zones d’installation contrôlée. 5. Après avoir rappelé brièvement le cadre législatif et règlementaire dans lequel s’inscrit cet avis (II), l’Autorité formule une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux, ainsi que diverses recommandations en vue d’améliorer l’accès de nouveaux professionnels libéraux aux offices notariaux (III et IV). Suivent la conclusion (V), ainsi que les annexes (VI), qui font partie intégrante du présent avis.

2 Conseil d’État, 6e et 5e chambres réunies, 14 octobre 2020, Conseil supérieur du notariat et autre, n° 426489 et n° 427726. 10

II. Le cadre législatif et réglementaire A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA PROFESSION 6. Les notaires sont des officiers publics et ministériels nommés par le garde des Sceaux, ministre de la justice (voir notamment l’avis de l’Autorité n° 16-A-16 du 16 septembre 2016 relatif à un projet de décret modifiant certaines dispositions du titre IV bis du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce, paragraphes 4 et suivants). 7. En tant qu’officiers publics, ils authentifient3 les actes qu’ils établissent et en assurent la conservation. Ces dernières années, le champ du monopole des notaires a eu tendance à croître. À titre illustratif, en vertu de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 20164 déjudiciarisant certaines procédures, les notaires se sont vu attribuer une nouvelle compétence en matière de divorce par consentement mutuel. Désormais, les époux souhaitant divorcer selon cette procédure constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord sur la rupture du mariage dans une convention, qui sera déposée au rang des minutes d’un notaire, dont le rôle est de contrôler le respect de la procédure, tant sur la forme que sur les délais. 8. En tant qu’officiers ministériels, les notaires sont titulaires d’un office attribué par l’État. Ils disposent d’un monopole pour exercer leur mission dans le cadre d’une délégation de l’État. À défaut d’être titulaire ou associé d’un office, les fonctions de notaire peuvent être exercées en tant que salarié. Initialement, lorsque cette faculté d’exercice salarié a été créée par la loi5 en 1992, le nombre de notaires salariés dans un même office ne pouvait être supérieur à celui des notaires titulaires ou associés y exerçant la profession. Cette règle, dite du « 1 pour 1 » (c’est-à-dire au plus un notaire salarié par notaire libéral), a été successivement portée à « 2 pour 1 »6 jusqu’au 8 août 2015, puis à « 4 pour 1 » jusqu’au 31 décembre 2019, afin de permettre notamment l’intégration dans la profession notariale des anciens clercs « habilités »7. Depuis le 1er janvier 2020, la règle dite du « 2 pour 1 » s’applique à nouveau. 9. Selon les chiffres communiqués par le CSN, au 30 novembre 2020, on recense 6 805 offices notariaux, où exercent 11 237 notaires titulaires ou associés, ainsi que 4 606 notaires salariés. Une majorité des notaires exerce dans le cadre d’une société pluripersonnelle, notamment

3 Article 1369 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable à compter du 1er octobre 2016 : l’acte authentique « est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises ». L’acte authentique, qui dispose d’un haut niveau de sécurité juridique, a pour attributs la date certaine, la force probante jusqu’à inscription de faux et la force exécutoire. Il fait pleine foi de sa date et de son contenu, s’agissant des éléments énoncés et constatés personnellement par le notaire, et il est exécutoire de plein droit au même titre qu’une décision judiciaire. 4 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. 5 L’article 1er ter de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, créé par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, est entré en vigueur le 1er janvier 1992. 6 Ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014 relative à l’exercice des professions d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et de notaire en qualité de salarié. 7 La loi du 6 août 2015 précitée a supprimé la possibilité pour les notaires d’habiliter certains de leurs clercs à donner lecture des actes et des lois et à recueillir les signatures des parties. Les dispositions du décret du 20 mai 2016 précité ont facilité l’accès à la profession de notaire aux clercs concernés par cette réforme, en prévoyant notamment des dispenses de diplômes sous des conditions d’expérience. 11

sous la forme d’une société civile professionnelle. Le chiffre d’affaires annuel de la profession en 2019 s’élève à environ 8,8 milliards d’euros. 10. En particulier, dans les trois départements non concernés par le dispositif de la loi Macron (Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle), le nombre d’offices notariaux s’élève à 188, où exercent 281 notaires titulaires ou associés, ainsi que 108 notaires salariés. En 2019, le chiffre d’affaires annuel des offices installés dans ces départements s’élève à plus de 295 millions d’euros. B. LES NOUVELLES MODALITÉS D’INSTALLATION DES NOTAIRES 11. Les nouvelles modalités d’installation des notaires sont issues de la loi du 6 août 2015 (1), à la suite de laquelle diverses mesures réglementaires ont été prises (2). 1. PRESENTATION DU DISPOSITIF LEGISLATIF 12. Seront exposées ci-après les dispositions législatives présidant, d’une part, à l’élaboration de la carte (a), et d’autre part, à la nomination des candidats, et notamment la condition tenant à leur honorabilité (b). a) L’élaboration de la carte 13. Plusieurs dispositions de la loi du 6 août 2015 ont eu pour effet de faciliter l’accès des diplômés notaires à l’exercice libéral de leur profession (voir l’avis n° 16-A-13 susvisé, paragraphes 26 et suivants). Ainsi, la loi a, par exemple, instauré un âge limite d’exercice de la profession à soixante-dix ans, favorisé l’accès des notaires assistants et des anciens clercs habilités aux fonctions de notaire salarié et, surtout, institué une liberté d’installation des notaires exerçant à titre libéral, régulée par les pouvoirs publics. Cette dernière mesure doit favoriser l’accès des diplômés notaires à des offices nouvellement créés, tout en garantissant le maillage territorial et la viabilité des offices existants. 14. À cet égard, l’article 52 de la loi distingue deux types de zones déterminées par la carte proposée par l’Autorité :

- les « zones d’installation libre » dans lesquelles « l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services » ;

- les « zones d’installation contrôlée » où « l’implantation d’offices supplémentaires de notaire […] serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu ». b) Les conditions de nomination des candidats 15. En vue de leur nomination, les candidats aux offices à créer doivent respecter un certain nombre de conditions, que l’article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée énumère : « II. Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommé en qualité de notaire (…), le ministre de la justice le nomme titulaire de l’office de notaire (…) créé. (…) ». 12

16. L’article 3 du décret du 5 juillet 1973 précité, dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels, précise notamment ces conditions de nationalité et d’honorabilité : « Nul ne peut être notaire s’il ne remplit les conditions suivantes : / 1° Être français ou ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ; / 2° N’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur et à la probité ; / 3° N’avoir pas été l’auteur d’agissements de même nature ayant donné lieu à mise à la retraite d’office ou à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, retrait d’agrément ou d’autorisation ». 17. Au cours de l’instruction du présent avis, la Direction des affaires civiles et du sceau (ci-après la « DACS ») a apporté quelques précisions sur la procédure mise en œuvre pour s’assurer du respect par les candidats de cette condition d’honorabilité, qui peut conduire le ministre de la justice à rejeter certaines demandes. Ainsi, avant la nomination d’un notaire, la DACS sollicite le parquet compétent afin qu’il mène une enquête d’honorabilité sur le candidat, et lui transmette, à l’issue de celle-ci, un avis (favorable ou défavorable) sur cette nomination. Pour mener à bien son enquête, le parquet peut notamment interroger les instances professionnelles locales. S’il rend un avis défavorable, il doit le motiver. Cet avis n’étant pas liant, la DACS n’est pas contrainte de le suivre. 18. Si elle envisage d’écarter une candidature pour un tel motif, la DACS envoie une lettre d’observation avant rejet (ci-après « LOR ») au candidat concerné, afin qu’il formule ses observations. La décision de rejet pour défaut d’honorabilité étant prise en considération de la personne, la DACS s’estime, en effet, soumise au respect d’une procédure contradictoire préalable, en application de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration8. Elle indique que les motifs portés à la connaissance des intéressés dans le cadre de cette procédure sont circonstanciés et précis. 19. En fonction de la réponse du candidat, la DACS peut soit solliciter de nouvelles précisions, soit prendre une décision de nomination du candidat en tant que notaire, soit enfin prendre une décision de refus de nomination. Les candidats concernés peuvent être représentés par un avocat. 20. D’après la DACS, depuis 2017, les instances professionnelles ont transmis très peu d’éléments alertant le parquet sur des faits susceptibles de faire obstacle à des nominations de candidats aux fonctions de notaire. La DACS a en effet expliqué que les candidats sont majoritairement de nouveaux entrants inconnus des instances locales dans le territoire d’implantation visé. 21. De fait, les statistiques disponibles montrent que les rejets pour défaut d’honorabilité sont rares. Au total, une centaine d’avis transmis par le parquet à la DACS après enquête étaient défavorables à la nomination du candidat concerné, ce qui représente à peine 1,4 % des demandes ayant fait l’objet d’une instruction complète. 22. Ainsi, sur le cycle 2016-2018, 46 candidats n’ont pas été nommés en raison d’un défaut d’honorabilité. La moitié d’entre eux a introduit un recours en annulation contre ce refus de nomination devant le juge administratif. Quatre requérants ont obtenu l’annulation de la décision et ont été nommés après réexamen. Pour le cycle 2018-2020, 24 candidats ont été

8 L’article 121-1 du CRPA dispose : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. » 13

refusés pour ce même motif de défaut d’honorabilité, soit 1 % des 2 396 demandeurs ayant fait l’objet d’une instruction complète. En décembre 2020, la DACS a indiqué que le juge administratif avait annulé une seule décision de refus de nomination, ce qui avait permis à un candidat d’être finalement nommé après réexamen de son dossier par la DACS. L’Autorité a reçu des éléments indiquant que des procédures sont toujours en cours. 23. La DACS a indiqué que seuls les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale, voire ayant donné lieu à des poursuites, sont pris en considération pour statuer sur l’honorabilité. En revanche, les faits relatifs aux compétences professionnelles des candidats ne feraient pas, selon elle, partie des manquements possibles à l’honneur et à la probité. Un tel motif ne pourrait, par conséquent, pas entraîner de décision de refus de nomination. 2. PRESENTATION DES MESURES REGLEMENTAIRES a) Décret fixant les critères présidant à l’élaboration de la carte 24. Le décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 prévoit, d’une part, des « critères permettant d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de l’offre de service », à savoir :

- « nombre et localisation des offices installés ;

— chiffre d’affaires global de ces offices et celui réalisé par chacun d’entre eux sur les cinq dernières années, en distinguant les montants respectifs des émoluments et des honoraires ;
- nombre de professionnels nommés dans ces offices (titulaires, associés, salariés) ;

— nombre et localisation des offices vacants ;

— âge des professionnels en exercice ». 25. Afin « d’évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de la demande », ce même décret retient, d’autre part, les critères suivants :

- « caractéristiques démographiques et tendance de leur évolution ;

— évolutions significatives de la situation économique ayant une incidence directe sur l’activité des professionnels, dont l’évolution (…) s’agissant des notaires : des marchés immobiliers et fonciers, et du nombre de mariages et de décès »9. 26. Ce décret précise enfin que les « zones d’installation libre » « doivent être délimitées en tenant compte de la localisation géographique des usagers auxquels les professionnels fournissent habituellement des prestations et du lieu d’exécution de la prestation »10.

9 Art. 1, I, du décret n° 2016-216 précité. 10 Art. 1, II, du décret n° 2016-216 précité. 14

b) Arrêté conjoint adopté à la suite de la proposition de carte de l’Autorité du 31 juillet 2018 27. Suivant la proposition de l’Autorité, l’arrêté conjoint du 3 décembre 201811 a établi 229 zones d’installation libre (« zones vertes ») dans lesquelles 733 nouveaux notaires libéraux étaient appelés à s’installer jusqu’en décembre 2020. Par ailleurs, 77 zones d’installation contrôlée (« zones orange ») ont été identifiées. 28. Conformément à une recommandation de l’Autorité12, l’arrêté a intégré le « reliquat » constitué des professionnels libéraux dont la nomination manquait pour atteindre l’objectif fixé par la première carte. Ce « reliquat », qui n’était pas connu au moment de l’adoption de sa proposition de carte par l’Autorité, a été évalué rétrospectivement par les ministres de la justice et de l’économie à 33 au moment de l’homologation de la carte par arrêté. 29. Par ailleurs, « afin d’assurer un rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels », cet arrêté :

- a distingué pour chacune des zones d’installation libre, une « recommandation » de créations d’offices, fixée à 479, et un « objectif » de nomination de professionnels titulaires ou associés, fixé à 733 ;

- a segmenté la période de deux ans de validité de la carte en deux périodes successives d’un an : si, à l’issue d’un délai de douze mois suivant l’ouverture des candidatures, ou, s’agissant des zones pour lesquelles un tirage au sort a été effectué, à l’issue d’un délai de neuf mois suivant la date du tirage au sort, malgré la création d’un nombre d’offices conforme à la « recommandation », le nombre de professionnels nommés est inférieur à l’« objectif », alors l’instruction des demandes de créations d’offices reprend jusqu’à satisfaction de ce dernier. c) Les modifications du régime juridique relatif aux notaires intervenues depuis le précédent avis 30. Depuis le précédent avis, plusieurs textes ont modifié le régime juridique applicable aux notaires. 31. Dans la présente section, les changements ayant trait au régime de la formation notariale (1), aux modalités d’adoption de décisions relatives aux offices (2), aux tarifs réglementés (3), à l’accès des jeunes à la profession (4) et, enfin, aux modalités de représentation au sein des instances notariales (5) seront successivement présentés. Ceux relatifs à la procédure de nomination des notaires dans les différents types de zone d’installation (libre et contrôlée), aux modalités de recueil des données économiques des offices et à la sollicitation personnalisée seront, pour leur part, présentés dans la partie IV du présent avis, avant d’y être analysés en détail.

11 Arrêté du 3 décembre 2018 pris en application de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques pour la profession de notaire. 12 Voir les paragraphes 111 et 112 de l’avis n° 18-A-08 précité. 15

(1) Le régime de la formation notariale 32. Le décret n° 2018-659 du 25 juillet 201813 a modifié, d’une part, le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité et, d’autre part, l’article 17 du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels. 33. Désormais, les centres de formation professionnelle, les instituts des métiers du notariat et l’école nationale d’enseignement par correspondance sont supprimés. Leurs compétences sont transférées à un établissement unique national : l’Institut national des formations notariales, qui succède au Centre national de l’enseignement professionnel notarial. L’enseignement est dispensé localement et la sélection des élèves est réalisée au niveau national, par une commission. 34. S’agissant des clercs habilités d’Alsace-Moselle, le texte les dispense de la condition de stage prévue à l’article 110 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 s’ils justifient d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans dans un office alsacien-mosellan et souhaitent accéder au notariat en application de l’article 17 du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016. 35. Cette nouvelle organisation est entrée en vigueur le 1er octobre 2018. (2) Les modifications du régime concernant les modalités d’adoption de décisions relatives aux offices 36. Jusqu’à l’adoption du décret n° 2020-931 du 29 juillet 202014, un certain nombre de décisions concernant la vie des offices notariaux devaient être approuvées pas le garde des Sceaux, s’agissant notamment de la reprise d’activité des notaires salariés, de la transformation sans dissolution de structures sociales d’exercice, ou du retrait d’un associé d’une société dont les parts sont entièrement rachetées. Dans le nouveau régime mis en place, le régime d’autorisation est remplacé par un régime de déclaration auprès du garde des Sceaux, avec la faculté pour ce dernier d’user d’un droit d’opposition. Cette modification s’opère plus précisément pour les décisions suivantes :

- les reprises de fonctions pour les notaires salariés, si elles interviennent moins d’un an après avoir quitté un précédent office ;

- les transformations de SCP en SEL ou de SEL en SCP (les transformations sans dissolution seront toutes traitées hors régime d’autorisation préalable, comme le sont actuellement déjà les transformations de SCP ou de SEL en sociétés par actions) ;

- les transferts d’office en zone d’installation libre ;

- les retraits « secs », c’est-à-dire sans nomination concomitante d’un nouvel associé en remplacement de l’associé se retirant. 37. Enfin, le décret susmentionné impose au CSN de tenir à jour sur son site internet les listes suivantes :

- la liste des notaires salariés concernés par les déclarations de reprise d’activité ;

13 Décret n° 2018-659 du 25 juillet 2018 modifiant le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire et modifiant l’article 17 du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 relatif aux officiers publics et ministériels. 14 Décret n° 2020-931 du 29 juillet 2020 relatif aux obligations déclaratives des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires et aux décisions de dispenses et d’admission à concourir pour l’accès à ces professions. 16

— la liste des notaires exerçant au sein des structures dont la forme sociale a fait l’objet d’une transformation sans dissolution ;

- la liste des associés en exercice en cas de cession par un associé de la totalité de ses parts ou actions sociales à la société, aux autres associés ou à l’un ou plusieurs d’entre eux. 38. L’ensemble de ces mesures est entré en vigueur le 1er janvier 2021. Elles s’appliquent aux déclarations déposées à compter de cette date. Sur son site internet, le CSN a créé une rubrique dédiée « Publication du bureau de gestion des carrières des notaires ». (3) Les tarifs réglementés des notaires 39. Le décret n° 2020-179 du 28 février 2020 relatif aux tarifs réglementés applicables à certains professionnels du droit et l’arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des notaires ont modifié le tarif des notaires pour la période du 1er mars 2020 au 28 février 2022. En raison du contexte sanitaire et économique, l’application de ce nouveau tarif a finalement été reportée au 1er janvier 202115. 40. Ces nouveaux textes prévoient une baisse globale des émoluments des notaires d’environ 1,9 % pour l’ensemble des actes. Ainsi, en vertu de l’article A. 444-60 du code de commerce, un testament authentique, qui était auparavant facturé 115,39 euros HT, le sera désormais 113,19 euros16. 41. De même, à la suite de l’entrée en vigueur de ces textes, deux actes ont fait l’objet d’une baisse plus significative : le PACS notarié et la mainlevée d’hypothèque. Le PACS notarié donne dorénavant lieu à la perception d’un émolument fixe de 84,51 euros HT, soit 102 euros TTC, au lieu de 192,31 euros HT, soit 230 euros TTC17. S’agissant de la mainlevée d’hypothèque, elle fait désormais l’objet d’un émolument fixe (et non plus proportionnel) de 78 euros HT pour les actes comportant un prix ou une évaluation inférieure à 77 090 euros et de 150 euros HT au-delà18. Antérieurement, les taux par tranche d’assiette étaient compris entre 0,493 et 0,136 % du montant de l’hypothèque. Par exemple, pour la mainlevée simplifiée d’une hypothèque traditionnelle d’un montant de 350 000 euros, les frais s’élevaient à 520 euros HT. 42. Enfin, ces textes assouplissent la possibilité pour les notaires de consentir, en vertu de l’article L. 444-2 du code de commerce créé par la loi du 6 août 2015 précitée, des remises partielles de leurs émoluments proportionnels pour les actes dont l’évaluation ou le prix est supérieur à un montant déterminé, et réinstaurent la faculté de négocier librement les remises applicables au-delà d’un seuil d’émoluments. Ces dispositions seront présentées en détail au point IV.B.4 ci-dessous. (4) L’accès à la profession de notaire 43. La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a introduit, en son article 29, un nouvel

15 Arrêté du 28 avril 2020 modifiant les arrêtés du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des professions réglementées du droit. 16 Article 4 de l’arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des notaires modifiant l’article A 444-60 du code de commerce. 17 L’arrêté précité modifie l’article A. 444-81 du code de commerce. 18 L’arrêté du précité modifie l’alinéa 2 de l’article A. 444-141 du code de commerce. 17

alinéa à l’article 6 de l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, rédigé comme suit : « Art. 6-3. – Le conseil supérieur du notariat veille à l’accès aux prestations notariales sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les zones géographiques où la rentabilité des offices ne serait pas suffisante. À ce titre, il est habilité à percevoir auprès des notaires une contribution pour le financement d’aides à l’installation ou au maintien de professionnels, dont l’assiette et le taux sont fixés, sur sa proposition, par arrêté du ministre de la justice. Cette contribution, nonobstant son caractère obligatoire, a la nature d’une créance de droit privé. Le conseil supérieur du notariat rend compte chaque année au Gouvernement et au Parlement de l’usage fait du produit de ladite contribution. » 44. En vertu de ce mécanisme de redistribution géographique, dont le principe était prévu par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances précitée, et dont les modalités ont été amendées par la loi du 24 décembre 2020 précitée, les notaires seront désormais redevables d’une contribution volontaire obligatoire versée au CSN. Celui-ci sera chargé d’attribuer les fonds ainsi récoltés de manière à garantir un accès aux prestations notariales sur l’ensemble du territoire national. En séance, le Président du CSN a déclaré que les aides versées aux offices viseraient notamment à compenser l’écrêtement du tarif des actes de mutation immobilière portant sur des biens ou droits de valeur réduite (articles R. 444-9 et A. 444-175 du code de commerce) et que son versement serait « automatique ».

45. L’arrêté du 19 mars 202119 a fixé le taux de cette contribution par tranches de chiffre d’affaires par notaire libéral : 0,110 % pour la fraction inférieure ou égale à 600 000 euros, 0,125 % pour la tranche intermédiaire et 0,500 % pour la tranche supérieure à 900 000 euros. En outre, un plafond a été fixé à 1,5 % du résultat professionnel global de l’office. À titre illustratif, la contribution sera respectivement de 495 euros et 1 035 euros pour des offices qui réalisent 450 000 euros et 900 000 euros de chiffre d’affaires par notaire libéral.

(5) Les modalités de représentation au sein des instances notariales 46. Le décret n° 2020-1130 du 14 septembre 202020 a modifié plusieurs dispositions du décret du 19 décembre 1945, en instaurant désormais la possibilité, pour les délégués du CSN21, de demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour d’une assemblée générale de notaires, ainsi que la tenue d’une réunion de chambre ou d’une réunion d’un conseil régional des notaires, auxquelles ils assistent avec voix consultative. Ils peuvent également demander un nouveau vote de l’instance au cours d’une séance. 47. Grâce à ces nouvelles prérogatives, les délégués du CSN vont désormais, d’une part, pouvoir jouer un rôle d’alerte auprès des instances locales sur les sujets sensibles touchant la profession, d’autre part, assurer la remontée des informations au niveau national et, enfin, si besoin, favoriser l’harmonisation des pratiques des instances locales. 48. Par ailleurs, ce décret a instauré une augmentation du nombre de délégués composant le CSN, en proportion du nombre de notaires exerçant dans chaque ressort de cour d’appel, de façon à améliorer la représentation des professionnels locaux au sein de l’instance nationale.

19 Arrêté du 19 mars 2021 fixant le taux et l’assiette de la contribution des notaires pour le financement d’aides à l’installation ou au maintien de professionnels. 20 Décret n° 2020-1130 du 14 septembre 2020 relatif à la représentativité au sein des instances notariales. 21 Le Conseil supérieur est composé de délégués élus au sein de chaque Conseil régional. 18

49. S’agissant plus particulièrement de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les notaires seront représentés par deux délégués. d) L’adaptation du cadre règlementaire à la crise sanitaire 50. Depuis le mois de mars 2020, l’économie française est affectée par les effets d’une crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. À ce jour, la France a subi, un confinement national du 17 mars au 11 mai 202022, un deuxième confinement national du 30 octobre au 15 décembre 202023, un couvre-feu sur l’ensemble du territoire, interdisant tout déplacement en fin de journée24 – sauf exceptions – entre le 15 décembre 2020 et le 2 avril 2021 et enfin, un troisième confinement et un couvre-feu généralisés à l’ensemble de la métropole sont en vigueur depuis le 3 avril 202125. Avant ce troisième confinement national, des mesures localisées avaient déjà été adoptées au premier trimestre 2021, notamment dans une vingtaine de départements métropolitains26 et à Mayotte27. 51. La profession notariale a dû, comme les autres professions, composer avec ces restrictions exceptionnelles à la liberté d’aller et venir, notamment en fermant tous les offices notariaux lors du premier confinement. Afin de poursuivre l’activité notariale, un certain nombre de mesures ont été mises en place par les pouvoirs publics et les professionnels, par exemple pour autoriser la dématérialisation de certaines tâches et adopter des modes de travail à distance. 52. Ainsi, les notaires instrumentaires28 ont étés temporairement autorisés, par un décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 (dérogeant à l’article 20 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971), à établir des actes notariés avec comparution à distance jusqu’au 10 août 202029. Ce dispositif a fait l’objet de plusieurs recours introduits par des requérants agissant, en leurs qualités de notaires, devant le Conseil d’État, tant en référé qu’au fond. À l’heure actuelle, les deux référés suspension ont été rejetés30. Ce dispositif a pris fin le

22 Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19. 23 Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 24 Du 15 décembre 2020 au 15 janvier 2021, le couvre-feu s’appliquait de 20 heures à 6 heures. Du 16 janvier 2021 au 19 mars 2021, il commençait à 18h. Depuis le 20 mars 2021, il commence à 19 heures. 25 Décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 26 Décrets n° 2021-296 du 19 mars 2021 et n° 2021-325 du 26 mars 2021 modifiant le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 27 Arrêté préfectoral n° 2021/CAB/118 du 4 février 2021 portant mesure de confinement généralisé pour le département de Mayotte. 28 Notaire ayant pour mandat de recevoir un acte notarié et, en principe, la signature de toutes les parties. 29 Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant le notaire instrumentaire à établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées. 30 CE, 14 avril 2020, requête n° 439992 ; CE, 23 avril 2020, requête n° 440131. 19

10 août 202031 mais le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 202032 a pris partiellement sa suite, en instaurant la procuration notariée à distance. 53. Auparavant, lorsqu’une partie ou toute autre personne concourant à un acte n’était ni présente ni représentée devant un notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration devait être recueilli par un autre notaire, devant lequel elle comparaissait en personne, et qui participait à l’établissement de l’acte. Toutes les personnes concourant à un acte étaient donc obligées de se déplacer physiquement chez un notaire. 54. Désormais, pour les actes réalisables par procuration, les personnes concourant à un acte n’ont plus l’obligation de se déplacer. En effet, le notaire (instrumentaire) peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu’une partie à un acte à instrumenter n’est pas présente devant lui. L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la partie à l’acte qui n’est pas présente, doit s’effectuer au moyen d’un système de traitement, de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le CSN. 55. Le notaire instrumentaire doit recueillir, de façon concomitante à son consentement, la signature électronique de la partie à l’acte concernée, au moyen d’un procédé de signature électronique qualifiée, répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du

28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. L’acte est parfait une fois que le notaire y appose sa signature électronique qualifiée. 56. En conséquence, les notaires se sont massivement équipés d’une solution de visioconférence afin, notamment, de pouvoir réaliser des actes authentiques électroniques avec comparution à distance, notamment des procurations33. Selon le CSN, si en février 2020, 40 % des offices étaient équipés du matériel nécessaire, en septembre 2020, ils l’étaient à plus de 60 %. 57. Lors du deuxième confinement, les notaires ont été autorisés à recevoir du public dans les offices. En effet, l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, a autorisé les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance. Puis, un motif similaire a été repris par l’article 1 du décret n° 2021-296 du 19 mars 2021, modifiant le décret du 29 octobre 2020 précité, pour permettre aux clients des notaires de déroger au couvre-feu. 58. Le décret n° 2020-1331 du 2 novembre 2020, modifiant le décret du 29 octobre 2020 précité, permet par ailleurs aux notaires de se rendre au domicile de leur client pour l’exercice de leur activité34.

