Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 octobre 2020, n° 17/13549

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 23 oct. 2020, n° 17/13549
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/13549
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, 3 avril 2017, N° 15/01066
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 23 OCTOBRE 2020

N° 2020/ 275

RG 17/13549

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4ZI

Y Z X

C/

SAS COLAS MIDI MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée le 23.10.2020

à :

-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Hélène MARTY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 04 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01066.

APPELANT

Monsieur Y Z X, demeurant […]

représenté par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE et Me Laure LIZEE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS COLAS MIDI MEDITERRANEE, demeurant […]

représentée par Me Hélène MARTY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport

oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2020

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Y-Z X a été engagé le 29 août 1989, par la Société SACER (devenue COLAS MIDI MÉDITERRANÉE) qui appartient au groupe COLAS, filiale du groupe BOUYGUES, en qualité d’ouvrier-routier.

Il a été promu conducteur d’engins le 1er janvier 1995.

Dans le dernier état, il occupait les mêmes fonctions, statut maître ouvrier, coefficient 180 selon la classification de la Convention Collective des ouvriers Travaux Publics et percevait un salaire mensuel moyen brut de 2.443,56 euros.

Le groupe COLAS a signé

' en décembre 2009 un accord groupe dans le cadre de la mission diversité seniors tel que mentionné sur la plaquette la diversité chez COLAS

' en septembre 2013 un accord groupe relatif au contrat de génération

' le 27 mai 2011 une convention avec l’AGEFIPH, association nationale en charge du handicap.

En novembre 2014, 10 filiales du groupe COLAS -dont COLAS MÉDITERRANÉE- ont signé leur propre convention avec l’AGEFIPH.

Monsieur Y-Z X a été arrêté du 9 septembre 2013 au 30 avril 2015.

Le 11 mai 2015, Monsieur Y-Z X a passé une visite médicale de reprise à l’issue de

laquelle la médecine du travail a déclaré :

«Inapte au poste de conducteurs d’engins. Le salarié ne peut plus conduire d’engins exposant aux vibrations corps entier.

Il pourrait travailler sur un poste

- sans mouvement contraignant pour le rachis

- sans port de charges lourdes

- sans utilisation de marteau piqueur

Etude de poste à réaliser, prendre rendez-vous avec le médecin du travail ».

A la suite d’une seconde visite médicale de reprise qui s’est déroulée le 19 mai suivant, la médecine du travail a confirmé l’inaptitude de Monsieur Y-Z X à son poste et a précisé qu’il était apte à

- « un poste non physique : sans mouvement contraignant pour le rachis, sans port de charges lourdes supérieur à 20 kg et sans utilisation de marteau piqueur.

- la conduite de VL.

- un poste administratif, ou de planning ou de surveillance (liste non exhaustive) »

et a préconisé la réalisation d’un bilan de compétence.

La société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE a, par courrier du 27 mai 2015, convoqué Monsieur Y Z X a un entretien fixé le 11 juin 2015, en vue : « d’étudier ensemble pour maximiser, les possibilités de votre reclassement et tout accompagnement qui pourrait être utile (formation, mobilité,) suite à l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail… ».

Un questionnaire a été établi ce jour là sur les solutions de reclassement envisageables.

M. X a précisé qu’il était ouvert à tout poste en France Métropolitaine.

.

La société COLAS MÉDITERRANÉE a proposé par courrier du 30 juin 2015 deux postes à titre de reclassement d’ « agent administratif » situé l’un à Laucane (Tarn 81) l’autre à Annot (Hautes Alpes 04) à temps partiel, à raison de 24 heures par semaine.

Monsieur Y-Z X a refusé ces offres par courrier du 8 juillet 2015.

La société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE a convoqué M. X à un entretien préalable à son licenciement qui s’est déroulé le 7 août 2015.

La société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE a congédié Monsieur Y-Z X, par lettre recommandée avec AR du 12 août 2015 pour des motifs tenant à une inaptitude à son poste de travail et à une impossibilité de reclassement.

Le jour même, la société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE lui a adressé, par lettre recommandée avec AR du 12 août 2015, l’ensemble des documents afférents à la rupture de son contrat de travail et

solde de tout compte.

