Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 20 mars 2019, n° 16/02394

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Chronologie de l’affaire

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www.legalbrain-avocats.fr · 18 avril 2022

30% des salariés français déclarent avoir subi au moins un comportement hostile sur leur lieu de travail au cours des 12 derniers mois et 20% craignaient de perdre leur emploi selon une enquête de la Dares réalisée en 2016 et en 2019. Le harcèlement numérique participe grandement à ce constat. Il est très présent au sein de nombreuses sociétés, sans que les employeurs ne s'en rendent forcément compte. Avec la numérisation des espaces de travail, de nouvelles formes de « harcèlement numérique » sont nées ces dernières années. La jurisprudence a eu l'occasion d'en pointer certaines. Exemples …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 20 mars 2019, n° 16/02394
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 16/02394
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Compiègne, 11 avril 2016, N° F15/00095
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

SAS ALLARD EMBALLAGES

C/

X

copie exécutoire

le 20 mars 2019

à

[…]

SELARL DELLIEN

FB/IL/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

PRUD’HOMMES

ARRET DU 20 MARS 2019

*************************************************************

N° RG 16/02394 & 16/2519

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE COMPIEGNE DU 12 AVRIL 2016 (référence dossier N° RG F15/00095)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE & INTIMEE

SAS ALLARD EMBALLAGES

[…]

[…]

[…]

représentée, concluant et plaidant par Me Adrien GARRIGUES de la […] AMARIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BRIVE,

ET :

INTIME & APPELANTE

Monsieur A X

[…]

[…]

représenté, concluant et plaidant par Me Adeline MANGOU de la SELARL DELLIEN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 09 janvier 2019, devant M. C D, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :

— M. C D en son rapport,

— les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.

M. C D indique que l’arrêt sera prononcé le 20 mars 2019 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme E F

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. C D en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

M. C D, Président de Chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller,

Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 20 mars 2019, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. C D, Président de Chambre, et Mme E F, Greffier.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 12 avril 2016 par lequel le conseil de prud’hommes de Compiègne, statuant en formation de départage dans le litige opposant Monsieur A X à son ancien employeur, la société Allard Emballages, a dit que la prise d’acte par le salarié de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement nul, a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour la rupture du contrat de travail,

indemnité conventionnelle de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral, dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, indemnité de procédure et a ordonné la remise par l’employeur au salarié d’un certificat de travail, d’une attestation Pôle Empoi et d’un bulletin de salaire conformes à la décision sans qu’il n’y ait lieu au prononcé d’une astreinte ;

Vu l’appel interjeté le 10 mai 2016 par la société Allard Emballages à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 25 avril précédent ;

Vu l’appel interjeté le 20 mai 2016 par Monsieur X à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 23 avril précédent ;

Vu les conclusions et observations orales des parties à l’audience des débats du 9 janvier 2019 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;

Vu les dernières conclusions enregistrées le 9 janvier 2019, soutenues oralement à l’audience, par lesquelles l’employeur, contestant l’existence de tout harcèlement moral, soutenant ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat, estimant que le salarié ne rapporte pas la preuve de l’existence de manquements suffisamment graves justifiant une prise d’acte de la rupture devant produire les effets d’un licenciement nul ou subsidiairement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, affirmant que le salarié n’établit pas avoir respecté son obligation de non concurrence, sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, requiert que Monsieur X soit débouté de l’intégralité de ses demandes et qu’il soit condamné au paiement d’une indemnité de procédure ;

Vu les dernières conclusions en date du 8 janvier 2019, reprises oralement à l’audience, par lesquelles le salarié, réfutant les moyens et l’argumentation développés au soutien de l’appel de l’employeur, soutenant avoir été victime de harcèlement moral au cours de la relation contractuelle, estimant que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, faisant valoir que la société Allard Emballages a gravement manqué à ses obligations légales et contractuelles dans des conditions justifiant une prise d’acte de la rupture devant produire les effets d’un licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, demandant à la cour de constater que l’employeur n’a pas renoncé à la clause de non concurrence et qu’il n’a pas versé la contre partie financière, sollicite pour sa part la confirmation du jugement entrepris sauf à augmenter le quantum des sommes accordées au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou abusif, des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral, des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l’employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral et à condamner en outre l’employeur au paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Sur la jonction des procédures

La société Allard Emballages et Monsieur X ont tous deux interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Compiègne le 12 avril 2016.