31 Article 1 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prolongeant l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. 32 Décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 instaurant la procuration notariée à distance. Il modifie le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, dans le chapitre dédié aux actes établis sur support électronique (article 20-1). 33 Site internet du CSN, « Procuration chez le notaire : comment signer en ligne ? », 18 janvier 2021. 34 Cela résulte d’une lecture combinée de l’article 1 du décret n° 2020-1331 du 2 novembre 2020 autorisant ces déplacements à domicile et de l’article 4, titre I, alinéa 7° du décret n° 2020-1310 du 29 octobre susmentionné. 20

59. Lors du troisième confinement, le décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire autorise également les notaires à recevoir du public dans les offices. L’alinéa 2 de l’article 2 du décret précité continue en effet d’autoriser les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative, pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peut être réalisé à distance. 60. En vertu de l’alinéa 3 de l’article 2 du décret précité, les notaires ne sont désormais plus autorisés à se rendre au domicile de leur client. e) Allègement de cotisations ordinales en période de crise sanitaire 61. Pour accompagner les offices sur le plan financier, des allègements de cotisation ont été prévus par le CSN. À titre illustratif, les notaires ont été exonérés de cotisation à la garantie collective en 202035, qui devait représenter 0,25 % de la moyenne de leurs produits totaux réalisés au cours des années 2017 et 2018. 62. Depuis, cette cotisation a été rétablie, et pour l’année 2021, le taux de la contribution a à nouveau été « fixé à 0,25 % de la moyenne des produits totaux réalisés au cours des années 2018 et 2019 »36 . C. LA CONSULTATION PUBLIQUE 63. Conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce et à l’article 2 du décret n° 2016-216 précité, l’Autorité a rendu publique l’ouverture de la procédure visant à l’élaboration de la troisième carte en publiant un communiqué de presse le 2 juin 2020 sur son site Internet37. 64. L’objet de la procédure y a été rappelé et les tiers intéressés ont été invités à présenter leurs observations, en répondant à différentes questions relatives à l’élaboration de la carte (les retours d’expérience des nouveaux notaires installés, l’impact des créations récentes sur les offices en place, les collaborateurs et les clients, la procédure de nomination, l’impact de la réforme sur l’accès aux femmes et « jeunes » à la profession ou encore l’encadrement de la publicité et l’utilisation des nouvelles technologies). 65. En outre, la consultation publique, qui s’est tenue du 2 juin au 15 juillet 2020 et qui a pris la forme d’un sondage en ligne, comportait un certain nombre de questions relatives à l’impact de la crise sanitaire sur l’activité des notaires. 66. Dans ce cadre, 408 contributions ont pu être exploitées par l’Autorité. Ces éléments, dont une synthèse figure en annexe 1, ont permis de nourrir le présent avis.

35 Arrêté du 18 août 2020 relatif à l’exonération à titre exceptionnel de la cotisation due par les notaires au titre de la garantie collective pour l’année 2020. 36 Arrêté du 29 janvier 2021 fixant le taux de la cotisation due par les notaires au titre de la garantie collective. 37 https://cutt.ly/Mks6zql 21

67. En décembre 2020, la DACS a publié le résultat d’un vaste sondage qu’elle a mené auprès des candidats nommés dans un office créé dans le cadre de la première carte. Les résultats de cette enquête-bilan montrent certaines similitudes avec les réponses à la consultation publique. En particulier, il ressort des deux enquêtes que :

- les difficultés rencontrées lors de l’installation sont majoritairement dues aux outils informatiques et à l’immobilier ;

- la croissance constatée et les perspectives de développement des offices suivent la même dynamique : après une deuxième année d’exercice, 70 % des offices s’estiment bénéficiaires, et une large majorité de contributeurs s’accorde sur le potentiel de développement de leurs offices ;

- l’impact de la crise a été négatif pour une large majorité des contributeurs, qui estiment, pour 90 % d’entre eux, que l’activité immobilière a été la plus impactée. III. La révision de la carte d’installation des notaires 68. L’Autorité présente, à la section A du présent III, les statistiques de la profession de notaire sous la forme de cartes et tableaux pour la période 2015-2020. Puis, l’Autorité étudie l’évolution récente des déterminants de la demande de services notariaux (B) et l’impact observé en 2020 de la crise sanitaire sur l’activité des offices (C). 69. Enfin, l’Autorité fait le choix d’adapter certaines des options méthodologiques qu’elle avait retenues pour l’élaboration des deux premières cartes (D), notamment pour tenir compte des effets de la crise sanitaire sur la profession notariale. A. ÉTAT DES LIEUX DE L’OFFRE ET DE L’IMPLANTATION NOTARIALES 70. Pour le présent avis, la délimitation des zones d’installation se fonde sur les zones d’emploi actualisées par l’Insee en 2020 (le nouveau zonage est présenté en détail au point III.D.1 ci-dessous). Parmi toutes les zones d’installation, deux ne comportaient aucun office au 30 novembre 2020 : Cirey-sur-Vezouze (Meurthe-et-Moselle) et Mayotte. Dans la suite de la présente section, les statistiques concernent les zones d’installation comprenant au moins un office à cette date. 71. En outre, les données utilisées n’incluent pas les professionnels installés dans les trois départements exclus du dispositif prévu par la loi Macron (Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle). 72. Dans la présente section, il sera abordé dans un premier temps la démographie et l’implantation géographique des offices notariaux (1) avant de présenter l’économie des offices jusqu’en 2019 (2). Une attention particulière sera portée sur la performance économique des nouveaux offices installés depuis 2017 (4) et l’impact de leur installation sur les anciens offices (3). 22

1. DEMOGRAPHIE ET IMPLANTATION GEOGRAPHIQUE 73. Les deux premières vagues de créations d’offices (2016-2018 et 2018-2020) ont permis de renforcer l’offre de prestations notariales au service de la population et des entreprises. Depuis le début de la réforme, le nombre de notaires libéraux a crû de 32,3 %. 74. Ainsi, d’une façon générale, le maillage territorial a été densifié. En effet, entre 2016 et novembre 2020, une hausse du nombre de notaires libéraux est constatée dans 239 des 291 zones d’installation38, soit 82 % de ces zones. Parmi les zones d’installation comptant moins de 10 notaires libéraux en 2016, certaines ont vu le nombre de professionnels doubler, voire plus que doubler. À titre d’exemple, la zone d’installation de Briançon (Hautes-Alpes) compte désormais 12 notaires libéraux en novembre 2020, au lieu de 6 en 2016 ; celle de Porto-Vecchio (Corse-du-Sud) 5 notaires libéraux, contre 2 auparavant. 75. Au contraire, entre 2016 et novembre 2020, le nombre de notaires libéraux a baissé dans 27 zones d’installation (soit 9,2 %), qui se situent principalement dans les zones rurales, ou dans certains territoires d’outre-mer et qui étaient en grande partie des zones d’installation contrôlée dans les deux premières cartes. En particulier, 8 zones d’installation ont subi une baisse de notaires libéraux de plus de 15 %, à savoir Saint-Barthélemy, Langon (Gironde), Saint-Martin, Provins (Seine-et-Marne), Mayenne, Bar-le-Duc (Meuse), Verdun (Meuse) et Châtillon-Montbard (Côte-d’Or). 76. Le tableau et la figure suivants montrent, d’une part, la croissance globale de la démographie notariale depuis 2016 et, d’autre part, le taux d’évolution du nombre de notaires pour chaque zone d’installation entre 2016 et 202039. Tableau 1 : Évolution de la démographie notariale depuis 2016

Offices Notaires libéraux Densité (médiane)40 2016 4 382 8 283 14,2 2018 6 005 9 947 16,2 30/11/2020 6 617 10 956 17,1 Variation 2016-2018 37,0 % 20,1 % 14,1 % Variation 2018-2020 10,2 % 10,1 % 5,6 % Variation 2016-2020 51,0 % 32,3 % 20,4 % Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence

38 Le nouveau zonage défini par l’Autorité comprend 293 zones d’installation, contre 306 auparavant. Les motifs qui ont conduit à cette révision sont exposés au point D.1 ci-après. 39 Sont pris en compte ici les chiffres communiqués par le CSN et à jour le 30 novembre 2020. 40 Nombre de notaires libéraux pour 100 000 habitants. 23

Figure 1 : Taux d’évolution du nombre de notaires entre 2016 et 2020

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence 77. Au 30 novembre 2020, les 291 zones d’installation comptaient 6 617 offices, pour un nombre médian de 14 offices par zone. La zone d’installation de Paris était celle comptant le plus d’offices (567 offices), tandis que celle de Saint-Pierre-et-Miquelon était la seule à n’accueillir qu’un office. 24

Figure 2 : Nombre d’offices par zone d’installation

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence 78. Les grands centres urbains, Paris et Lyon (Rhône) en tête, sont les zones d’installation qui concentrent le plus d’offices, tandis que les zones rurales et d’outre-mer présentent un nombre d’offices de quelques unités seulement. 79. La répartition des notaires libéraux suit la même logique que celles des offices. Au 30 novembre 2020, on recensait 10 956 notaires libéraux. Paris était la zone d’installation en comprenant le plus (1 128), suivie par Lyon (359), tandis que Saint-Pierre-et-Miquelon n’en comptait que 1. La médiane s’établissait à 21 notaires par zone d’installation.

25

Figure 3 : Nombre de notaires libéraux par zone d’installation

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence 80. Les deux zones d’installation avec la plus forte densité notariale41 sont Sainte-Maxime (Var) et Épernay (Marne), où elle est supérieure à 35 notaires libéraux pour 100 000 habitants. À l’opposé, cette densité est inférieure à 5 dans les zones d’installation de La Trinité (Martinique), Ducos (Martinique) et Guyane. On trouve la densité la plus faible dans la zone d’installation de Guyane, qui comptait 2,15 notaires pour 100 000 habitants au 30 novembre 2020. À cette date, la médiane s’établissait à 17,1 notaires libéraux pour 100 000 habitants.

41 Nombre de notaires libéraux pour 100 000 habitants. Le nombre d’habitants correspond à la population légale en vigueur au 1er janvier 2021, telle qu’établie par l’Insee. 26

Figure 4 : Notaires libéraux pour 100 000 habitants par zone d’installation

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence 2. RESULTATS ECONOMIQUES 81. Pendant la période 2015-2019, l’activité notariale a connu une forte croissance, qui est étudiée ci-après au travers de statistiques par office notarial (a) et par notaire libéral (b). a) Données par office 82. Comme lors du précédent avis, les taux de marge42 de la profession restent relativement homogènes et élevés, indépendamment de la structure des offices. En effet, on note une légère augmentation sur la période 2015-2019, par rapport à la période 2012-2016, la médiane du taux de marge par office étant passée de 27 à 29 %.

42 Le taux de marge est le rapport entre le résultat et le chiffre d’affaires. 27

Tableau 2 : Distribution par décile du taux de marge moyen par office (2015-2019)

Décile Taux de marge par office 10 % 13 % 20 % 20 % 30 % 24 % 40 % 27 % 50 % 29 % 60 % 32 % 70 % 35 % 80 % 38 % 90 % 44 % Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence 83. En menant cette analyse au niveau des zones d’installation, celle d’Est-Grande Terre (Guadeloupe) présentait le taux de marge moyen le plus élevé sur la période de 2015-2019, soit 63 %, suivie par les zones d’installation de Saint-Barthélemy, La Trinité (Martinique), Calvi (Haute-Corse), Guyane, Porto-Vecchio (Corse-du-Sud), Rambouillet (Yvelines) et Ducos (Martinique). Dans ces zones, le taux de marge est supérieur à 40 %. À l’opposé, la zone d’installation de Saint-Flour (Cantal) présentait un taux de marge de 18 %.

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Figure 5 : Taux de marge moyen par zone d’installation

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence b) Données par notaire libéral 84. La répartition du chiffre d’affaires moyen et du résultat net moyen par notaire libéral sur la période 2015-2019 permet également de refléter les disparités existantes entre les territoires. 85. Le chiffre d’affaires moyen annuel par notaire libéral sur la période 2015-2019 dépasse ainsi un million d’euros dans douze zones d’installation, avec celles de Saint-Barthélemy, Guyane et Paris en tête. À l’opposé, il s’établit à moins de 400 000 euros pour deux zones d’installation, à savoir celles d’Est-Grande Terre (Guadeloupe) et de Ducos (Martinique). La médiane du chiffre d’affaires moyen annuel s’établit à 714 782 euros par notaire libéral. 86. Le résultat net moyen annuel par notaire libéral dépasse 400 000 euros dans sept zones d’installation : Saint-Barthélemy, La Trinité (Martinique), Guyane, Fréjus (Var), La Réunion Nord, La Réunion Sud et Paris. Il est inférieur à 100 000 euros dans deux zones d’installation, Corte (Haute-Corse) et Ducos (Martinique). La médiane du résultat net moyen annuel s’établit à 207 666 euros par notaire libéral.

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Figure 6 : Chiffre d’affaires moyen par notaire libéral (2015-2019)

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence

Tableau 3 : Distribution par décile du chiffre d’affaires et du résultat net moyens par notaire libéral sur la période 2015-2019

Décile CA moyen Résultat net moyen par notaire libéral par notaire libéral 10 % 290 724 73 438 20 % 460 620 119 862 30 % 548 856 150 779 40 % 629 870 179 156 50 % 714 782 207 666 60 % 809 035 242 587 70 % 916 544 281 776 80 % 1 077 645 332 794 90 % 1 371 293 433 815 Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence

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3. LA SITUATION ECONOMIQUE DES NOTAIRES INSTALLES AVANT 2017 CONFRONTES A LA CONCURRENCE DES NOTAIRES INSTALLES DANS LE CADRE DE LA LOI MACRON 87. Il ressort de la consultation publique que 81 % des notaires installés avant la loi Macron déplorent un impact négatif des créations d’offices sur les titulaires ou les associés d’offices existants. Or l’évolution du produit d’exploitation43 annuel moyen par notaire, d’une part dans les zones d’installation où des notaires ont été nommés dans le cadre de la loi Macron (« zones avec entrée »), et d’autre part en dehors de ces zones (« zones sans entrée »), montre que i) ce produit d’exploitation moyen n’a pas connu de diminution dans les « zones avec entrée » postérieurement à l’installation des « nouveaux » notaires, ii) son rythme de croissance diminue dans ces zones à compter de 2018, mais sur la période 2017-2019, demeure supérieur ou égal à celui constaté dans les « zones sans entrée »44, qui, d’ailleurs, connaissent elles aussi un ralentissement. 88. En d’autres termes, les vagues d’entrée consécutives de notaires ne semblent pas avoir entraîné, à ce stade de développement de l’activité des notaires installés depuis 2017, une diminution de l’activité des notaires déjà en place dans les « zones avec entrée » par rapport aux zones dans lesquelles aucun nouveau notaire ne s’est installé. La croissance du chiffre d’affaires par notaire au sein des « zones avec entrée » aurait néanmoins pu être plus forte en l’absence de création de nouveaux offices, l’Autorité ayant recommandé des créations d’offices dans les zones d’activité avec le potentiel de croissance estimé le plus important. Figure 7 : Évolutions des chiffres d’affaires par notaires installés avant 2017

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence

43 Au cas d’espèce, ces produits sont considérés comme une approximation très raisonnable du chiffre d’affaires généré par les notaires. Interrogé sur la différence entre le chiffre d’affaires au sens de l’arrêté du 11 septembre 2018 et le produit d’exploitation, le CSN précise que l’écart entre les deux indicateurs n’est que de 0,5 % en moyenne et confirme que les produits d’exploitation correspondent à la somme du chiffre d’affaires, des variations des stocks et encours, des subventions d’exploitation, des autres produits de gestion courante, des reprises sur amortissements et provision et des transferts de charges. 44 Sur la période 2017-2019, le taux de croissance du produit d’exploitation par notaire est de 5,8 % dans les zones avec installation et de 4,4 % dans les zones sans installation. 31

4. LA SITUATION ECONOMIQUE DES NOTAIRES NOUVELLEMENT INSTALLES 89. Le produit d’exploitation des notaires installés dans le cadre de la loi Macron peut être comparé aux différents seuils évoqués par l’Autorité dans son avis n° 16-A-13 du 9 juin 2016 susvisé. 90. Cet avis indique que « dans les contributions, les candidats à l’installation proposent en revanche des seuils de rentabilité beaucoup plus bas que ceux actuellement dégagés par la profession, souvent entre 200 000 et 300 000 euros. Les contributeurs estiment qu’en tant que nouveaux entrants, ils pourraient se contenter de revenus bien inférieurs » (paragraphe 311). De plus, « [d]ans le cadre de l’instruction, la DACS a communiqué plusieurs dossiers de suppression ou d’installation d’offices examinés par les CLON. Il en ressort que, jusqu’ici, un office était jugé comme étant « à la limite du seuil de viabilité » ou présentant un résultat « semblant compromettre la pérennité ou la reprise à titre individuel » lorsque le chiffre d’affaires ramené par associé était de 300 000 euros environ, et le résultat dégagé par tête inférieur à 100 000 euros. De telles conditions semblaient justifier pour ces CLON de recommander la suppression ou la fusion de l’office. » (paragraphes 309-310). 91. Ces seuils de chiffres d’affaires de 200 000 euros et 300 000 euros par notaire seront donc utilisés pour apprécier la situation des nouveaux offices. 92. En outre, l’Autorité a retenu dans son avis n° 16-A-13 du 9 juin 201645 un seuil de chiffre d’affaires moyen de 450 000 euros annuels par notaire libéral pour déterminer les zones dans lesquelles un besoin de création de nouveaux offices apparaissait. Si le franchissement de ce seuil constitue indubitablement un indice de bonne santé d’un office, un office peut à l’inverse être prospère tout en réalisant ponctuellement ou durablement un chiffre d’affaires inférieur à ce seuil. Tel peut être le cas, par exemple, pour un office parvenu à un stade de développement ne lui permettant pas encore d’atteindre un tel niveau de chiffre d’affaires mais dont la structure de coût serait telle que son seuil de viabilité se situe très en deçà de 450 000 euros par an.

93. Par ailleurs, seule la situation des notaires installés en 2017 sera prise en compte. En effet, les nouveaux notaires connaissent une croissance marquée pendant leurs premières années (voir infra). L’examen de leur situation nécessite donc de disposer d’un certain recul sur leur activité. Or, l’activité des « nouveaux » notaires est très limitée pendant leur première année d’exercice. L’année 2020 est par ailleurs exceptionnelle, compte tenu du contexte sanitaire, et notamment du confinement strict mis en œuvre pendant près de deux mois au premier semestre de cette année. La croissance de l’activité des nouveaux notaires conduit également à privilégier une évaluation semestrielle plutôt qu’annuelle afin, à nouveau, de s’appuyer sur des chiffres d’activité qui, tout en étant représentatifs de l’activité des « nouveaux » notaires, sont suffisamment récents pour intégrer la croissance de ces nouveaux notaires46. 94. Ainsi, s’agissant des nouveaux offices installés en 2017, leur produit d’exploitation par notaire au second semestre 2019 est supérieur à 100 000 euros pour plus de 70 % d’entre eux, supérieur à 150 000 euros pour environ la moitié d’entre eux et supérieur à 225 000 euros pour un peu plus d’un quart d’entre eux. Les chiffres disponibles pour le premier semestre 2020 sont affectés à la baisse par le confinement mis en place du

45 Paragraphes 319 et suivants. 46 L’activité des notaires pourrait cependant être structurellement plus forte au second semestre qu’au premier. 32

17 mars au 11 mai 2020. Ceux disponibles pour le second semestre 2020 présentent plusieurs limites (ils ne couvrent qu’environ 60 % des offices47 et leurs performances sur les périodes précédentes sont légèrement différentes de celles des autres offices48), mais ils semblent toutefois indiquer un effet de rattrapage du premier semestre perturbé par le confinement. Figure 8 : Proportion des offices (offices créés « avant 2017 » et en « 2017 ») dont le chiffre d’affaires semestriel par notaire est supérieur aux seuils de 100-150-225 k€ 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% avant 2017 2017 avant 2017 2017 avant 2017 2017 avant 2017 2017 S1 2019 S2 2019 S1 2020 S2 2020* >= 225 k€ >= 150 k€ >= 100 k€

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence *Note : les données concernant le S2 2020 ne sont disponibles et exploitables que pour 60 % des offices. 95. Comme le montre le graphique ci-dessus, et ainsi que le souligne le CSN, les offices créés depuis 2017 génèrent des produits d’exploitation inférieurs aux offices préexistants. Cependant un tel différentiel n’est guère étonnant : compte tenu des spécificités de la relation existant entre un notaire et ses clients, et du rôle certain mais limité que la concurrence en prix et la communication peuvent jouer dans ce secteur, des notaires nouvellement installés sur le marché ne peuvent développer leur activité instantanément. La croissance des nouveaux notaires, tant ceux installés en 2017 que ceux installés en 2018, mérite cependant d’être soulignée, comme le montre le graphique ci-dessous. De même, si, comme l’indique le CSN, pour un « niveau d’ancienneté » équivalent, le produit d’exploitation moyen des notaires installés postérieurement à 2017 tend à être inférieur à celui des nouveaux notaires

47 Le CSN a communiqué à l’Autorité successivement une base de données semestrielle couvrant la période de 2019 au premier semestre 2020, et plus récemment une autre base couvrant le second semestre 2020. La première couvre le produit d’exploitation pour 6 217 offices dont 4 539 créés avant 2017, 948 créés en 2017, 605 créés en 2018 et 125 créés en 2019. La seconde comporte 3 612 lignes « exploitables », selon le CSN, pour 2 761 offices créés avant 2017, 524 créés en 2017, 316 créés en 2018 et 11 créés en 2019. Les données dites « exploitables » excluent les lignes faisant l’objet des alertes suivantes dans la base de données : « déclaration en cours de validation, chiffres susceptibles de modifications », « non disponibles », et « données incomplètes, pas de prise en compte possible ». 48 En moyenne, les offices créés avant 2017 ayant transmis leurs données pour le second semestre 2020 présentent, en 2019 et au premier semestre 2020, des performances (i.e., un chiffre d’affaires par notaire) légèrement inférieures à celles de l’ensemble des offices créés avant 2017, de l’ordre de – 1 à – 7 % selon les années. Au contraire, les offices créés en 2017 et 2018 présentent, sur les semestres précédents, des performances supérieures à celles de l’ensemble des nouveaux notaires, de l’ordre de + 12 à + 16 % selon les années. 33

installés antérieurement à 201749, la portée d’une telle comparaison est limitée. Par exemple, les notaires installés dans le cadre de la loi Macron font face à une intensité concurrentielle plus forte et ne choisissent pas forcément les mêmes modèles économiques que leurs prédécesseurs. Ces créations d’offices antérieures à la réforme de 2015 ont été décidées dans un contexte d’extrême parcimonie comme, du reste, le CSN le reconnaît lui-même dans son rapport d’évaluation : « Pendant des années, et même des décennies, les créations d’offices ont été en nombre insuffisant, malgré les schémas régionaux d’adaptation structurelle (SRAS), la commission de localisation des offices (CLON), […]. Le nombre de notaires rapporté à la population ou au PIB avait clairement marqué un décrochement. La profession et les pouvoirs publics avaient péché par malthusianisme. »50. Figure 9 : Évolution du chiffre d’affaires semestriel médian par notaire (anciens offices et première cohorte 2017 issue de la loi Croissance) 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000
- S1 2019 S2 2019 S1 2020 S2 2020* 2017** 2018** 2019 2020 avant 2017 2017 2018

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence *Note : les données concernant le second semestre 2020 ne sont disponibles et exploitables que pour 60 % des notaires. **Note : les données concernant les années 2017 et 2018 ne sont disponibles que sur une base annuelle, et non semestrielle comme pour les années 2019 et 2020. Par conséquent, le chiffre d’affaires semestriel par notaire en 2017 et 2018 correspond à la moitié de la médiane du chiffre d’affaires annuel par notaire.

96. Par ailleurs, le CSN relève que relativement peu de nouveaux notaires se seraient associés ou auraient embauché des salariés depuis la création de leur office. Or, ce modèle d’office sans collaborateur et sans association ne pourrait, selon le CSN, constituer un modèle durable et viable en raison notamment des conséquences psychologiques, humaines et techniques de l’isolement, de la complexité de l’activité notariale et de l’obligation de clôture comptable

49 Voir pages 6 et 7 de la Contribution du CSN aux réflexions de l’Autorité sur l’opportunité d’une troisième carte d’installation. 50 Rapport du CSN du 10 août 2020, intitulé : « La Loi Croissance – Rapport d’évaluation 5 ans après – 6 août 2015 », Section « 3. Le choc des nombres et le choc de la réalité » du résumé (abstract), p. 4. 34

quotidienne51. Cependant, il peut être noté qu’au 31 décembre 2019, seulement 24 % des notaires installés en 2017 sont des notaires « seuls », contre 38 % des notaires installés en 2018 et 98 % des notaires installés en 201952. En d’autres termes, à supposer que les offices à notaire unique présentent effectivement les limites avancées par le CSN, et ce alors même que le CSN leur reconnaît également des mérites53, le modèle des offices à notaire unique est, pour une large part, spécifique aux premiers temps d’activité et tend à se relativiser ensuite. À cet égard, la grande majorité des offices créés avant 2017, soit plus de 75-80 % selon les cohortes, se sont également développés sur ce même modèle de l’office à notaire unique lors des 24 premiers mois d’activité suivant leur installation54. De plus, près de 60 % des offices installés en 2017 et constitués d’un seul notaire libéral sans salarié présentent au second semestre 2019 un chiffre d’affaires mensuel moyen supérieur à 10 000 euros, seuil d’activité critique propre à ces notaires « seuls » évoqué par la contribution du CSN55. B. ÉTAT DES LIEUX DE LA DEMANDE ET IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE 97. Depuis l’année dernière, la crise sanitaire affecte fortement l’économie nationale (1). Pour l’heure, l’impact sur le notariat semble plus faible (2) que celui observé par l’Autorité sur d’autres officiers ministériels, en particulier les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice (voir les délibérations n° 2021/01 et n° 2021/02 du 28 avril 2021 relatives à de nouvelles propositions de cartes des zones d’implantation d’offices pour ces professions). 1. LA CRISE SANITAIRE ET L’EVOLUTION DE LA SITUATION ECONOMIQUE NATIONALE 98. Les projections de la Banque de France prévoyaient, juste avant la crise sanitaire, une croissance du PIB national de 1,1 % en 2020, puis de 1,3 % pour 2021 et 202256. Les professions juridiques connaissaient par ailleurs, depuis 2010, une forte croissance de leur activité selon l’Insee (hausse de près de 40 % de l’indice du chiffre d’affaires entre 2010 et

51 Contribution du CSN aux réflexions de l’Autorité de la concurrence sur l’opportunité d’une troisième carte d’installation (page 12). 52 Source : données semestrielles communiquées par le CSN. 53 Dans sa Contribution (page 18), le CSN souligne que « certains petits offices, sans salariés, avec des coûts fixes extrêmement faibles, ont pu faire « le dos rond » pendant les semaines d’activité faible, et « encaisser » le choc d’une baisse de produits sans subir de dégradation forte ». 54 Données notariales mensuelles concernant les anciens offices créés entre 2012 et 2017 et les nouveaux offices créés après 2017, communiquées par le CSN en réponse au questionnaire des services d’instruction du 6 novembre 2020. 55 Le CSN a indiqué qu’un office sans collaborateur dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 k€ mensuellement est en grande difficulté, précisant qu’« il ne peut y avoir de démonstration mathématique à l’appui de cette opinion qui résulte de l’expérience de suivi de l’activité notariale ». 56 Banque de France, projections macroéconomiques France, décembre 2019, page 1. 35

2019). La pandémie de Covid-19 et les mesures sanitaires adoptées pour l’endiguer ont, depuis, modifié ces tendances. En effet, le PIB en France a chuté de 8,2 % l’année passée57. 99. En 2020, à partir de l’annonce du premier confinement, trois phases d’évolution de l’activité économique peuvent être distinguées : un ralentissement brutal au deuxième trimestre (a), puis un rebond au troisième trimestre (b) et enfin, un nouveau ralentissement provoqué par un deuxième confinement décidé à compter du 30 octobre (c), d’ampleur toutefois plus modérée que le premier. De nombreuses incertitudes demeurent sur les perspectives de croissance à moyen terme (d). a) Le deuxième trimestre (avril – juin 2020) : une économie brutalement ralentie 100. Du 17 mars au 11 mai 2020, l’économie a été à l’arrêt dans de nombreux secteurs du fait du premier confinement58 : hébergement et restauration, construction, industrie, commerce, etc. Dans son point de conjoncture du 17 novembre 2020, l’Insee observe au deuxième trimestre une chute brutale de l’activité (baisse de 18,9 % du PIB) par rapport au quatrième trimestre de 201959. Cette tendance a été confirmée par les chiffres de créations de sociétés : du 16 mars au 30 avril 2020, les immatriculations au RCS ont chuté de 54,3 % par rapport à la même période en 201960. 101. Les professions juridiques, pour leur part, n’ont pas échappé aux conséquences économiques de cette crise sanitaire : en avril 2020, l’indice du chiffre d’affaires pour ces professions affichait un recul net de 35 % par rapport à avril 2019, puis en mai 2020, un recul de 9 % par rapport à mai 201961. b) Le troisième trimestre (juillet – septembre 2020) : un rebond de l’économie 102. Au cours du troisième trimestre 2020, l’économie française a connu un net rebond grâce à la levée progressive des mesures sanitaires les plus contraignantes, notamment la fin du premier confinement, le 11 mai 202062. 103. Le PIB a ainsi crû de 18,7 % par rapport au trimestre précédent63 et les immatriculations de nouvelles entreprises au RCS ont fortement repris. Sur les mois de mai à juillet 2020, on comptait 105 843 immatriculations au RCS, représentant une baisse de seulement 5,5 % par rapport à la même période en 201964.

