Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 6 janvier 2021, n° 18/00538

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. civ., 6 janv. 2021, n° 18/00538
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 18/00538
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Agen, 26 mars 2018, N° 13/00779
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

06 Janvier 2021

CV / NC


N° RG 18/00538

N° Portalis DBVO-V-B7C -CSGI


ONIAM

C/

C A

S.A. CLINIQUE ESQUIROL

Société SHAM

[…]


GROSSES le

à

ARRÊT n° 5-2021

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), établissement public à caractère administratif représenté par son directeur en exercice

[…]

[…]

[…]

représenté par Me David LLAMAS, associé de la SELARL ACTION JURIS, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Pierre RAVAUT, SELARL BIROT-RAVAUT et ASSOCIES,

substitué à l’audience par Me Sophie DAGOURET, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

APPELANT d’un jugement du tribunal de grande instance d’AGEN en date du 27 mars 2018, RG 13/00779

D’une part,

ET :

Monsieur C A

né le […] à […]

de nationalité française, retraité

domicilié : […]

[…]

représenté par Me Alexandre LUTGEN, membre de la SELARL MARTIAL-RLGC, avocat au barreau d’AGEN

SA CLINIQUE ESQUIROL prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

[…] et Mme X

[…]

et Société SHAM prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

représentées par Me B DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Stéphane MILON, membre de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE LOT ET GARONNE DORDOGNE prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

Site Dordogne, service contentieux

[…]

[…]

représentée par Me Betty FAGOT, Cabinet BRUNEAU & FAGOT, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉES

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 12 octobre 2020 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS ET PROCÉDURE

C A a subi le 30 juin 2009 une intervention chirurgicale réalisée à la clinique Esquirol Saint-Z par le docteur Y, ophtalmologue, pour une cataracte de l’oeil gauche.

Il a présenté une inflammation importante de l’oeil qui a été vainement traitée par antibiotiques, et a subi une éviscération le 8 juillet 2009.

Les analyses de prélèvements biologiques ont révélé la présence du germe Serratia Marcescens.

C A a sollicité la désignation d’un expert judiciaire qui a été ordonnée par le juge des référés le 19 mai 2011, le docteur E F-G étant désignée, dont le rapport a été établi le 19 avril 2012.

Par acte du 4 mars 2013, C A a assigné la clinique Esquirol Saint-Z et son assureur, la Société Hospitalière d’Assurance Maladie (la SHAM), devant le tribunal de grande instance d’Agen en responsabilité et indemnisation de son préjudice corporel.

Par acte du 14 mai 2013, la clinique Saint-Z a attrait à la procédure l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (l’ONIAM).

Par jugement du 18 décembre 2014, le tribunal a ordonné une nouvelle expertise médicale et alloué une provision de 10 000 € à C A ; le rapport d’expertise a été établi le 24 août 2015.

Par acte du 7 novembre 2016, C A a assigné la Caisse de Mutualité Sociale Agricole (la MSA) en déclaration de jugement commun.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de grande instance d’Agen a :

— dit que les conditions d’une indemnisation de l’infection nosocomiale de C A au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l’article L 1142-1-1 du code de la santé publique sont réunies,

— dit que l’ONIAM sera tenu de garantir les conséquences dommageables de l’intervention subie par C A,

— condamné l’ONIAM à payer à C A 48 565 € en réparation de son préjudice corporel, déduction devant être faite de la provision de 10 000 € éventuellement versée,

— débouté C A du surplus de ses demandes de dommages-intérêts,

— débouté la MSA de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la Clinique Esquirol Saint-Z et de la SHAM,

— condamné l’ONIAM à payer à C A la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné l’ONIAM aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Par déclaration du 24 mai 2018, l’ONIAM a interjeté appel de la décision, désignant pour intimés C A, la Clinique Esquirol Saint-Z, la SHAM, et la MSA, indiquant que son recours tendait à obtenir l’annulation du jugement et son infirmation, et visait les chefs de la décision qui ont :

— dit que les conditions d’une indemnisation de l’infection nosocomiale de C A au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l’article L.1142-1-1 du code de la santé publique sont réunies,

— dit que l’ONIAM sera tenu de garantir les conséquences dommageables de l’intervention subie par C A,

— condamné l’ONIAM à payer à C A la somme de 48 565 € en réparation de son préjudice corporel, déduction devant être faite de la provision de 10 000 € éventuellement versée,

