Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2 septembre 2016, n° 13/08538

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 2 sept. 2016, n° 13/08538
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/08538
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Martigues, 25 mars 2013, N° 12/00434

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2016

N°2016/

Rôle N° 13/08538

R S

C/

SA C M

Grosse délivrée le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES – section C – en date du 26 Mars 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00434.

APPELANT

Monsieur R S, XXX

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA C M, demeurant 17 AK AL – ZI des Estroublans BP 90187 – 13127 VITROLLES

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Sylvie ARMANDET, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur AA AB.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016

Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, et Monsieur AA AB, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. R S a été embauché par la SA C M suivant contrat à durée indéterminée du 1er août 2001 en qualité de mécanicien, coefficient 195, niveau 2, échelon 3.

Les rapports contractuels des parties sont soumis aux dispositions de la convention collective du commerce d’équipement pour l’industrie, appareils de levage et de M.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait le poste de technico-commercial et percevait un salaire brut de 2 381 €.

Le 22 décembre 2006, le salarié a été élu à la délégation unique du personnel.

L’employeur a notifié au salarié un avertissement par lettre recommandée du 22 juillet 2009 ainsi rédigée : « Le 3 juillet 2009, nous avons constaté que, durant vos heures de travail, vous aviez, sans autorisation, délaissé votre mission d’attaché commercial service afin de réparer votre vélo au sein de l’atelier de l’entreprise. Or nous vous rappelons que vous devez consacrer l’intégralité de vos heures de travail à votre mission contractuelle pour laquelle vous êtes rémunéré. En outre, il est strictement interdit d’utiliser les outils de l’entreprise pour des activités personnelles et sans lien avec votre travail. Enfin, vous n’étiez aucunement équipé ni formé pour utiliser les outils d’un technicien et vous vous êtes donc exposé à un danger pouvant entraîner la mise en 'uvre de notre responsabilité. C’est A nous vous adressons la présente qui constitue un avertissement. Nous vous demandons d’en tenir compte pour l’avenir et à défaut, nous serions contraints d’envisager des sanctions plus sévères. »

Par lettre du 25 avril 2010, le salarié a dénoncé à l’employeur des faits de harcèlement moral dont il serait victime de la part de M. I G, le chef d’entreprise, dans les termes suivants : "Par la présente, je souhaite vous interpeler à propos de mon désarrois et de mon état psychologique dont vous avez eu connaissance et qui sont la conséquence de votre attitude à mon égard et ce, malgré tous mes efforts suite aux divers entretiens que nous avons eu. La seule véritable raison de cet état de fait, c’est mon refus, dans un premier temps de passer mon salaire au variable mais comme je vous l’ai expliqué, avant de me prononcer en faveur d’un tel changement de rémunération, nous avions convenu que vous deviez me faire une simulation que j’attends toujours. De plus, lors de l’entretien que nous avons eu, vous avez reconnu devant M. E P, alors que nos relations étaient tendues, lui avoir soumis l’idée de se laisser frapper par moi pour me pousser à la faute. Cette conversation s’est déroulée entre vous, Maître B et M. E. Après de tels propos émanant de la bouche même d’un Directeur, vous conviendrez que la colère ne peut que s’emparer de moi et que cela ne peut avoir que des effets négatifs sur mon état psychologique et la motivation qui m’animait de faire mon travail correctement. Mais cela ne vous a pas suffi ; après nos entretiens et notre repas en tête à tête durant lequel vous vous étiez engagé à revoir votre position à mon égard et je site vos propos : « j’ai découvert un homme généreux et honnête », vous avez remis le couvert avec notre client ASTOR. En effet, j’ai effectivement conclu un marché avec celui-ci à propos de la vente de pneus dans les mêmes conditions que les 2 fois précédentes mais cela ne vous a pas convenu car je ne vous avais pas consulté à propos des tarifs. J’ai alors appris par vous que vous n’étiez pas d’accord sur les tarifs appliqués lors de la deuxième transaction mais nou n’avez pas jugé utile de m’en informer avant une nouvelle commande et vous avez préféré annuler cette transaction brutalement faisant perdre du chiffre d’affaires à la Société C M. Dans le contexte actuel et après le discours que vous nous avez tenu lors du KICK-OFF, je doute que ce soit comme cela qu’il faut agir. Je pense qu’il est primordial de fidéliser nos clients plutôt que de ne pas les satisfaire. Jusqu’à présent j’avais pris sur moi cette attitude négative et destructrice que vous aviez à mon égard considérant que l’on ne peut aimer tout le monde du moment que cela ne nuit pas au travail. Divers collègues vous ont alerté sur ce qui se passait mais vous n’en avez fait cas jusqu’à ce cela devienne grave. Vous avez a1ors daigné me rencontrer. Malgré vos paroles ; chasser le naturel, il revient au galop ; un mois plus tard vous réitérez et je ne peux plus l’accepter ; c’est A je vous annonce avoir pris contact avec la Médecine du Travail, l’Inspection du Travail et un Avocat afin de les alerter sur ce harcèlement moral permanent que vous exercez sur moi mais aussi sur d’autres membres du personnel (étant membre titulaire du C.E. j’ai été informé à plusieurs reprises de cet état de faits dans notre société). J’ose espérer que ce courrier sera le premier et le dernier et que désormais nos relations professionnelles pourront se dérouler dans des conditfons normales."