Monsieur Y-Z X a saisi le conseil de prud’hommes de d’Aix en Provence, qui, par jugement rendu le 4 avril 2017, a débouté Monsieur X de l’intégralité de ses demandes.

M. X a interjeté appel de cette décision le 13 juillet 2017.

Dans ses dernières conclusions en date du 29 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. X demande à la cour de :

— dire et juger Monsieur Y-Z X recevable et bien fondé en son appel

En conséquence,

' Infirmer le jugement et faire droit à l’intégralité de ses demandes,

A titre principal

' Prononcer la nullité du licenciement notifié le 12 août 2015 en violation de l’article L1132-1 du code du travail,

' Ordonner la réintégration de Monsieur Y-Z X avec exécution provisoire sous astreinte de 450 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

' Condamner la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE à lui verser les indemnités suivantes :

' 149.057,16 euros à titre de rappel de salaire sur la période couverte par la nullité ;

' 14.905,71 euros à tire de congés payés afférents sur la période couverte par la nullité ;

' 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

A titre subsidiaire

' Juger dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié le 12 août 2015

' Condamner la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE à lui verser les indemnités suivantes :

—  4.887,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

—  488,71 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents

—  88.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

En tout état de cause

' Condamner la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE à lui verser 5.000 euros au titre de l’article 700 du CPC

' Condamner la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE aux entiers dépens et notamment aux frais éventuels d’exécution de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la société COLAS MÉDITERRANÉE demande

à la cour de :

— recevoir l’appel formé par Monsieur Y-Z X, le dire juste en la forme mais mal fondé,

— confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’AIX EN PROVENCE le 4 Avril 2017 en ce qu’il a,

— dit et jugé que le licenciement pour inaptitude prononcé à l’encontre de Monsieur Y-Z X est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— dit et jugé qu’il n’a existé en l’espèce aucune discrimination au titre des dispositions de l’article L 1132-1 du Code du travail,

— dit et jugé que la société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE s’est livrée loyalement à une recherche sérieuse de reclassement,

— débouté Monsieur Y-Z X de ses demandes plus amples,

— condamné Monsieur Y-Z X aux dépens,

— débouter Monsieur Y-Z X de toutes ses demandes fins et conclusions contraires,

— condamner Monsieur Y-Z X aux dépens,

A titre infiniment subsidiaire,

— tenir compte du préjudice financier réel de Monsieur X pour fixer les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— débouter Monsieur Y-Z X de sa demande de condamnation de COLAS MIDI MÉDITERRANÉE au titre des congés payés sur préavis qui devront lui être réglés par la Caisse Nationale des Entrepreneurs de Travaux Publics,

— statuer ce que de droit sur les dépens.

- Sur la nullité du licenciement

Se prévalant des dispositions des articles L 1132-4 et L 1132-1 du code du travail, M. X soutient que son licenciement est nul car discriminatoire, à savoir prononcé en raison de son handicap.

Il sollicite en conséquence sa réintégration ainsi qu’une indemnité équivalente aux salaires afférents à la période couverte par la nullité et des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Il expose qu’il a informé son employeur de son handicap lors de l’entretien préalable et de la saisine de la MDPH, que la société COLAS a refusé de rechercher des postes disponibles conformes à l’aptitude déclarée par le médecin du travail et de lui faire suivre une formation et/ou un bilan de compétence.

L’employeur aurait manqué à son obligation de loyauté alors qu’elle a signé en décembre 2009 un accord groupe sur l’emploi des seniors et un accord avec l’AGEFIPH qui prévoit expressément le maintien dans l’emploi , le privant de ses droits tant en sa qualité de senior que de travailleur handicapé.

Contrairement à ce qu’elle allègue, la société COLAS n’a pas respecté son obligation de formation et la liste de formation qu’elle produit à cet effet est contestable.

La société COLAS rappelle qu’elle a proposé à M. X deux postes de reclassement.

L’accord du 3 décembre 2009 relatif à l’emploi des seniors a expiré le 3 décembre 2012.

L’accord conclu avec l’AGEFIPH d’une durée de deux ans a pris fin le 31 décembre 2013 et n’a pas été renouvelé.