57 Banque de France, projections macroéconomiques France, mars 2021, page 1. 58 Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19. 59 Insee, point de conjoncture, 17 novembre 2020, page 2. 60 Xerfi, Flash Covid, les conséquences du Covid-19 sur l’entreprenariat en France, 1er mai – 31 juillet 2020, page 2. 61 Insee, Séries chronologiques, 22 décembre 2012, Indice de chiffre d’affaires – Activités juridiques. 62 Décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 63 Insee, point de conjoncture, 2 décembre 2020, page 4. 64 Xerfi, Flash Covid, les conséquences du Covid-19 sur l’entreprenariat en France, 1er mai – 31 juillet 2020, page 2. 36

104. Toutefois, l’indice du chiffre d’affaires des professions juridiques peinait à retrouver son niveau d’avant-crise (- 5 % par rapport au troisième trimestre 2019). Selon une étude Xerfi, de janvier à octobre 2020, la consommation de services juridiques et comptables a baissé de seulement 1,5 % mais cette évolution constituait une inversion de tendance65. En effet, les professionnels du droit répondaient jusque-là à une demande croissante depuis plus de 5 ans, du fait notamment de la « judiciarisation de la vie courante »66. c) Le quatrième trimestre (octobre – décembre 2020) : un nouveau ralentissement de l’économie mais plus modéré que le premier 105. À partir d’octobre 2020, la France connaît une deuxième vague épidémique que le Gouvernement cherche à endiguer par différents moyens et notamment en adoptant diverses mesures limitant les déplacements de population : instauration d’un couvre-feu le 17 octobre 202067 et reconfinement généralisé le 30 octobre 202068. Fin novembre, un déconfinement progressif est engagé : réouverture des petits commerces (28 novembre), fin des limitations de déplacement, et instauration d’un couvre-feu national (15 décembre). 106. Selon l’Insee, l’activité a accusé une nouvelle baisse au quatrième trimestre 2020, mais dans des proportions moindres que lors du premier confinement : au quatrième trimestre, le PIB aurait baissé de 4,4 % par rapport au troisième trimestre 2020 et se situerait ainsi 8 % en dessous de son niveau d’avant crise69. 107. Il résulte de ce qui précède que, sur l’ensemble de l’année, les professions juridiques ont pâti des conséquences économiques de la crise sanitaire. En octobre 2020, l’étude Xerfi précitée faisait une projection estimant la baisse d’activité globale de ces professions sur l’année 2020 à 5 % chez les notaires, 10 % chez les huissiers de justice et 15 % chez les commissaires- priseurs judiciaires70. 108. En outre, selon la Banque de France, au 4 décembre 2020, 10 904 entités actives dans les professions juridiques avaient souscrit des prêts garantis par l’État, dont l’encours représentait au total 1,4 milliard d’euros environ. Par ailleurs, les professions juridiques ont eu massivement recours au chômage partiel. Selon la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) du ministère chargé du travail, alors qu’en 2019, le montant des indemnisations pour chômage partiel représentait à peine 35 874 euros pour ces professions, et plus de 174 millions d’euros pour les dix premiers mois de 2020. 109. Enfin, la Direction générale des finances publiques du ministère de l’économie (DGFiP) a indiqué aux services d’instruction en février 2021 que 19 200 entreprises du secteur des activités juridiques71 avaient perçu « des aides depuis la mise en place du fonds de solidarité,

65 Xerfi, l’activité des professions juridiques, étude annuelle : tendance et concurrence, octobre 2020 page 32. 66 Xerfi, l’activité des professions juridiques, étude annuelle : tendance et concurrence, octobre 2020 page 32. 67 Décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 68 Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 69 Insee, point de conjoncture, 2 décembre 2020, page 8. 70 Xerfi, l’activité des professions juridiques, conjoncture et prévisions, octobre 2020 page 41. 71 Données relatives au code NAF 6910Z. 37

pour un montant total de 70,2M€ (et donc un montant moyen de 3 650 €) ». Plus précisément, selon les données au 15 avril 2021 transmises par la DGFiP, environ 7 % des offices notariaux ont bénéficié du fonds de solidarité pour un montant total d’1,1 million d’euros. Par comparaison, la proportion d’offices d’huissiers de justice qui ont bénéficié de ce fonds est de l’ordre de 18 %, et de 27 % pour les commissaires-priseurs judiciaires. d) Les perspectives d’évolution de la situation à moyen terme 110. En début d’année 2021, la situation économique de la France reste très instable. Ses évolutions dépendront largement des mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement dans les prochains mois (durée du confinement généralisé qui a débuté en avril 2021, plan de vaccination, etc.), et de la capacité des entreprises à résister à la crise. 111. Les dernières projections de la Banque de France (mars 2021) prévoient une croissance du PIB de + 5,5 % en 2021 et de + 4 % en 202272. Le 12 avril 2021, le gouverneur de la Banque de France, Monsieur X…, a maintenu ces prévisions : « Si les restrictions supplémentaires actuelles ne se prolongent pas au-delà du mois de mai, nous confirmons notre prévision d’une croissance supérieure à 5 % sur l’ensemble de 2021 »73. Toutefois, cette déclaration illustre l’incertitude qui entoure les projections économiques à moyen terme. 112. Ainsi, en janvier 2021, la Banque mondiale a publié des prévisions de croissance selon différents scenarii (très pessimiste, pessimiste, basique et optimiste)74. Ces scenarii sont construits à partir d’hypothèses sur la vitesse et l’efficacité des campagnes vaccinales, les mesures sanitaires adoptées par les gouvernements et le comportement des acteurs économiques. Elle table ainsi sur une hypothèse de récession mondiale en 2021 dans le scenario très pessimiste et, respectivement, de 1,6 %, 4 %75 et 5 % dans les autres scenarii. 2. L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA DEMANDE DE PRESTATIONS NOTARIALES 113. Afin d’évaluer au mieux l’impact de la crise sanitaire sur l’activité des notaires, l’Autorité a étudié l’évolution récente des déterminants de la demande, conformément aux dispositions du décret n° 2016-216 du 26 février 201676. L’article 1er de ce décret dispose que les caractéristiques démographiques (tendance et évolution) (a) doivent être prises en compte pour l’analyse de la demande de services de notaires. Il en est de même pour l’évolution du nombre de décès (b), du nombre de mariages (c) et du marché immobilier (d), qui ont une incidence directe sur l’activité des notaires.

72 Banque de France, projections macroéconomiques France, mars 2021, page 1. 73 Journal Le Monde, La Banque de France maintient une prévision de croissance supérieure à 5 % en 2021, article publié le 12 avril 2021. 74 Banque mondiale, Global Economic Prospects, 5 janvier 2021. 75 Dans le scenario neutre, la croissance pour la zone euro s’établirait à 3,8 %. 76 Décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l’établissement de la carte instituée au I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. 38

a) La croissance démographique 114. L’Autorité a relevé dans son avis n° 16-A-13 (paragraphe 268) la relation positive qui existe entre la croissance démographique et le niveau d’activité des notaires. Elle a estimé qu’une croissance de 1 % de la population correspondait à une hausse du chiffre d’affaires presque équivalente (+0,98 %). 115. Ces dernières années, la population française a augmenté de façon continue. Au 1er janvier 2021, l’Insee l’estime à 67 422 241 personnes (donnée provisoire), contre 67 287 241 au 1er janvier 2020 (+ 0,2 %).

Figure 10 : Évolution de la population française (2015-2021)

67 800 000 67 400 000 67 000 000 66 600 000 66 200 000 2015 2016 2017 2018* 2019* 2020* 2021*

*Résultats provisoires à fin 2020 Source : bilan démographique de l’Insee, paru le 19 janvier 2021 116. D’après le bilan démographique établi par l’Insee, la progression de la population française décélère toutefois depuis 2014. Entre 2018 et 2019, la population a progressé de +0,227 %, puis de +0,213 % entre 2019 et 2020 et enfin de +0,201 % entre 2020 et 2021. Le phénomène de décélération n’est donc pas propre à 2020-2021, et l’impact de la crise sanitaire est peu perceptible sur l’année 2021. 117. Les données provisoires publiées par l’Insee font état de 740 000 naissances en 2020. Cette baisse de 1,8 % par rapport à l’année 2019 est comparable à celle observée en 2017. Sur la période 2015-2019, le nombre de naissances diminuait en moyenne de 1,6 % par an77.

118. Pour les années à venir, l’impact définitif de la crise sanitaire étant encore inconnu, il est possible que l’augmentation de la population française puisse être légèrement en deçà de la projection de l’Insee, qui est de l’ordre de +1,12 % entre 2021 et 202478. b) Le nombre de décès 119. L’activité notariale en droit de la famille est également liée, pour partie, au nombre de décès enregistrés chaque année. Selon le CSN, les actes liés à la famille et aux successions représentent 31,9 % du chiffre d’affaires global des notaires79. En particulier, s’agissant des successions, les actes les plus courants réalisés par un notaire sont l’attestation immobilière

77 Insee, Bilan démographique 2020 publié le 19 janvier 2021. 78 Insee, outil Omphale (période 2013-2070), scenario central. 79 Le notariat en chiffres, www.notaires.fr mis à jour le 15 février 2021. 39

ou attestation de propriété, l’acte de notoriété, l’acte d’acceptation de la succession, la déclaration de succession et l’acte de partage. 120. Le site internet des notaires de France rappelle qu’en moyenne, les notaires traitent chaque année environ 320 000 déclarations de successions. Ce chiffre est environ deux fois inférieur au nombre de décès enregistrés annuellement par l’état civil, puisque les déclarations de succession ne sont pas obligatoires si l’actif brut successoral est inférieur à 50 000 euros pour les héritiers en ligne directe. 121. Si le nombre de décès a tendance à augmenter depuis 2014, l’Insee a constaté en 2020 un bond de 9 % par rapport à 2019, qui s’explique notamment par la pandémie de Covid-19. Le nombre de décès s’est ainsi établi à 668 800 en France en 202080, la hausse par rapport à l’année précédente s’étant concentrée principalement sur les mois de mars, avril, octobre, novembre et décembre. Figure 11 : Évolution du nombre de décès en France entre 2015 et 2020 680000 660000 640000 620000 600000 580000 560000 540000 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Source : Série chronologiques Insee, « décès de tout âge – France » parue le 26 janvier 2021 complétée avec les données provisoires 2020 publiées le 12 mars 2021.

122. Les données provisoires de l’Insee sur la période janvier – février 2021 permettent également de constater une hausse du nombre de décès respectivement de 12,4 % et de 5,1 % par rapport à la même période en 2020 et en 2019. Sur les douze derniers mois (début mars 2020 à fin février 2021), on observe une hausse de 12,6 % par rapport à la période précédente81. 123. La pandémie de Covid-19 pourrait continuer d’affecter à la hausse le taux de mortalité, notamment en 2021. La durée et l’ampleur de cet accroissement sont, pour l’heure, inconnues mais il est probable que le nombre de décès dépasse les estimations de l’Insee à l’horizon 2024, +2,72 % entre 2019 et 202482.

80 Insee, Nombre de décès quotidiens, France, régions et départements, 12 mars 2021. Données provisoires. L’année 2020 étant une année bissextile, une déduction des décès constatés le 29 février 2020 diminue la hausse annuelle de 0,3 %. Elle serait ainsi de 8,7 % au lieu de 9 %. 81 La comparaison est effectuée entre la période du 1er mars 2019 au 29 février 2020 et la période du 1er mars 2020 au 28 février 2021. 82 Insee, outil Omphale (période 2013-2070), scenario central. 40

c) Le nombre de mariages, PACS et divorces 124. Les mariages, les PACS83 et les divorces sont également des actes liés à la famille qui entrent dans le périmètre d’activité des notaires. 125. S’agissant des mariages, l’Autorité observe tout d’abord que la nuptialité connaît une tendance baissière depuis de nombreuses années : – 26 % entre 2000 et 2019, soit en moyenne -1,6 % par an sur les deux dernières décennies. 126. Ce phénomène s’est accru sur l’année 202084, le nombre de mariages ayant chuté de 34 % par rapport à 2019, principalement en raison de la crise sanitaire qui rendait très difficile l’organisation de cérémonies. Pendant le premier confinement (17 mars au 11 mai 2020), le regroupement d’individus était ainsi interdit ; de facto de nombreuses cérémonies, notamment de mariage, ont ainsi dû être annulées. Durant le second confinement (30 octobre au 15 décembre 2020), les restrictions étaient un peu moins strictes : les mariages étaient autorisés, mais dans la limite de six personnes. Depuis l’instauration du couvre-feu, la jauge a été remplacée, dans les lieux recevant du public, par le respect des distanciations physiques entre les personnes. 127. Il est probable qu’une partie des mariages prévus en 2020 sera reportée. Il n’est toutefois pas possible, au vu des données actuellement disponibles, de déterminer quels seront la proportion et le calendrier de ces reports.

Figure 12 : Évolution du nombre de mariages en France depuis 2000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 (p)

(p) : données provisoires arrêtées à fin 2020 Source : Insee, statistiques de l’état civil 128. Enfin, s’agissant des PACS et des divorces, les données n’étant pas encore disponibles pour l’année 2020, il est difficile d’analyser l’impact de la crise sur ces évènements. Cependant on peut relever que les PACS, tout comme les divorces dé-judiciarisés, suivaient une tendance haussière ces dernières années.

83 Les enregistrements par notaires ne représentent que 20 % de l’enregistrement des PACS. Source : Ministère de la Justice – Répertoire Général Civil et fichier des notaires – 17 août 2017. 84 Insee Première, Bilan démographique 2020, 19 janvier 2021. Les données 2020 sont provisoires. 41

d) Le marché immobilier 129. Les actes liés à l’immobilier représentent une part significative de l’activité des notaires, à la fois en nombre d’actes et en chiffre d’affaires. Le CSN estime que la catégorie « immobilier, vente, construction et baux » représente 50,1 % du chiffre d’affaires global de la profession. 130. Le dynamisme du marché immobilier peut s’analyser sous plusieurs angles, au premier rang desquels se trouve le volume des transactions immobilières par année. Après une progression continue du nombre de transactions immobilières depuis 2015, et ce, indépendamment des variations infra-saisonnières, leur nombre a globalement baissé en 2020, en raison de la crise sanitaire. Figure 13 : Évolution du nombre de ventes de logements anciens (en milliers)

1100 1050 1000 950 900 850 800 750 700 650 600 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Source : CGEDD d’après DGFiP (MEDOC) et bases notariales, nombre de ventes de logements anciens 131. Le nombre de transactions des logements anciens a d’abord chuté sensiblement durant le premier confinement, puis a rebondi de façon spectaculaire, de + 460 % entre avril et juillet 2020, avant de connaître une nouvelle baisse durant l’été 2020, et enfin de reprendre progressivement à partir de septembre 202085. Certains observateurs ont ainsi qualifié ces évolutions infra-annuelles de « véritables montagnes russes »86. Fin septembre 2020, le nombre de transactions réalisées au cours des douze derniers mois en France n’avait finalement baissé que de 5 %87. 132. Le deuxième confinement semble avoir moins affecté le marché immobilier puisqu’en octobre 2020, la barre symbolique du million de transactions en cumulé sur les douze derniers mois a été de nouveau franchie. En décembre 2020, le nombre de transactions portant sur des logements anciens sur un an a atteint 1 024 000, en recul de 4 % par rapport à décembre 201988.

85 Baromètre LPI-SeLoger, Michel Mouillart : « Le prix immobilier ne baisse pas et ne baissera pas en 2021 ! », 15 décembre 2020. 86 Meilleur taux, Le marché immobilier résiste bien à la crise sanitaire, 13 janvier 2021. 87 CSN, Bilan de l’année immobilière 2020 des Notaires de France, 10 décembre 2020. 88 CGEDD d’après DGFiP (MEDOC) et bases notariales, nombre de ventes de logements anciens. 42

Figure 14 : Évolution du nombre cumulé de transactions de logements anciens sur 12 mois (en milliers) 1100 1080 1060 1040 1020 1000 980 960 940 920 900 ars 2019 ai 2019 ars 2020 ai 2020 janv. 2019 févr. 2019 m avr. 2019 m juin 2019 juil. 2019 août 2019 sept. 2019 oct. 2019 nov. 2019 déc. 2019 janv. 2020 févr. 2020 m avr. 2020 m juin 2020 juil. 2020 août 2020 sept. 2020 oct. 2020 nov. 2020 déc. 2020

Source : CGEDD d’après DGFiP (MEDOC) et bases notariales

133. Le rattrapage du nombre des transactions fin 2020 s’explique aussi par le large accès des ménages aux crédits immobiliers. Après une baisse en avril 2020 lors du premier confinement, le Haut Conseil de stabilité financière observe que la production de crédits a atteint des seuils historiques en septembre et octobre 2020 (19,0 milliards d’euros puis 20,2 milliards d’euros), dépassant le simple effet de rattrapage89. La Banque de France constate ainsi une production de nouveaux crédits à l’habitat de 192,4 milliards d’euros en 2020, alors qu’elle se situait à 193 milliards d’euros en 2019. Le niveau atteint en 2020 dépasse de 20 milliards la moyenne sur la période 2016-202090. Ce dynamisme s’explique en partie par des taux d’intérêt de nouveau orientés à la baisse depuis l’été 2020, et qui devraient rester relativement bas91. Par ailleurs, le Haut Conseil de Stabilité Financière a décidé qu’en 2021, le taux d’endettement maximum autorisé pour les prêts immobiliers passerait de 33 % à 35 %, desserrant d’autant l’accès au crédit pour certains ménages92. 134. À l’échelle des territoires, le nombre de transactions connaît des évolutions différentes. Il a ainsi mieux résisté dans les autres régions qu’en Île-de-France, et notamment à Paris, amorçant ainsi une nouvelle tendance selon le CSN : « Ainsi, lorsque le volume des transactions baisse de 4 % sur un an en novembre 2020 au plan national, il chute de 18 %

89 Defrenois, Haut Conseil de stabilité financière : premier bilan des effets de la recommandation sur les crédits, 8 janvier 2021 90 Banque de France, Crédits aux particuliers – France – décembre 2020, 5 février 2021. 91 Note de conjoncture immobilière n° 50 des Notaires de France, janvier 2021. 92 Recommandation n° R-HCSF-2021-1 relative à l’octroi de crédits immobiliers résidentiels en France, HCSF, 27 janvier 2021. 43

sur le marché parisien »93. Malgré ce différentiel avec le reste du territoire national, le notariat du Grand Paris semble avoir fait preuve de résistance, en comparaison d’autres secteurs d’activité94. 135. Pour 2021, le marché immobilier devrait continuer de voir l’attractivité de la France métropolitaine hors Paris s’accroître95. Selon certains observateurs, la pandémie aurait accéléré la prise de conscience, qui préexistait à la crise sanitaire96, des fortes contraintes qui pèsent sur le logement dans les zones urbaines denses, comme la région parisienne (peu d’espace, temps de trajet longs). En outre, le développement du télétravail au sein des entreprises pourrait accroître l’attractivité pour certains salariés de l’implantation dans les zones périurbaines ou rurales. Les mêmes raisons conduisent les entreprises à modifier certains critères de leur recherche de bureaux, avec une baisse du budget et de la superficie recherchée et des changements concernant leur localisation97. Cette tendance pourrait notamment se manifester à moyen terme, selon la durée et les effets de la crise sanitaire et les évolutions des pratiques des entreprises en lien avec le développement du télétravail. 136. En ce qui concerne les logements neufs, qui représentent toutefois une part limitée des transactions totales, leur mise en vente a diminué de 27,5 %98, voire de 33 % selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers99. Cette baisse s’expliquerait notamment par l’importance des retards pris sur les chantiers dans les travaux durant l’année 2020, et la difficulté d’obtenir des permis de construire100. Pour 2021, un effet de rattrapage serait à prévoir, avec une hausse de 4,7 % des ventes au détail des promoteurs, puis de 7,4 % pour 2022101. 137. S’agissant de l’évolution des prix, on constate, sur le marché des logements anciens, une hausse annuelle de 5,2 % sur un an au troisième trimestre 2020102, voire de 6,5 % sur un an au quatrième trimestre selon le baromètre SeLoger103. Selon une étude de Xerfi, la hausse des prix de l’ancien sur le territoire national pourrait s’expliquer par trois raisons principales : une demande soutenue sur les marchés les plus demandés, où la pénurie fait

93 Note de conjoncture immobilière n° 50 des Notaires de France, janvier 2021. 94 Defrénois, actualités, n° 7, 11 février 2021, Cédric Blanchet, page 5. 95 Note de conjoncture immobilière n° 50 Notaire de France, janvier 2021, et Immobilier en 2020 : les métropoles régionales ont pris le pas sur les grandes villes, 13 janvier 2021, Meilleur taux. 96 Michel Mouillart : « Le prix immobilier ne baisse pas et ne baissera pas en 2021 ! », Baromètre LPI-SeLoger. 97 SeLoger bureaux & commerces, Crise sanitaire & immobilier d’entreprise : quel impact sur le moral et les attentes des professionnels ?, 9 novembre 2020. 98 Ministère de la transition écologique, Commercialisation des logements neufs, Résultats au quatrième trimestre 2020, Statinfo n° 339, février 2021 99 Promotion immobilière : alerte rouge sur le logement neuf, 4 mars 2021, https://infos.trouver-un-logement- neuf.com/achat-neuf/chiffres/promotion-immobiliere-alerte-rouge-logement-neuf- 8433.html?utm_medium=social&utm_source=linkedin-post 100 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 44. 101 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 65. 102 Note de conjoncture immobilière n° 50 Notaire de France, janvier 2021. 103 Immobilier : les 11 chiffres chocs de l’année 2020, 4 janvier 2021, Baromètre LPI-SeLoger. 44

monter les prix ; une inflation des prix pour les villes de plus de 100 000 habitants qui font l’objet d’un regain d’intérêt ; le resserrement du crédit sur les ménages plus aisés104. 138. En Île-de-France, au troisième trimestre 2020, le prix des logements anciens avait augmenté de 6 % en un an105. Lorsqu’on regarde plus concrètement le marché immobilier parisien, la hausse des prix de l’ancien s’est poursuivie en 2020, le prix du m2 ayant augmenté de 7 % par rapport à l’année précédente selon Xerfi. La petite et la grande couronnes affichent également des hausses de prix au m2 significatives pour l’ancien, se situant entre 4,5 et 5 %106. 139. La seule ville de la France métropolitaine qui marque une baisse annuelle des prix des appartements anciens au troisième trimestre 2020 est Amiens (- 3,5 %). En ce qui concerne les maisons anciennes, quatre villes seulement ont connu une baisse107. À court terme, la crise sanitaire semble ainsi avoir moins affecté les prix que les volumes de transactions. 140. Selon les notaires de France, les projections issues des avant-contrats permettent d’anticiper un rythme similaire en début d’année 2021, avec une hausse des prix de 0,6 % (contre +0,7 % au troisième trimestre 2020) sur le marché des appartements et une hausse de 1,6 % sur celui des maisons (contre + 0,3 % au troisième trimestre 2020). Les notaires du Grand Paris estiment la hausse des prix des logements anciens en Île-de-France à 5,8 % en un an (de janvier 2020 à janvier 2021)108. À Paris, en février 2021, les notaires de France anticipaient un recul de 1,7 % des prix sur la période décembre 2020-février 2021 mais une hausse de 3,4 % sur les douze derniers mois109. 141. Néanmoins, dans l’hypothèse d’une sélectivité accrue des banques pour l’octroi des crédits immobiliers et d’une dégradation de la situation économique de nombreux acteurs (réduction des mesures de soutien aux entreprises par exemple), une étude Xerfi envisage une baisse de 5,1 % des transactions de logements anciens pour 2021, puis de 3,3 % pour 2022110 ainsi qu’une baisse des prix au niveau national de 1 % en 2021 et de 1,3 % en 2022111. 142. En tout état de cause, la santé du marché immobilier à moyen terme devrait dépendre de l’évolution de la crise sanitaire. Selon l’ampleur et la durée de cette crise – qu’il n’est pas possible de prévoir actuellement avec précision – une détérioration aiguë de la situation économique des ménages et des entreprises ne peut être exclue. De manière générale, la baisse du pouvoir d’achat des ménages a été limitée à 0,9 % en 2020 par rapport à l’année

104 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 56. 105 Note de conjoncture immobilière n° 50 Notaire de France, janvier 2021. 106 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, pages 108-109. 107 Note de conjoncture immobilière n° 50 des Notaires de France, janvier 2021. Il s’agit de Montpellier (- 2,2 %), Rouen (- 1,8 %), Saint-Etienne (- 1,2 %), et Toulouse (- 0,9 %). 108 Communication immobilière mensuelle des notaires du Grand Paris, Volumes et prix à fin janvier 2021, 25 mars 2021. 109 Note de conjoncture immobilière n° 50 des Notaires de France, janvier 2021. 110 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 67. 111 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 67. 45

précédente, notamment grâce aux différents mécanismes d’aides mis en place par l’État qui ont permis d’amortir la perte de revenus112. 143. Selon une publication de l’Insee, 23 % des ménages déclarent avoir vu leur situation financière empirer depuis le début du premier confinement. La dégradation la plus forte concerne les ménages dont les revenus étaient initialement les plus faibles. Ainsi, 35 % de ménages dont le niveau de vie se situait en dessous du premier décile ont vu leur situation financière se dégrader, tandis que cette proportion est deux fois plus faible pour les ménages dont le niveau de vie est supérieur au 9e décile113. 144. Par conséquent, la crise sanitaire contribue à creuser les inégalités entre les ménages et met en difficulté de nombreuses entreprises. Cette évolution pourrait avoir des répercussions contraires sur le marché de l’immobilier. D’un côté, la détérioration de la situation de nombreux ménages et entreprises pourrait peser à la baisse sur les volumes et les prix. D’un autre côté, les liquidités accumulées par les ménages aisés, dont l’épargne a le plus augmenté en 2020114, pourraient en partie être mobilisées pour investir sur le marché immobilier, valeur refuge en temps de crise. e) Conclusion 145. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la démographie modérément croissante, du marché immobilier résistant et, conjoncturellement, de la surmortalité liée à la pandémie de Covid-19, l’activité des notaires est restée soutenue en 2020. Toutefois, des facteurs structurels conjugués à l’impact conjoncturel de la crise sanitaire pourraient peser, à l’avenir, sur la demande de services de notaires.