L’employeur a répondu le 25 mai 2010 par une lettre ainsi rédigée : "Je fais suite à votre courrier daté du 25 avril 2010, prétendant notamment que j’aurais à votre égard une « attitude négative et destructrice » et que j’exercerais sur vous « un harcèlement moral permanent » ainsi que « sur d’autres membres du personnel ». De telles accusations sont particulièrement graves et auraient mérité, au minimum, que vous les justifiiez par des éléments précis. Rien de cela ne figure pourtant dans votre correspondance, particulièrement confuse par ailleurs. Je me permettrais donc de revenir sur les deux seuls événements tangibles que vous évoquez : Sauf erreur de ma part, toute conversation avec un avocat est couverte par le secret professionnel… et vous n’avez pas participé à l’échange que vous mentionnez. Je ne sais donc pas comment vous prétendez en imaginer le contenu. Quoi qu’il en soit, et puisque vous revenez sur les « relations tendues » que vous disiez entretenir avec M. E, je reconnais bien volontiers avoir été saisi par celui-ci des propos injurieux que vous aviez alors tenu à son égard, dans un comportement empreint de violence pouvant lui faire craindre une agression physique de votre part. Dans une telle situation – qui ne s’est heureusement jamais concrétisée – il va de soi que je ne conseillerais à personne de répondre à la violence physique par la violence physique, mon rôle n’étant pas d’inciter à la rixe ni d’exacerber les tensions. J’assume pleinement cette position, qui va naturellement dans le sens de l’intérêt de l’entreprise. La précédente vente conclue avec le client ASTOR l’a été, ainsi que vous le savez parfaitement sur la base de tarifs particulièrement favorables. Celle-ci était subordonnée à mon accord préalable, que vous avez d’ailleurs pris l’initiative de solliciter, et que je vous ai donné. Mon autorisation était donnée pour une transaction, et vous le saviez parfaitement. Il vous appartenait donc, si vous souhaitiez appliquer les mêmes tarifs dérogatoires, de solliciter mon accord au préalable, ce dont vous vous êtes totalement affranchi. Contrairement à ce que vous pouvez penser, il ne s’agit nullement d’avoir une attitude « négative et destructrice » à votre égard, mais seulement de respecter l’organisation existant dans l’entreprise, dont je suis responsable – contrairement à vous – vis-à-vis des actionnaires. Permettez-moi enfin d’ajouter que la réalisation d’une vente à un tarif particulièrement bas est toujours satisfaisante pour le client, mais pas nécessairement pour l’entreprise qui vous emploie. Peut-être faut-il aussi parfois y penser. Pour conclure, je tiens à ce que vous sachiez que j’ai toujours été ouvert à la discussion, sous réserve qu’elle se déroule de manière sereine et respectueuse. Si vous pensez éprouver des difficultés, nous pouvons donc en parler dans le respect de ces impératifs."

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 13 septembre 2010 et mis à pied à titre conservatoire. Le comité d’entreprise a rendu un avis favorable au licenciement du salarié le 23 septembre 2010. Le 3 novembre 2010 l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement, décision confirmée par le Ministre le 21 avril 2011.