Dans un souci de bonne administration de la justice, il y a lieu d’ordonner la jonction des procédures enrôlées sur les numéros 16/2394 et 16/2519.

Sur le fond

Monsieur X a été embauché par la société Allard Emballages aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 avril 2000 en qualité d’attaché technico commercial, statut cadre, position II A, coefficient 350.

Par avenant en date du 23 novembre 2000, Monsieur X a accepté la mise en place d’une convention de forfait jours.

Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadre de l’industrie des papiers, cartons et celluloses.

La société Allard Emballages emploie environ 400 salariés.

A compter du 3 décembre 2014, Monsieur X a été placé en arrêt maladie.

Estimant que son employeur avait gravement manqué à son égard à ses obligations légales et contractuelles, notamment en lui faisant subir un harcèlement moral et en manquant à son obligation de sécurité de résultat, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne le 26 mars 2015 d’une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail avec tous les effets attachés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En cours de procédure, Monsieur X, par courrier recommandé adressé à son employeur le 29 janvier 2016 a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Statuant en formation de départage par jugement du 12 avril 2016, dont appel, le conseil de prud’hommes de Compiègne s’est déterminé comme indiqué précédemment.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1154-1 du même code, le salarié a la charge d’établir des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers et à tout harcèlement.

Il résulte du premier de ces textes que les faits susceptibles de laisser présumer une situation de harcèlement moral au travail sont caractérisés, lorsqu’ils émanent de l’employeur, par des décisions, actes ou agissements répétés, révélateurs d’un abus d’autorité, ayant pour objet ou pour effet d’emporter une dégradation des conditions de travail du salarié dans des conditions susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Une situation de harcèlement moral se déduit ainsi essentiellement de la constatation d’une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l’employeur révélateurs d’un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d’autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Dès lors qu’ils peuvent être mis en rapport avec une dégradation des conditions de travail, les certificats médicaux produits par le salarié figurent au nombre des éléments à prendre en considération pour apprécier l’existence d’une situation de harcèlement laquelle doit être appréciée globalement au regard de l’ensemble des éléments susceptibles de la caractériser.

En l’espèce, Monsieur X verse aux débats la copie d’un grand nombre de mails rédigés par son supérieur hiérarchique, Monsieur Y au cours de la période comprise entre octobre 2013 et décembre 2014, des attestations aux fins d’établir la dégradation de son état de santé psychologique, des certificats médicaux ainsi que la copie du courrier adressé à son employeur, à l’inspection du travail et à la médecine du travail en date des 23 janvier 2015 dénonçant l’existence d’un harcèlement moral.

Comme justement relevé par les premiers juges, il résulte de ces pièces que Monsieur Y s’adressait régulièrement à Monsieur X de façon infantilisante, ironique, employant des termes humiliants voir insultants.

Il ressort de la lecture des mails tel que détaillés par les premiers juges que Monsieur Y utilisait de façon réitérée un langage déplacé à l’encontre de Monsieur X et que, régulièrement, copies de ces mails étaient adressées à d’autres salariés de la société renforçant ainsi le caractère humiliant des propos tenus. Certains de ces messages contiennent en outre des menaces directes concernant non seulement l’avenir du salarié au sein de la société mais également son intégrité physique.

Les pièces et documents produits par le salarié permettent d’établir que son état de santé s’est progressivement dégradé, qu’il a dû bénéficier d’une prise en charge médicale pour syndrôme dépressif important ainsi que d’un soutien psychologique. Ce syndrome dépressif est mis en relation par le docteur Z avec les conditions de travail de Monsieur X.

Pris et appréciés dans leur ensemble, ces éléments permettent de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié et à altérer sa santé mentale ainsi qu’il ressort des documents médicaux produits.

Pour démontrer que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l’employeur invoque les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise, l’insuffisance professionnelle de Monsieur X tout en affirmant d’une part que Monsieur Y utilisait de bonne foi un langage familier et des expressions exagérées sans intention malveillante, que d’autre part seul Monsieur X s’était ému de la 'méthode Y’ et qu’enfin jusqu’à sa protestation, l’employeur ignorait que ce mode de communication ait pu être pris au premier degré par le salarié.

Comme justement relevé par les premiers juges, il ne résulte pas des éléments produits que Monsieur X ait fait preuve d’insuffisance professionnelle.