146. S’agissant des facteurs structurels, on peut rappeler la tendance au ralentissement de la croissance démographique ainsi qu’à la baisse du nombre de mariages.

147. S’agissant de l’impact conjoncturel de la crise sanitaire, celle-ci accentue temporairement la chute du nombre de mariages, et crée une instabilité certaine sur le marché immobilier, notamment sur le volume de transactions. De façon générale, la crise sanitaire génère, à court terme, de l’incertitude chez les ménages et, à moyen terme, ses conséquences sur l’économie nationale risquent de détériorer leur situation financière.

112 Xerfi, Février 2021, Les perspectives de l’immobilier de logements en France et en région : scénario à l’horizon 2022, page 61. 113 Parmi les 10 % des ménages les plus pauvres, 35 % perçoivent une dégradation, tandis que cette dernière est deux fois plus faible pour les 10 % de ménages les plus aisés. Insee Première n° 1822, Confinement : des conséquences économiques inégales selon les ménages, 14 octobre 2020. 114 Conseil d’analyse économique, Octobre 2020, Dynamiques de consommation dans la crise : les enseignements en temps réel des données bancaires. Une des raisons avancées est que la consommation non- essentielle occupe une part plus importante de la consommation totale de ces ménages, or c’est précisément ce type de dépenses qui a chuté avec les mesures sanitaires. 46

C. IMPACT OBSERVÉ DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES OFFICES CRÉÉS ET EXISTANTS 148. Grâce aux données infra-annuelles fournies par le CSN115, l’Autorité a pu observer l’impact de la crise sanitaire sur les offices notariaux. Il ressort de cette analyse que l’impact de la crise liée à l’épidémie de Covid-19 sur l’économie des professions était davantage visible au premier semestre 2020, période où un confinement strict a été mis en place (1). En effet, le rattrapage des activités notariales au second semestre (2) a permis de limiter l’impact de la crise sanitaire sur l’année 2020 (3).

1. UN RALENTISSEMENT DES ACTIVITES NOTARIALES AU PREMIER SEMESTRE 2020 149. Le chiffre d’affaires par notaire libéral a nettement diminué au premier semestre 2020 par rapport au second semestre 2019. 150. En effet, entre le second semestre 2019 et le premier semestre 2020, la part d’offices qui génère un chiffre d’affaires par notaire libéral supérieur au seuil semestriel de 225 000 euros, soit la moitié d’un chiffre d’affaires annuel de 450 000 euros, est passée de 72 % à 60 %. Par ailleurs, le chiffre d’affaires médian par notaire a baissé de 20 % entre le second semestre 2019 (337 000 euros) et le premier semestre 2020 (270 000 euros). Cette évolution pourrait être attribuée à la crise sanitaire et, en particulier, au premier confinement. 151. Cependant, la comparaison de l’activité des offices au premier semestre 2020 avec celle du premier semestre 2019 permet de relativiser l’ampleur de cette baisse. En effet, la proportion d’offices avec un chiffre d’affaires par notaire libéral supérieur au seuil semestriel de 225 000 euros n’est que légèrement inférieure à celle constatée au premier semestre 2019 (62 %). Par ailleurs, la baisse du chiffre d’affaires médian par notaire n’est que de 8 % entre le premier semestre 2019 (293 000 euros) et le premier semestre 2020. 152. L’analyse peut par ailleurs être affinée en tenant compte de l’ancienneté des offices. Ainsi, les offices créés avant 2017 et dont l’activité est déjà parvenue à maturité connaissent, logiquement, une croissance moins forte de leur activité entre les deux semestres 2019 que les offices créés en 2017 et 2018. C’est ce que révèlent l’évolution du chiffre d’affaires médian par notaire et la proportion des offices dont le chiffre d’affaires semestriel par notaire est supérieur au seuil de 225 000 euros par semestre. 153. En outre, le premier semestre 2020 porte un coup d’arrêt temporaire au développement des offices créés en 2017 et 2018. De ce point de vue, ces nouveaux offices ont peut-être été davantage pénalisés par la crise sanitaire, du moins pendant le premier semestre 2020.

115 Le CSN a communiqué à l’Autorité successivement une base de données semestrielle couvrant la période de 2019 au premier semestre 2020, et plus récemment une autre base couvrant le second semestre 2020. La première couvre le produit d’exploitation pour 6 217 offices dont 4 539 créés avant 2017, 948 créés en 2017, 605 créés en 2018 et 125 créés en 2019. La seconde comporte 3 612 lignes exploitables, selon le CSN, pour 2 761 offices créés avant 2017, 524 créés en 2017, 316 créés en 2018 et 11 créés en 2019. Les données dites « exploitables » excluent les lignes faisant l’objet des alertes suivantes dans la base de données : « déclaration en cours de validation, chiffres susceptibles de modifications », « non disponibles », et « données incomplètes, pas de prise en compte possible ». 47

Tableau 4 : Proportion des offices dont le chiffre d’affaires semestriel par notaire est supérieur au seuil de 225 k€ Date création office S1 2019 S2 2019 S1 2020 Tous 62 % 72 % 60 % Avant 2017 79 % 88 % 74 % 2017 13 % 26 % 20 % 2018 4 % 16 % 14 % Source : CSN, Retraitement de l’Autorité de la concurrence

Figure 15 : Évolution du chiffre d’affaires semestriel médian par notaire 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000
- S1 2019 S2 2019 S1 2020 2017** 2018** 2019 2020 tous création avant 2017 création en 2017 création en 2018

Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence **Note : les données concernant les années 2017 et 2018 ne sont disponibles que sur une base annuelle, et non semestrielle comme pour les années 2019 et 2020. Par conséquent, le chiffre d’affaires semestriel par notaire en 2017 et 2018 correspond à la moitié de la médiane du chiffre d’affaires annuel par notaire. 2. UN RATTRAPAGE CONSTATE AU SECOND SEMESTRE 2020 154. Après le choc du premier semestre 2020, l’Autorité constate que la profession a connu un phénomène de rattrapage à l’été 2020. Les données disponibles du second semestre 2020 confirment ce retour à la croissance. 155. Pour les offices ayant communiqué leur produit d’exploitation définitif du second semestre 2020, soit environ 60 %, la proportion des offices réalisant plus de 225 000 euros de chiffre d’affaires semestriel est revenue, à cette période, au niveau observé au second semestre 2019 pour les offices créés avant 2017, et bien au-dessus de ce niveau pour les nouveaux offices. Le chiffre d’affaires médian par notaire est également revenu au second semestre 2020, au niveau observé au second semestre 2019 pour les offices créés avant 2017 (+1 %), et bien au-dessus de ce niveau pour les nouveaux offices (+17 % pour la cohorte 2017 et + 38 % pour la cohorte 2018). 48

156. Toutefois, il est important de relever qu’en moyenne, les offices ayant transmis leurs données pour le second semestre 2020 présentent, en 2019 et au premier semestre 2020, des performances (i.e., un chiffre d’affaires par notaire) légèrement différentes de celles des autres offices : les offices créés avant 2017 sous-performent de l’ordre de – 1 à – 7 % par rapport à l’ensemble des offices de cette catégorie, tandis que ceux installés en 2017 et 2018 surperforment de l’ordre de + 12 à + 16 % par rapport à l’ensemble des nouveaux offices (2017-2018).

Tableau 5 : Variation de la proportion des offices dont le chiffre d’affaires semestriel par notaire est supérieur au seuil de 225 000 euros au second semestre 2020 (sur 3 612 offices pour lesquels les données sont exploitables)

Date création office Variation S2 Variation S1 (en points de pourcentage) 2019 – S2 2020 2020 – S2 2020 Tous +3 +11 Avant 2017 Stable +10 2017 +11 +14 2018 +16 +13 Source : CSN, Retraitement de l’Autorité de la concurrence 3. UNE BAISSE DE CHIFFRE D’AFFAIRES GLOBALEMENT CONTENUE POUR L’ANNEE 2020 157. Au final, sur l’ensemble de l’année 2020, les produits d’exploitation de l’ensemble des offices ayant transmis des données exploitables pour le second semestre 2020 (environ 60 %), auraient baissé de seulement 3 % par rapport à 2019116. Toutefois, la situation des offices récemment créés diffère à nouveau de celle des offices existants. 158. En effet, les premiers voient leurs produits d’exploitation croître en 2020, de 21 % pour ceux créés en 2017 et de 57 % pour ceux créés en 2018. Au contraire, l’activité des offices créés avant 2017 baisse de 5 %. En particulier, celle des notaires parisiens aurait diminué de 8 % (pour l’ensemble des offices) à 10 %117 (pour les offices créés avant 2017), étant rappelé que ces notaires présentent, en moyenne, des performances supérieures à l’ensemble des offices118 et que ces estimations peuvent pâtir du biais de sélection inhérent aux données transmises au CSN et à l’Autorité pour le second semestre 2020.

116 En séance, le CSN a estimé cette baisse à 5,7 %. Ce chiffre tient compte des données faisant l’objet d’une alerte au second semestre 2020 du type « déclaration en cours de validation, chiffres susceptibles de modifications » ou « données incomplètes, pas de prise en compte possible ». 117 En séance le CSN a estimé cette baisse à 16 %. Ce chiffre tient compte des données faisant l’objet d’une alerte au second semestre 2020 du type « déclaration en cours de validation, chiffres susceptibles de modifications » ou « données incomplètes, pas de prise en compte possible ». 118 Les produits d’exploitation semestriels des notaires parisiens sont en moyenne supérieurs d’environ 20 % à ceux de l’ensemble des notaires sur la période 2019-2020. 49

Tableau 6 : Évolution du produit d’exploitation total entre 2019 et 2020 (en millions d’euros)

Date création office 2019 2020 Variation 19-20 Tous 4 476 4 328 -3 % Avant 2017 4 228 4 000
-5 % 2017 176 213 +21 % 2018 72 114 +57 % Source : CSN, Retraitement de l’Autorité de la concurrence 159. Ainsi, la baisse d’activité observée au premier semestre peut s’expliquer tant par un fléchissement de la demande (visites immobilières et mariages impossibles pendant le premier confinement, par exemple) que par un choc d’offre (fermeture des offices et mise en place de l’activité à distance). Puis, au second semestre 2020, le rebond de l’activité pourrait s’expliquer par l’allègement des mesures sanitaires, doublé d’une meilleure adaptation des offices à ces restrictions. En particulier, les notaires ont été autorisés à recevoir leurs clients, dans le respect des gestes barrières, pendant toute la durée du deuxième confinement (du 30 octobre au 15 décembre 2020), ce qui leur a permis de mieux maintenir leur activité119. Cette possibilité d’accueil des clients est reconduite dans le cadre du troisième confinement, qui a débuté en avril 2021. 160. En outre, l’année 2020 devait marquer le début de la phase de remboursement des prêts accordés par la banque des territoires aux notaires issus de la première vague de nomination. Toutefois, dans l’optique d’accompagner au mieux les notaires dans la crise sanitaire, et de lisser les effets de cette dernière sur les offices notariaux, la Banque des territoires a octroyé aux offices notariaux des reports d’échéances de prêt, des autorisations de découvert et des prêts de trésorerie. Ainsi, au plus fort de la crise, la Banque des territoires a mobilisé 350 millions d’euros120. Ces mesures d’aide seront en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2021. 161. Par ailleurs, les résultats des travaux présentés ci-avant doivent être considérés avec précaution. D’une part, compte tenu des trajectoires de croissance très positives avant 2020 des offices existants et, surtout, des offices créés, ces observations sous-estiment peut-être l’impact de la crise sanitaire. D’autre part, il paraît encore trop tôt pour tirer tous les enseignements de la crise sanitaire, notamment pour 2021 et 2022, dans la mesure où, à l’heure actuelle, elle est encore en cours et les données disponibles relatives au second semestre 2020 ne sont pas exhaustives. D. ADAPTATION DE LA MÉTHODOLOGIE 162. Pour le présent avis, la délimitation des zones d’installation se fonde, comme les exercices précédents, sur les zones d’emploi définies par l’Insee. Celles-ci ayant été actualisées en 2020, l’Autorité s’appuiera sur cette nouvelle base pour réaliser ses travaux, avec des ajustements mineurs en Guadeloupe et en Martinique (1). Si la méthode de prise en compte

119 Article 4 du Titre 1 du décret n° 2020/1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. 120 Banque des territoires, entretien avec Jérôme Lamy, Retour sur nos mesures d’urgence, 15 mars 2021. 50

de l’offre et la demande de prestations notariales reste inchangée (2), les incertitudes liées à la durée et aux conséquences de la pandémie de Covid-19 conduisent néanmoins l’Autorité à repousser l’horizon auquel elle évalue le besoin de nouvelles installations de 2024 à 2029 (3). Enfin, à court et moyen terme, ces mêmes incertitudes l’amènent, par prudence, à ralentir la vitesse de convergence vers cet objectif de long terme. Pour déterminer le taux de progressivité, elle s’appuie ainsi sur l’analyse de plusieurs scenarii de sortie de crise, avant de formuler ses recommandations quantitatives pour la période 2021-2023 (4). 1. LA DELIMITATION DES ZONES D’INSTALLATION 163. En 2020, l’Insee a révisé sa méthode de constitution des zones d’emploi. En conséquence, l’Autorité a adapté la délimitation des zones d’installation des notaires aux nouvelles zones d’emploi. 164. L’Insee s’est appuyé sur une méthodologie développée par Eurostat, afin de faciliter la comparaison entre pays européens. L’algorithme utilisé construit des zones étape par étape, sur la base de deux paramètres : le taux d’actifs stables, donc qui travaillent et résident dans la même zone, et la taille de la zone, fonction du nombre d’actifs en emploi. Contrairement à la méthode précédente, l’algorithme de 2020 affecte désormais en priorité les communes qui ne sont pas encore affectées aux zones qui n’atteignent pas encore la taille-cible. Ce changement a eu pour effet de rendre les zones d’emploi plus homogènes, en diminuant le nombre de zones d’emploi de petite taille au profit de celles de taille intermédiaire, et en limitant la taille des plus grandes zones correspondant aux métropoles. Le nombre de zones d’emploi est ainsi passé de 321 en 2010, à 306 en 2020. La méthode de l’Insee et la carte des nouvelles zones d’emploi sont présentées en annexe 2. 165. Le Conseil d’État, dans sa décision du 16 octobre 2017, a confirmé l’approche de l’Autorité consistant à utiliser les zones d’emploi construites en 2010 par l’Insee pour délimiter les zones d’installation. Il a notamment relevé que : « ces zones ont un rayon médian de vingt kilomètres, du même ordre que celui de la zone de chalandise des offices de notaires telle qu’elle ressort de la consultation menée par l’Autorité de la concurrence ; que chacune de ces zones compte au moins un office de notaire »121. De même, les nouvelles zones d’emploi, élaborées en 2020, ont un rayon médian de 22,1 km, contre 20,5 km précédemment. 166. À l’instar de ce qui avait été constaté lors des précédents exercices, les réponses à la consultation publique menée en 2020 confirment la correspondance entre le zonage retenu pour la carte et l’empreinte réelle de l’activité des offices. En outre, plus de la moitié des notaires répondants a indiqué que plus de trois quarts de leur clientèle se situait dans la zone d’installation. À l’inverse, 88 % des notaires créateurs ayant répondu ont indiqué que moins de 30 % de leur clientèle se situait dans une zone limitrophe. 167. Au cours de l’instruction du présent avis, certains contributeurs ont formulé des critiques à l’encontre de la taille de certaines zones d’emploi, les jugeant trop vastes, notamment celles intégrant les plus grandes métropoles urbaines. Or, l’Autorité rappelle, qu’en l’absence de données précises relatives à l’origine géographique de la clientèle des offices, le zonage de l’Insee, construit à partir des flux domicile-travail, à des fins statistiques autres que les besoins du présent avis, et récemment actualisé, est le plus pertinent pour identifier les offices qui sont substituables du point de vue des consommateurs. Les constats faits dans

121 Conseil d’État, décision n° 403815 du 16 octobre 2017. 51

l’avis n° 16-A-13 précité (paragraphes 89 à 115) restent pertinents et l’Autorité réitère son analyse sur ce point. 168. Les zones d’emploi sont élaborées selon une méthodologie qui leur permet de refléter la capacité d’attraction, notamment économique, des grandes métropoles urbaines sur leur environnement direct. Dès lors, une zone d’installation ne saurait s’arrêter aux limites administratives de la métropole. Toutefois, la nouvelle méthode de zonage de l’Insee a eu pour effet de rééquilibrer la taille des zones d’emploi, notamment celle des métropoles urbaines et des zones voisines. À ce titre, l’Insee souligne que : « Avec cette nouvelle méthode, le nombre d’actifs est plus équilibré entre les zones que dans la précédente nomenclature de 2010. C’est particulièrement vrai autour des grandes métropoles qui, précédemment, avaient tendance à agréger de nombreuses communes. La nouvelle méthode permet de limiter la taille des plus grandes zones d’emploi, laissant ainsi émerger d’autres zones autour de ces grands pôles » 122. 169. Il convient cependant de relever que la taille de la zone d’emploi de Paris augmente un peu (sa superficie passe de 656 à 736 km²). Sur ce point, l’Insee avait déjà indiqué au sujet de l’ancienne zone d’emploi de Paris, qu’elle ne pouvait pas être regardée comme « trop étendue » au regard de la « polarisation très forte de l’emploi et de nombreux flux d’échanges entre les communes ou pôles de la région » 123. 170. Certains contributeurs estiment aujourd’hui que la conjonction de zones d’installation jugées « trop grandes » et de la possibilité de s’installer dans la commune de son choix ou de transférer librement son office au sein d’une même zone d’installation libre pourrait mener à une « désertification » qui, selon eux, serait contraire à l’objectif de renforcement du maillage territorial. Toutefois, au vu des distances limitées à parcourir124, chaque office est substituable aux autres, du point de vue des clients, au sein de chacune de ces zones. Ainsi, un client peut aisément trouver un notaire répondant à ses besoins au sein de la zone. En outre, en tant qu’un des objectifs majeurs de la réforme de 2015, la liberté de déplacer les offices permet aux notaires de mieux s’adapter à la répartition géographique de la clientèle, qui peut évoluer. Enfin, le CSN a indiqué en séance que la France compte « un notaire tous les 8 kms ». Cette donnée confirme ainsi la robustesse du maillage territorial. L’argument selon lequel la possibilité de libre installation et de libre transfert porterait atteinte à celui-ci n’apparaît par conséquent pas fondé. 171. Après avoir pris en considération l’ensemble des éléments et observations qui précèdent, l’Autorité a décidé de maintenir ses options méthodologiques pour établir la carte 2021- 2023, en adaptant les zones d’installation aux nouvelles zones d’emploi définies par l’Insee en 2020. L’Autorité considère que la mise à jour régulière du zonage par l’Insee (une fois par décennie, la précédente actualisation datant de 2010) constitue un avantage

122 Insee Première, no 1814, 10 septembre 2020, L’orientation économique des zones d’emploi : entre spécialisation et diversification des économies locales, Encadré – Méthode de constitution des zones d’emploi de 2020. 123 Insee Méthodes n° 129, mars 2015, Les zonages d’étude de l’Insee, Une histoire des zonages supra-communaux définis à des fins statistiques, Chapitre 4 – Les zones d’emploi (page 58). 124 Pour mémoire, la taille médiane des zones d’installation dans les avis précédents correspondait à un cercle de rayon théorique de 20,5 km ; le 9e décile, à un cercle théorique de 34,3 km de rayon. Dans le cadre de la consultation publique réalisée en 2016, « un grand nombre de contributeurs [a souligné] que 80 % de la clientèle des offices notariaux serait localisée dans un rayon de 15 à 25 kilomètres de la résidence de l’office, ce rayon pouvant varier en fonction des spécificités locales, des contraintes topographiques ou des infrastructures de transport. » (Avis n° 16-A-13, paragraphe 80). Les zones d’installation définies selon les nouvelles zones d’emploi de 2020 ont désormais un rayon médian de 22,1 km. 52

supplémentaire de cette maille géographique pour définir les zones d’installation. En effet, grâce à cette actualisation, les zones d’installation reflètent au mieux la réalité économique des territoires, et donc les besoins en services de notaires. 172. En définitive, l’Autorité retient pour la définition des zones d’installation de la présente proposition de carte :

- pour la France métropolitaine, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe 174 ci-dessous, le périmètre géographique des zones d’emploi référencées dans l’atlas établi par l’Insee et les services statistiques du ministre chargé de l’emploi, selon la géographie communale en vigueur au 1er janvier 2021 ;

- pour les départements d’outre-mer autres que ceux évoqués au paragraphe 173 ci- dessous, et les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint- Pierre-et-Miquelon, le périmètre des zones d’installation défini dans l’avis n° 16-A- 13 précité, pour les raisons explicitées dans cet avis. 173. S’agissant des départements d’outre-mer de la Guadeloupe et de la Martinique, le périmètre géographique des zones d’installation est modifié par rapport à l’avis n° 16-A-13 précité pour tenir compte de l’évolution du maillage territorial par la création de nouveaux offices notariaux, notamment dans l’est de la Guadeloupe et dans le sud de la Martinique. Le nouveau zonage est le suivant :

- en Guadeloupe, 3 zones d’installation sont désormais prévues au lieu de 2 : o la zone d’installation de Basse-Terre correspondant à la zone d’emploi de Sud-Basse-Terre ; o la zone d’installation de la Région Pointoise, regroupant les zones d’emploi « Région Pointoise », « Côte-sous-le-vent » et « Marie-Galante » ; et enfin, o la zone d’installation Est-Grande Terre correspondant à la zone d’emploi portant le même nom.

- en Martinique, 3 zones d’installation sont prévues au lieu de 2: o la zone d’installation de la Trinité, regroupant les zones d’emploi de « Nord-Atlantique » et « Centre-Atlantique » ; o la zone d’installation de Fort-de-France, regroupant les zones d’emploi « Nord Caraïbe » et « Centre agglomération » ; et enfin, o la zone d’installation de Ducos regroupant les zones d’emploi « Sud » et « Sud Caraïbe ». 53

Figure 16 : les zones d’emploi en Guadeloupe et en Martinique

Source : Insee, Autorité de la concurrence 174. S’agissant du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en application du VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 :

- les 9 zones d’emploi de « Forbach », « Sarreguemines », « Haguenau », « Strasbourg », « Sélestat », « Colmar », « Mulhouse » et « Saint-Louis » ne constituent pas des zones d’installation (au sens du présent avis) ;

- les 4 zones d’emploi de « Thionville », « Metz », « Nancy », et « Sarrebourg » ne constituent respectivement les zones d’installation d’Audun-le-Roman, Jarny, Nancy, et Cirey-sur-Vezouze (au sens du présent avis) qu’en ce qu’elles incluent, chacune en ce qui la concerne, les communes des départements de la Meurthe-et- Moselle, de la Meuse et des Vosges dont la liste figure aux sections A à E de l’annexe 3 au présent avis. 175. Enfin, le périmètre géographique de la collectivité d’outre-mer de Wallis-et-Futuna ne constitue pas une zone d’installation au sens du présent avis125. 176. La liste des 293 zones d’installation (au sens du présent avis) est jointe en annexe 4. 2. LA PRISE EN COMPTE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE 177. Dans son avis n° 16-A-13 précité, l’Autorité a expliqué, de façon détaillée, comment la prise en compte du chiffre d’affaires par notaire libéral permettait d’apprécier de façon synthétique l’ensemble des critères d’offre notariale, pour chaque zone d’installation (paragraphes 227 à 261) et comment celle de la population, associée à sa dynamique, permettait de prendre en compte de façon synthétique l’ensemble des critères de la demande de services notariaux (paragraphes 262 à 292). Ceci résulte des fortes corrélations entre les différents critères prévus par le décret du 26 février 2016 précité.