L’accord du groupe COLAS relatif au contrat de génération signé le 20 septembre 2013 ne concernait que les jeunes de moins de 26 ans et les salariés âgés de 55 ans et plus et ne s’appliquait pas à M. X qui n’avait que 52 ans.

Enfin, la qualité de travailleur handicapé n’a été accordée à M. X qu’en octobre 2015 alors que son licenciement est en date du 12 août précédent.

M. X aurait suivi de nombreuses formations de 1995 à 2012, correspondant à 14 modules de formation pour un total de 321 heures.

En tout état de cause, à supposer que l’employeur ait manqué à son obligation de formation, pour autant ce manquement ne caractériserait pas une discrimination et le licenciement ne serait pas nul.

Le licenciement du salarié est en fait dû à son inaptitude et à son refus des postes de reclassement proposés et non à son handicap.

- Sur le caractère abusif du licenciement à titre subsidiaire

M. X soutient que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement alors qu’il est un leader mondial de la construction et de l’entretien des infrastructures de transport et est lui-même filiale du groupe Bouygues.

Or le salarié n’a reçu qu’une seule offre de reclassement sur un poste administratif à temps partiel entraînant une baisse significative de sa rémunération.

L’employeur ne prouve pas qu’il a effectué ses recherches sur le groupe COLAS et sur le groupe BOUYGUES.

Le salarié n’a jamais bénéficié d’un bilan de compétence ou d’une formation depuis 26 ans en dehors des formations obligatoires.

La société COLAS expose qu’elle a loyalement recherché un poste de reclassement pour M. X , en consultant les services des ressources humaines de chacune des filiales du groupe COLAS sur le territoire national et à l’étranger ainsi que le service des ressources humaines du groupe BOUYGUES.

Aucun autre poste correspondant aux aptitudes résiduelles du salarié n’était disponible et il n’a été procédé à aucune embauche du 19 mai, date du 2e avis d’inaptitude , au 12 août 2015, date du licenciement.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 août 2020 ;

SUR CE

- Sur la nullité du licenciement pour discrimination

En application des articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail, le licenciement discriminatoire fondé sur l’âge , l’état de santé ou le handicap du salarié est nul.

Il ressort de l’article L. 1134-1 du code du travail qu’il appartient au salarié qui invoque des faits de discrimination de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le salarié affirme avoir fait l’objet d’une discrimination relative à son âge, son état de santé et son handicap.

Il fait grief à son employeur de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement dès lors qu’il l’avait informé de son handicap, de ne pas lui avoir fait suivre une formation et/ou un bilan de compétence, de ne pas avoir respecté les accords sur l’emploi des seniors et au contrat de génération de 2009 et 2013, ni l’accord de 2011 conclu avec l’AGEFIPH et la convention de 2014 contractée avec cette dernière, de ne pas l’avoir formé pendant ses 17 années d’activité.

Sur l’information de l’employeur sur le handicap du salarié, il est constant que ce n’est qu’au cours de la procédure de reclassement, le 11 juin 2015 que le salarié a informé l’employeur du fait qu’il avait déposé auprès de la MDPH un dossier, que ce dossier a été enregistré par la MDPH le 29 juin 2015 et que ce n’est que le 20 octobre 2015, bien après son licenciement prononcé le 12 août 2015, que la MDPH lui a accordé le bénéfice des droits suivants :

— orientation professionnelle du 20 octobre 2015 au 19 octobre 2020, avec maintien dans l’emploi. Il vous est conseillé de contacter le médecin du travail de votre entreprise

— RQTH du 20 octobre 2015 au 19 octobre 2020. Il vous est conseillé de prendre rapidement contact avec le médecin du travail de votre entreprise ou administration.

Toutefois le CDAPH n’a pu vous attribuer le bénéfice de :

— Cartes : la carte d’invalidité ou de priorité ,car votre taux d’incapacité est inférieur à 80% et vous ne présentez pas de pénibilité à la station debout.

Il s’en suit que, au vu de l’avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail, l’employeur n’était en possession d’aucun élément nouveau lors de la procédure de licenciement sur un handicap qu’aurait présenté le salarié et que ce dernier ne démontre pas l’existence d’un lien de causalité entre ce handicap supposé alors et la procédure de reclassement menée.