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable le 15 novembre 2011 puis licencié pour cause réelle et sérieuse suivant lettre du 23 novembre 2011 ainsi rédigée : "Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 15 novembre 2011 lors duquel vous étiez assisté de M. E. Nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager votre licenciement et avons écouté vos explications. Celles-ci ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits de sorte que nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants :

Vous occupez au sein de notre société un poste de d’ACS depuis le 1er mai 2003 et êtes chargé d’intervenir pour la prospection et le suivi de votre secteur. Vous bénéficiez à ce titre d’un statut de salarié itinérant et profitez d’un véhicule de service pour vous rendre chez les clients de votre secteur. Cependant, vous demeurez soumis aux horaires de travail applicables dans l’entreprise (8 h. – 12 h. et 13 h. 30 – 17 h. et 16 h. 30 le vendredi), ce qui vous impose de rester sur votre secteur durant ces horaires ou à défaut d’être présent à notre siège de Vitrolles. À la suite d’un contrôle de vos rapports d’activité du fait de la faiblesse de vos résultats, nous avons constaté que vous ne respectiez pas ces horaires et qu’en outre vous procédiez à des déclarations mensongères quant à votre activité. Ainsi, en raison de votre résidence dans le 10e arrondissement de Marseille, vous pouvez passer par le Tunnel Prado Carénage pour vous rendre sur votre secteur, ce que la société a accepté de prendre financièrement en charge. Or les relevés de votre carte d’essence et de péage démontrent d’une part que vous ne respectez pas les horaires de travail et contredisent en outre les déclarations que vous avez faites sur vos rapports d’activité. Ainsi, une analyse de vos relevés sur les douze derniers mois vient démontrer qu’en moyenne vous passez devant le péage Prado Carénage le matin à 8 h. 59 ce qui prévaut à une arrivée sur votre secteur après 9 h. au lieu de 8 h. et que, le soir, vous passez à 16 h. 43 devant le péage au lieu d’arrêter votre travail à 17 h. 00. Ainsi, vous accomplissez une moyenne journalière de 5 h. 50 de travail, déduction faite de la pause méridienne, alors même que vous bénéficiez d’une rémunération sur la base de 7 heures par jour. Par conséquent, votre comportement constitue un manquement à vos obligations contractuelles qui n’est pas tolérable et ce d’autant plus que vous profitez de votre statut d’itinérant soumis à un contrôle auto déclaratif de la durée du travail pour établir de fausses déclarations. En effet, l’étude des rapports d’activité que vous avez établis vient démontrer que vous ne craignez pas de faire des déclarations mensongères dans le but de nous tromper ainsi que le révèlent les quelques exemples ci-dessous : Ainsi, le 25 octobre 2011, vous déclarez être chez 1e client FESTINO sur le MIN des Arnavaux à 8 heures alors même que votre télépéage montre votre passage vers les Arnavaux à 9 h. 02. Le 24 octobre 2011, alors que vous déclarez être au bureau pour l’ensemble de la journée, nous constatons que vous êtes passé dans le tunnel à 10 h. 31 dans le sans Nord/Sud pour revenir à 13 h. 15 devant le péage dans le sens Sud/Nord puis repasser au péage à 16 h 09. Le 21 octobre 2011, vous notez sur votre rapport d’activité être chez le client Hôpital Nord à partir de 9 h. alors même que vous franchissez le péage à 9 h20. De même, le 10 octobre vous indiquez être présent au bureau à 8 h. 00 alors même que vous avez empruntez le tunnel à 9 h. 26 et que vous avez franchi le portail de l’entreprise à 9 h. 51 démontrant de facto que vous n’étiez pas à l’entreprise à 8 h. 00. L’étude du mois de septembre 2011 tend encore à démontrer que vos agissements sont malheureusement habituels. Ainsi, le 28 septembre 2011, alors que vous indiquez être au bureau l’après-midi, nous constatons que votre télépéage s’est déclenché à 15 h. 19 dans le sens retour vers votre domicile. De même le 15 septembre 2011, vous indiquez avoir rendez-vous à 8 h. 30 avec le client GAZECHIM situé à Martigues, alors que vous franchissez le tunnel dans le sens aller à 8 h.59 établissant de manière incontestable que vous ne pouviez être présent chez le client à 8 h. 30. Le 9 septembre 2011, il en va de même puisque vous notez un rendez-vous à 8 h. 30 chez le client Y à Martigues, mais ne franchissez le péage qu’à 9 h. 28. Enfin le 7 septembre 2011, alors que vous indiquez être au bureau après avoir visité les clients METRO et D, nous constatons que vous passez le péage en direction de votre domicile à 14 h. 26 soit bien avant la fin des horaires de travail qui est fixée à 17 h. 00. Ces exemples, qui sont loin d’être exhaustifs, démontrent votre comportement fautif et votre manquement à l’obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi du contrat de travail. Dans ces conditions, la poursuite de votre contrat de travail apparaît impossible et ce d’autant plus que votre comportement a des répercussions directes sur vos résultat et la qualité de votre travail. Ainsi nous pouvons constater la