125 Avis n° 18-A-08 précité, paragraphe 84. 54

178. L’Autorité estime que cette analyse reste pertinente dans le cadre du présent avis et décide de la maintenir. 179. Cette approche a d’ailleurs été validée, en ces termes, par le Conseil d’État statuant au contentieux : « Considérant, en premier lieu, que le I de l’article 1er du décret du 26 février 2016, rappelé au point 1, liste des critères pertinents pour identifier les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de service des notaires ; qu’il appartient à l’autorité administrative, sur ce fondement, de prendre en considération ces critères seuls ou combinés, sans pouvoir en retenir d’autres, dès lors qu’ils lui permettent de satisfaire aux objectifs poursuivis par le dispositif prévu à l’article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée ; qu’ainsi, elle n’est pas tenue de prendre en considération tous les critères prévus au I de l’article 1er du décret du 26 février 2016 si ceux retenus lui permettent de satisfaire à ces objectifs ; que, dès lors, afin de formuler des recommandations chiffrées en termes de nouveaux professionnels et d’offices à créer, l’arrêté attaqué a pu légalement se fonder sur un indicateur quantitatif fondé sur les critères du chiffre d’affaires par notaire et de l’évolution de la population qui lui a permis d’évaluer les perspectives d’évolution de l’offre et de la demande de services notariés, sans être tenu de prendre en compte tous les critères posés par le décret ; que l’arrêté a, ainsi, pu légalement ne pas prendre en compte le critère tiré du nombre de notaires salariés. » 180. Ainsi, pour évaluer le potentiel d’accroissement de l’offre notariale dans les zones d’installation, l’Autorité retient un indicateur synthétique, calculé à partir du chiffre d’affaires par notaire libéral et des projections démographiques, permettant une prise en compte globale des critères prévus par le décret n° 2016-216 précité. 181. L’évaluation du chiffre d’affaires par notaire libéral implique de déterminer le nombre de notaires libéraux actifs dans chaque zone d’installation. À cette fin, le CSN a transmis à l’Autorité la liste des professionnels au 30 novembre 2020. 182. Au surplus, la DACS a transmis à l’Autorité un état des nominations au 9 mars 2021. À cette date, la DACS dénombre 697 nominations dans le cadre de la deuxième carte (la dernière création d’office étant alors survenue en décembre 2020) et un reliquat de 87 notaires non- nommés. Le reliquat se compose de 36 nominations non-satisfaites du fait d’un épuisement des candidatures présentées dans les 27 zones concernées et de 51 renonciations. Le nombre de renonciations est encore susceptible d’augmenter. 183. Par conséquent, les nominations au titre de la deuxième carte étant achevées depuis décembre 2020, l’Autorité a pu raisonner à partir des nominations effectives pour déterminer le potentiel d’installation de nouveaux notaires libéraux de la troisième carte (ce qu’elle n’avait pas été en mesure de faire lors du précédent exercice, l’instruction des demandes formées au titre de la première carte n’étant pas encore achevée lors de l’élaboration de la deuxième carte). 184. Enfin, compte tenu du contexte sanitaire et de ses conséquences encore incertaines sur l’activité notariale à moyen et long terme, l’Autorité propose, exceptionnellement, de ne pas reporter le reliquat des nominations de la période précédente (2018-2020) sur la période suivante (2021-2023). 3. LE RECOURS A DES SEUILS DE CHIFFRE D’AFFAIRES ET L’HORIZON DU REEQUILIBRAGE 185. Tout d’abord, l’Autorité considère qu’il y a lieu de reculer de 5 ans l’horizon du rééquilibrage de l’offre et de la demande de services notariaux, de 2024 à 2029, pour les raisons suivantes : 55

— en premier lieu, la troisième carte, qui devrait être adoptée en 2021, arrivera à échéance en 2023, de sorte que l’année 2024 ne correspond plus à l’aboutissement d’un cycle ;

- en second lieu, les conséquences de la crise sanitaire sur la profession notariale étant, à ce stade, incertaines, il semble raisonnable de reculer l’échéance à laquelle l’équilibre entre l’offre et la demande de prestations notariales sera atteint. Ainsi, en décalant de 5 ans la réalisation de cet objectif, l’Autorité serait en mesure de réévaluer à trois reprises (en 2023, 2025 et 2027) l’objectif de créations d’offices, et de prendre en compte le contexte économique et sanitaire à l’occasion de chacune de ces révisions biennales. 186. S’agissant ensuite des seuils de chiffre d’affaires, l’Autorité propose de maintenir ceux retenus dans ses avis précédents pour apprécier le potentiel de création dans chaque zone d’installation. 187. Le premier correspond au seuil plancher de chiffre d’affaires par notaire libéral utilisé pour déterminer le caractère libre ou contrôlé d’une zone d’installation. Depuis l’avis n° 16-A-13 précité, il est fixé à 450 000 euros par an par notaire libéral. L’Autorité considère que ce seuil garde toute sa pertinence, dès lors notamment qu’il traduit une approche à la fois protectrice et prudente tant vis-à-vis des offices déjà en place avant la réforme, de ceux créés depuis mars 2017, que de ceux appelés à l’être en application de la troisième carte. 188. Le second seuil vise à ne pas « bouleverser les conditions d’activité des offices existants ». Il permet de s’assurer que le chiffre d’affaires par notaire libéral ne diminue pas de plus de 35 % à l’horizon 2029. Au regard du très faible impact observé des offices créés sur les offices existants (section III.A.3 ci-dessus), l’Autorité estime que ce seuil protecteur est toujours justifié dans le cadre du présent avis et qu’il permet de garantir le respect des objectifs fixés par le législateur en 2015. 189. Sur ces deux points, le Conseil d’État a d’ailleurs indiqué : « Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces des dossiers que la carte des zones d’installation libre et les recommandations de créations d’office sont fondées sur une estimation du potentiel d’installation de nouveaux notaires jusqu’en 2024 combinant une hypothèse de chiffre d’affaires futur par notaire libéral de 450 000 euros, au-delà duquel existe un potentiel de développement de l’activité, et sur une contrainte tenant à ce que l’installation de nouveaux professionnels n’entraîne pas une réduction du chiffre d’affaires moyen par office de plus de 35 % ; qu’eu égard, d’une part, à l’actuel chiffre d’affaires moyen par notaire libéral ainsi qu’aux seuils que les instances représentatives de la profession regardent comme devant alerter sur la viabilité d’un office ou au contraire encourager une association et, d’autre part, à la période sur laquelle la création d’offices est envisagée, ces chiffres ne sont pas entachés d’une erreur manifeste d’appréciation. »126 190. En conséquence, l’Autorité a procédé à une mise à jour des projections de chiffres d’affaires théoriques à l’horizon 2029, à partir des éléments suivants :

- les chiffres d’affaires réels sur la période 2015-2019 des notaires libéraux ;

- les résultats, toujours valables, de son étude économétrique de 2016 (avis n° 16-A-13 précité, paragraphes 262 à 280) : pour 1 % de croissance démographique dans la zone, le chiffre d’affaires notarial croît de + 0,98 % (même avis, paragraphe 353) ;

126 CE 16 octobre 2017. 56

— les résultats de son étude pour déterminer l’impact des nouveaux tarifs entrés en vigueur en mai 2016127 ;

- l’impact des nouveaux tarifs entrés en vigueur le 1er janvier 2021128 ;

- les dernières projections de population réalisées par l’Insee par zone d’emploi. 191. Concernant l’incidence des marchés immobiliers et fonciers sur la variation des chiffres d’affaires de la profession notariale, bien que l’évolution des marchés immobiliers semble favorable depuis 2016, l’Autorité reconduit la position prudente suivie dans l’avis n° 16-A-13, qui consiste à ne pas intégrer les évolutions immobilières possibles aux projections à l’horizon 2029 du chiffre d’affaires. Toutefois, les conséquences possibles de la crise sanitaire sur le marché immobilier d’ici la fin de validité de la prochaine carte sont prises en compte dans le taux de progressivité retenu par l’Autorité, selon les modalités expliquées ci-après. 4. L’IMPERATIF DE PROGRESSIVITE DES CREATIONS 192. À partir de la méthodologie décrite ci-avant, en se fondant sur les effectifs de la profession au 30 novembre 2020, et en prenant en compte les éléments transmis par la Chancellerie sur l’état des nominations intervenues après cette date, l’Autorité estime que le potentiel de création à l’horizon 2029 est désormais compris entre 2 400 et 2 600 nouveaux professionnels libéraux. 193. Cette réévaluation à la hausse est imputable aux données prises en compte pour calculer le besoin en nouveaux notaires. En effet, par rapport à la période de référence prise en compte dans l’avis de 2018, qui était constituée des années 2012 à 2016, cette nouvelle évaluation intègre trois années (2017-2019) pendant lesquelles la profession notariale a réalisé d’excellents résultats, tant au niveau du chiffre d’affaires global, qui a franchi le seuil de 8 milliards d’euros en 2018, qu’au niveau du taux de marge, qui dépasse 30 % depuis 2017129. Tableau 7 : Les principaux indicateurs économiques de la profession notariale entre 2015 et 2019 (en Mds d’euros)

2015 2016 2017 2018 2019 CA total 6,39 6,78 7,52 8,01 8,48 Progression par rapport à N-1
- + 6,0 % +11,1 % + 6,5 % + 6,0 % Résultat total 1,76 1,84 2,40 2,54 2,76 Progression par rapport à N-1
- + 4,9 % + 30,3 % + 5,9 % + 8,5 % Taux de marge 27,5 % 27,2 % 31,9 % 31,7 % 32,5 % Source : CSN, retraitement de l’Autorité de la concurrence

127 Décret n° 2016-230 précité. 128 Arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des notaires modifié par l’arrêté du 28 avril 2020. 129 Ces chiffres n’incluent pas les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. 57

194. Cependant, il n’est pas exclu que, lors des prochaines révisions de la carte, cet objectif 2029 soit revu à la baisse, si la tendance haussière de l’activité notariale constatée ces dernières années devait s’inverser en raison de la crise. De ce point de vue, la fréquence biennale prévue par la loi pour procéder à ces révisions paraît tout à fait adaptée. 195. Compte tenu des risques créés par la situation sanitaire actuelle, dont les conséquences à moyen terme sur l’activité notariale sont difficilement prévisibles, pour la période 2021- 2023, l’Autorité est d’avis que, si le cadre d’analyse défini en 2016 reste pertinent pour assurer l’objectif de progressivité fixé par la loi, il convient de retenir, pour la présente proposition de carte, à un rythme de nominations des nouveaux notaires moins soutenu que celui correspondant à une répartition au prorata temporis des besoins identifiés à l’horizon 2029. 196. En effet, si le besoin d’installation de nouveaux notaires est estimé entre 2 400 et 2 600 nouveaux professionnels libéraux, la recommandation selon un rythme linéaire aurait conduit, à l’horizon 2023, à l’installation libérale d’un nombre de nouveaux notaires compris entre 600 et 650 (soit 25 % de l’objectif à l’horizon 2029). Il est donc apparu nécessaire de fixer un nombre moins important de nouveaux installés pour la période 2021-2023, afin de tenir compte des éléments d’incertitude rappelés ci-dessus et propres à la période de crise sanitaire . 197. Afin de définir un taux de progressivité adapté à la situation sanitaire, l’Autorité a adopté une démarche prudente reposant sur trois scenarii correspondant à une sortie de crise plus ou moins rapide et à un impact sur l’activité économique plus ou moins fort en 2021-2022. Ces hypothèses ont été construites à partir des études de conjoncture produites par des institutions et organismes publics ou privés comme l’Insee, la Banque de France, la Banque Mondiale ou encore le CSN. Il ressort de ces travaux que, en France comme dans le monde, la sévérité et la durée des mesures sanitaires adoptées par les pouvoirs publics conditionnent, pour une grande part, l’évolution de l’activité économique. 198. Dans les trois scenarii présentés ci-dessous, il est envisagé qu’un niveau important d’aides aux entreprises soit maintenu par le Gouvernement, au moins jusqu’à fin 2022. a) Le scenario « prudent » 199. Dans la première hypothèse, dite « prudente », la campagne de vaccination combinée aux autres mesures d’endiguement de la pandémie (gestes barrières, couvre-feux, mesures de freinage renforcé, etc.) permettrait d’éviter un nouveau confinement généralisé. À mesure que les effets de la vaccination commenceraient à se faire sentir, les restrictions sanitaires seraient progressivement levées en 2021. 200. Ainsi, l’impact de la crise sanitaire sur la démographie française serait, globalement, peu perceptible. De plus, la levée des restrictions sanitaires permettrait une remontée du nombre de mariages et un retour à la normale de l’activité économique. 201. Quant au marché immobilier, la levée progressive de nombreuses incertitudes économiques permettrait le maintien du volume de transactions, qui s’est montré globalement résistant en 2020. De plus, les prix de l’immobilier ancien pourraient continuer leur hausse130, notamment en province.

130 Hausse supérieure à 5 % sur un an au troisième trimestre 2020, Note de conjoncture immobilière n° 50, Notaire de France, janvier 2021. 58

202. À la date de publication du présent avis, ce scénario est invalidé par les dernières annonces gouvernementales, qui ont conduit à l’adoption du décret n° 2021-384 du 2 avril précité. L’Autorité l’a, par conséquent, écarté pour l’élaboration de ses recommandations de créations d’offices. b) Le scenario « de crise durable » 203. Dans la deuxième hypothèse, dite « de crise durable », la campagne de vaccination, combinée aux autres mesures d’endiguement de la pandémie (gestes barrières, couvre-feux, mesures de freinage renforcé, etc.), ne permettrait pas d’éviter un nouveau confinement généralisé sur plusieurs semaines. Ce confinement pourrait reprendre les modalités, moins strictes, du confinement d’octobre-décembre 2020. Toutes les restrictions sanitaires (gestes barrières, couvre-feux, fermeture de certains commerces, interdiction des rassemblements, etc.) ne seraient sans doute pas levées avant la fin de l’année 2022. 204. Dans cette hypothèse, la démographie française pourrait être faiblement impactée, en raison de l’allongement de la sortie de crise et d’une augmentation anormale du nombre de décès à court terme. De plus, le nombre de mariages pourrait rester à un niveau faible du fait de l’instauration d’une jauge, comme lors du deuxième confinement. 205. Le marché immobilier, quant à lui, pâtirait certes de ces nouvelles restrictions sanitaires, mais dans des proportions bien moindres que celles du premier confinement de mars-mai 2020, qui pourraient être équivalentes à celles du deuxième confinement d’octobre-décembre 2020. Ainsi, dans cette hypothèse de crise durable, le nombre de transactions fluctuerait sur la période 2021-2022. Il baisserait pendant la période de confinement et pourrait remonter à la levée des restrictions sanitaires, soutenu notamment par l’épargne des ménages aisés. 206. Les mesures gouvernementales adoptées début avril 2021 semblent corroborer la pertinence de ce scénario. Le décret n° 2021-384 du 2 avril précité a, en effet, instauré un confinement généralisé sur l’ensemble du territoire métropolitain, avec des conditions plus souples que celles applicables de mars à mai 2020 à plusieurs égards. Tout d’abord, les déplacements sont permis en journée à une distance allant jusqu’à 10 kilomètres du domicile (hors motifs impérieux). L’attestation de déplacement dérogatoire n’est, en outre, nécessaire qu’au-delà d’un rayon de 10 kilomètres du domicile et pendant les heures du couvre-feu, soit entre 19 heures et 6 heures. Par ailleurs, les guichets des services publics restent ouverts, de même que certains commerces, comme les salons de coiffure, les magasins de plantes et de fleurs, les libraires et les chocolateries. Pour leur part, les visites de biens immobiliers et les cérémonies de mariages – qui conditionnent une partie de l’activité notariale – restent permises, dans le respect des gestes barrières. Enfin, comme évoqué au paragraphe 59 ci- dessus, il est toujours possible pour les clients des notaires de se rendre dans les offices, pour un acte ou une démarche qui ne pourrait être réalisé à distance. c) Le scenario « très pessimiste » 207. Dans la troisième hypothèse, dite « très pessimiste », la campagne de vaccination, combinée aux autres mesures d’endiguement de la pandémie (gestes barrières, couvre-feux, mesures de freinage renforcé, etc.), ne permettrait pas d’éviter un nouveau confinement généralisé sur plusieurs semaines selon les modalités strictes du confinement de mars-mai 2020. À l’issue de ce confinement, des restrictions sanitaires seraient toujours de mise (gestes barrières, couvre-feu, fermeture de certains commerces, interdiction des rassemblements, etc.) et ce, au moins jusqu’à fin 2022. 59

208. Dans cette hypothèse, la démographie française pourrait être un peu plus impactée que dans le scenario de crise durable. De plus, les mariages pourraient être temporairement impossibles, comme au printemps 2020. 209. Enfin, une intensification de la crise sanitaire et l’instauration d’un confinement généralisé « strict » pourraient entraîner une chute du nombre de transactions immobilières. À l’issue du confinement, le nombre de transactions repartirait à la hausse mais la dégradation de l’activité économique induite ne permettrait pas un rattrapage tel que celui observé à l’été 2020. En outre, les prix de l’immobilier s’ajusteraient à la baisse, en réaction à une perte de pouvoir d’achat et de capacité de prêt bancaire d’une partie de la population et à la persistance sur une longue durée d’un climat d’incertitude. 210. Compte tenu des informations dont elle dispose au moment de l’élaboration de la présente proposition de carte, l’Autorité se base sur le scenario de crise durable. IV. La proposition de carte et les recommandations de l’Autorité 211. Après avoir présenté sa proposition de carte des zones d’implantation assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux pour la période 2021-2023 (A), l’Autorité formulera des recommandations visant à améliorer le cadre juridique régissant la liberté d’installation des notaires, en distinguant celles qu’elle a déjà émises dans ses précédents avis, qui ont été suivies d’effet et qu’il n’est pas nécessaire de reconduire (B), de celles qu’il pourrait être utile de mettre en œuvre lors de la prochaine période biennale (C). A. PROPOSITION DE CARTE RÉVISÉE DES ZONES D’IMPLANTATION, ASSORTIES DE RECOMMANDATIONS SUR LE RYTHME DE CRÉATION DE NOUVEAUX OFFICES NOTARIAUX 212. Compte tenu des éléments présentés ci-dessus, et par souci de prudence, l’Autorité recommande la création d’offices supplémentaires permettant l’installation libérale de 250 nouveaux notaires sur la période de validité de la prochaine carte (2021-2023). 213. Pour la période 2021-2023, l’Autorité propose de définir 112 zones d’installation libre (zones vertes) et 181 zones d’installation contrôlée, qui figureront désormais en rouge (et non plus en orange) sur la représentation graphique de la carte, afin de tenir compte de la modification législative intervenue en décembre 2020 (voir paragraphes 226 et suivants ci-dessous) : désormais, il ne peut plus, en principe, être créé d’office notarial dans ces zones rouges, sauf si le ministre de la justice considère, après avis de l’Autorité, qu’une telle création est insusceptible de porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu. 214. La représentation graphique de la carte proposée par l’Autorité est donc la suivante :

60

Figure 17 : Proposition de carte des zones d’installation

*En application de l’exception prévue au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015. 215. Pour chaque zone d’installation, une « fiche détaillée » reprend en annexe 4 la recommandation de créations d’offices dans les termes suivants :

- pour les zones représentées en vert sur la carte ci-dessus : « Au vu des caractéristiques de la zone, l’Autorité de la concurrence recommande la création d’un nombre d’offices permettant l’installation libérale de […] nouveaux notaires pour la période 2021-2023 » ;

- pour les zones représentées en rouge sur la carte ci-dessus : « Au vu des caractéristiques de la zone, l’Autorité de la concurrence estime que, sauf exception, il ne peut être créé de nouveaux offices sans porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu ». 216. Cette proposition de carte est assortie des recommandations quantitatives afférentes à chaque zone d’installation figurant dans le tableau récapitulatif de l’annexe 5.

Sur la période 2021-2023, l’Autorité recommande ainsi l’installation de 250 nouveaux notaires libéraux dans 112 zones d’installation libre (« zones vertes »), tandis que 181 zones seront d’installation contrôlée (« zones rouges »).

61

B. LES RECOMMANDATIONS DES PRÉCÉDENTS AVIS SUIVIES D’EFFET ET QU’IL N’EST PAR CONSÉQUENT PAS NÉCESSAIRE DE RECONDUIRE 217. Certaines des recommandations formulées par l’Autorité dans ses précédents avis ont été suivies d’effet. Il n’est, par conséquent, pas nécessaire de les reconduire dans le présent avis. Elles sont rappelées brièvement ci-dessous. Il s’agit, pour l’essentiel, de recommandations relatives au renforcement de la cohésion territoriale (1), à l’amélioration de la procédure de nomination (2), à l’allongement du délai laissé au candidat entre la nomination et la prestation de serment (3), à l’accroissement des possibilités de remises tarifaires (4) et enfin à l’amélioration du dispositif d’élaboration de la cartographie (5). 1. RENFORCER LA COHESION TERRITORIALE 218. Après avoir dressé un bilan de la procédure de nomination aux offices créés dans les 77 zones oranges sur la période 2018-2020 (a), le nouveau régime applicable aux zones oranges sera ensuite exposé (b). a) Le bilan de la procédure de nomination aux offices créés dans les 77 zones oranges sur la période 2018-2020 219. Sur la période d’application de la deuxième carte, le régime juridique applicable en zone orange prévoyait que le garde des Sceaux devait, tout d’abord, s’assurer que les conditions de recevabilité des candidatures étaient satisfaites, avant de solliciter l’avis de l’Autorité de la concurrence, dans l’hypothèse où il envisageait de refuser de satisfaire ces demandes. L’Autorité disposait alors pour se prononcer d’un délai de deux mois suivant le dépôt des candidatures. 220. L’arrêté du 3 décembre 2018 susvisé a identifié, pour la profession de notaire, 77 zones « d’installation contrôlée » conformément à la proposition émise par l’Autorité dans son avis n° 18-A-08 du 31 juillet 2018 précité. 221. Sur la période d’application de la deuxième carte, l’Autorité a été saisie de 145 demandes d’avis pour lesquelles le garde des Sceaux envisageait de refuser une création d’offices en zone orange. Dans le cadre de son avis n° 20-AN-01 du 20 juin 2020, elle a conclu qu’elle n’était pas en mesure d’émettre un avis circonstancié sur les demandes de création d’office pour lesquelles elle était consultée, et ce pour trois raisons. 222. En premier lieu, l’imminence de l’adoption de la prochaine carte notaire risquait de faire évoluer la répartition des zones d’installation libre et contrôlée, et de rendre inappropriées les analyses réalisées sur la base de la carte précédente. 223. En second lieu, à la date d’adoption de cet avis, 36 % seulement de l’objectif de nomination de notaires avait été atteint. Un grand nombre de nominations en zones vertes devant encore intervenir, alors que de nombreux candidats en zone orange avaient également déposé des demandes de création d’offices dans plusieurs zones, vertes et oranges, l’analyse de l’Autorité aurait pu être rapidement obsolète. 224. En troisième lieu, ces demandes intervenaient dans un contexte législatif particulier de modification de la procédure de création de nouveaux offices de notaire, notamment en zone orange. Le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée, devenu la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 précitée, était en cours d’adoption au Sénat, et 62

contenait un amendement proposant d’inverser la logique de la procédure de création de nouveaux offices de notaire en zone orange. 225. Au vu de ce qui précède, l’Autorité avait préféré réserver son avis sur chacune des 145 demandes de création d’office pour lesquelles il était sollicité. b) Le nouveau régime juridique applicable aux zones d’installation contrôlée 226. La loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 précitée a encadré les créations d’offices en zone d’installation contrôlée, en les subordonnant désormais au respect de deux conditions. Ainsi, elles ne doivent porter atteinte ni, d’une part, à la continuité de l’exploitation des offices, ni, d’autre part, à la qualité du service rendu. Le III de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 est ainsi modifié : « Dans les zones autres que celles mentionnées au I, il ne peut être créé de nouveaux offices qu’à la condition de ne pas porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu. L’arrêté portant création d’un ou plusieurs nouveaux offices est pris après avis de l’Autorité de la concurrence ». 227. En vertu du régime antérieur, le ministre de la justice pouvait refuser une création d’offices en zone orange lorsqu’elle était de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu. Après avis rendu par l’Autorité de la concurrence dans un délai de deux mois à compter du dépôt d’une candidature complète, le ministre de la justice pouvait, en effet, émettre une décision de refus. Celle-ci devait alors être motivée au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés131. Dans le cas contraire, le garde des Sceaux était, en théorie, tenu de faire droit à la demande de création. En pratique, toutefois, en dépit des 67 avis favorables émis par l’Autorité sur un total de 308 avis, seuls 2 offices ont été créés en zone orange, sur la période 2016-2020. 228. Le nouveau régime juridique prévoit désormais une logique inverse : l’Autorité n’est plus sollicitée pour émettre un avis que dans l’hypothèse où le ministre de la justice envisage une création d’office en zone dite « rouge », et non dans l’hypothèse où il envisage de la refuser (anciennes zones oranges). De plus, l’article 29 de la loi du 24 décembre 2020 ayant modifié l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précité a supprimé toute notion de délai dans lequel l’Autorité serait tenue de se prononcer. 229. L’Autorité salue cette réforme, qu’elle appelait de ses vœux dans son précédent avis. Elle avait en effet constaté que la procédure antérieure avait débouché sur quasiment aucune installation132, et qu’elle pouvait par conséquent être sensiblement améliorée dans un souci d’optimisation des ressources administratives. 2. AMELIORER LA PROCEDURE DE NOMINATION AUX OFFICES CREES 230. Après avoir dressé le bilan de la mise en œuvre de la procédure de nomination sur la période 2018-2020 (a), les récentes modifications de cette procédure seront précisées (b) ainsi que les mesures qui permettraient de rendre la procédure plus efficace (c).

131 En vertu du III de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques précitée. 132 Pour mémoire, deux offices seulement ont été créés en zone orange depuis 2015, alors que l’Autorité a rendu des centaines d’avis individuels. 63

a) Le bilan de la mise en œuvre de la procédure de nomination sur la période 2018-2020 (1) Les délais de traitement des candidatures 231. La télé-procédure sur le portail internet OPM a été ouverte le 1er février 2019 à 14 heures. Au total, la Chancellerie a traité 28 289 demandes de nomination. Le nombre des demandes horodatées au cours des 24 premières heures, plus de 23 000 candidatures, a excédé les recommandations dans toutes les zones vertes de libre installation, de sorte que des tirages au sort ont dû être organisés, selon l’ordre d’instruction des zones déterminé par la Chancellerie. 232. Du 2 avril au 11 juillet 2019, les tirages au sort ont mobilisé pendant 54 demi-journées133 un rapporteur de l’Autorité, deux fonctionnaires de la DACS, un magistrat et un représentant du CSN. 233. Les délais de nomination ont également été allongés par le traitement des renonciations (3 103 demandes, dont 417 après le tirage au sort), caducités (1 467 demandes incomplètes et 6 714 demandes caduques pour cause de nomination dans un office ou de renonciation hors délai), rejets pour défaut d’honorabilité (258 demandes correspondants à 24 demandeurs), doublons (1 601 demandes) et refus de prêter serment (35 cas). 234. En conséquence, le processus de nomination s’est poursuivi jusqu’à la fin de validité de la carte. En effet, les dernières créations d’offices sont survenues début décembre 2020. (2) Les difficultés rencontrées par les candidats dans l’accès à l’information 235. De nombreux notaires nouvellement installés ou candidats à l’installation qui ont contribué à la consultation publique ont déploré un « défaut de transparence » de la procédure de nomination. Ainsi, 53 % d’entre eux ont estimé qu’il conviendrait de mieux informer les candidats sur l’état d’avancement de leur dossier (voir annexe 1). 236. De même, plusieurs professionnels auditionnés ont indiqué avoir rencontré des difficultés en raison d’un manque de visibilité sur l’évolution de l’état de leur candidature. Ils ont ainsi souligné que le système de notification automatique, qui se contente d’indiquer sommairement une modification de leur statut sur le site OPM, ne leur permettait pas de suivre le nombre de désistements et l’évolution du rang d’examen de leur dossier. Certains ont ainsi précisé avoir découvert tardivement, après plusieurs mois sans information, qu’ils étaient désormais en rang utile pour être nommés, alors que leur rang initial ne le laissait pas présager. 237. Ce manque d’information empêche les candidats de suivre l’évolution de leur rang, d’évaluer leur probabilité d’être nommés et donc de s’organiser pour préparer leur nomination, ce qui peut avoir des conséquences importantes sur leur vie professionnelle. Ainsi, par exemple, en raison de l’incompatibilité entre les fonctions d’un titulaire ou associé d’office public et ministériel et celles d’un salarié, que son contrat de travail soumet à un lien de subordination vis-à-vis de son employeur, l’arrêté de nomination vaut démission pure et simple du candidat

133 Contre 76 demi-journées entre le 6 février et le 19 décembre 2017 pour les tirages au sort des demandes reçues en application de la première carte. 64

de son emploi salarié134. Ce dernier ne peut donc pas percevoir d’allocation de retour à l’emploi ou d’indemnité de licenciement en l’absence de rupture conventionnelle préalable. 238. En outre, la prestation de serment doit avoir lieu dans le mois suivant la publication de l’arrêté de nomination au Journal officiel, faute de quoi le nouveau notaire est réputé être « démissionnaire d’office de ses fonctions », sauf cas de force majeure, et l’office créé dans lequel il avait été nommé est supprimé par un nouvel arrêté135. Or, dès sa prestation de serment, le notaire peut être requis par toute personne dans le but d’instrumenter, avec le risque théorique, s’il est dans l’incapacité de le faire, qu’il soit considéré comme démissionnaire pour cause d’« inaptitude à assurer l’exercice normal de ses fonctions »136. La prestation de serment est aussi le point de départ du versement des cotisations dues aux instances professionnelles, que l’activité effective ait démarré ou non. Par suite, une fois nommés, les candidats perdent leurs revenus éventuels tirés d’une activité salariée et disposent d’un délai extrêmement court (ce d’autant plus qu’il n’a pas pu être anticipé) pour trouver des locaux ou recruter des salariés afin de pouvoir commencer à exercer leur profession. b) Les récentes modifications de la procédure de nomination 239. Afin de résoudre les difficultés identifiées dans la mise en œuvre de la procédure de nomination applicable à la première carte, notamment les délais de traitement des candidatures, plusieurs aménagements ont été apportés pour la deuxième carte (1). Ces aménagements n’ont toutefois pas permis de répondre à la totalité des difficultés identifiées, résultant notamment des incitations à former des candidatures multiples, au fort taux de renonciation ou bien encore au tirage au sort manuel. En outre, 64 % des répondants considère que la procédure de nomination, toutes zones confondues, est « insatisfaisante » ou « très insatisfaisante », au regard des objectifs fixés par le législateur. 240. En conséquence, de nouvelles dispositions ont été adoptées, ou devraient bientôt l’être, pour améliorer le dispositif applicable à la troisième carte (2). (1) Les modifications relatives à la procédure de nomination de la deuxième carte 241. Le décret n° 2018-971 du 9 novembre 2018 modifiant la procédure de nomination dans un office créé de notaire, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire a modifié plusieurs dispositions du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité.  Contenu des modifications réglementaires Date de lancement de la télé-procédure différent selon le type de zone

242. L’article 50 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973137 précité, tel que modifié par l’article 1er alinéa 1 du décret n° 2018-971 du 9 novembre 2018 précité, précise la date d’ouverture des candidatures dans les zones d’installation libre et dans les zones d’installation contrôlée.