— condamné l’ONIAM à payer à C A la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné l’ONIAM aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions du 14 janvier 2019, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, l’ONIAM demande à la Cour de :

— à titre principal,

— dire et juger que le déficit fonctionnel permanent imputable a l’infection nosocomiale contractée par C A n’est pas supérieur à 25 %,

— en conséquence, constater que les conditions d’une indemnisation de l’infection nosocomiale de Monsieur A au titre de la solidarité nationale sur le fondement de l’article L 1142-1-1 du

code de la santé publique ne sont pas réunies,

— au surplus, dire et juger que la Clinique Esquirol Saint-Z a commis des fautes à

l’origine de l’infection,

— en conséquence,

— réformer le jugement rendu le 27 mars 2018 par le tribunal de grande instance d’Agen en ce qu’il a mis a la charge de l’ONIAM l’indemnisation des préjudices de C A consécutifs à l’infection nosocomiale qu’il a contractée,

— prononcer la mise hors de cause de l’ONIAM,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

— à titre subsidiaire :

— confirmer le jugement rendu le 27 mars 2018 par le tribunal de grande instance d’Agen en ce qu’il a rejeté les demandes de C A au titre des dépenses de santé futures et de l’incidence professionnelle,

— confirmer le jugement rendu le 27 mars 2018 par le tribunal de grande instance d’Agen en ce qu’il a fixé l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 31 725,00 €,

— réformer le jugement rendu le 27 mars 2018 par le Tribunal de grande instance d’Agen sur l’indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique,

— réduire à de plus justes proportions l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre de ces postes de préjudices dans les limites suivantes :

—  765 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  10 366 € au titre des souffrances endurées

—  1 402 € au titre du préjudice esthétique permanent,

— dire et juger que le montant de l’indemnisation accordée à C A se fera, déduction faite des indemnités de toutes natures versées par les organismes sociaux et tous tiers débiteurs,

— dire et juger que l’ONIAM ne remboursera pas aux tiers payeurs les indemnités de toutes natures versées à Monsieur A,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ONIAM présente l’argumentation suivante :

— le tribunal a écarté la responsabilité de la clinique Esquirol Saint-Z au motif qu’il n’était pas établi que les pratiques imparfaites relevées au sein de l’établissement étaient constitutives de manquements caractérisés aux obligations de prévention de lutte contre les infections nosocomiales et qu’elles aient un lien de causalité avec l’infection subie par C A, alors que

— l’expert, dont la mission prévoyait qu’il vérifie si les protocoles avaient été respectés, n’a pas

répondu sur ce point,

— le tribunal n’a pas davantage répondu, et a écarté de manière contestable le lien de causalité entre les pratiques en question et l’infection de C A, car il relève dans son premier rapport que ces pratiques présentaient une source de contamination possible, et qu’il s’agit d’un germe hospitalier,

— la faute de la clinique Esquirol Saint-Z est établie,

— le tribunal a fixé à tort le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à 27 % par addition de la perte fonctionnelle de l’oeil (25 %) et de la difficulté d’adaptation de C A à sa nouvelle vue, et les conséquences dans sa vie quotidienne au vu de son âge (2 %), alors que le déficit fonctionnel permanent évalué dans le barème du concours médical comprend nécessairement les souffrances endurées et les troubles dans les conditions d’existence,

— l’indemnisation au titre de la solidarité nationale mise en oeuvre par l’ONIAM n’est pas possible pour un déficit fonctionnel n’excédant pas 25 % en vertu de l’article 1142-1-1 du code de la santé publique, or le barème d’évaluation des taux d’incapacité des victimes d’accidents médicaux, d’affection iatrogène ou d’infection nosocomiale annexé au décret n°2003-214 du 4 avril 2003 fixe à 25 % le taux pour la perte d’un oeil ; il n’y a pas lieu de le majorer de 2 %, au titre de la perte de champ visuel, ainsi que l’a fait l’expert dans son premier rapport, ou encore au titre de la difficulté d’adaptation à son nouvel état visuel et pour les conséquences dans la vie de tous les jours ainsi qu’il l’a mentionné dans son second rapport, car le déficit fonctionnel permanent inclut les difficultés d’adaptation et les conséquences dans la vie quotidienne,

— le rapport d’expertise présente une incohérence pour avoir relevé une série de pratiques perfectibles, qui présentent une source de contamination possible, sans en tirer les conséquences, puisqu’il a conclu que la chirurgie de la cataracte de l’oeil gauche de C A avait été réalisée en conformité aux usages en vigueur à l’époque de l’opération,

— sur l’évaluation des préjudices, les postes déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées et préjudice esthétique doivent être minorés.