faiblesse de vos résultats en ce que vous êtes aujourd’hui le 74e commercial ACS au niveau national du Groupe FENWICK sur 78 personnes (suite au concours national qui a eu lieu en octobre 2011) ce qui est particulièrement décevant pour une personne de votre expérience. Mais en outre, au niveau de l’entreprise, vos résultats sont également très insuffisants puisque les plus faibles de l’ensemble de l’équipe des ACS qui est pourtant composés de salariés moins expérimentés que vous, et qui obtiennent des résultats meilleurs que les vôtres. Ainsi sur la période de novembre 2010 à octobre 2011 vous n’avez réalisé que 72 PPS alors que le meilleur ACS en a réalisé 184 soit un résultat supérieur de 132 %. De même, l’ACS qui vous a succédé, sur une partie de votre ancien secteur, a réalisé un nombre de PPS (pneus pleins souples) supérieur de 28 % alors même qu’il s’agit d’un commercial débutant. Il en va de même dans d’autres domaines tels que les batteries, les chargeurs, les sièges, l’éclairage ou encore des cabines. Il est certain que ces faibles résultats sont la conséquence directe de votre comportement qui vise à ne pas respecter les horaires de travail et à mentir à vos supérieurs hiérarchiques quant à la réalité de votre activité. Cela est particulièrement regrettable et nous impose de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Votre préavis d’une durée de deux mois débutera à compter de la première présentation de ce courrier à votre domicile. Nous vous dispensons d’effectuer ce préavis qui vous sera cependant rémunéré aux échéances habituelles de la paye. Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant le « date théorique de fin de préavis ». Ainsi, pour votre parfaite information, nous vous précisons que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de 120 heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de travail, peut se traduire par le versement de la somme correspondant au solde de ce nombre d’heures non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire visé par l’article L. 6332-14, al. 2 du code du travail. À défaut d’une telle demande dans le délai imparti, cette somme ne vous sera pas due. L’OPCA de l’entreprise est l’Agefomat qui se situe au 35, AK Froidevaux – 75014 PARIS. Cette somme doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette somme interviendra donc à réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées. Par ailleurs, en votre qualité d’ancien salarié de notre société, et conformément aux dispositions de l’article 14 modifié de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, vous gardez le bénéfice des garanties complémentaires santé et prévoyance appliquées dans notre entreprise, à compter de la date de cessation de votre contrat de travail, et pendant la période de prise en charge par l’assurance chômage, sans que celle-ci puisse excéder la durée de votre dernier contrat de travail, appréciée en mois entiers et dans la limite de 9 mois de couverture. Vous devez fournir à la société la justification de votre prise en charge par le régime d’assurance-chômage. Cette justification sera adressée à l’entreprise (Direction…), par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR) ou par courrier remis en main propre contre décharge. Vous devrez également informer l’entreprise de tout changement de situation au regard du régime d’assurance-chômage. Les garanties conservées sont celles en vigueur au sein de l’entreprise de telle sorte que toute évolution du régime vous sera immédiatement applicable, dans les mêmes conditions que pour les salariés de l’entreprise. Le maintien des garanties au titre de l’incapacité temporaire ne pourra pas vous conduire à percevoir des indemnités d’un montant supérieur à celui des allocations chômage perçues sur la même période. Le financement des garanties conservées sera réalisé dans les mêmes proportions que celles définies pour les salariés de l’entreprise. La part salariale des cotisations correspondant au financement du maintien des garanties sera appelée lors de la rupture du contrat de travail et sera déduite des sommes dues au titre du solde de tout compte. Cette quote-part vous sera cependant remboursée en tout ou partie dans l’hypothèse où vous nous aurez fait part de votre refus de bénéficier du maintien des garanties dans les conditions ci-dessous exposées ou, à due concurrence en cas de reprise d’une activité professionnelle avant la fin de la période de portabilité, mettant fin à votre prise en charge par le régime d’assurance-chômage. Vous avez la possibilité de renoncer au maintien des garanties à condition de notifier cette décision, par écrit dans les 10 jours suivant la cessation de votre contrat de travail. La notification se fera par LRAR ou lettre remise en main propre contre décharge et aura un caractère définitif, la renonciation valant nécessairement pour la totalité des garanties prévoyance / santé. Nous vous ferons parvenir à l’issue de votre préavis l’ensemble de vos documents sociaux de fin de contrat (Attestation POLE EMPLOI, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte)"