134 C. Cass, 18 janvier 2012, n° 10-11.457. 135 Article 45 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels ; article 55-1 décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité. 136 Article 45 de l’ordonnance n° 45-1418 précitée. 137 Article 50 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire. 65

243. Dans les zones d’installation libre, elle débute à compter du premier jour ouvré du deuxième mois suivant la publication de la carte, à 14 heures, et se termine dans un délai de dix-huit mois à compter de cette date. 244. Dans les zones d’installation contrôlée, l’ouverture des candidatures débute à compter du premier jour ouvré du huitième mois suivant la publication de ladite carte, à 14 heures, et se termine dans un délai de douze mois à compter de cette date. 245. L’Autorité salue cette disposition qu’elle appelait de ses vœux (paragraphe 131 de l’avis n° 18-A-08 précité). Limitation du nombre de candidatures par personne physique ou morale et par zone

246. L’article 1er alinéa 2 du décret n° 2018-971 du 9 novembre 2018 précité, modifiant l’article 51 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité, limite à présent le nombre de candidatures qui peuvent être déposées par les candidats. 247. Désormais, chaque demandeur, personne physique ou morale, ne peut déposer qu’une seule demande par zone. Par ailleurs, une personne physique ne peut demander sa nomination, que ce soit à titre individuel ou en qualité d’associé, qu’une seule fois par zone. Encadrement des possibilités de renonciation des candidats 248. L’article 1er alinéa 3 du décret n° 2018-971 du 9 novembre 2018 précité, modifiant l’article 52 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, encadre les possibilités de renonciation des candidats. 249. Tant dans les zones d’installation libre que dans les zones d’installation contrôlée, cette renonciation doit intervenir dans un délai de deux mois suivant la date d’ouverture du dépôt des candidatures. Passé ce délai, toute renonciation à une ou plusieurs demandes de création d’office portant sur l’une de ces zones entraîne la caducité de l’ensemble des demandes de création d’office déposées par l’intéressé dans lesdites zones.  Apport des modifications réglementaires 250. Les modifications susmentionnées doivent permettre, par un mécanisme incitatif, de réduire l’afflux de demandes en s’assurant que les candidats à l’installation privilégient des projets sérieux, dans des secteurs qu’ils connaissent et pour lesquels ils ont un réel projet d’installation, favorisant la pérennité de leur future entreprise. 251. Mais ces dispositions n’ont pas démontré tous leurs effets, notamment en termes de raccourcissement des délais d’instruction, et de nouvelles mesures ont été adoptées en 2020. (2) Les modifications relatives à la procédure de nomination qui entreront en application pour la troisième carte 252. En 2020, deux textes réglementaires ont modifié le régime juridique relatif à la procédure de nomination et seront en vigueur pour l’application de la troisième carte : l’arrêté du 23 novembre 2020, d’une part, et le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973138, d’autre part.

138 Décret n° 2020-949 du 30 juillet 2020 fixant les modalités de maintien de la demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire à la suite d’un tirage au sort. 66

 Contenu des modifications réglementaires Condition de maintien des candidatures à la suite du tirage au sort 253. L’article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 tel que modifié par l’article 2 du décret n° 2020-949 du 30 juillet 2020 fixe les modalités de maintien des demandes de création d’office déposées par les candidats. 254. Lorsqu’une demande est tirée au sort, le demandeur doit en effet indiquer, par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice, s’il désire maintenir sa demande, dans un délai de dix jours francs suivant la publication du procès-verbal du tirage au sort. Passé ce délai, il est réputé y avoir renoncé. 255. Cette renonciation entraîne la caducité de l’ensemble des demandes de création d’office déposées par l’intéressé en application du I de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 susmentionnée. 256. L’arrêté du 23 novembre 2020139 précise que la demande de maintien de sa nomination dans un office créé doit : (i) être adressée par téléprocédure sur le site du ministère de la justice ; (ii) être datée et signée ; (iii) et indiquer le numéro de la zone et le nom de la commune dans lesquelles la demande a été faite. 257. En cas de pluralité de demandes, le demandeur doit produire, pour chacune d’entre elles, une déclaration de maintien. 258. Lorsque la demande de nomination émane d’une société, la déclaration de maintien de la demande est signée par le mandataire de la société ou, lorsque la société n’est pas encore constituée, par le mandataire des associés. Caducité des demandes incomplètes 259. L’article 1er de l’arrêté du 23 novembre 2020140 modifiant l’article 4 de l’arrêté du 16 septembre 2016141, réduit à 10 jours au lieu de 15 jours le délai durant lequel les candidats peuvent envoyer au garde des Sceaux les pièces manquantes à leur demande de nomination dans un office. Ce délai commence à courir après que le garde des Sceaux ait sollicité les éléments manquants. 260. La réduction de ce délai, qui était initialement de 15 jours, contraint ainsi les candidats à une plus grande réactivité. Tirage au sort électronique 261. L’application des deux précédentes cartes des notaires a nécessité le recours à un tirage au sort manuel, dont l’Autorité a déjà souligné les limites dans son avis n° 18-A-08142. En effet, le recours à un tel tirage au sort, outre qu’il mobilise plusieurs personnes pendant de

139 Arrêté du 23 novembre 2020 relatif aux modalités de maintien des demandes de création d’offices des notaires. 140 Arrêté du 23 novembre 2020 modifiant le délai pour compléter une demande de nomination dans un office créé ou un office vacant de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire. 141 Arrêté du 16 septembre 2016 fixant la liste des pièces à produire pour une demande de nomination en qualité de notaire dans un office à créer. 142 Avis n° 18-A-08 précité, paragraphes 168 à 172. 67

nombreuses demi-journées143, ne permet pas d’attribuer un rang à chaque candidat de façon simultanée dans toutes les zones. Il est donc source de délais importants. 262. Dans son avis n° 18-A-08144, l’Autorité a souligné que substituer à ce tirage au sort manuel une procédure électronique ne posait par ailleurs aucun problème juridique, dès lors qu’il assurait un aléa réel et une « égalité devant l’aléa »145 des candidats et dès lors que certaines règles étaient garanties (notamment celle de la régularité tout au long de la procédure et de la publication du code informatique utilisé pour effectuer le tirage au sort)146. 263. Les services de la DACS ont indiqué, au cours de l’instruction, que les modalités d’un tirage au sort électronique avaient été définies et que sa mise en place serait effective en 2021. Le futur arrêté consacrant le tirage au sort électronique devrait ainsi, selon la DACS, être publié concomitamment à l’arrêté homologuant la proposition de carte de l’Autorité.  Apport des modifications réglementaires 264. S’agissant des dispositions réglementaires précitées relatives aux conditions de maintien des candidatures, elles sont lourdes de conséquences puisque toute renonciation entraîne la caducité de l’ensemble des demandes de création d’office déposées par l’intéressé. 265. En outre, si avec l’instauration du tirage au sort électronique, le garde des Sceaux conserve l’ordre d’examen des zones qui prévalait jusqu’à présent147, il examinera prioritairement les zones les moins demandées. 266. Par conséquent, ces dispositions risquent de contraindre les candidats aux fonctions de notaire à accepter de s’installer dans des zones d’une attractivité moins grande que celles qu’ils auraient souhaitées, puisque tout désistement entraîne la caducité de l’ensemble de leurs demandes. 267. Par ailleurs, si les candidats poursuivent la stratégie consistant à déposer de multiples candidatures, tant dans des zones attractives économiquement que dans des zones qui le sont moins, les zones les plus attractives risquent in fine de bénéficier d’un nombre insuffisant de candidats, le vivier des candidats s’amenuisant au fur et à mesure de leur nomination dans les zones les moins demandées. 268. Ces deux risques pourraient être neutralisés si les candidats modifiaient leur stratégie et introduisaient désormais des demandes d’installation uniquement lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre de projets aboutis et réfléchis, en ayant pleinement conscience qu’ils pourraient bel et bien devoir s’installer dans les zones les moins attractives économiquement, s’ils choisissent de s’y porter candidats. Ipso facto, les zones les plus attractives économiquement ne devraient pas manquer de candidats. 269. Pour autant, en pareille situation, deux nouveaux risques pourraient apparaître : d’une part, les zones les moins attractives économiquement pourraient manquer de candidats ; d’autre part, les candidats risquent d’avoir une plus faible chance d’être nommés dans les zones les

143 Ainsi, les 247 tirages au sort dans le cadre de la deuxième carte ont mobilisé pendant 76 demi-journées, du 6 février au 28 septembre 2017, un représentant de l’Autorité, deux fonctionnaires de la DACS, un magistrat et un représentant du CSN (paragraphe 142 de l’avis n° 18-A-08 précité). 144 Avis n° 18-A-08 précité, paragraphes 168 à 172. 145 Conclusions du commissaire du Gouvernement, Conseil d’État, avis du 15 janvier 1997, n° 182777. 146 Avis n° 18-A-08 précité, paragraphes 168 à 172. 147 Ordre croissant des écarts entre les recommandations quant au nombre de créations d’office et le nombre total de demandes de création d’office enregistrées sur la zone. 68

plus attractives, eu égard au nombre important de candidatures que ces zones devraient enregistrer. 270. L’application de nouvelles modalités de candidature devrait donc, pour qu’elle soit pleinement efficace, s’accompagner d’une plus grande sélectivité des projets par les candidats eux-mêmes. Par ailleurs, pour avoir de meilleures chances d’être nommés, les candidats pourraient privilégier des choix atypiques d’installation, pour lesquels les candidatures sont relativement faibles. Compte tenu de l’impact important des changements apportés au processus de sélection des candidatures aux offices créés dans le cadre de la libre installation, la mise en œuvre d’une campagne de communication suffisante auprès des candidats, afin de les informer de ces nouvelles modalités de sélection, apparaît particulièrement nécessaire. 271. S’agissant ensuite des dispositions relatives à la caducité des demandes incomplètes, la réduction du délai contraint les candidats à une plus grande réactivité et s’inscrit dans la stratégie susmentionnée consistant à limiter les candidatures à celles qui s’inscrivent dans un projet d’installation sérieux et réfléchi. 272. S’agissant enfin de la mise en place d’un tirage au sort électronique, cette évolution bienvenue devrait permettre une meilleure gestion des candidatures et un gain de temps évident pour les différents acteurs impliqués dans ce processus, à savoir la DACS, le CSN et l’Autorité. 273. Si ces nouvelles dispositions ne correspondent pas exactement aux recommandations formulées par l’Autorité dans ses précédents avis, elles concourent néanmoins aux mêmes objectifs de réduction des délais et d’amélioration de la qualité des projets d’installation. L’Autorité salue donc ces mesures et en effectuera un bilan lors de la prochaine révision de la carte en 2023. Pour l’heure, il importe que les candidats potentiels soient informés sur ces nouvelles modalités d’examen de leurs demandes. L’Autorité invite donc la Chancellerie à communiquer largement sur ces modifications auprès des professionnels concernés. c) Rendre la procédure plus efficace en augmentant la transparence sur l’état d’avancement des candidatures et l’évolution des rangs d’instruction des demandes 274. Certains candidats interrogés au cours de l’instruction déplorent un manque d’information sur l’avancée du traitement de leurs candidatures, ou des retards, en raison notamment des nombreux désistements, qui modifient les rangs de traitement des demandes. Ces éléments auraient conduit certains candidats, pris au dépourvu par l’annonce de leur nomination, soit à y renoncer, soit à chercher des locaux et du personnel dans l’urgence, alors qu’ils ne disposent que d’un mois pour prêter serment, à l’issue duquel ils sont tenus d’instrumenter. 275. Le ministère de la justice a indiqué avoir désormais mis en place un système de notification automatique aux candidats lorsqu’un élément nouveau peut être consulté sur leur compte personnel sur le site OPM. En outre, les services de la DACS ont indiqué qu’avec l’entrée en application du décret du 9 novembre 2018 précité, les candidats sont désormais informés par courriel automatique de la publication prochaine de l’arrêté créant l’office demandé. 276. Dans ce contexte, l’Autorité salue les efforts déployés par la DACS et se réjouit de ces nouvelles mesures, qui répondent aux difficultés sérieuses constatées sur le terrain et signalées par les candidats à l’installation. Une amélioration incrémentale pourrait toutefois être suggérée, sous réserve de sa faisabilité technique et de son coût budgétaire : archiver les informations publiées sur la plateforme OPM. L’introduction d’une telle option serait utile 69

tant à l’Autorité qu’aux professionnels en place et aux aspirants aux professions concernées, en leur permettant d’appréhender plus finement la réalité des marchés concernés. Néanmoins, l’Autorité comprend de ses échanges avec la DACS qu’un tel changement n’est pas envisageable à l’heure actuelle. 3. PRECISER LE DELAI LAISSE AUX CANDIDATS ENTRE LA NOMINATION ET LA PRESTATION DE SERMENT POUR LA CREATION DES NOUVEAUX OFFICES 277. L’article 57 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 précité prévoit que « dans le mois de leur nomination, les notaires prêtent serment, devant le tribunal judiciaire » et qu’ils entrent en fonction à compter du jour de leur prestation de serment. 278. L’article 45 de l’ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 prévoit que « tout officier public ou ministériel qui ne prête pas le serment professionnel dans le mois de la publication de sa nomination au Journal officiel est déclaré démissionnaire d’office de ses fonctions sauf s’il peut justifier d’un cas de force majeure » (soulignement ajouté). 279. Ce délai d’un mois apparaît extrêmement court pour permettre aux candidats retenus par la télé-procédure de s’installer. En effet, la procédure elle-même ne permettant pas toujours aux candidats de disposer de perspectives fermes en termes de calendrier d’installation (voir paragraphes 238 et suivants), certains candidats ne sont parfois informés de la zone dans laquelle ils sont nommés que le jour de leur nomination148. Dans un tel cas de figure, les candidats ne disposent en théorie, selon les textes, que d’un mois pour louer des locaux, s’installer et recruter du personnel afin de pouvoir honorer leur obligation d’instrumenter. 280. Par ailleurs, en vertu des textes réglementaires, les candidats à l’installation qui sont salariés doivent joindre à leur dossier une demande de démission de leurs fonctions sous la condition suspensive de leur nomination en qualité de titulaire d’un office créé. Or, il a été souligné lors de l’instruction que certains professionnels salariés nommés se retrouvaient en situation potentiellement irrégulière vis-à-vis de leur employeur car la procédure ne leur permettait pas de respecter le délai de préavis qu’ils sont généralement tenus de respecter après leur démission149. 281. En séance, la DACS a toutefois indiqué qu’en vertu d’une pratique administrative, les candidats bénéficiaient dans les faits d’un délai de six mois entre leur nomination et leur installation effective. Le ministère de la justice indique par ailleurs, sur son site internet, que les professionnels disposent en réalité « du temps strictement nécessaire pour résoudre les différents problèmes pratiques qui s’opposent à [leur] installation effective immédiate »150.

148 À cet égard, les services de la DACS ont indiqué qu’avec l’entrée en application du décret du 9 novembre 2018 précité, les candidats devraient être informés par courriel automatique de la publication prochaine de l’arrêté créant l’office demandé. 149 À titre d’exemple, l’article 11 de la Nouvelle convention collective nationale du notariat du 19 février 2015 (Accord du 19 février 2015 portant actualisation et consolidation de la convention nationale du notariat du 8 juin 2001), prévoit que le délai-congé qui doit être respecté par un salarié en cas de démission varie entre un et trois mois en fonction de sa durée de présence dans l’office et en fonction des circonstances dans lesquelles intervient cette démission. 150 Voir le document intitulé « FAQ – maj octobre 2018 » publié sur le site du ministère de la justice (https://opm.justice.gouv.fr/sites/default/files/FAQ%20-%20maj%20octobre%202018_0.pdf). 70

282. En conséquence, l’Autorité prend acte de la souplesse avec laquelle le respect de ce délai est appliqué et considère qu’il n’est, dès lors, pas nécessaire de maintenir une recommandation en la matière. 4. ACCROITRE LES POSSIBILITES DE REMISES TARIFAIRES 283. Dans l’avis n° 18-A-08 précité, l’Autorité proposait d’accroître le montant des remises de droit commun prévues par le code de commerce151. En effet, ces remises étaient alors plafonnées à 10 %, sur la part d’émolument calculée au-delà de 150 000 euros d’assiette, ce qui en limitait de facto fortement l’importance pour des biens de valeur moyenne152. L’Autorité préconisait ainsi d’accroître ces possibilités de remises, comme elle l’avait d’ailleurs déjà proposé dans des avis précédents, non seulement en augmentant le taux plafond de 10 % à 20 %153, mais aussi en abaissant le seuil d’assiette de 150 000 à 75 000 euros154. 284. Ces recommandations ont été pour l’essentiel suivies d’effet dans le décret n° 2020-179 du 28 février 2020155 et l’arrêté du même jour fixant les tarifs réglementés des notaires. Depuis le 1er janvier 2021156, le seuil d’assiette des remises partielles est fixé à 100 000 euros et le taux maximal de remises à 20 %. De plus, le taux des remises mentionnées à la deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 444-2, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, peut être convenu librement entre le professionnel et son client pour la part d’émoluments excédant un seuil d’émoluments fixé à 200 000 euros (article 118 de l’arrêté du 28 février 2020 précité). 285. L’Autorité salue l’adoption de ces mesures, qui devraient permettre d’intensifier la concurrence par les prix dans un secteur qui en a longtemps été privé, et invite le Gouvernement à poursuivre sa réflexion sur cette question. En effet, la pratique des remises profite à la fois aux notaires, qui peuvent mettre en œuvre une réelle stratégie tarifaire et,

151 Article L. 444-2 du code de commerce : « Des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent article et lorsque l’assiette de ce tarif est supérieure à un seuil défini par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3. Le taux des remises octroyées par un professionnel est fixe, identique pour tous et compris dans des limites définies par voie réglementaire. » 152 L’émolument dû au titre d’une vente ou cession de gré à gré (article A. 444-91 du code de commerce) s’élève à un peu plus de 2 000 euros pour un bien d’une valeur de 200 000 euros. Dès lors, la remise maximale de 40 euros correspondait à environ 2 % de l’émolument total perçu pour une telle vente. À titre de comparaison, pour un bien d’une valeur d’un million d’euros, l’émolument total s’élevant à plus de 8 500 euros, la remise d’environ 700 euros correspondant à environ 8 % des émoluments totaux. 153 Voir les paragraphes 220 à 222 de l’avis n° 16-A-03 du 29 janvier 2016 concernant un projet de décret relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice prévu par l’article 50 de la loi du 6 août 2015. 154 Avis n° 20-A-03 du 14 février 2020 relatif à un projet de décret modifiant certaines dispositions de la partie réglementaire du code de commerce. 155 Décret n° 2020-179 du 28 février 2020 relatif aux tarifs réglementés applicables à certains professionnels du droit – article 6. 156 L’article 1 de l’arrêté du 28 avril 2020 modifiant les arrêtés du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des professions réglementés du droit. 71

ainsi, se différencier et à leurs clients, qui tirent aussi un bénéfice direct et substantiel de cette concurrence renforcée, ce qui était l’un des objectifs essentiels de la réforme de 2015. 5. AMELIORER LE DISPOSITIF D’ELABORATION DE LA CARTE 286. Dans son précédent avis, l’Autorité recommandait au ministère de la justice, en complément des données transmises par les instances nationales et afin de faciliter la collecte et l’actualisation des données, de publier régulièrement (par exemple chaque trimestre) sur son site internet, ou sur le site OPM, des données relatives à la démographie de la profession notariale, et en particulier des statistiques zone par zone sur le nombre de notaires, le nombre d’offices et la vie de ces offices (offices supprimés, offices créés, offices transférés, bureaux annexes transformés en offices distincts, bureaux annexes créés, bureaux annexes supprimés, nominations, retraits, radiations,…). 287. Le décret n° 2020-931 du 29 juillet 2020157 est toutefois intervenu pour modifier le régime en vigueur en prévoyant des modalités différentes. Ainsi, à compter du 1er janvier 2021, le CSN est chargé de publier sur son site internet et de tenir à jour les listes suivantes :

- la liste des notaires salariés concernés par les déclarations de reprise d’activité ;

- la liste des notaires exerçant au sein des structures dont la forme sociale a fait l’objet d’une transformation sans dissolution ;

- la liste des associés en exercice en cas de cession par un associé de la totalité de ses parts ou actions sociales à la société, aux autres associés ou à l’un ou plusieurs d’entre eux. 288. Par ailleurs, de nombreuses informations relatives à la procédure de nomination sont publiées sur le site OPM (calendrier des tirages au sort, procès-verbaux des tirages au sort, appels à manifestation d’intérêt…). 289. Bien que les recommandations formulées par l’Autorité n’aient pas été suivies dans leur intégralité, les modifications réglementaires qui sont intervenues s’inscrivent dans une logique d’accroissement de la transparence et de l’accessibilité des informations, ainsi que l’Autorité l’appelait de ses vœux. 290. L’Autorité se félicite donc de ces nouvelles mesures mises en œuvre par la DACS. Sous réserve de sa faisabilité technique et budgétaire, l’amélioration incrémentale relative à l’archivage des informations publiées sur le site OPM, déjà suggérée au paragraphe 276, viendrait utilement compléter ces évolutions. C. LES RECOMMANDATIONS À METTRE EN ŒUVRE LORS DE LA PROCHAINE PÉRIODE BIENNALE 291. Les recommandations qu’il conviendrait de mettre en œuvre lors de la prochaine période biennale sont relatives aux transferts d’offices entre deux cartes (1), aux barrières à l’entrée

157 Décret n° 2020-931 du 29 juillet 2020 relatif aux obligations déclaratives des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires et aux décisions de dispenses et d’admission à concourir pour l’accès à ces professions. 72

pour les candidats aux offices (2), au dispositif d’élaboration de la carte (3) et, enfin, à l’accès des jeunes et des femmes aux offices (4). 1. RECOMMANDATIONS RELATIVES AUX TRANSFERTS D’OFFICES ENTRE DEUX CARTES 292. Le régime des transferts d’office de notaire, prévu par l’article 2-6 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 modifié par l’article 7 du décret n° 2020-931 du 29 juillet 2020 dépend du type de zone au sein de laquelle le transfert est envisagé :

- les transferts au sein d’une zone verte nécessitent simplement une déclaration, au plus tard dans un délai de dix jours à compter de ce transfert, auprès du bureau du CSN, de la chambre des notaires et du procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle l’office a été transféré158 ;

- les transferts au sein d’une zone rouge doivent être autorisés par arrêté du garde des Sceaux159. 293. La précédente carte déterminant les zones d’installation des notaires, instituée pour deux ans160, est arrivée à échéance le 3 décembre 2020. Or aucune disposition ne prévoit les modalités de transfert d’office lorsque la validité de la dernière carte en vigueur est expirée. 294. Interrogée sur les règles appliquées en l’absence de carte en cours de validité, la DACS a indiqué à l’Autorité que « le régime d’autorisation préalable redevient la règle en tout point du territoire ». Ainsi, les transferts d’office sur déclaration préalable ne sont plus possibles et doivent nécessairement être autorisés par le garde des Sceaux, quelle que soit la zone concernée. La DACS précise que « les autorisations de transfert et les décisions de rejet sont motivées en référence au dernier arrêté carte ayant été publié ». 295. Depuis la mise en application de ces règles au 3 décembre 2020, la DACS a indiqué avoir autorisé 82 transferts, soit la totalité des demandes introduites. 296. La DACS estime que l’application temporaire de ce régime est « parfaitement compris[e] et accepté[e] » et qu’il n’y a donc pas lieu de prévoir de mesures transitoires. 297. Toutefois, il ressort de l’instruction que l’absence de dispositions prévoyant les règles applicables en cas de période transitoire entre l’adoption de deux cartes est source d’interrogations pour les professionnels concernés et que ceux-ci ne sont pas suffisamment informés du régime appliqué. Ce manque d’information aurait ainsi empêché certains professionnels de mener à bien leur projet de transfert. Cette incertitude juridique peut s’avérer d’autant plus préjudiciable lorsque la période concernée s’étend sur plusieurs mois. 298. Dès lors, dans un souci de sécurité juridique, il apparaît nécessaire de préciser les modalités selon lesquelles s’effectuent les demandes de transfert d’office en cas de période de latence entre l’expiration de la précédente carte et l’adoption de la nouvelle, afin de mieux informer les professionnels sur les démarches requises et de leur donner une meilleure visibilité sur leur projet de transfert.

158 II de l’article 2-6 du décret n° 71-942 précité. 159 III de l’article 2-6 du décret n° 71-942 précité. 160 Article 1 de l’arrêté du 3 décembre 2018 pris en application de l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la profession de notaire. 73

RECOMMANDATION RELATIVE AU RÉGIME DES TRANSFERTS D’OFFICES ENTRE DEUX CARTES

Recommandation n° 1 :

Préciser les modalités selon lesquelles s’effectuent les demandes de transfert d’office en cas de période de latence entre l’expiration de la précédente carte et l’adoption de la nouvelle.