Par uniques conclusions du 18 octobre 2018, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, C A demande à la Cour de :

— réformer le jugement en ce qu’il a indiqué qu’aucune faute n’était imputable à la Clinique Esquirol Saint Z,

— réformer le jugement en ce qu’il a débouté C A de sa demande au titre des dépenses de santé futures, de l’incidence professionnelle,

— réformer le jugement en ce qu’il a alloué à C A :

— la somme de 1 840 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

— la somme 3 000 € au titre du préjudice esthétique,

— en conséquence :

— dire et juger que la Clinique Esquirol Saint Z est entièrement responsable du préjudice causé à C A,

— la condamner solidairement avec la SHAM, en sa qualité d’assureur, à régler les sommes suivantes

à C A :

— au titre du déficit fonctionnel temporaire total : 640 €

— au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel : 5 680 €

— au titre du déficit fonctionnel permanent : 31 725 €

— au titre des dépenses de santé futures : 10 000 €

— au titre de l’incidence professionnelle : 10 000 €

— au titre des souffrances endurées : 12 000 €

— au titre du préjudice esthétique 4 000 €

— à titre subsidiaire,

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— en tout état de cause,

— condamner l’ONIAM à régler à C A la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile.

C A présente l’argumentation suivante :

— la responsabilité de la clinique est engagée sur le fondement de l’article L.1142-1 du code de la santé publique,

— les expertises ont montré qu’il n’était pas porteur du germe qu’il a contracté au sein de l’établissement lors de son intervention,

— la défaillance de la clinique résulte de négligences qui ont conduit à la contraction du germe réputé pour être particulièrement virulent, des pratiques inadaptées ayant été pointées par le centre de coordination et de lutte contre les infections nosocomiales (CCLIN) ; en outre, il n’a pas été pratiqué d’antibioprophylaxie tenant compte du diabète de C A,

— la clinique ne rapporte pas la preuve d’une cause étrangère seule de nature à l’exonérer,

— les conditions d’une prise en charge par l’ONIAM sont réunies,

— le taux de déficit fonctionnel permanent de 27 % retenu par l’expert est justifié,

— l’évaluation des préjudices de C A doit être majorée.

Par dernières conclusions du 14 mai 2020, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, la clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM demandent à la Cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— débouter l’ONIAM, la MSA et toute partie des demandes dirigées à leur encontre,

— condamner l’ONIAM et la MSA au paiement d’une somme de 3 000 € sur le fondement des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’ONIAM et la MSA aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELARL Ad Lex par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM présentent l’argumentation suivante :

— l’expert n’a retenu aucun manquement imputable à la clinique

— la haute autorité de santé a accordé sa certification sans l’assortir de recommandation,

— le rapport du CCLIN ne signale aucun manquement, et l’expert ajoute que le docteur B de la DDASS a déclaré qu’il est difficile de déterminer un lien causal entre les pratiques imparfaites relevées et l’infection,

— l’absence d’antibioprophylaxie ne peut être retenue comme un manquement,

— les mesures de désinfection prises lors de l’intervention étaient adaptées et les antiseptiques biocompatibles dont le corps médical dispose n’ont qu’une efficacité modérée et ne peuvent éradiquer la totalité de la flore microbienne du champ opératoire, les moyens de décontamination absolue ayant pour effet de tuer tout tissu vivant ne sont pas utilisables en chirurgie, et les études ayant montré qu’il existe des germes à l’intérieur de l’oeil en fin d’intervention,

— les conditions d’une indemnisation par la solidarité nationale sont réunies

— le pourcentage du déficit fonctionnel permanent retenu par l’expert est justifié,

— l’expert a retenu un taux de 25 % au titre de la perte de l’oeil gauche, et y a ajouté 2 % pour la difficulté d’adaptation au nouvel état visuel et les conséquences dans la vie de tous les jours étant donné l’âge de C A,

— l’expert s’est référé à la définition du déficit fonctionnel permanent comme étant la réduction définitive du potentiel physique résultant d’une atteinte à l’intégrité anatomophysiologique à laquelle s’ajoutent les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte, dans la vie de tous les jours,