Si la société Allard Emballages était confrontée à des difficultés économiques, la nécessité d’améliorer ses performances ne pouvait légitimer l’existence de méthodes de management inadaptées ayant des répercussions sur la situation personnelle du salarié.

Les éléments produits par l’employeur sont insuffisants à contester utilement les pièces versées aux débats par Monsieur X faisant état de la dégradation de ses conditions de travail.

Cette présomption de harcèlement n’est par conséquent pas renversée par l’employeur qui ne verse aux débats aucun élément propre à établir que les faits et agissements qui sont imputés à Monsieur Y seraient étrangers à toute forme de harcèlement et procéderaient d’un exercice normal de ses prérogatives.

Par des motifs exacts et pertinents, non utilement critiqués en cause d’appel, les premiers juges ont en conséquence à juste titre retenu que Monsieur X avait été victime de harcèlement moral.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Il résulte des éléments du dossier que Monsieur X a subi un préjudice spécifique au cours de l’exécution de son contrat de travail du fait du harcèlement moral dont il a été victime, tel que caractérisé ci-dessus.

C’est en conséquence à bon droit que les premiers juges lui ont accordé des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de la somme justement appréciée et non utilement remise en cause à hauteur d’appel.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à l’obligation de prévention du harcèlement moral

Le salarié allègue l’existence d’un préjudice distinct sur le fondement de l’article L 1152-4 du code du travail.

Les obligations résultant des articles L 1152-4 et L 1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.

Il résulte des pièces versées au débat par le salarié que celui-ci a dénoncé auprès de son employeur le harcèlement moral dont il faisait l’objet par courrier recommandé en date du 23 janvier 2015.

L’employeur n’apporte pas d’éléments justifiant des réponses apportées à cette alerte.

Il ressort du courrier de réponse adressé à Monsieur X le 9 février 2015 que l’employeur a en partie cautionné l’attitude de Monsieur Y en ce qu’il indiquait notamment 'Sur le fond, Monsieur Y est dans son rôle' 'Monsieur Y s’oblige et oblige l’ensemble du personnel commercial à sortir d’une certaine zone de confort et à bousculer les habitudes acquises au fil des années.' Si l’employeur précisait intervenir auprès de Monsieur Y pour 'attirer très formellement son attention sur la forme de son coaching et sur la nécessité d’intégrer que ce qui peut séduire les uns par le dynamisme et l’humour qu’il véhicule peut parfaitement heurter et choquer les autres', il ne verse pas aux débats d’éléments justifiant des démarches entreprises.

Il résulte de ces constatations un manquement de l’employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral en violation des dispositions de l’article L 1152-4 du code du travail.

En conséquence, il sera alloué au salarié en réparation du préjudice subi des dommages et intérêts à hauteur de la somme justement évaluée par les premiers juges.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal, Monsieur X sollicite la confirmation du jugement entrepris qui a dit que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d’un licenciement nul en raison du harcèlement moral subi. A titre subsidiaire, le salarié requiert qu’il soit dit que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat.

L’employeur conclut au débouté de la demande et par conséquence à l’infirmation du jugement entrepris contestant d’une part l’existence de tout harcèlement moral et invoquant d’autre part l’ancienneté des faits invoqués à l’appui de la demande.

Sur ce ;

En cas de prise d’acte de la rupture par le salarié au cours de l’instance en résiliation judiciaire, seule la prise d’acte doit être examinée, même si les griefs spécifiquement avancés par le salarié à l’appui de sa demande de résiliation doivent être pris en compte pour apprécier les manquements de l’employeur.

A l’inverse de la lettre de licenciement, la lettre par laquelle le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail, à raison de manquements de son employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles, ne fixe pas les termes du litige et ne lie pas les parties et le juge. A l’appui de sa prise d’acte, le salarié peut par conséquent se prévaloir d’autres faits au cours du débat probatoire.

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et cesse son travail à raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve d’un manquement suffisamment grave de l’employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne le 24 mars 2015 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et a, par courrier en date du 29 janvier 2016 pris acte de la rupture de son contrat de travail invoquant notamment le harcèlement moral exercé par son supérieur hiérarchique Monsieur Y.

Il a été précédemment jugé comme établi le harcèlement moral allégué par le salarié.

Comme justement relevé par les premiers juges, si les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié se sont produits entre octobre 2013 et décembre 2014 et qu’il n’est pas contesté que Monsieur X n’a pris acte de la rupture de son contrat de travail que le 29 janvier 2016, il ressort des éléments du dossier que le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 3 décembre 2014 jusqu’au 25 janvier 2016.