Sur l’accord de 2011 conclu avec l’AGEFIPH, l’employeur démontre que l’accord de 2011 a été conclu pour une durée de deux ans et a pris fin le 2 décembre 2013, sans être renouvelé.

Sur la convention conclue avec l’AGEFIPH en 2014, le salarié verse aux débats un extrait émanant du site internet 'Club Handicap & Compétences ' selon lequel :

[…]

Les filiales de Colas renforcent leur engagement en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap

Les filiales de Colas poursuivent activement l’engagement pris par le Groupe dès 2011 en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap.

Colas avait, en effet, signé une convention de partenariat de deux ans avec l’Agefiph, destinée tant à provoquer une prise de conscience au sein des filiales qu’à engager toute une série d’actions en matière de communication, d’intégration, de maintien dans l’emploi ou encore d’achats au secteur protégé.

L’engagement du Groupe sur le terrain de la diversité et du handicap ne faiblit pas au sein de ses filiales: dix d’entre elles viennent de signer avec l’Agefiph leur propre convention personnalisée, répondant à leur activité et à leurs objectifs respectifs.

Pour en savoir plus cliquez Ici.

Cette pièce ne permet pas de savoir quels étaient les engagements du groupe et en tout état de cause, M. X n’était pas reconnu comme handicapé tant au cours de la procédure de licenciement que lors du prononcé.

Il échoue par conséquent à démontrer un manquement établi de l’employeur sur ce point.

Sur la discrimination liée à l’âge, lors de son licenciement, M. X était âgé de 52 ans.

S’agissant de l’accord Groupe COLAS du 3 décembre 2009 , il était conclu pour une durée de trois ans et a donc expiré le 3 décembre 2012.

S’agissant de l’accord du Groupe COLAS relatif au contrat de génération signé le 20 septembre 2013, il concernait les jeunes de moins de 26 ans et les salariés âgés de 55 ans et plus et donc M. X ne pouvait en bénéficier.

Il n’est donc pas établi de fait laissant supposer une discrimination de l’employeur pour ces deux accords.

Sur l’absence de bilan de compétence et/ou de formation, il est constant que le médecin du travail, lors de la seconde visite, a déclaré le salarié 'inapte au poste de conducteur d’engins. Le salarié ne peut plus conduire d’engins exposant aux vibrations corps entier. Il pourrait travailler sur un poste non physique : sans mouvement contraignant pour le rachis, sans port de charges lourdes >20kg et sans utilisation de marteau piqueur. Il peut conduire un VL.

Il pourrait occuper un poste administratif, ou de planning ou de surveillance ( liste non exhaustive) .

Un bilan de compétence pourrait être utile.'

Il s’en suit que le médecin du travail , utilisant le conditionnel, n’a pas préconisé expressément un bilan de compétences.

Mais, suite à cet avis rendu le 27 mai 2015, l’employeur a convoqué le salarié le même jour à un entretien le 11 juin suivant, entretien qui avait pour but, comme précisé dans le courrier 'd’étudier ensemble, pour maximiser les chances de réussite, les possibilités de votre reclassement et tout accompagnement qui pourrait vous être utile (formation, mobilité…) suite à l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail, lors de votre seconde visite médicale du 27 mai 2015.'

Le jour de l’entretien, un questionnaire de reclassement était soumis au salarié, qu’il verse aux débats, et dont il résulte que, M. X, en termes de mobilité, a précisé qu’il était ouvert à tout poste en France métropolitaine, n’a pas sollicité de bilan de compétences et qu’à la rubrique 'projet professionnel / formation', il est indiqué : ' M. X n’exprime pas de souhait de formation spécifiquement ni de projet professionnel précis. Un poste au planning pourrait être intéressant.

M. X a déjà une certaine connaissance des outils informatiques ,il est en capacité de monter soi-même un ordinateur.'

A la suite de cet entretien, l’employeur a proposé à M. X deux postes de reclassement le 30 juin 2015 d’agent administratif à temps partiel situés à Lacaune et Annot qui étaient des créations de postes en indiquant que pour lui permettre d’exercer correctement ces fonctions, il serait à même de lui faire suivre toutes les formations nécessaires le cas échéant et lui demandant de communiquer toutes les informations utiles, afin d’aménager au mieux le poste.