— l’ONIAM n’est pas fondé à discuter ce taux par référence à un barème devant s’imposer, car outre que ce barème n’est qu’indicatif, la nomenclature Dintilhac retient que le déficit fonctionnel permanent vise à réparer non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie, les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation, la perte d’autonomie personnelle dans les activités journalières, et son évaluation relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge tenant compte des seules circonstances de la cause,

— le recours de la MSA est infondé car il résulte des articles L 1142-17 et L 1142-21 du code de la santé publique que par dérogation à l’article L 1142-1 instaurant un régime de responsabilité de plein droit des établissements de santé en cas d’infection nosocomiale présentant le caractère de gravité défini à l’article 1142-1-1 (déficit fonctionnel supérieur à 25%), la responsabilité de l’établissement où elle a été contractée ne peut être engagée qu’en cas de faute à l’origine du dommage de sorte qu’une caisse de sécurité sociale ayant versé des prestations à une victime peut exercer son recours subrogatoire à l’encontre de l’établissement qu’à la condition qu’elle soit démontrée ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Par uniques conclusions du 3 octobre 2018, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, la MSA demande à la Cour de :

— infirmer le jugement ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes,

— statuant à nouveau,

— condamner in solidum la Clinique Esquirol Saint Z et la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles à verser à la MSA la somme de 26 615,90 € au titre de ses débours définitifs,

— condamner in solidum la Clinique Esquirol Saint Z et la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles à payer à la MSA la somme de 1 066 € au titre de l’indemnité forfaitaire sur le fondement de l’article L.376-1 code de la sécurité sociale,

— condamner in solidum la Clinique Esquirol Saint Z et la Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles à payer à la MSA la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La MSA présente l’argumentation suivante :

— l’infection présentée par C A est liée à la chirurgie pratiquée à la clinique Saint-Z, et provient d’une contamination par un agent pathogène réputé nosocomial virulent,

— les pratiques imparfaites relevées par l’expert caractérisent un non-respect des obligations de prévention de lutte contre les infections nosocomiales et des obligations de prévention de lutte contre les infections nosocomiales constituant la faute de l’établissement de santé à l’origine du dommage subi par C A,

— le recours subrogatoire de la MSA est fondé et justifie la condamnation in solidum de la clinique et de son assureur au paiement des débours exposés à hauteur de la somme totale de 26 615,60 €.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 mai 2020, et l’affaire a été fixée pour être examinée sans audience le 12 octobre 2020.

MOTIFS

Règles relatives à l’indemnisation des dommages résultant d’infections nosocomiales

L’article 1142-1, I, du code de la santé publique relatif à la responsabilité des acteurs de santé dispose que :

— hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute,

— les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.

Ce texte prévoit donc un double régime de responsabilité des établissements de santé, l’un fondé sur

l’existence d’une faute prouvée, l’autre, applicable en cas d’infection nosocomiale, ne nécessitant pas une telle preuve.

Par ailleurs, l’article L 1142-1-1, 1° du même code prévoit qu’ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

— les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 1142-1 correspondant à un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.

Ce texte a pour effet de substituer à la responsabilité des acteurs de santé une prise en charge au titre de la solidarité nationale, mise en oeuvre par l’ONIAM, pour les dommages entraînant un taux d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique (AIPP) supérieur à 25 %.

Cependant, l’article 1142-21 du code de la santé publique permet l’exercice, par l’ONIAM, d’une action récursoire à l’encontre de l’acteur de santé en cas de faute de sa part :

— lorsqu’il résulte de la décision du juge que l’office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l’article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l’établissement de santé, le service ou l’organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l’origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales.

Enfin, la victime, comme le tiers payeur, gardent la possibilité d’agir contre un professionnel de santé en cas de faute même si le taux d’AIPP excède 25 %, sur le fondement de l’article 1142-1 alinéa 1er, et dans ce cas, les dispositions de l’article L.1142-1-1, 1° relatives à la prise en charge au titre de la solidarité nationale et celles relatives à l’action subrogatoire de l’ONIAM ne sont pas applicables.

La présente action a été introduite par C A sur le fondement de l’article 1142-1 alinéa premier du code de la santé publique relatif à la responsabilité pour faute de l’établissement de santé.

Sur la responsabilité de la clinique Esquirol Saint-Z

La responsabilité pour faute prouvée est engagée en cas de survenance d’un dommage dont la cause provient d’une faute.