Le manquement invoqué à l’appui de la prise d’acte ne saurait ainsi être considéré comme trop ancien puisqu’eu égard à l’arrêt de travail du salarié et à la suspension de son contrat de travail, Monsieur X était dispensé de l’exécution de toute prestation de travail du 3 décembre 2014 au 25 janvier 2016.

Le harcèlement moral subi par le salarié constitue un manquement répété de l’employeur présentant un caractère de gravité certain et rendant impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte qu’il sera jugé que la prise d’acte produit en l’espèce, par application de l’article L 1152-3 du code du travail les effets d’un licenciement nul.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Monsieur X peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l’illicéité du licenciement.

Les droits du salarié au titre de l’indemnité compensatrice de préavis tels que fixés par les premiers juges ne sont pas spécifiquement contestés dans leur quantum. Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef.

Le jugement entrepris a justement fixé au 29 janvier 2016 la date de rupture du contrat de travail du

salarié et dit que Monsieur X bénéficiait d’une ancienneté de 16 ans au sein de l’entreprise.

Le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement calculé sur cette base a été justement apprécié.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef.

Monsieur X, qui ne demande pas sa réintégration, peut également prétendre à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant de la nullité du licenciement, au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du code du travail.

En considération de la situation particulière du salarié et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour confirmer la réparation qui lui est due au titre de l’illicéité de la rupture de la relation de travail à la somme justement fixée par les premiers juges.

La prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul, il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail.

Sur la clause de non concurrence

A hauteur de cour, Monsieur X sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement de la contre partie financière de sa clause de non concurrence indiquant d’une part que la société Allard Emballages ne l’a pas libéré de l’interdiction de concurrence lors de la rupture du contrat de travail et soutenant d’autre part avoir respecté cette obligation de non concurrence pendant toute la période prévue au contrat de travail soit deux années sans jamais avoir bénéficié de la contre partie financière prévue.

L’employeur conclut au débouté de la demande au motif que le salarié ne justifie pas du respect de cette clause, observant en outre qu’il ne produit aucune explication quant au montant de la somme sollicitée.

Sur ce;

Il ressort des éléments du dossier que le contrat de travail de Monsieur X mentionnait en son article 12 une clause de non concurrence portant sur les départements de l’Ile de France et concernant aussi les clients avec lesquels il avait passé une commande dans les 12 derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail, applicable pendant une durée de deux ans à compter du jour du départ effectif du salarié.

L’article 12 prévoyait que conformément aux dispositions de la convention collective, en cas de congédiement, Monsieur X recevrait une indemnité calculée selon les dispositions de la convention collective, la société Allard Emballages pouvant se décharger du versement de cette indemnité en libérant Monsieur X de l’interdiction de non concurrence par écrit et dans les huit jours suivant notification du préavis ou suivant la rupture effective du contrat de travail.

Il ne ressort pas des éléments du dossier que l’employeur a libéré le salarié par écrit de son obligation de non concurrence.

S’il prétend être délivré de l’obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié.

En l’espèce, l’employeur n’établit pas que Monsieur X a violé la clause de non concurrence

prévue à son contrat de travail.

Le salarié, dont il n’est pas établi qu’il aurait méconnu son obligation de non concurrence est donc en droit de prétendre au versement de la contrepartie financière de la clause à hauteur de la somme sollicitée, celle-ci ayant été calculée par Monsieur X en application de l’article 42 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadre de la production des papiers, cartons et celluloses et n’étant pas utilement contestée en son quantum par l’employeur.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il sera ordonné la remise par l’employeur de l’attestation Pôle Emploi, d’un bulletin de salaire et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire à ce stade de la procédure.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.

Il convient en l’espèce de condamner l’employeur, succombant dans la présente instance, à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l’employeur les frais irrépétibles exposés par lui.

Il y a également lieu de condamner la société Allard Emballages aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sur les numéros 16/2394 et 16/2519 ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Compiègne du 12 avril 2016 ;

Y ajoutant :

Condamne la société Allard Emballages à verser à Monsieur A X la somme de 54 640,54 euros au titre de l’indemnisation de la clause de non concurrence ;

Condamne la société Allard Emballages à verser à Monsieur A X la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Allard Emballages aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT.

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