Ce n’est que par lettre recommandée du 10 juillet 2015, que M. X va refuser ces deux postes de reclassement en indiquant que le médecin du travail a précisé qu’un bilan de compétences pourrait être utile, qu’il était salarié de la société depuis bientôt 26 ans et âgé de 52 ans et qu’il n’avait jamais bénéficié du moindre bilan de compétence ni de la moindre formation , que s’il n’avait pas exprimé de souhait précis de formation, ce n’était pas pour autant qu’il ne souhaitait pas en bénéficier et qu’un bilan de compétence lui paraissait être un préalable indispensable.

Il est constant que l’employeur a répondu le 29 juillet 2015, prenant acte du refus de M. X des postes de reclassement proposés, indiquant qu’il avait poursuivi ses recherches de reclassement sans succès mais ne donnant pas suite à la demande du salarié d’un bilan de compétence.

Cependant, si l’employeur n’a pas donné suite à la demande de M. X, ce dernier qui avait indiqué préalablement qu’il ne souhaitait pas suivre une formation ne démontre pas que le refus de la société COLAS, suite à sa demande tardive, laisse présumer une discrimination.

S’agissant de l’absence de formation suivies par M. X au cours de sa carrière, l’employeur démontre que le salarié, conducteur d’engins en a suivi plusieurs de 2005 à 2014, à savoir :

[…]

CACES TOUTES CATÉGORIES Ouvrier

[…]

[…]

[…]

[…]

SANTÉ EN ENTREPRISE Ouvrier

[…]

[…]

FORMATION DES MEMBRES DU CHSCT Ouvrier

[…]

[…]

[…]

[…]

lui permettant non seulement d’actualiser ses connaissances, de les approfondir mais également d’évoluer dans sa carrière professionnelle.

Sans être contredit, l’employeur fait remarquer que M. X n’a jamais sollicité d’autre formation.

En tout état de cause, M. X ne démontre pas que cette insuffisance de formation, selon lui, laisse présumer une discrimination ayant conduit à son licenciement pour inaptitude médicale.

Il s’en suit que le salarié échoue à présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, et sera donc débouté de sa demande à ce titre ainsi que de ses demandes afférentes par voie de confirmation.

- Sur le licenciement

En application de l’article L1235-1 du code du travail, il revient à la Cour d’apprécier, au vu des éléments apportés aux débats par l’une et l’autre parties, le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, et ce telle qu’elle résulte des deux motifs énoncés dans la lettre de licenciement, à savoir l’inaptitude déclarée par le médecin du travail et une impossibilité de reclassement.

En application de l’article L1226-2 du code du travail, dès lors que le salarié est déclaré inapte consécutivement à une maladie ou un accident non professionnel, son employeur ne peut le licencier qu’après avoir recherché à le reclasser sur un poste approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En application de l’article 1315 du code civil, il incombe à l’employeur de justifier des diligences par lesquelles il prétend s’être entièrement libéré de son obligation, et ce par de complètes recherches dans son entreprise et les entreprises du groupe dont son entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

L’employeur se prévaut des deux postes d’agent administratif à temps partiel proposés au salarié correspondant à des créations de postes, l’un dans le Tarn et l’autre dans les Hautes Alpes qui entraînait une réduction de salaire importante puisque le salaire passait de 2188 € brut à 1500 € et ce, sans garantie de conserver les primes indiquée dans le courrier, contrairement à ce qu’affirme l’employeur.

Il se prévaut ensuite des recherches qu’il a effectuées en adressant des courriers aux 12 directions des ressources humaines du Groupe COLAS et à la direction des ressources humaines du Groupe Bouygues le 23 juin 2015 auquel il appartient et qu’il verse aux débats ainsi rédigé :

« Nous prenons contact avec vous afin d 'envisager l’opportunité d 'un reclassement pour l’un des salariés de notre Agence de PEGOMAS (06) entré dans notre société le 29 Août 1989, et qui occupait la fonction de conducteur d’engins, convention collective nationale des travaux publics.