C A verse aux débats les documents attestant de la survenue de son infection, au premier rang desquels figure une analyse sanguine du 9 juin 2009, antérieure à l’intervention, excluant la présence du germe dans son organisme.

Il a été opéré le 30 juin 2009 puis a regagné son domicile ce dont atteste le compte-rendu d’hospitalisation qu’il produit.

Il a présenté les premiers symptômes d’une infection le surlendemain de l’opération, a été hospitalisé en chambre seule et traité par antibiothérapie ; une analyse bactériologique avec antibiogramme a été demandée en urgence par le docteur Y le 2 juillet, dont le résultat, connu le 3 juillet, a relevé la présence du germe Serrata Marcescens.

La perte de son oeil, malgré les soins prodigués, lui a été annoncée le 9 juillet 2009.

C A a adressé le 29 juillet 2009 à la DDASS de Lot et Garonne une demande d’enquête qui a été diligentée, à la suite de laquelle, le 30 décembre 2009, le docteur B, médecin inspecteur de santé publique, lui a écrit :

'Ces évaluations ont permis de faire un point avec les équipes de soins et d’hygiène de la clinique concernant la prise en charge des patients en ophtalmologie et d’identifier des axes d’amélioration.'

'À la lumière de ces éléments, il est difficile de déterminer un lien causal entre des pratiques imparfaites relevées et l’infection dont vous avez été atteint. Cependant, des recommandations ont été émises notamment pour ce qui concerne la préparation de l’opéré en ophtalmologie, la formalisation de l’entretien de certains matériels, l’harmonisation de l’antibioprophylaxie et la promotion de l’hygiène des mains pour l’ensemble du personnel du bloc opératoire.'

Au terme de son premier rapport d’expertise du 19 avril 2012, le docteur E F G confirme que l’examen précédant l’opération n’a pas retrouvé de foyer infectieux local ni superficiel ni profond, et que l’opération a été suivie d’une endophtalmie précoce avec prise en charge immédiate.

Elle conclut que 'les conséquences de cette infection sont la perte de l’oeil gauche sans aucune amélioration possible'.

L’expert précise que 'la chirurgie s’est déroulée à la clinique Esquirol le 30 juin 2009… il y a concordance anatomoclinique (oeil gauche) et il n’y a pas de délai entre l’événement initial et l’apparition des premiers signes inflammatoires… le germe en cause dans cette infection oculaire, Serratia Marcescens, a été retrouvé dans le prélèvement endoculaire et le patient ne présente pas d’autres foyers infectieux'.

L’expert relève, qu’à la suite de la demande d’enquête de C A, la DDASS a saisi le centre de coordination et de lutte contre les infections nosocomiales (le CCLIN) en vue d’un audit des pratiques au sein de la clinique qui a été réalisé le 18 novembre 2009, et duquel 'il ressort un certain nombre de pratiques améliorables concernant notamment :

- l’hygiène des mains pour l’ensemble du personnel au bloc opératoire (manutention des poubelles, brancardages) ; les règles d’accès au bloc opératoire lui-même ; les allers et retours du personnel en salle d’intervention,

- l’entretien des locaux, l’entretien des dispositifs médicaux (microscope opératoire), la prise en charge du matériel souillé,

- la pratique de la douche bétadine scrub (préparation du malade), le contrôle dans les services d’hospitalisation de la réalisation de cette dernière, la préparation du patient ophtalmologique (laps de temps de contact de l’antiseptique, qualité de l’antiseptique),

- l’antibioprophylaxie à domicile pendant 48 heures ou dans le service d’hospitalisation per os, ou au bloc opératoire en IV.'

L’expert relève que ces pratiques existantes au sein de la clinique 'représentent toutes une source de contamination possible ou de transmission de germes'.

L’expert indique, à l’instar du docteur B, que des recommandations ont été faites à la clinique Esquirol Saint-Z, lesquelles ont été suivies de réunions d’évaluation de leur mise en place en avril et septembre 2010, et que des améliorations ont été constatées sur l’ensemble des points, à l’exception de la prise en charge du risque infectieux et l’antibioprophylaxie faisant l’objet d’une procédure spécifique.

L’expert relève, sur un plan plus général, que 'le germe est identifié ; Serratia Marcescens,… cette infection rentre dans le cadre des infections nosocomiales dont le germe responsable est connu pour être particulièrement virulent et est retrouvé dans un certain nombre d’infections nosocomiales : c’est un germe hospitalier.'