Se plaignant de harcèlement moral et sollicitant l’annulation de l’avertissement et du licenciement, M. R S a saisi le 7 mai 2012 le conseil de prud’hommes de MARTIGUES, section commerce, lequel, par jugement rendu le 26 mars 2013, a :

dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

dit que l’avertissement du 22 juillet 2009 est fondé ;

condamné l’employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

'24 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 1 300 € au titre des frais irrépétibles ;

débouté le salarié de ses autres demandes ;

rappelé l’exécution provisoire de plein droit sur le fondement des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail ;

ordonné l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile pour les créances relatives aux dommages et intérêts ainsi qu’à l’indemnité allouée pour frais irrépétibles ;

débouté l’employeur de sa demande relative aux frais irrépétibles ;

condamné l’employeur aux dépens.

M. R S a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 23 avril 2013.

Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. R S demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a écarté l’exécution fautive du contrat de travail par l’employeur ;

dire nul et de nul effet l’avertissement notifié le 22 juillet 2009 ;

dire que l’employeur a commis à son préjudice des agissements de harcèlement et de discrimination à l’origine d’une dégradation de son état de santé, en violation des articles L. 1152-1 et L. 1132-1 du code du travail ;

dire nul le licenciement litigieux, en ce qu’il résulte d’une situation de harcèlement et de discrimination ;

subsidiairement, le dire dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

'6 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution lourdement fautive du contrat de travail ;

'40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, en application des dispositions des articles L. 1152-3 et L. 1132-4 du code du travail ;

subsidiairement,

'30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

en tout étant de cause,

'1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner l’employeur aux dépens.

Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SA C M demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et octroyé la somme de 1 300 € au titre des frais irrépétibles ;

dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

débouter le salarié de l’ensemble de ses prétentions ;

condamner le salarié au paiement de la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE

1/ Sur l’avertissement du 22 juillet 2009

Le salarié sollicite l’annulation de l’avertissement notifié le 22 juillet 2009 au motif que ce dernier est infondé expliquant que l’établissement avait été victime d’une panne générale d’informatique à compter de 16 heures 30 le jour des faits de sorte qu’il avait utilisé les quelques instants où il ne pouvait plus accomplir son travail pour réparer le pédalier de son vélo.

Le salarié prouve suffisamment qu’au moment des faits il ne pouvait travailler en produisant le courrier d’un cadre, M. E, qui sera reproduit au point 3. De plus, il a été recruté en qualité de mécanicien. Dès lors, l’employeur était mal fondé à lui reprocher de n’être aucunement équipé ni formé pour utiliser les outils d’un technicien et de s’être ainsi exposé à un danger en réparant le pédalier de son vélo.

La faute du salarié n’étant nullement prouvée et le raisonnement conduisant à la sanction reposant de plus sur une prémisse fausse, la sanction sera annulée.

2/ Sur la discrimination

Dans le dispositif de ses conclusions, le salarié reproche à l’employeur une discrimination mais il explicite son grief dans le corps de ses écritures en se plaignant d’un harcèlement moral fondé sur des motifs discriminatoires. Dès lors l’ensemble des reproches sera examiné au point suivant.