2. RECOMMANDATIONS EN VUE D’ABAISSER LES BARRIERES A L’ENTREE POUR LES CANDIDATS A L’INSTALLATION 299. Conformément à sa mission161, l’Autorité a procédé à une analyse des conditions d’entrée sur le marché des prestations fournies par les notaires, afin de déceler l’existence d’éventuelles barrières à l’entrée qui pourraient limiter les effets de la réforme et de recommander des mesures permettant de faciliter l’accès à ce marché. À ce titre, seront examinées dans cette partie la sollicitation personnalisée (a), puis la mutualisation et la sous- traitance des prestations notariales (b). a) Sur la sollicitation personnalisée 300. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016162 a autorisé plusieurs professions réglementées du droit, dont les notaires, à recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et à proposer des services en ligne. 301. Ce mode de communication n’est pas défini par la loi mais le Règlement intérieur national de la profession d’avocat en propose, par exemple, la définition suivante : « un mode de publicité personnelle, [qui] s’entend de toute forme de communication directe ou indirecte, dépassant la simple information, destinée à promouvoir les services d’un avocat à l’attention d’une personne physique ou morale déterminée » (article 10.1). 302. Pris en application de la loi n° 2016-1547 précitée, le décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 relatif aux officiers publics ou ministériels encadre l’extension des modes de communication auxquels ces professionnels peuvent recourir. 303. Le nouveau régime applicable est défini aux articles 42 à 44 du décret du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics et ministériels, tels que modifiés par le décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 précité. L’article 42 impose, pour toute sollicitation personnalisée ou proposition de services en ligne, « une information sincère sur la nature des prestations de services proposées par les notaires (…) et [que] leur mise en œuvre respecte les règles déontologiques applicables à la profession, notamment les principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse ». En outre, ces informations doivent exclure « tout élément comparatif ou dénigrant ».

161 Article L. 462-4-1 al. 2 du code de commerce. 162 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. 74

304. En outre, l’instance professionnelle nationale peut prévoir, dans le règlement déontologique de la profession, une obligation de l’informer lorsque les professionnels ouvrent ou modifient substantiellement un site internet en vue de proposer leurs services17. 305. L’offre de services en ligne est également encadrée en ce qui concerne les noms de domaine, qui ne doivent pas évoquer de façon générique le titre de la profession ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de la profession. Enfin, les sites internet « ne peuvent comporter aucun encart ou bannière publicitaire, autres que ceux de la ou des professions exercées, pour quelque produit ou service que ce soit »18. 306. L’Autorité salue l’adoption de ce décret qu’elle appelait de ses vœux dans ses précédents avis. Toutefois, il ressort de l’instruction que les difficultés des nouveaux notaires liées au développement de leur clientèle persistent dans une certaine mesure, l’activité restant fortement concentrée entre les cabinets existants. Deux raisons sont principalement invoquées. 307. En premier lieu, pour un tiers d’entre eux, les nouveaux notaires interrogés dans le cadre de la consultation publique163 ont notamment souligné que l’ambiguïté de certaines dispositions du décret permettait à certaines chambres de les interpréter de façon restrictive, les empêchant de communiquer suffisamment sur leurs activités. Une certaine clarté aurait pu être apportée par le règlement déontologique national des notaires. Toutefois, tel n’est pas encore le cas puisque ce règlement n’a pas été actualisé depuis 2018 et n’est donc pas, à l’heure actuelle, en conformité avec le décret n° 2019-258 du 29 mars 2019 précité. 308. Les interprétations divergentes des dispositions de ce décret sont susceptibles d’être particulièrement préjudiciables en phase de démarrage d’activité, lorsque le notaire nouvellement installé doit constituer sa clientèle. 309. En second lieu, les modalités de mise en œuvre de la sollicitation personnalisée retenues par le décret s’avèrent souvent restrictives. Par exemple, la sollicitation personnalisée « ne peut être effectuée que sous la forme d’un envoi postal ou d’un courrier électronique adressé à une personne physique ou morale déterminée, destinataire de l’offre de service » et exclut

« tout démarchage physique ou téléphonique, de même que tout message textuel envoyé sur un terminal téléphonique mobile » ou toute sollicitation « en rapport avec une affaire particulière »164. 310. Ainsi, certains professionnels ont souligné que les nouvelles dispositions restreindraient en réalité les modalités de communication, en interdisant expressément des outils pourtant couramment utilisés pour développer des contacts, tels que le téléphone ou bien les réseaux sociaux. 311. Cette « interdiction » s’avère d’autant plus pénalisante que les notaires ne peuvent que dans une mesure très circonscrite se différencier par leurs tarifs, ceux-ci étant réglementés, et les facultés de remises réduites (même si elles ont été récemment améliorées, voir la section IV.B.4 ci-dessus). 312. Enfin les notaires qui souhaitent se doter d’un site internet doivent, préalablement, obtenir un agrément de la chambre dont ils dépendent, contrairement aux avocats au Conseil d’État

163 Ils représentent exactement 34 % à estimer que le cadre applicable à la sollicitation personnalisée n’est pas suffisamment clair. 164 Article 2 du décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 relatif aux officiers publics ou ministériels. 75

et à la Cour de cassation, par exemple165. En effet, à la suite d’une recommandation de l’Autorité de remplacer la procédure d’agrément par un contrôle a posteriori166, le règlement général de déontologie des avocats aux Conseils prévoit désormais qu’un professionnel qui ouvre ou modifie substantiellement son site internet « doit en informer le président de l’Ordre et lui permettre d’y accéder » (article 99), et non plus solliciter son autorisation préalable. Par conséquent, afin de favoriser la capacité de développement des offices de notaires récemment créés, il pourrait être utile de remplacer la procédure d’agrément a priori par un contrôle a posteriori, en reprenant par exemple les modalités retenues pour les avocats aux Conseils. 313. Si l’Autorité salue les progrès enregistrés en matière de sollicitation personnalisée, elle estime néanmoins essentiel de clarifier les règles applicables et de les assouplir, de manière à permettre aux professionnels de communiquer efficacement sur leur offre de services, de se faire connaître et de développer leur clientèle. b) Sur la mutualisation et la sous-traitance 314. Les 2-3 juillet 2019, l’Assemblée générale du CSN a adopté deux résolutions relatives, d’une part, à la mutualisation des activités notariales entre les offices et, d’autre part, à la sous- traitance des activités notariales. Le CSN est par ailleurs chargé, en vertu de ces résolutions, de veiller à la réalisation d’un Guide sur la mutualisation et la sous-traitance. 315. Seront successivement évoquées la mutualisation (1) puis la sous-traitance (2). (1) Sur la mutualisation 316. Selon le guide précité, la mutualisation entre offices notariaux « vise la mise en commun, temporaire ou pérenne, selon les situations, de ressources humaines et/ou logistiques. Elle se doit (…) d’être respectueuse de la sécurité contractuelle et du secret professionnel qui sont dus aux clients du notariat »167. 317. Le CSN y distingue deux types de mutualisation : 1) la mutualisation structurelle « interne » : il s’agit de la mutualisation qui « résulte d’une organisation structurelle entre plusieurs offices. Elle peut prendre la forme de regroupements par cession, fusion, apport d’office à un office structuré ou par l’exercice en société multi-offices ». Cette forme de mutualisation ne porte pas atteinte au secret professionnel, dans la mesure où « l’information traitée ne sort pas de l’office et que la mutualisation ainsi organisée entre plusieurs offices permet de développer de nouveaux services en interne »168. En vertu de la réglementation en vigueur169, les notaires associés de sociétés multi- offices ne peuvent pas se comporter comme si les offices distincts étaient des bureaux

165 Article 4.4.2 du règlement national des notaires. 166 Paragraphe 442 de l’avis n° 16-A-18 précité. 167 Guide de la mutualisation et de la sous-traitance précité, page 18. 168 Résolution des 2-3 juillet 2019 de l’Assemblée générale du CSN relative à la mutualisation des activités notariales entre les offices. 169 Articles 46 du décret du 2 octobre 1967 pour les SCP et 38 du décret du 13 janvier 1993 pour les SEL, précisant que le notaire associé d’une société multi-offices n’exerce que dans un seul de ces offices ; article 10 76

annexes, et ne peuvent donc pas exercer indifféremment dans n’importe quel office détenu par la société. Ils ne peuvent exercer que dans les locaux et seulement pour le compte de l’office dans lequel ils ont été nommés. Aussi, les sociétés multi-offices ne sont pas assimilables à des filiales. 2) La mutualisation « externe » : il s’agit de la mutualisation qui résulte « de la mise en commun de moyens, entre deux ou plusieurs offices n’appartenant pas à une même structure juridique ». Elle est généralement utilisée de manière temporaire afin de pallier une difficulté conjoncturelle (elle s’assimile alors à une « entraide » entre offices), mais elle peut s’organiser de manière plus pérenne, pour certaines activités qui ne relèvent pas stricto sensu du cœur de métier des notaires (comme la négociation immobilière ou l’expertise immobilière par exemple). La mutualisation externe doit respecter les principes régissant le secret professionnel et la confidentialité attachée à tout acte ou opération concernée. Dans le cadre de leurs inspections annuelles, les instances sont chargées de contrôler le respect de ces différents principes. 318. La résolution des 2-3 juillet 2019 relative à la mutualisation propose le tableau suivant, récapitulant les tâches notariales mutualisables et celles qui ne le sont pas :

du décret du 26 novembre 1971 énonçant que le notaire ne peut pas recevoir à titre habituel dans un local autre que son étude ; et article 12 du Règlement National énumérant limitativement les lieux dans lesquels le notaire peut recevoir ses actes. 77

Tableau 8 : Tâches notariales mutualisables et non mutualisables170 * dans le respect des clauses spécifiques de confidentialité et des prérequis assurant le respect du secret professionnel associés à l’opération concernée

Source : Résolution des 2-3 juillet 2019 adoptée par l’Assemblée générale du CSN relative à la mutualisation des activités notariales 319. Seules les tâches explicitement et limitativement indiquées dans le guide susmentionné et dans le tableau ci-dessus peuvent faire l’objet d’une mutualisation, dès lors que toutes les précautions sont prises pour assurer le respect du secret professionnel. 320. Par exemple, selon le guide précité, dans le cas de la tenue mutualisée d’un standard téléphonique, le standardiste doit se borner à prendre les appels, à les transférer ou à transmettre un message, mais il ne peut délivrer des conseils ou donner des avis sur un dossier qu’il n’a pas à connaître (cette règle est également valable pour la sous-traitance, développée ci-après). 321. Interrogés sur la question de savoir s’ils recouraient à la mutualisation, peu de notaires nommés dans le cadre de la première et de la deuxième cartes ont répondu par l’affirmative. L’un d’entre eux indique que la mutualisation permet de « partager les coûts et les charges avec des confrères pour employer une personne qui travaillerait pour nous tous par journée ou par heure ». Selon la même personne, cette solution est intéressante « quand on ne peut

170 Par SPE, il faut entendre « Société pluri-professionnelle d’exercice » et par SPFPL, il faut entendre « Société de participations financières de professions libérales ». 78

pas employer une personne à temps partiel ou temps plein ». Les notaires interrogés regrettent que les catégories de tâches mutualisables soient strictement et limitativement énumérées par le CSN, et regrettent en particulier l’interdiction de la mutualisation en ce qui concerne la comptabilité des clients. 322. L’Autorité estime que les possibilités de recours à la mutualisation ont un impact significatif sur l’économie des offices et le choix des modèles d’affaires, particulièrement en phase de démarrage d’activité. 323. Les restrictions résultant de la résolution adoptée par le CSN risquent, à court et moyen terme, de défavoriser les nouveaux notaires installés qui n’auraient pas un volume d’affaires suffisant pour leur permettre d’embaucher un salarié à temps plein ou à temps partiel pour effectuer les tâches que le CSN estime non mutualisables, et qui auraient tout de même besoin de mutualiser, de manière ponctuelle ou régulière, ces missions, particulièrement pendant la phase de démarrage de l’activité (notamment les deux premières années) pendant laquelle il peut être plus difficile de couvrir l’ensemble des coûts fixes. 324. La légalité des mesures prises par le CSN pour réglementer l’activité de mutualisation des notaires est actuellement contestée devant le Conseil d’État dans le cadre d’un contentieux dirigé contre la résolution des 2-3 juillet 2019 précitée. Les pouvoirs publics devront veiller à ce que ces mesures, si elles ne sont pas remises en cause à l’issue de ce contentieux, ne constituent pas des barrières à l’entrée injustifiées pour les nouveaux acteurs. (2) Sur la sous-traitance 325. Ainsi que l’indique le CSN dans le guide précité, il n’existe pas de définition précise de la notion de sous-traitance. 326. En vertu de la résolution des 2-3 juillet 2019 précitée, la sous-traitance n’est possible que « si toutes les possibilités de mutualisation n’ont pas permis pour un office de faire face à une situation exceptionnelle et particulière d’activité ». Dans ce cas, « l’office doit pouvoir nouer des partenariats avec des sociétés de sous-traitance qui se sont engagées à respecter un ensemble de prérequis, dont ceux d’une ambition partagée et de valeurs communes avec la profession notariale ». 327. Le régime juridique de la sous-traitance, défini par le CSN dans la résolution susmentionnée, met ainsi en place une procédure en deux temps :

- « Dans un premier temps, et dès l’adoption de la présente résolution, ces sous- traitants – quelle que soit leur forme – dès lors qu’ils recueillent, collectent, manient ou produisent des données numériques, sont tenus d’être labellisés ETIC et de souscrire à la charte éthique du numérique notarial au terme du processus de labellisation. Ils doivent d’autre part être conformes au Règlement général sur la protection des données (RGPD) ;
- Dans un second temps, ces sous-traitants, quelle que soit leur activité, devront respecter les clauses de confidentialité et les autres prérequis qui seront proposés dans un cahier des charges ad hoc. Ce cahier des charges participera à une procédure d’agrément des sous-traitants à mettre en place. »171 328. S’agissant de la condition relative aux labellisations, l’obtention du label ETIK et la souscription à la charte éthique du numérique notarial impliquent que l’entreprise se soit mise en conformité avec leurs exigences, et ait mis en place les dispositifs de surveillance

171 Le label évoqué a, par la suite, été nommé « ETIK » par le CSN. 79

nécessaire. La charte éthique du numérique notarial a été élaborée par le CSN le 22 novembre 2018 et a pour objectif de « favoriser le développement d’un écosystème numérique vertueux et soucieux de la protection des intérêts de ses utilisateurs »172. Elle concerne toute organisation (legaltechs, éditeurs, entreprises de services du numérique, etc.) faisant usage de la technologie pour fournir, en tout ou partie, des services aux notaires, à leurs clients et à leurs partenaires. 329. S’agissant ensuite de la condition d’agrément du sous-traitant, le CSN délivre l’agrément à l’issue d’un audit visant à s’assurer que le sous-traitant respecte un certain nombre de clauses de confidentialité et d’autres prérequis, cités dans un cahier des charges ad hoc élaboré par le CSN. À l’heure actuelle, l’audit est réalisé par le Bureau Veritas Certification et est facturé 4 375 euros si le sous-traitant emploie une à quatre personnes, et 5 000 euros à compter de cinq personnes173. 330. Sur la base du rapport d’audit, le CSN délivre un agrément, « valable pour une durée de trois ans sous réserve d’être reconduit annuellement (les tarifs présentés tiennent compte de ce renouvellement) »174. Le délai de délivrance de l’agrément, à compter du dépôt du rapport d’audit au CSN, est d’un à deux mois, sauf circonstances particulières (urgence sanitaire, périodes de congés, erreurs dans les demandes, etc.). 331. Dès lors qu’il respecte les conditions susmentionnées, un sous-traitant peut exercer ses missions auprès des offices notariaux. 332. Toutefois, toutes les activités des offices ne peuvent pas faire l’objet d’une sous-traitance. Le tableau ci-après, mentionné dans la résolution des 2-3 juillet précitée, expose de manière exhaustive les tâches qui peuvent être sous-traitées. En dehors des cas limitativement énoncés ci-après, la sous-traitance demeure donc interdite.

172 https://www.notaires.fr/sites/default/files/CP%20-%20Charte%20num%C3%A9rique%20notarial.pdf 173 Réponse du CSN à un questionnaire des services d’instruction. 174 Réponse du CSN à un questionnaire des services d’instruction. 80

Tableau 9 : Tâches notariales susceptibles de faire l’objet ou non d’une sous-traitance

** si la société est agréée pour la sous-traitance Source : Résolution des 2-3 juillet 2019 adoptée par l’Assemblée générale du CSN relative à la sous-traitance des activités notariales 333. Comme dans le cas de la mutualisation, la sous-traitance doit respecter les principes régissant le secret professionnel et la confidentialité attachés à tout acte ou opération concernée. Dans le cadre de leurs inspections annuelles, les instances sont chargées de contrôler le respect de ces différents principes. 334. Il ressort de l’instruction que plusieurs notaires issus de la première et de la deuxième vague de créations d’offices ont déclaré y recourir ou souhaiter y recourir afin de gérer plus efficacement leur charge de travail. Ainsi, pour l’un d’entre eux, « la sous-traitance [lui] permet de [s]e décharger d’un surcroît de travail ou d’un retard dans le traitement des dossiers ». Recourir à un sous-traitant permet donc de répondre aux surcoûts ponctuellement encourus par ces offices. S’agissant des tâches sous-traitées, un des notaires interrogés a, d’ailleurs, admis sous-traiter des actes relevant pourtant de l’interdiction de la sous-traitance 81

formulée par le CSN, comme « la taxation des actes complexes par un comptable extérieur ». 335. Toutefois, des éléments transmis à l’Autorité indiquent que, depuis l’adoption par le CSN de la résolution précitée, le recours à la sous-traitance aurait diminué. Ainsi, une notaire ayant créé une SARL à associé unique, dont l’activité était essentiellement d’effectuer des missions de sous-traitance pour le compte de notaires donneurs d’ordres, a indiqué, au cours de l’instruction, que son chiffre d’affaires avait baissé de 84 % entre juillet et août 2019, avant d’être et de demeurer nul à compter de septembre 2019. Elle réalisait principalement les types de missions suivants : « Je rédige des courriers, des projets d’actes sous seing privés […] et des projets d’acte authentiques. […] Après ma rédaction il appartient au notaire en tant qu’officier ministériel de vérifier l’adéquation juridique, de vérifier les informations et documents, de les corriger et de recevoir ses clients. ». Elle précisait en outre que « Beaucoup d’indépendants n’ont pas pu tenir le coup financièrement et ont dû accepter un CDD ou CDI, abandonnant à contre cœur leur statut d’indépendant pourtant désiré. De plus, avant la demande de nos services était gigantesque de sorte qu’il n’y avait pas à s’inquiéter pour l’avenir, alors qu’aujourd’hui je ne pense pas que je pourrais maintenir ce statut pourtant désiré encore longtemps dans ces conditions ». 336. En cas de recours à la sous-traitance pour une activité interdite par la résolution des 2-3 juillet 2019 ou via un prestataire non-labellisé, le notaire est passible de sanctions disciplinaires au titre des infractions prévues par l’article 6-2 du Règlement national du notariat, selon lequel « le notaire a l’obligation de respecter les circulaires, chartes, conventions et guides émanant du Conseil Supérieur du Notariat ». 337. Depuis l’adoption de la résolution, le CSN a indiqué ne pas avoir eu connaissance de sanctions qui auraient été prononcées sur ce fondement étant précisé que les contrôles sur cette question n’ont débuté qu’en 2020, au cours des inspections annuelles. 338. De même que pour la mutualisation, l’Autorité estime que les possibilités de recours à la sous-traitance ont un impact significatif sur l’économie des offices et le choix des modèles d’affaires, particulièrement en phase de démarrage d’activité. 339. De ce fait, cette résolution pourrait constituer un frein au développement sur le marché des nouveaux notaires installés, dès lors ceux-ci pourraient ne pas être en mesure, en raison de leur volume d’affaires naissant, d’embaucher un salarié à temps plein ou à temps partiel, alors qu’ils ont de réels besoins de sous-traiter, ponctuellement ou régulièrement, un certain nombre de tâches. Or, la procédure d’agrément d’un sous-traitant étant particulièrement fastidieuse et coûteuse, et la liste de tâches pouvant être sous-traitées selon le CSN étant assez restreinte, cela pourrait les empêcher d’y recourir et ralentir leur développement. 340. Sous réserve que la légalité de sa résolution des 2-3 juillet 2019 précitée soit confirmée par le Conseil d’État statuant au contentieux, l’Autorité invite le CSN à préciser le cadre applicable aux activités de mutualisation et de sous-traitance des notaires, et en particulier à veiller à ce que ces mesures ne constituent pas des barrières injustifiées à l’entrée pour les nouveaux acteurs ou des limitations indues à la libre détermination par l’officier ministériel de son mode de fonctionnement, corollaire de la liberté d’entreprendre dont il bénéficie dans les limites compatibles avec ses obligations statutaires définies par la loi. À défaut, le Gouvernement pourrait apporter les précisions nécessaires, en s’assurant, avec la même vigilance, de la proportionnalité des règles adoptées au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi. 82

RECOMMANDATIONS RELATIVES À L’ABAISSEMENT DES BARRIÈRES À L’ENTRÉE POUR LES CANDIDATS À L’INSTALLATION) :

Recommandation n° 2 :

Clarifier les règles applicables en matière de sollicitation personnalisée des notaires et les assouplir, de manière à permettre aux professionnels de communiquer efficacement sur leur offre de services, de se faire connaître et de développer leur clientèle, sous réserve des règles déontologiques.

Recommandation n° 3 :

Veiller à ce que le cadre juridique applicable à la sous-traitance et à la mutualisation d’activités par des offices de notaire n’apporte pas de restrictions indues à la liberté d’organisation de leur activité par les professionnels concernés et, tout particulièrement, n’impose pas de freins disproportionnés au développement des offices créés.

3. RECOMMANDATIONS EN VUE D’AMELIORER LE DISPOSITIF D’ELABORATION DE LA CARTE 341. Au titre de cette recommandation, seront successivement abordées l’extension du champ d’application territorial de la liberté d’installation à l’Alsace-Moselle (a) et la transmission à l’Autorité d’informations nécessaires à l’exercice de ses missions (b). a) Sur l’extension du champ d’application territorial de la liberté d’installation à l’Alsace-Moselle 342. En avril 2019, l’inspection générale de la Justice a adopté le rapport n° 014-19 de la mission sur l’opportunité d’étendre la liberté d’installation des officiers publics et ministériels dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Un rapport du Gouvernement au Parlement sur cette même question était prévu dans les deux ans suivant la promulgation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en vertu du VII de son article 52. À la connaissance de l’Autorité, il n’a pas encore été transmis aux deux assemblées. 343. Dans un premier temps, le rapport de l’inspection générale de la Justice adopté en avril 2019 fait état des particularités attachées au notariat en Alsace-Moselle, et notamment de l’application du droit local, des conditions d’aptitude professionnelle spécifiques et de l’absence du droit de présentation. Pour rappel, la nomination d’un notaire intervient après proposition d’une commission composée de trois magistrats et de deux représentants de la profession, qui présente les candidats par ordre de préférence à l’agrément du garde des Sceaux175.

175 Articles 50 et 51 du décret n° 75-770 du 14 août 1975. 83

344. Dans un deuxième temps, le rapport constate que ni l’utilisation du droit local, ni la situation économique et démographique, ni encore l’absence du droit de présentation ne s’opposent à l’extension à l’Alsace-Moselle du régime de liberté d’installation applicable sur le reste du territoire. La mission met également en évidence les possibles défaillances du système alsacien-mosellan s’agissant, d’une part, du concours professionnel spécifique et, d’autre part, de la commission de présentation. 345. Dans un troisième temps, la mission recommande, outre l’extension de l’article 52 de la loi précitée, la mise en œuvre en Alsace-Moselle de mesures de mise en cohérence avec le dispositif national, telles que la réintroduction du droit de présentation, la disparition de la commission de présentation pour l’attribution aux offices vacants dans les trois départements concernés, le remplacement du concours professionnel spécifique par un examen centré sur le droit local, et, enfin la suppression de l’obligation faite aux candidats d’effectuer deux années ininterrompues de stage en Alsace-Moselle. 346. L’Autorité se félicite de la transmission qui lui a été faite pendant l’instruction de ce rapport, dont les conclusions rejoignent les siennes en ce qui concerne l’opportunité d’étendre le dispositif de liberté d’installation à l’ensemble du territoire national. En effet d’un point de vue économique, rien ne justifie qu’aucun mécanisme ne soit prévu pour l’évaluation des besoins en nouveaux offices de notaires dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. 347. Par conséquent, l’Autorité invite le Gouvernement à transmettre dans les meilleurs délais au Parlement le rapport prévu au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 sur l’opportunité d’étendre l’application de la liberté d’installation aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Ce rapport pourrait s’appuyer sur ses propres travaux relatifs à cette question, comme sur ceux de l’inspection générale de la Justice. b) Sur la transmission systématique d’informations à l’Autorité 348. Seront successivement abordées ici la transmission des données économiques des professionnels (1), et la mise en place d’une comptabilité analytique permettant une ventilation de l’activité entre l’office principal et son (ou ses) bureau(x) annexe(s) (2). (1) Les données économiques des professionnels 349. L’arrêté du 11 septembre 2018176 prévoit que le CSN transmet annuellement aux ministres de la justice et de l’économie et à l’Autorité de la concurrence un ensemble d’informations plus précises que celles mentionnées dans le décret n° 2016-661 précité, dans un format standardisé et selon un calendrier déterminé. À titre illustratif :

- concernant le nombre de notaires, une distinction est opérée entre le nombre de professionnels salariés et le nombre de titulaires ou associés ;

- concernant la localisation des offices, il est prévu que soient transmis non seulement l’adresse et le code postal, mais également le code communal Insee ;

- concernant les données économiques, les indicateurs retenus sont le montant du chiffre d’affaires, des émoluments, des honoraires et du résultat.