Par décision du 27 Mai 2015, date de la visite médicale, la Médecine du travail l 'a déclaré inapte à son poste et a émis les conclusions suivantes :

« Inapte au poste de conducteur d’engins, deuxième visite, article R 4624-31 du Code du travail,

Le salarié ne peut plus conduire d’engins exposant aux vibrations corps entier,

Il pourrait travailler sur un poste non physique: sans mouvement contraignant pour le rachis, sans

port de charges lourdes supérieures à 20 kg et sans utilisation de marteau piqueur.

Il peut conduire un VL.

Il pourrait occuper un poste administratif ou de planning ou de surveillance (liste non exhaustive),

Un bilan de compétence pourrait être utile ».

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire savoir s’il existe au sein de vos structures de possibilités de reclassement compatibles avec l’avis d’inaptitude émis par la Médecine du travail …. »

ainsi que les douze très brèves réponses négatives reçues entre le 29 juin et le 27 juillet 2015.

Mais il est constant et non contesté que le groupe COLAS leader mondial de la construction et de l’entretien des infrastructures de transport est implanté dans 50 payés sur les 5 continents et emploie 70.000 collaborateurs à travers une cinquantaine de structures et est une filiale du groupe BOUYGUES, groupe industriel implanté dans 100 pays et employant plus de 120.000 salariés à travers plus d’une centaine d’entreprises.

Et l’employeur reconnaît quant à lui que le groupe COLAS est constitué de plus de 800 établissements de travaux et de 1400 sites de production uniquement en France, sans qu’il indique précisément la composition du groupe et encore moins du groupe Bouygues et de leurs filiales respectives, ce qui ne permet pas de vérifier que par cette lettre lacunaire qui ne comporte même pas le CV du salarié et qui n’a donc suscité que des réponses stéréotypées de quelques mots, adressée aux directions des ressources humaines du Groupe COLAS en France uniquement et à la direction des ressources humaines du Groupe Bouygues en France également, il ne disposait d’aucun poste administratif, de conduite de VL, de planning ou de surveillance ou autre compatible avec les restrictions médicales et au besoin accessibles par le biais d’une formation, mutation, adaptation de poste et qu’il ait ainsi complètement et loyalement rempli son obligation de reclassement.

Faute pour la société intimée de justifier avoir entièrement et loyalement satisfait à son obligation de recherche de toutes les possibilités de reclassement, fût-ce par mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail, elle ne pouvait alléguer d’une impossibilité de reclasser le salarié appelant.

Le licenciement néanmoins prononcé s’en trouve privé de cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur X est bien fondé à solliciter l’indemnité compensatrice de préavis dont il a été privé qu’il ait été ou pas en mesure de l’exécuter, outre les congés payés afférents, s’agissant d’une indemnisation forfaitaire et non du paiement de congés payés.

La Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE sera condamnée à lui verser une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire, soit la somme de 2443,56 x 2 = 4.887,12 euros en application de l’article 10.1 de la CCN outre les congés payés y afférents.

M. X a été licencié à l’âge de 52 ans après 26 ans d’ancienneté.

L’entreprise comptait plus de onze salariés.

M. X percevait un salaire mensuel de 2443,56 €.

Il justifie qu’il était toujours au chômage en février 2020 et percevait l’allocation de retour à l’emploi puis l’allocation de préretraite-chômage pour un montant qui n’a cessé de diminuer.

Son préjudice sera indemnisé par l’allocation de la somme de 50.000 €.

- Sur les autres demandes

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il s’impose de mettre à la charge de l’employeur le remboursement des indemnités de chômage servies au salarié abusivement privé de son emploi, et ce dans la limite de six mois d’indemnités.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles qu’il a contraint le salarié à exposer tant devant les premiers juges qu’à hauteur d’appel.

En application de l’article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l’employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. X de toutes ses demandes au titre de la discrimination.

Statuant à nouveau , y ajoutant,

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.

Condamne la société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE à payer à M. X les sommes de:

—  4.887,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

—  488,71 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents

—  50.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Condamne la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE à lui verser 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC

Condamne la Société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE aux entiers dépens en ce non compris les frais éventuels d’exécution de la décision.

Ordonne le remboursement à Pôle Emploi, à charge de la société COLAS MIDI MÉDITERRANÉE, des indemnités de chômage servies à M. X, et ce dans la limite de six mois d’indemnités.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 23 octobre 2020, n° 17/13549