3/ Sur le harcèlement moral

L’article L. 1154-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et enfin que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le salarié reproche à l’employeur de l’avoir soumis à un harcèlement moral dès lors qu’il s’est opposé à la modification de la rémunération des commerciaux de l’entreprise, de l’avoir ainsi soumis à des sanctions injustifiés, l’avertissement qui vient d’être annulé, une procédure disciplinaire qui n’a pas abouti pour des faits de violences sur la personne d’un cadre, M. P E, et une procédure de licenciement pour faute grave à raison d’un comportement agressif à l’encontre de M. G, le président de la société, laquelle procédure de licenciement n’a pas été menée à son terme faute d’être autorisée par l’inspection du travail mais a quand même donné lieu à une mise à pied conservatoire et à retour en entreprise difficile.

Le salarié fait valoir de plus que son état de santé s’est dégradé suite au harcèlement moral et produit en ce sens un courrier du 30 mars 2010 du Docteur X, médecin psychiatre, alertant le médecin du travail que l’appelant présentait un trouble anxieux généralisé avec crise d’angoisse et réactions de colère, avec sentiment d’injustice. Le médecin faisait état d’une situation professionnelle stressante et conflictuelle rapportée par le salarié depuis 2006 et de la prescription d’un traitement anxiolytique.

L’ensemble de ces éléments permet de présumer l’existence d’un harcèlement.

L’employeur ne justifie son attitude que par des attestations de subordonnés relatant le comportement agressif du salarié à l’égard de l’employeur. Mais cette défense, très partielle, ne résiste pas à la description faite par M. E, le cadre prétendument victime du salarié, qui écrivait au chef d’entreprise, dès 27 septembre 2009, en des termes explicitant très précisément l’économie du harcèlement moral : « Je récapitule, pour être – quant à moi – persuadé que tu ne comprends pas tout ce qui se passe chez nous. Nous souffrons à Vitrolles d’une promiscuité fétide et sur-infectée. Les gens passent le plus clair de leur temps à dénigrer, à babiller, à commenter… Mais pas à travailler. Et ton comportement ne fait qu’augmenter ce mal qui nous ronge. Les cadres qui balancent des avertissements sans se montrer nous conduisent directement à la catastrophe. Quant à toi et moi, le problème majeur provient d’un schéma versatile et contradictoire que tu ne peux t’empêcher de reproduire cycliquement, car quelle que soit ta bonne volonté, ton »naturel" revient toujours au galop. Tu sais que j’ai besoin d’avoir pleine confiance en toi, comme hier pour ce qui était avec H B : une affaire d’hommes qui s’engagent, qui tiennent debout et ensemble quoi qu’il arrive. Le soir du jeudi 17 septembre dernier, tu fais un pot dans ton bureau pour célébrer mon anniversaire en comité restreint. Et je me surprends à évoquer publiquement quelque sympathie que je commence à te vouer. Il aura fallu des mois pour en arriver là, tant tes revirements et autres paradoxes que tu m’imposes s’avèrent traumatisants pour moi. Le lendemain après-midi, au téléphone, tu entends me donner une leçon de morale sur une note de parking du 31 août qui se trouve dans mes frais du mois. Pour quelques euros. A ne pas te payer un microscope de biologiste ' Tu vérifierais ainsi, si ce sont bel et bien mes empreintes sur le ticket ! Alors je t’explique que j’invite de temps à autre tous nos vendeurs entre midi et deux (Faut-il te justifier A les messages passent mieux dans ces conditions '), sauf F qui bosse en continu, que je ne peux honorer que le soir. Tu te rends à l’évidence de ta bévue, et t’en excuse. Mon amertume consécutive ne vient pas de ce que tu estimes devoir me contrôler, mais seulement que tu le fasses alors que tu soutiennes simultanément signer mes défraiements sans les regarder ! Donc – clairement – dans un premier temps, tu reconnais et rends grâce à ma loyauté, pour ensuite me prouver le contraire. Idem quand tu affirmes avoir un « don » pour tomber au hasard sur les failles en toutes choses. Halte au mysticisme, I ! Il s’agit simplement de ton esprit profondément « tourmenté » qui traque le vice en tout, parce qu’il le voit partout. Le phénomène du miroir que tous les psychologues du monde connaissent bien. Ma déception s’enchaîne et se renforce lorsque – dans la même journée décidément sinistre – tu m’exprimes vouloir pousser R S à la faute et à sa perte en le laissant me frapper. Un jour, ce bonhomme a cessé de travailler quelques instants pour bricoler le pédalier de son vélo dans l’atelier chez nous. On m’a dit vers 16 h. 30, alors qu’on nous avait coupé l’informatique. Est-ce que l’événement valait un avertissement, à cette personne qui quitte régulièrement l’entreprise le soir venu après 19 h. 30 ' Lorsqu’il a voulu savoir de qui venait cette sentence en disgrâce, tu lui as répondu « Ni Benoit – Ni AE », mais tu t’es bien gardé – indignement d’ailleurs – de revendiquer la pleine et entière responsabilité de ce geste, qui me semble – quant à moi – totalement disproportionné en fonction des circonstances. R S s’est donc mis à croire que j’en étais l’instigateur. La vox populi foireuse de la AK AL ne lui claironne-t-elle pas que je faisais pleurer AC AD, que j’ai viré improprement J K, que je m’apprête à en faire autant avec mon assistante… Et j’en passe ! L’acte manqué de ta part est flagrant. Tu as voulu te tenir à l’écart de toutes les conséquences de ta propre lettre recommandée, et protéger le gus qui nous sert ('!) désormais de RSC. Résultat, R S est à cran, et il explose un soir lorsqu’il me voit fumer dans mon bureau, ce qui m’arrive ponctuellement – y compris avec T U et N O, I G – en personne – lui aurait dit à 3 reprises m’avoir demandé d’arrêter, en vain ! Gros mensonge, I. Un de plus. Tu ne peux pas me faire ça ! Tu n’as pas le droit de pousser le bouchon aussi loin. A ces faux-fuyants, ces travers machiavéliques ' A tu dis oui et tu fais non ' A deux discours pour la même chose, selon qui tu as en face ' Tu es chez C M pour incarner le modèle. Ton Z préféré aussi. Tu dois cesser d’agir en traître. Et dis-toi une fois pour toutes que je préfère la vérité, car les oscillations de la girouette me donnent le mal de mer. Enfin, admets que je ne sois pas chez C M pour assumer tes faiblesses, ni pour me laisser boursoufler par des individus que Z et toi montez contre moi. Désormais, il n’y aurait rien de pire qu’une punition injuste pour R S. La société C M en pâtirait terriblement. Et j’ai autre chose à faire que de me laisser bouffer la tête avec tous ces sarcasmes que tu m’infliges. Toit et toi seul. Car pour moi, Z ne compte pas : tu es le seul responsable à mes yeux."