L’expert expose 'les voies de contamination et sources de l’infection :

- 1 – la contamination aérienne … le va et vient est un facteur supplémentaire de contamination, la concentration de germe dans l’air étant très importante en milieu hospitalier, de plus avec des souches particulièrement virulentes et résistantes,

- 2 – les solutions et médications utilisées pendant l’intervention

- 3 – les tissus étant donné qu’il n’est pas possible de stériliser le site opératoire

- 4 – les objets, matériels divers en salle d’intervention.'

Il ajoute 'Serratia mesercens est exceptionnellement retrouvé comme germe responsable d’endophtalmie post-opératoire, mais son évolution est dramatique dans tous les cas malgré les thérapeutiques réputées efficaces.'

Il précise en outre 'en l’absence de foyer infectieux chez le malade, l’origine des contaminations est retrouvée dans le produit injecté, dans les désinfectants, dans le matériel utilisé.'

L’expert énumère ensuite les mesures de prévention constituant, au vu de la difficulté du traitement, une priorité pour les professionnels et les établissements de santé :

'- le contrôle de l’environnement : … limiter la contamination aérienne, bloc réservé à l’ophtalmologie, déplacements restreints dans la salle, surveillance des matériels utilisés'

'- le contrôle tissulaire… l’usage de solutions antiseptiques…

' – l’antibioprophylaxie… l’administration préconisée à l’époque des faits n’avait pas prouvé son efficacité'.

Le rapport du CCLIN, également versé aux débats, relève notamment que :

- 'l’analyse du signalement effectué par la clinique identifie une défaillance dans la prise en charge antibiotique du patient concerné par l’événement. Le patient n’a en effet pas bénéficié d’une antibioprophylaxie avant l’intervention (sur décision de l’anesthésiste), malgré la connaissance d’un facteur de risque justifiant cette prescription (diabète). Les cause de ce dysfonctionnement sont probablement liées à plusieurs facteurs : facteur organisationnel, contrairement aux autres chirurgies, l’antibioprophylaxie est administrée hors du bloc opératoire, en secteur ambulatoire, et la traçabilité de l’administration n’est pas mentionnée, et facteur lié à la communication entre anesthésiste et chirurgien'.

Cette observation justifie une recommandation à mettre en oeuvre à court terme.

Le rapport relève, ensuite, au bloc opératoire, qu’il n’a pas été observé d’étape de détersion péri-orbitaire avec bétadine scrub 4 % en flacon unidose suivie d’un rinçage et d’un séchage, et de respect d’un temps de contact de l’antiseptique (2 minutes) avant nouvelle instillation de collyre anesthésique, alors que la conférence de consensus du 5 mars 2004 sur la gestion préopératoire du risque infectieux mentionne, en recommandation forte, de réaliser une étape préalable de détersion suivie d’un rinçage et d’un séchage avant l’application d’un antiseptique.

Le rapport relève encore une hygiène des mains non optimale au bloc opératoire :

— peu de brancardiers, pour certains porteurs de montres et gourmettes, se désinfectant les mains après un transfert de patient, bien que le gel hydro-alcoolique soit à disposition,

— un déficit de connaissance du personnel, qui nécessite une action de formation,

— l’absence de désinfection des mains des différents professionnels entrés en salle d’opération durant une intervention,

— l’ouverture avec la main du couvercle d’une poubelle à pédale par un agent non suivie d’une désinfection des mains, alors même qu’une phase opératoire critique est en cours.

Dans son second rapport d’expertise du 21 août 2015, le docteur E F G confirme que l’infection de C A est liée à la chirurgie de cataracte pratiquée à la clinique Esquirol Saint-Z, que son état est la conséquence directe de l’infection, et que l’absence d’antibioprophylaxie pré opératoire malgré son diabète, ne peut être retenue comme un manquement à la date des faits.

Ces éléments permettent d’établir que C A a subi la perte totale de l’oeil gauche à la suite d’une infection nosocomiale contractée lors de son séjour à la clinique Esquirol Saint-Z du 30 juin 2009 ; en effet, il ne présentait pas cette affection auparavant, et le germe a été retrouvé en un point unique de son organisme qui est son oeil où un prélèvement a été réalisé, siège de l’opération. L’évolution très rapide de son état de santé, le caractère hospitalier du germe, et sa prise en charge immédiate ne permettent pas d’envisager une autre source de contamination.

