Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 20 décembre 2019, n° 17/09323

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 20 déc. 2019, n° 17/09323
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/09323
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Arles, 12 avril 2017, N° F16/00243
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 DECEMBRE 2019

N° 2019/ 352

Rôle N° RG 17/09323 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BARII

Y X

C/

SAS ARGEL SUD EST

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Christian JOURDAN, avocat au barreau de TARASCON

Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 13 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00243.

APPELANTE

Madame Y X

née le […] à […], demeurant […]

représentée par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d’AVIGNON, Me Christian JOURDAN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SAS ARGEL SUD EST, demeurant 1435 Route de Saint-Gilles – 30000 NIMES

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2019

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame X a été embauchée par la société ARGEL sud-est le 1er février 2011 en qualité de télé vendeuse catégorie employée, niveau IV échelon 1 de la Convention Collective Nationale de Commerces de Gros.

Madame X va être contrainte de s’arrêter pour maladie le 15 janvier 2014 .

Dans le cadre d’une visite de reprise en date du 3 mars 2016, suite à une visite de pré-reprise effectuée le 16 février 2016, Madame X sera déclarée inapte.

Par courrier du 29 mars 2016 l’employeur fera des propositions de reclassement à Madame X.

Enfin par courrier du 30 mars 1016 Madame X sera convoquée à un entretien préalable fixé le 11 avril 2016 puis par la suite licenciée.

Madame X va saisir le Conseil de Prud’hommes d’Arles le 18 juillet 2016 qui, par décision datée du 13 avril 2017, statuera comme suit :

—  Prend acte de l’offre de la SAS ARGEL SUD-EST de payer à Madame Y X la

somme de 925,14 € brut à titre de rappel de salaire pour la période courant du 04 avril 2016 au 21 avril 2016, et l’y condamne en tant que de besoin,

—  Dit et juge que le licenciement de Madame Y X repose sur une cause réelle et sérieuse,

—  Déboute Madame Y X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

—  Déboute la SAS ARGEL SUD-EST du surplus de ses demandes,

—  Condamne Madame Y X aux entiers dépens.

Madame X va interjeter appel de cette décision le 15 mai 2017;

Dans ses dernières conclusions en date du 20 décembre 2017 ,auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, elle demande à la cour de :

Déclarer recevable l’appel de Madame Y X et au fond le dire bien fondé.

En conséquence,

Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes du 13 avril 2017, en ce qu’il a considéré le licenciement comme reposant sur une cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

DIRE et JUGER que le licenciement dont a fait l’objet Madame X pour inaptitude physique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

DIRE et JUGER que la société ARGEL n’a pas reclassé ni licencié Madame X dans le délai de 30 jours qui a suivi l’avis d’inaptitude physique à son emploi

FIXER la moyenne mensuelle brute des salaires de Madame X à la somme de 1547,59 €

En tout état de cause, condamner la société ARGEL SUD-EST, prise en la personne de son

représentant légal en exercice, à payer à Madame X les sommes suivantes :

—  15 000 €au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  780,00 €au titre de rappel de salaire relatif aux 18 jours excédant le mois qui a suivi l’avis d’inaptitude du 3 mars 2016,

—  5 000 euros au titre du préjudice moral et du caractère vexatoire causé par la rupture

du dit contrat de travail,

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

DIRE et juger que l’ensemble des condamnations, en ce compris l’article 700 du CPC et les

dépens, constituent les créances nés de l’exécution d’un contrat de travail et bénéficie de l’exonération prévue à l’article 11, 2e alinéa du décret du 8 mars 2001, portant modification du Décret du 12 décembre 1996, relatif aux tarifs des huissiers

DIRE et juger à défaut, que le montant des sommes retenues, en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du Décret du 12 décembre 1996 par l’huissier de justice dans le cadre de l’exécution forcé des condamnations sera supporté directement et intégralement par le

débiteur, au lieu et place du créancier en sus de l’article 700.

ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date du

jugement à intervenir, conformément à l’article 1153 du code civil

PRONONCER la capitalisation des intérêts, conformément à l’article 1154 du code civil

CONDAMNER enfin, la société ARGEL SUD-EST aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

Dans ses dernières conclusions du 25 septembre 2019, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société ARGEL SUD-EST demande à la cour de :

Vu les articles L 1226-2 à 4 du code du travail

Vu la jurisprudence

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

En conséquence,

Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Condamner Madame X au paiement de la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

— Sur le licenciement :

Madame X soutient à titre principal que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car, dans la lettre de licenciement du 18 avril 2016 , l’employeur n’aurait pas mentionné l’impossibilité de reclassement de la salariée et fait référence à l’état de santé de la salariée.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' nous vous avons proposé par courrier du 22 mars 2016 les postes suivants :

Téléprospecteur Argel à Guipavas (29), […] , […], Attaché technico-commercial à Achille à Gironde (33).

Vous n’avez pas donné de suite favorable à ces propositions.

Nous sommes donc dans l’obligation de procéder à la rupture de votre contrat pour inaptitude qui prendra effet à la première présentation de la présente lettre.'

Subsidiairement, elle expose que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement.

L’employeur a proposé à la salariée des postes à plusieurs centaine de kilomètres de son domicile , sans préciser s’il existait d’autres postes et alors qu’il possède 47 établissements dont plusieurs situés dans le Sud de la France, dans le but d’entraîner un refus de la salariée et il s’avère qu’il est coutumier de ce genre de pratique.

La société ARGEL prétend que la lettre de licenciement mentionne :

— L’avis d’inaptitude médicale de la salariée

— Les solutions de reclassement formulées sur un poste en adéquation avec ses aptitudes

— L’absence de toute réponse de la salariée conduisant par définition à toute impossibilité de reclassement

— en voie de conséquence, l’obligation faite à la société ARGEL de procéder au licenciement de la salariée

Par ailleurs, l’impossibilité de reclassement a été rappelée à la salariée par le courrier du 29 mars 2016 et celui du 30 mars 2016.

Il rappelle qu’en droit, le défaut de précision du motif du licenciement entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non un licenciement nul et se prévaut des dispositions de la loi travail du 8 août 2016.

S’agissant du reclassement, il expose qu’il s’est rapproché dès réception de l’avis d’inaptitude des sociétés du groupe et que la liste des postes vacants lui a été transmise, qu’il a informé la salariée le 29 mars 2016 de l’absence de tout autre poste vacant conforme aux restrictions du médecin du travail et en adéquation avec ses compétences professionnelles , sans réponse de Madame X, qui ne s’est pas présentée à l’entretien préalable.

— Sur la demande de rectification de documents :

Madame X, qui expose que l’attestation Pôle Emploi a été rectifiée et délivrée , prétend que l’employeur qui aurait dû soit reprendre le paiement du salaire soit licencier ou reclasser sa salariée dans le délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude et ne l’a pas fait , lui doit 18 jours de rappel de salaire soit la somme de 780 €.

L’avis d’inaptitude est en date du 3 mars 2016 et la lettre de licenciement lui a été notifiée le 21 avril.

L’employeur réplique qu’il a réglé le rappel de salaire pour la période courant du 4 avril au 21 avril 2016 soit la somme de 925,14 € bruts et précise que la salariée n’a subi aucun préjudice puisqu’elle a été indemnisée au cours de cette période pour un montant de 754,50 € nets versé par le régime de prévoyance .

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2019 et l’audience de plaidoirie fixée au 14 novembre 2019.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

SUR CE

— Sur le licenciement :

En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

'Nous vous avons fait parvenir le 30 mars 2016 une convocation à entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre , avec votre Directeur , M. Z A , entretien qui devait se dérouler le lundi 11 avril 2016 et auquel vous ne vous êtes pas présentée.

A l’issue de la visite médicale en date du 3 mars 2016, le Médecin du Travail , le Docteur

FORMNACIARI, a donné un avis d’inaptitude au poste que vous occupez dans l’entreprise en précisant :

'Inapte au poste en une seule visite ( visite de pré-reprise effectuée le 16 février 2016, il y a moins de 30 jours article R 4624-31 du code du travail'

Malgré cet avis d’inaptitude, nous avons mené , en concertation avec les services médicaux , une réflexion sur les aménagements de poste vous permettant de reprendre une activité professionnelle dans nos locaux et avons poussé nos investigations auprès de responsables de sociétés du groupe.