Ainsi, à raison des considérations précédentes et de l’ensemble des éléments produits par les parties, la cour retient que la salarié a bien été victime de faits de harcèlement moral de la par de M. I G, le chef d’entreprise. Compte tenu de la durée des faits et de leur gravité, ainsi que de la dégradation de l’état de santé du salarié, le préjudice de ce dernier sera indemnisé par l’allocation de la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts.

4/ Sur le licenciement

L’article L. 1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Les motifs du licenciement pour cause réelle et sérieuse ne seront pas discutés dès lors que cette rupture du contrat de travail est intervenue dans la continuité du harcèlement moral établi au point précédent et qu’en conséquence elle se trouve frappée de nullité.

Compte tenu de son ancienneté de plus de 10 ans et des justificatifs de perte de revenu qu’il produit, le salarié verra son préjudice entièrement réparé par l’allocation d’une somme équivalente à 14 mois de salaires soit 14 x 2 381 € = 33 334 €.

5/ Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer au salarié la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles concernant les frais irrépétibles et les dépens de première instance qui sont confirmées.

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Annule l’avertissement notifié par la société C M à M. R S le 22 juillet 2009.

Dit que la société C M est responsable du harcèlement moral subi par M. R S.

Condamne en conséquence la société C M à payer à M. R S la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts.

Constate la nullité du licenciement.

Condamne la société C M à payer à M. R S la somme de 33 334 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Ajoutant aux dispositions confirmées,

Condamne la société C M à payer à M. R S la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamne la société C M aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2 septembre 2016, n° 13/08538