Le dommage et le lien de causalité sont ainsi démontrés.

S’agissant de la faute, il résulte de ce qui précède que plusieurs pratiques de la clinique, qualifiées par l’expert d’améliorables, ont, en réalité, été identifiées comme appelant des mesures correctives, lesquelles présentent un lien direct avec les mesures d’hygiène préventives de contaminations infectieuses, et notamment des mesures en milieu très sensible tel le bloc opératoire, ou le matériel médical.

Si l’absence d’antibioprophylaxie n’apparaît pas constituer un manquement compte tenu de l’état des connaissances médicales à la date de l’intervention, trois pratiques ont été remises en question, relatives à l’hygiène, à l’entretien du matériel, et à la douche bétadine et la préparation du patient, ont conduit l’autorité sanitaire à émettre des recommandations à mettre en oeuvre à bref délai, suivies de visites de contrôle de la clinique.

L’emploi par l’expert du terme 'pratique améliorable' ne peut s’interpréter comme exclusif d’une faute, car les préconisations émises ne tendaient pas à améliorer des pratiques satisfaisantes dans une démarche d’excellence, mais à mettre fin à des pratiques qualifiées par l’autorité sanitaire de 'perfectibles', voire de 'dysfonctionnements', et qui procédaient de comportements à risques adoptés par différents professionnels de santé, présentant un caractère habituel, et se déroulant notamment aux abords du bloc opératoire voire dans le bloc opératoire où C A a été traité, et caractérisant des violations graves et répétées de mesures d’hygiène de base, tels l’absence de désinfection systématique des mains lors du transfert de patients au bloc opératoire, ou de la manipulation d’une poubelle à proximité d’une opération en cours.

Or cette multiplicité de manquements a trait à plusieurs causes connues de propagation des infections nocosomiales exposées par l’expert, qui a retenu que ces pratiques 'représentent toutes une source de contamination possible ou de transmission de germes'.

La mise en oeuvre de telles pratiques caractérise l’existence d’une faute de la clinique Esquirol Saint-Z.

Il est donc justifié qu’elle soit déclarée responsable de l’infection nosocomiale subie par C A.

La responsabilité pour faute de l’établissement de soins étant exclusive d’une prise en charge au titre de la solidarité nationale, l’ONIAM sera mis hors de cause.

Il en résulte également que la MSA est fondée à agir à l’encontre de la clinique et de son assureur pour obtenir le recouvrement des frais exposés.

Le jugement sera infirmé.

Sur le préjudice

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM ont conclu au débouté de la MSA et de toute partie des demandes dirigées à leur encontre, sans développer de moyen relatif à l’évaluation des préjudices de C A, ayant notamment soutenu au soutien de son action visant l’ONIAM que le taux d’AIPP devait être fixé à 27 % et non à 25 %.

L’expert a retenu, au terme de son rapport :

— un déficit fonctionnel temporaire total de 16 jours du 30 juin au 15 juillet 2009,

— un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30 % depuis la date de la chirurgie jusqu’à la mise en place de la prothèse définitive le 13 novembre 2009,

— un déficit fonctionnel permanent de 27 %,

— au titre des dépenses de santé futures, le renouvellement de prothèse et la surveillance par un ophtalmologiste,

— au titre de l’incidence professionnelle, un ralentissement dans l’activité de gérant d’immeuble,

— des souffrances endurées de 4,5 /7

— un préjudice esthétique de 1,5/7

— une date de consolidation fixée au 13 novembre 2009.

I – préjudices patrimoniaux

a – temporaires

1 – dépenses de santé actuelles

La MSA a versé aux débats le justificatif de ses dépenses de santé avant consolidation arrêté à la somme de 18 587,90 €.

b – permanents

1 – dépenses de santé futures

Le montant des dépenses de santé de la MSA après consolidation est de 8 028 € au titre de soins et frais d’appareillage à venir.

2 – incidence professionnelle

Le tribunal a rejeté la demande présentée par C A qui évoquait des difficultés à exercer la fonction de gérant d’immeuble en raison de l’absence de justification de cette activité.

Cependant, ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

Or l’expert a retenu que C A était exposé à un ralentissement dans son activité lié à la gène causée par la perte partielle de la vision.

Il y a donc lieu d’admettre le principe de l’indemnisation de ce poste de préjudice qui doit être évalué à 5 000 €.