Nous vous avons proposé par courrier du 22 mars 2016 les postes suivants :

Téléprospecteur Argel à Guipavas (29), […] , […], Attaché technico-commercial à Achille à Gironde (33).

Vous n’avez pas donné de suite favorable à ces propositions.

Nous sommes donc dans l’obligation de procéder à la rupture de votre contrat pour inaptitude qui prendra effet à la première présentation de la présente lettre.

Votre inaptitude étant d’origine non professionnelle, votre préavis ne sera pas effectué ni rémunéré'.

De principe, ne constitue pas l’énoncé d’un motif de licenciement, l’inaptitude physique du salarié , sans mention de l’impossibilité de reclassement.

Or, à aucun moment, l’employeur ne mentionne l’impossibilité de reclassement de la salariée dans la lettre de licenciement.

Il s’en suit que le licenciement de Madame X est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Madame X qui comptait plus de deux ans d’ancienneté et travaillait dans une entreprise comptant plus de 11 salariés a droit à des dommages et intérêts venant réparer le préjudice résultant de la rupture qui ne peuvent être inférieurs à six mois de salaires.

Elle a été longtemps indemnisée par Pôle Emploi avant de retrouver un emploi en contrat à durée indéterminée le 6 novembre 2017;

Elle sera justement indemnisée par la somme de 13.000 €.

Madame X réclame la somme de 5000 € au titre du préjudice moral et du caractère vexatoire causé par la rupture mais ne démontre ni ce caractère vexatoire ni le préjudice distinct qui en aurait résulté pour elle et sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

— Sur le rappel de salaire :

Madame X réclame la somme de 780 € à titre de rappel de salaire relatif aux 18 jours excédant le mois qui a suivi l’avis d’inaptitude du 3 mars 2016, soit du 4 au 21 avril 2016, date de notification du licenciement.

En application de l’article 1226-4 du code du travail, l’employeur doit reclasser ou licencier le salarié dans le délai d’un mois qui suit l’avis d’inaptitude , à défaut l’employeur doit reprendre le versement des salaires.

Devant le premier juge, la société ARGEL s’est engagée à procéder au versement de rappel de salaire pour la période du 4 au 21 avril 2016, soit la somme de 925,14 € et le conseil lui en a donné acte , l’y a condamné en tant que de besoin.

L’employeur soutient que ce règlement est effectif mais ne le démontre pas par les pièces versées aux débats.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de la salariée.

— Sur les autres demandes :

Il convient de fixer la moyenne mensuelle du salaire brut de la salariée à la somme de 1547,59 €.

Les sommes allouées à la salariée porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en ce qui concerne les rappels de salaire et du jour de l’arrêt pour les dommages et intérêts, le tout avec capitalisation.

La société ARGEL qui succombe supportera les entiers dépens, en ce non compris les frais de l’exécution forcée, et sera en outre condamnée à payer à Madame X la somme 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Infirme le jugement du Conseil de Prud’hommes du 13 avril 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que le licenciement dont a fait l’objet Madame X pour inaptitude physique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Fixe la moyenne mensuelle brute des salaires de Madame X à la somme de 1547,59 €,

Condamne la société ARGEL SUD-EST à payer à Madame X les sommes suivantes :

—  13 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  780,00 €au titre de rappel de salaire relatif aux 18 jours excédant le mois qui a suivi l’avis d’inaptitude du 3 mars 2016,

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Madame X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Dit que les sommes allouées à la salariée porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en ce qui concerne le rappel de salaire et du jour de l’arrêt en ce qui concerne les dommages et intérêts et l’article 700 du code de procédure civile,

Prononce la capitalisation des intérêts, conformément à l’article 1154 du code civil,

Condamne la société ARGEL SUD-EST aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, en ce non compris les frais de l’exécution forcée.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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