176 Arrêté du 11 septembre 2018 relatif au recueil de données et d’informations auprès de certains professionnels du droit. 84

350. En outre, le dispositif prévu par l’arrêté du 11 septembre 2018 présente deux avantages majeurs :

- les informations ne transitent que par la chambre nationale, ce qui est plus respectueux du secret industriel et commercial (voir décision du Conseil d’État du 24 mai 2017) ;

- le dispositif est applicable à toutes les professions concernées par la réforme sur la liberté d’installation. Au contraire, le décret n° 2016-661 précité ne prévoit pas de mécanisme de remontée d’information pour les commissaires-priseurs judiciaires. 351. L’Autorité se réjouit de ces nouvelles dispositions réglementaires qui, en vertu de l’article L. 450-7 du code de commerce177, facilitent son accès aux données économiques des notaires. 352. Afin de rendre l’instruction de ses avis relatifs à la liberté d’installation des notaires encore plus aisée, l’Autorité souhaiterait que certaines données utiles à ses travaux puissent y être également ajoutées. Il s’agit, en particulier, des données relatives aux actes traités par les professionnels (ventilés par grandes catégories, telles que les actes liés à la famille, les actes liés à l’immobilier, etc.), à l’âge et au sexe des notaires et aux bureaux annexes (nombre et localisation géographique). 353. Ces ajouts permettraient de répondre de façon plus satisfaisante aux besoins de l’Autorité et de limiter la charge de travail supportée par les professionnels et leurs instances représentatives. En effet, dans ce nouveau cadre, les professionnels ne seraient tenus de procéder qu’à un seul exercice de transmission de leurs données économiques aux administrations compétentes, qui répondrait à la fois aux besoins de la régulation tarifaire et à ceux de la régulation des conditions d’installation des professionnels. (2) La prise en compte d’une comptabilité analytique permettant une ventilation de l’activité entre l’office principal et son (ou ses) bureau(x) annexe(s) 354. Comme déjà souligné dans l’avis de 2018178, il n’existe pas d’obligation de comptabilité séparée ou de suivi du nombre d’actes traités par les offices principaux et leurs bureaux annexes. Aucune répartition d’activité n’a donc pu être communiquée à l’Autorité. 355. L’Autorité réitère l’intérêt qu’elle verrait à pouvoir analyser précisément la part d’activité réellement imputable à chacun des bureaux annexes dans le cadre de l’élaboration des futures cartes d’installation. L’Autorité recommande donc de demander aux offices de procéder à une ventilation des produits (chiffre d’affaires au minimum) et des actes entre les différents bureaux annexes.

177 Article L. 450-7 du code de commerce : « Les agents mentionnés à l’article L. 450-1 peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d’information détenu par les services et établissements de l’État et des autres collectivités publiques ». 178 Avis n° 18-A-08, paragraphes 209 à 211. 85

RECOMMANDATIONS EN VUE D’AMÉLIORER LE DISPOSITIF D’ÉLABORATION DES CARTES :

Recommandation n° 4 :

Transmettre, dans les meilleurs délais, au Parlement le rapport prévu au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 précitée sur l’opportunité d’étendre l’application de la liberté d’installation aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Ce rapport pourrait s’appuyer sur l’ensemble des travaux préalables relatifs à cette question, notamment ceux de l’Autorité de la concurrence et de l’inspection générale de la Justice.

Recommandation n° 5 :

Ajouter les données suivantes à la liste des données collectées dans les conditions fixées par l’arrêté du 11 septembre 2018 dans le cadre de sa mission d’élaboration des cartes prévues à l’article 52 précité : le « nombre d’actes » (ventilé par grandes catégories), l’âge et le sexe des titulaires ou associés, la localisation et le nombre de bureaux annexes.

Recommandation n° 6 :

Prévoir un outil de suivi de l’activité des bureaux annexes, en imposant une ventilation des produits et des charges entre l’office principal et son (ou ses) bureau(x) annexe(s), dans le cadre de la mise en place de la comptabilité analytique prévue par l’article R. 444-20, II, du code de commerce.

4. RECOMMANDATIONS EN VUE D’AMELIORER L’ACCES DES FEMMES ET DES JEUNES AUX OFFICES 356. Seront successivement abordés ici les éléments démographiques sur les femmes et les jeunes exerçant la profession de notaire (a), la parité au sein des instances et les mesures qui permettraient une meilleure articulation entre la vie privée et la vie professionnelle (b). a) Éléments démographiques sur les femmes et les jeunes 357. La réforme a eu des effets très sensibles sur la féminisation et le rajeunissement de la profession de notaire, qui figuraient parmi les objectifs principaux. 358. Au 30 novembre 2020, la profession comptait 53 % de femmes très inégalement répartie, puisqu’elles représentaient 43,8 % des notaires libéraux mais 75,4 % des notaires salariés. La proportion de femmes accédant à l’exercice libéral est ainsi en très net décalage avec celle constatée chez les diplômés, les femmes représentant environ 71,9 % des dernières promotions de diplômés notaires. 86

Tableau 10 : Nombre de diplômés notaires et de nominations de notaires en tant que titulaires ou associés (source : CSN)

Nominations de titulaires Nominations Nombre de Nombre de ou associés de titulaires diplômes certificats de Nombre de Nombre sur le ou associés fin certificats TOTAL fondement du d’offices Date Sexe supérieurs du notariat stage/Diplô d’aptitude de droit de créés dans le (VU) mes de (ECCT) diplômés présentation cadre de la notaire (VP) (successions loi ou Croissance associations) 31/12/2018 F 396 130 34 560 282 509 31/12/2018 H 161 74 8 243 389 362 31/12/2018 TOTAL 557 204 42 803 671 871 31/12/2019 F 429 133 33 595 441 276 31/12/2019 H 154 69 9 232 530 173 31/12/2019 TOTAL 583 202 42 827 971 449 30/06/2020 F NC NC NC NC 145 224 31/12/2020 H NC NC NC NC 167 143 31/12/2020 TOTAL NC NC NC NC 312 367

359. La liberté d’installation a conduit à des nominations bien plus conformes à la démographie des diplômés. Au 31 décembre 2019, 61,5 % de femmes figurent parmi les créateurs d’offices, ce qui représente une proportion bien plus importante que pour les nominations relevant du droit de présentation, y compris au titre de ces mêmes années (45,4 % seulement). 360. C’est le signe que, pour promouvoir la parité femme-homme dans l’accès à la profession, la liberté d’installation régulée introduite par la loi du 6 août 2015 s’est avérée un facteur puissant, à la différence de ce qui résultait de l’accès à la profession libérale via le droit de présentation. En effet, alors que beaucoup de contributeurs indiquaient, lors de l’élaboration de l’avis de 2016 rendu par l’Autorité en la matière, que la forte proportion de femmes dans des fonctions de notaire salarié relevait d’un choix personnel de leur part et que ces dernières ne souhaitaient pas accéder aux responsabilités impliquées par l’exercice libéral, le nombre de femmes notaires nommées aux offices créés, qui – compte tenu des modalités de tirage au sort – doit être à peu près équivalent au pourcentage de candidates, indique au contraire leur appétence certaine pour l’entrepreneuriat. 361. S’agissant du rajeunissement de la profession, en grande majorité (87 %), les créateurs sont des primo-installés179. Leur âge moyen est de 39 ans, ce qui maintient à 47 ans l’âge moyen de la profession. 362. Au-delà de cet effet mécanique lié aux nouvelles installations, et comme cela a déjà été indiqué dans l’avis de l’Autorité de 2018, le CSN a engagé des démarches de promotion de l’égalité entre hommes et femmes et en faveur d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, dans le cadre du plan managérial du notariat, adopté par l’Assemblée Générale du CSN le 25 avril 2017. Ce plan prévoit notamment de favoriser les expérimentations pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT) et de conduire des actions

179 DACS, Loi Macron : près de 700 nouveaux notaires libéraux en 2019-2020, Communiqué de presse du 14 janvier 2021. 87

pour promouvoir l’égalité réelle femme-homme. De plus, l’assemblée générale du CSN des 3 et 4 juillet 2018 a adopté une « Résolution relative à la mise en œuvre de l’égalité réelle dans le notariat » prévoyant notamment :

- d’améliorer la représentation des femmes dans les instances par exemple, s’agissant de l’élection des délégués de cour, en « [encourageant] la présentation de la candidature d’un binôme composé de délégués de sexe différent » ou la « présentation de candidats de sexe différent à chaque nouvelle élection, permettant une alternance » en fonction du nombre de délégués à élire, ou encore en « [préconisant] la présentation à la candidature au sein des conseils d’administration et de surveillance, des commissions, des groupes de travail, des bureaux et de tout organe de direction des instances et des organismes du notariat, d’une proportion de personnes d’un même sexe comprise entre 40 % et 60 % » ;

- de mettre « d’ores et déjà (…) en œuvre » des « actions concrètes » afin « d’accompagner les femmes et les hommes exerçant des responsabilités professionnelles et de leur permettre de mieux concilier leur vie privée et leur vie professionnelle » (création d’une cellule de coaching, formation à la prise de parole en public). 363. À ce titre, dans son communiqué de presse du 6 mars 2020 relative à la journée de la femme, le CSN indique avoir « mis en place une formation pour améliorer la qualité de vie des notaires dans l’exercice de leurs responsabilités. L’autocensure, frein à l’accès aux responsabilités est également traitée à l’occasion de formations à la prise de parole en public dispensées par l’Ena. ». En 2020, le CSN précise qu’il « accompagnera les notaires dans l’exercice de leur parcours professionnel qui inclut une dimension sur le leadership au féminin ». 364. L’Autorité salue cette démarche volontariste, qui rejoint en partie les mesures qu’elle avait préconisées dans ses avis n° 16-A-13 et n° 18-A-08 pour assurer une meilleure représentation des femmes dans les instances professionnelles et une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. b) Parité au sein des instances et meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle 365. La représentation des femmes au sein des instances professionnelles a récemment augmenté, lors du renouvellement de la gouvernance du CSN en octobre 2020 et à la suite de l’adoption du décret du 14 septembre 2020180. Désormais, l’assemblée générale du CSN est passée de 42 membres en octobre 2018 à 71 membres aujourd’hui, et la part des femmes qui était de 21 % en octobre 2018 est passée à 46 % en octobre 2020 (elle était seulement de 18 % en octobre 2016). 366. Afin d’améliorer encore cette représentation, l’Autorité suggère, comme en 2016 et en 2018, l’extension aux notaires, pour les instances départementales, régionales et nationales du dispositif prévu par l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des instances professionnelles181. 367. L’Autorité encourage, par ailleurs, le CSN à favoriser l’implication des créateurs d’offices dans les diverses instances et les fonctions d’inspection, à proportion de leur importance

180 Décret n° 2020-1130 du 14 septembre 2020 relatif à la représentativité au sein des instances notariales. 181 Avis n° 16-A-25, paragraphes 535 et suivants. 88

démographique dans la profession, ce qui en favorisera mécaniquement la féminisation et le rajeunissement, et en améliorera corrélativement la représentativité. 368. Enfin, il avait été souligné dans les avis de 2016 et de 2018182, que certains contributeurs souhaitaient favoriser la parentalité et améliorer notamment la prise en charge financière des congés maternité. Sur ce point, le décret n° 2019-529 du 27 mai 2019, qui s’applique à l’ensemble des travailleurs indépendants et non pas aux seules professions du droit, prévoit des améliorations notables de l’articulation vie privée/vie professionnelle, en allongeant à 16 semaines la durée d’indemnisation du congé maternité pour les travailleuses indépendantes183. Si ces dispositions constituent une amélioration des conditions antérieures, le dispositif pourrait être complété le cas échéant pour la profession notariale. Le législateur pourrait, par exemple, envisager la mise en place d’un système « de notaire remplaçant » pour faciliter les départs en congé maternité. RECOMMANDATIONS RELATIVES À l’ACCÈS DES FEMMES ET DES JEUNES AUX OFFICES) :

Recommandation n° 7 :

Étendre le dispositif prévu par l’ordonnance n° 2015-949 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des hommes et des femmes au sein des ordres professionnels à la profession de notaire.

Recommandation n° 8 :

Mener une réflexion sur la mise en place d’un système de « notaire remplaçant », notamment dans le cas des congés maternité et paternité.

Recommandation n° 9 :

Favoriser l’implication et la représentation des créateurs d’offices dans les diverses instances représentatives de la profession et les fonctions d’inspection.

182 Avis n° 16-A-25, paragraphes 547 et 548 et avis n° 18-A-08, paragraphe 242. 183 Articles 71 et 76 de la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. 89

V. Conclusion 369. Les deux avis de l’Autorité adoptés en 2016 et 2018 ont permis l’installation de près de 2 300 nouveaux professionnels. L’Autorité de la concurrence constate, comme la DACS, que ce rééquilibrage de l’offre « a permis un meilleur maillage territorial du notariat »184. Elle rejoint également le CSN lorsqu’il affirme qu’ « à l’évidence les créations d’offices et les nominations de notaires issues de la loi croissance se sont traduites par une féminisation renforcée »185. 370. L’adoption de ce troisième avis relatif à la liberté d’installation des notaires et de la proposition de carte des zones d’installation, dont il est assorti, s’inscrit dans un contexte sanitaire très particulier. L’année 2020 a été marquée par l’instauration, sur l’ensemble du territoire national, d’un état d’urgence sanitaire avec la promulgation de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Ce premier état d’urgence sanitaire avait été prolongé jusqu’au 10 juillet 2020. Un deuxième a ensuite été mis en place le 17 octobre 2020 et prorogé jusqu’au 1er juin 2021 inclus. Au cours de cette période, des mesures de confinement applicables à l’ensemble du territoire métropolitain ont été adoptées à trois reprises : d’abord du 17 mars au 11 mai 2020, puis du 30 octobre au 15 décembre 2020, et enfin à compter du 3 avril 2021. 371. L’Autorité s’est attachée à analyser de façon très approfondie l’impact de la crise sanitaire sur l’activité économique des offices notariaux en retenant plusieurs critères complémentaires. Pour cela, elle s’est notamment appuyée sur :

- des données semestrielles d’activité des offices en 2020, transmises par le CSN ;

- les critères identifiés par le décret n° 2016-216 du 26 février 2016 comme pertinents pour évaluer le niveau et les perspectives d’évolution de la demande de prestations notariales (le marché immobilier, la démographie, le nombre de mariages et de décès). 372. Ces travaux mettent en évidence une certaine résistance de l’activité notariale en 2020, malgré un impact visible de la crise, notamment au premier semestre, sur l’économie des offices. Par rapport à 2019, le chiffre d’affaires de la profession aurait baissé d’environ 3 % seulement en 2020. Cette situation s’explique à la fois par un maintien de la demande, notamment en matière immobilière (nombre important de transactions et maintien de prix élevés) et une adaptation de l’offre aux nouvelles conditions d’exercice de l’activité (actes authentiques électroniques avec comparution à distance, par exemple). 373. En outre, l’Autorité relève qu’avant le début de la crise sanitaire, les offices créés dans le cadre de la première carte ont connu des taux de croissance importants, sans entraîner de baisse du chiffre d’affaires des notaires en place. Au premier semestre 2020, le développement des nouveaux offices a certes été fortement freiné par la crise sanitaire, mais ces offices semblent avoir bénéficié d’une solide reprise au second semestre 2020. 374. Dans le cadre de la consultation publique organisée en juin 2020, sur les 118 créateurs d’offices ayant répondu, plus des deux tiers (70 %) estiment que leur activité dégagera un bénéfice après trois années d’exercice ou moins. De plus, 147 contributeurs ont exprimé le

184 Ministère de la Justice, communiqué de presse du 14 décembre 2020. 185 Rapport du CSN du 10 août 2020, intitulé : « La Loi Croissance – Rapport d’évaluation 5 ans après – 6 août 2015 », Section « 5.2. Les mutations engagées ou accélérées » du résumé (abstract), page 16. 90

souhait d’être candidats aux offices potentiellement créés en application de la prochaine carte. 375. Malgré ces données globalement encourageantes, l’impératif de progressivité dans la nomination des nouveaux notaires, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur l’évolution de la situation sanitaire, ont amené l’Autorité à adopter une approche particulièrement prudente pour établir ses recommandations en ajustant certains paramètres méthodologiques par rapport aux deux premières cartes. Ainsi, elle a recommandé de ne pas reconduire sur la prochaine période biennale le reliquat de l’objectif de nominations non atteint sur la précédente carte. Elle a également repoussé l’horizon de long terme auquel elle envisage un rééquilibrage de l’offre et de la demande sur ce marché, de 2024 à 2029. Enfin, elle a ralenti la vitesse de convergence vers cet objectif de long terme. 376. Ces considérations conduisent l’Autorité à proposer au Gouvernement une carte prévoyant, au cours des deux prochaines années, l’installation libérale de 250 nouveaux notaires dans 112 zones du territoire, dont la représentation graphique est la suivante (voir le paragraphe 214 ci-dessus) : Figure 18 : Proposition de carte des zones d’installation

*En application de l’exception prévue au VII de l’article 52 de la loi du 6 août 2015. 377. Ceci permettra de couvrir environ un dixième de l’objectif à l’horizon 2029 (évalué, au regard des données actuellement disponibles, entre +2 400 et +2 600 nouveaux professionnels libéraux). À cet égard, le rythme biennal des révisions des cartes permettra de réévaluer cet objectif de long terme, à la hausse comme à la baisse, en fonction des évolutions de l’activité notariale constatées en 2023, 2025 et 2027. Cette fréquence apparaît particulièrement adaptée pour répondre aux objectifs fixés par le législateur. 91

378. Enfin, l’Autorité relève avec satisfaction qu’un grand nombre de recommandations qu’elle avait formulées dans ses précédents avis ont été, pour l’essentiel, suivies d’effet. L’Autorité salue les avancées ainsi réalisées grâce aux efforts conjoints de l’ensemble des parties prenantes, notamment la DACS, qui ont par exemple conduit à une modification bienvenue de la procédure de nomination dans les zones d’installation contrôlée, à la mise en place d’un tirage au sort électronique ou bien à l’assouplissement du régime applicable aux remises tarifaires. 379. Elle salue également la démarche volontariste du CSN, visant à promouvoir, d’une part, l’égalité entre les hommes et les femmes, d’autre part, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée et, enfin, l’augmentation de la représentativité des femmes au sein des instances professionnelles, comme l’illustre le renouvellement de la gouvernance du CSN en octobre 2020. 380. Quelques mesures complémentaires pourraient encore permettre des améliorations incrémentales : sécuriser le régime applicable aux transferts d’offices pendant la période transitoire entre l’adoption de deux cartes, reconsidérer les règles en matière de sollicitation personnalisée, de sous-traitance et de mutualisation, améliorer les transmissions à l’Autorité d’informations sur l’activité des offices et de leurs bureaux annexes, et continuer à promouvoir l’accès des femmes et des jeunes à l’exercice libéral de la profession, de même que leur représentativité au sein des instances. 381. C’est dans ce cadre que l’Autorité invite le Gouvernement à inscrire les nouvelles perspectives de créations d’offices pour les deux années à venir.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Alexandra Podlinski, Mme Anja Kukanjac et de M. Hengrui Wan, rapporteurs, et l’intervention de M. Thomas Piquereau, rapporteur général adjoint, par Mme Isabelle de Silva, présidente, Mme Fabienne Siredey-Garnier, Mme Irène Luc et M. Henri Piffaut et M. Emmanuel Combe, vice-présidents, M. Frédéric Marty et M. Jean-Louis Gallet, membres.

La secrétaire de séance, La présidente, Caroline Orsel Isabelle de Silva

 Autorité de la concurrence

92

VI. Annexes ANNEXE 1 « SYNTHÈSE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE RELATIVE AUX NOTAIRES » ANNEXE 2 « ANALYSE COMPARATIVE DES ZONES D’EMPLOI 2010 ET 2020 » ANNEXE 3 « COMPOSITION COMMUNALE DES ZONES D’INSTALLATION SPÉCIFIQUES » ANNEXE 4 « FICHE DÉTAILLÉE PAR ZONE D’INSTALLATION » ANNEXE 5 « TABLEAU RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS PAR ZONE D’INSTALLATION LIBRE » 93

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  • I. Introduction
  • II. Le cadre législatif et réglementaire
    • A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA PROFESSION
    • B. LES NOUVELLES MODALITÉS D’INSTALLATION DES NOTAIRES
      • 1. Présentation du dispositif législatif
        • a) L’élaboration de la carte
        • b) Les conditions de nomination des candidats
      • 2. Présentation des mesures réglementaires
        • a) Décret fixant les critères présidant à l’élaboration de la carte
        • b) Arrêté conjoint adopté à la suite de la proposition de carte de l’Autorité du 31 juillet 2018
        • c) Les modifications du régime juridique relatif aux notaires intervenues depuis le précédent avis
          • (1) Le régime de la formation notariale
          • (2) Les modifications du régime concernant les modalités d’adoption de décisions relatives aux offices
          • (3) Les tarifs réglementés des notaires
          • (4) L’accès à la profession de notaire
          • (5) Les modalités de représentation au sein des instances notariales
        • d) L’adaptation du cadre règlementaire à la crise sanitaire
        • e) Allègement de cotisations ordinales en période de crise sanitaire
    • C. LA CONSULTATION PUBLIQUE
  • III. La révision de la carte d’installation des notaires
    • A. ÉTAT DES LIEUX DE L’OFFRE ET DE L’IMPLANTATION NOTARIALES
      • 1. Démographie et implantation géographique
      • 2. Résultats économiques
        • a) Données par office
        • b) Données par notaire libéral
      • 3. La situation économique des notaires installés avant 2017 confrontés à la concurrence des notaires installés dans le cadre de la loi Macron
      • 4. La situation économique des notaires nouvellement installés
    • B. ÉTAT DES LIEUX DE LA DEMANDE ET IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE
      • 1. La crise sanitaire et l’évolution de la situation économique nationale
        • a) Le deuxième trimestre (avril – juin 2020) : une économie brutalement ralentie
        • b) Le troisième trimestre (juillet – septembre 2020) : un rebond de l’économie
        • c) Le quatrième trimestre (octobre – décembre 2020) : un nouveau ralentissement de l’économie mais plus modéré que le premier
        • d) Les perspectives d’évolution de la situation à moyen terme
      • 2. L’impact de la crise sanitaire sur la demande de prestations notariales
        • a) La croissance démographique
        • b) Le nombre de décès
        • c) Le nombre de mariages, PACS et divorces
        • d) Le marché immobilier
        • e) Conclusion
    • C. IMPACT OBSERVÉ DE LA CRISE SANITAIRE SUR LES OFFICES CRÉÉS ET EXISTANTS
      • 1. Un ralentissement des activités notariales au premier semestre 2020
      • 2. Un rattrapage constaté au second semestre 2020
      • 3. Une baisse de chiffre d’affaires globalement contenue pour l’année 2020
    • D. ADAPTATION DE LA MÉTHODOLOGIE
      • 1. La délimitation des zones d’installation
      • 2. La prise en compte de l’offre et de la demande
      • 3. Le recours à des seuils de chiffre d’affaires et l’horizon du rééquilibrage
      • 4. L’impératif de progressivité des créations
        • a) Le scenario « prudent »
        • b) Le scenario « de crise durable »
        • c) Le scenario « très pessimiste »
  • IV. La proposition de carte et les recommandations de l’Autorité
    • A. PROPOSITION DE CARTE RÉVISÉE DES ZONES D’IMPLANTATION, ASSORTIES DE RECOMMANDATIONS SUR LE RYTHME DE CRÉATION DE NOUVEAUX OFFICES NOTARIAUX
    • B. LES RECOMMANDATIONS DES PRÉCÉDENTS AVIS SUIVIES D’EFFET ET QU’IL N’EST PAR CONSÉQUENT PAS NÉCESSAIRE DE RECONDUIRE
      • 1. Renforcer la cohésion territoriale
        • a) Le bilan de la procédure de nomination aux offices créés dans les 77 zones oranges sur la période 2018-2020
        • b) Le nouveau régime juridique applicable aux zones d’installation contrôlée
      • 2. Améliorer la procédure de nomination aux offices créés
        • a) Le bilan de la mise en œuvre de la procédure de nomination sur la période 2018-2020
          • (1) Les délais de traitement des candidatures
          • (2) Les difficultés rencontrées par les candidats dans l’accès à l’information
        • b) Les récentes modifications de la procédure de nomination
          • (1) Les modifications relatives à la procédure de nomination de la deuxième carte
          • (2) Les modifications relatives à la procédure de nomination qui entreront en application pour la troisième carte
        • c) Rendre la procédure plus efficace en augmentant la transparence sur l’état d’avancement des candidatures et l’évolution des rangs d’instruction des demandes
      • 3. Préciser le délai laissé aux candidats entre la nomination et la prestation de serment pour la création des nouveaux offices
      • 4. Accroître les possibilités de remises tarifaires
      • 5. Améliorer le dispositif d’élaboration de la carte
    • C. LES RECOMMANDATIONS À METTRE EN ŒUVRE LORS DE LA PROCHAINE PÉRIODE BIENNALE
      • 1. Recommandations relatives aux transferts d’offices entre deux cartes
      • 2. Recommandations en vue d’abaisser les barrières à l’entrée pour les candidats à l’installation
        • a) Sur la sollicitation personnalisée
        • b) Sur la mutualisation et la sous-traitance
          • (1) Sur la mutualisation
          • (2) Sur la sous-traitance
      • 3. Recommandations en vue d’améliorer le dispositif d’élaboration de la carte
        • a) Sur l’extension du champ d’application territorial de la liberté d’installation à l’Alsace-Moselle
        • b) Sur la transmission systématique d’informations à l’Autorité
          • (1) Les données économiques des professionnels
          • (2) La prise en compte d’une comptabilité analytique permettant une ventilation de l’activité entre l’office principal et son (ou ses) bureau(x) annexe(s)
      • 4. Recommandations en vue d’améliorer l’accès des femmes et des jeunes aux offices
        • a) Éléments démographiques sur les femmes et les jeunes
        • b) Parité au sein des instances et meilleure articulation entre vie privée et vie professionnelle
  • V. Conclusion
  • VI. Annexes

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Textes cités dans la décision

  1. Convention collective nationale unifiée ports et manutention du 15 avril 2011
  2. Convention collective nationale du notariat du 19 février 2015
  3. Décret n°93-78 du 13 janvier 1993
  4. Décret n°71-941 du 26 novembre 1971
  5. Décret n°73-609 du 5 juillet 1973
  6. Décret n°71-942 du 26 novembre 1971
  7. Décret n°67-868 du 2 octobre 1967
  8. Loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990
  9. Décret n°73-1202 du 28 décembre 1973
  10. Décret n°75-770 du 14 août 1975
  11. Ordonnance n°2014-239 du 27 février 2014
  12. LOI n°2015-990 du 6 août 2015
  13. Décret n°2016-216 du 26 février 2016
  14. Décret n°2016-230 du 26 février 2016
  15. Décret n°2016-661 du 20 mai 2016
  16. LOI n°2016-1547 du 18 novembre 2016
  17. Décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017
  18. Décret n°2018-659 du 25 juillet 2018
  19. Décret n°2018-971 du 9 novembre 2018
  20. Décret n°2019-257 du 29 mars 2019
  21. Décret n°2019-258 du 29 mars 2019
  22. Décret n°2019-529 du 27 mai 2019
  23. Décret n°2020-179 du 28 février 2020
  24. Décret n°2020-260 du 16 mars 2020
  25. LOI n°2020-290 du 23 mars 2020
  26. Décret n°2020-395 du 3 avril 2020
  27. LOI n°2020-546 du 11 mai 2020
  28. Décret n°2020-931 du 29 juillet 2020
  29. Décret n°2020-949 du 30 juillet 2020
  30. Décret n°2020-1130 du 14 septembre 2020
  31. Décret n°2020-1262 du 16 octobre 2020
  32. Décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020
  33. Décret n°2020-1331 du 2 novembre 2020
  34. Décret n°2020-1422 du 20 novembre 2020
  35. LOI n°2020-1672 du 24 décembre 2020
  36. Décret n°2021-296 du 19 mars 2021
  37. Décret n°2021-325 du 26 mars 2021
  38. Décret n°2021-384 du 2 avril 2021
  39. Code de commerce
  40. Code de commerce
  41. Code civil
  42. Code des relations entre le public et l'administration
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ADLC, Avis 21-A-04 du 28 avril 2021 relatif à la liberté d’installation des notaires et à une proposition de carte révisée des zones d’implantation, assortie de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices notariaux