Les préjudices patrimoniaux s’élèvent à la somme totale de 31 615,90 €.

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM sont tenues de payer à C A 5 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM sont tenues de payer à la MSA 26 615,90 € au titre de ses débours.

II – préjudices extrapatrimoniaux

a – temporaires

1 – déficit fonctionnel temporaire

C A sollicite une indemnité de 40 € par jour durant 420 jours au titre d’une incapacité temporaire totale puis partielle (30 %) soit 5 040 €.

La demande a été partiellement écartée par le tribunal en ce qu’elle portait sur une période postérieure à la date de consolidation et évalué ce poste à 25 € par jour durant 16 jours, durée du déficit fonctionnel total, et 25 € par jour durant 120 jours, durée du déficit fonctionnel partiel (30 %), soit une somme de 1 840 €.

Si le nombre de jours a été exactement déterminé par le tribunal, il convient, eu égard à la spécificité de la gène causée par la perte ou la diminution de la vision et de ses répercussions sur l’existence, de retenir une base de 40 € par jour et d’évaluer ce poste de préjudice à 2 080 € (640 € au titre des 16 jours de DFT total et 1 440 € au titre des 120 jours de DFT partiel au taux de 30 %).

[…]

C A sollicite la confirmation du jugement évaluant ce poste de préjudice à la somme de 12 000 € au titre des suites infectieuses, de la perte d’un oeil, de la chirurgie, de la nécessité de porter une prothèse oculaire et de la crainte résultant de la nécessité de subir une opération identique de son oeil droit.

Ces éléments justifient le montant de l’évaluation retenue par le premier jugement.

b – permanents

1 – déficit fonctionnel permanent

C A sollicite la confirmation du jugement ayant évalué ce poste de préjudice à 31 725 € en tenant compte d’un déficit fonctionnel de 27 %, de son âge de 72 ans lors de l’opération, et en retenant une valeur du point de 1 175 €.

Ces éléments permettent d’assurer une réparation intégrale de ce poste.

2 – préjudice esthétique

Le tribunal a évalué à 3 000 € ce poste de préjudice, compte tenu de la bonne adaptation à la prothèse relevée par l’expert, retenant que C A était contraint de la porter de manière permanente.

Cette évaluation permet une réparation intégrale de ce poste.

Les préjudices extra-patrimoniaux s’élèvent à la somme totale de 48 805 €, au paiement de laquelle la clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM sont tenues.

Il résulte de ce qui précède que le montant des préjudices patrimoniaux s’élève à la somme de 31 615,90 €, et celui des préjudices extra-patrimoniaux à celle de 48 805 €, de sorte que le montant total des préjudices s’élève à la somme de 80 420,90 €.

La créance totale de C A s’élève à 53 805 €.

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM seront condamnées in solidum à payer cette somme, l’obligation de la seconde trouvant sa source dans le contrat la liant à son assurée.

Sur les autres demandes

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Partie perdante, la clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM seront tenues de supporter les dépens de première instance, ainsi que le coût des opérations d’expertise judiciaire.

L’issue de l’instance d’appel justifie qu’elles soient tenues d’en supporter les dépens.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La clinique Esquirol Saint-Z et la SHAM seront condamnées à payer à C A 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et à payer à la MSA 1 066 € au titre de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la MSA sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d’Agen,

Statuant à nouveau,

Déclare la clinique Esquirol Saint-Z responsable du préjudice causé à C A, sur le fondement de l’article L 1142-1 alinéa premier du code de la santé publique,

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à payer à C A, provisions non déduites, en réparation de son préjudice corporel les sommes suivantes :

— incidence professionnelle : 5 000 €

— déficit fonctionnel temporaire : 2 080 €

— souffrances endurées : 12 000 €

— déficit fonctionnel permanent : 31 725 €

— préjudice esthétique : 3 000 €

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à payer à la MSA de Lot et Garonne 26 615,90 € au titre de ses débours,

Ordonne la mise hors de cause de l’ONIAM,

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à supporter les dépens de première instance et le coût des opérations d’expertise,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à payer 3 000 € à C A sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à payer 1 066 € à la MSA de Lot et Garonne Dordogne,

Condamne in solidum la clinique Esquirol Saint-Z et la Société Hospitalière d’Assurance Maladie à supporter les dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 6 janvier 2021, n° 18/00538