Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 28 juin 2021, n° 19/05625

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 2e protection soc., 28 juin 2021, n° 19/05625
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/05625
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 13 mai 2019, N° 18/817et18/818
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

880

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

C/

Y DE X

EW

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 28 JUIN 2021

*************************************************************

N° RG 19/05625 et N° RG 19/05649

JUGEMENTS DU PÔLE SOCIAL DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LILLE EN DATE DU 14 mai 2019 (RG 18/817 et 18/818)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

L’URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée et plaidant par Me Gaëlle DEFER, avocat au barreau d’AMIENS substituant Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU DEMONT HARENG DESEURE, avocat au barreau de BETHUNE

ET :

INTIME (RG 19/05625)

Monsieur C Y DE X

[…]

[…]

Représenté et plaidant par Me C PHILIPPE de la SELASU BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE (RG 19/05649)

Madame B Y DE X

[…]

[…]

Représentée et plaidant par Me C PHILIPPE de la SELASU BORNHAUSER, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 18 Mars 2021 devant Mme Z A, Présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Juin 2021.

Le délibéré de la décision, initialement prévu le 17 Juin 2021, a été prorogé au 28 Juin 2021.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme F-G H

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Z A en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Z A, Présidente de chambre,

Mme Corinne BOULOGNE, Présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Juin 2021, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Renaud DELOFFRE, Conseiller, a signé la minute pour la Présidente de section empêchée, avec M. Pierre DELATTRE, Greffier.

*

* *

DECISION

Vu le jugement rendu le 14 mai 2019 par lequel le Pôle social du tribunal de Grande Instance de Lille, statuant dans le litige opposant Madame B Y de X à l’URSSAF du Loiret, a:

dit que l’URSSAF Centre Val de Loire ne pouvait plus réclamer la cotisation subsidiaire maladie à

Madame B Y de X après le 30 novembre 2017,

annulé en conséquence l’appel de cotisations contesté,

condamné l’URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à Madame B Y de X la somme de 1420 euros,

condamné l’URSSAF Centre Val de Loire au paiement des entiers dépens de l’instance,

débouté Madame B Y de X de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la notification du jugement à l’URSSAF du Loiret le 10 juillet 2019, et l’appel relevé par celle-ci le 15 juillet 2019 , enrôlé sous le n° RG 19/05649

Vu les conclusions visées le 18 mars 2021, soutenues oralement à l’audience par lesquelles l’URSSAF Centre Val de Loire prie la cour de:

à titre principal,

valider l’appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant (rectifié à la baisse) de 8113 euros,

infirmer le jugement déféré,

rejeter les demandes de Madame B Y de X

à titre reconventionnel

condamner Madame B Y de X à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 8113 euros

ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Vu les conclusions visées le 18 mars 2021, soutenues oralement à l’audience par lesquelles Madame B Y de X prie la cour de:

confirmer le jugement déféré,

condamner l’URSSAF Centre Val de Loire à payer la somme de 600 euros à Madame B Y de X au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner l’URSSAF Centre Val de Loire aux dépens,

Vu le jugement rendu le 14 mai 2019 par lequel le Pôle social du tribunal de Grande Instance de Lille, statuant dans le litige opposant Monsieur C Y de X à l’URSSAF du Loiret, a:

dit que l’URSSAF Centre Val de Loire ne pouvait plus réclamer la cotisation subsidiaire maladie à Monsieur C Y de X après le 30 novembre 2017,

annulé en conséquence l’appel de cotisations contesté,

condamné l’URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à Monsieur C Y de X

la somme de 1420 euros,

condamné l’URSSAF Centre Val de Loire au paiement des entiers dépens de l’instance,

débouté Monsieur C Y de X de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la notification du jugement à l’URSSAF du Loiret le 10 juillet 2019, et l’appel relevé par celle-ci le 15 juillet 2019 , enrôlé sous le n° RG 19/05625,

Vu les conclusions visées le 18 mars 2021, soutenues oralement à l’audience par lesquelles l’URSSAF Centre Val de Loire prie la cour de:

à titre principal,

valider l’appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant (rectifié à la baisse) de 8113 euros,

infirmer le jugement déféré,

rejeter les demandes de Monsieur C Y de X

à titre reconventionnel

condamner Monsieur C Y de X à régler à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 8113 euros

ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Vu les conclusions visées le 18 mars 2021, soutenues oralement à l’audience par lesquelles Monsieur C Y de X prie la cour de:

confirmer le jugement déféré,

condamner l’URSSAF Centre Val de Loire à payer la somme de 600 euros à Monsieur C Y de X au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner l’URSSAF Centre Val de Loire aux dépens,

***

SUR CE LA COUR

*Sur la jonction d’instances:

Il convient, pour une bonne administration de la justice et conformément à la demande des parties, d’ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 19/05625 et 19/05649 sous le N°RG 19/05625 ;

* Sur le fond:

Par courriers en date du 15 décembre 2017, l’URSSAF Centre Val de Loire a adressé un appel de cotisation à Madame B Y de X et à Monsieur C Y de X , leur réclamant paiement d’une somme respective de 8456 euros et 8584 au titre de la cotisation

subsidiaire maladie ( CSM) due au titre de l’année 2016.

L’URSSAF Centre Val de Loire a ultérieurement accordé des délais de paiement à Monsieur et Madame Y de X .

Sollicitant la restitution des sommes versées à ce titre et le dégrèvement du reliquat, Monsieur et Madame Y de X ont saisi la commission de recours amiable, puis le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille.

Par les deux jugements dont appel, le Pôle social du tribunal de Grande Instance de Lille, devenu compétent pour connaître du litige, a débouté l’organisme de sa demande en paiement et condamné celui -ci à rembourser à Madame B Y de X et à Monsieur C Y de X les sommes versées à ce titre .

L’URSSAF Centre Val de Loire conclut à l’infirmation des deux jugement déférés et à la validation de l’appel de cotisations ramené à la somme de 8113 euros pour chacun des intimés.

Elle expose que l’assujettissement à la cotisation subsidiaire universelle est d’ordre public, qu’il n’est pas possible de se soustraire à cet assujettissement dès lors que les conditions de résidence et de revenus prévues à l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale sont remplies, et que le législateur a donné expressément compétence aux URSSAF afin d’effectuer l’appel de cotisation subsidiaire maladie ainsi que son recouvrement.

Elle soutient que l’appel de cotisation du 15 décembre 2017 reçu par Monsieur et Madame Y de X est régulier.

Elle conteste le caractère tardif de l’appel de cotisation prétendu par Monsieur et Madame Y de X.

Elle indique que si l’article R 380-4 du code de la sécurité sociale dispose que l’appel de cotisation doit avoir lieu « au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due », nulle sanction n’est expressément prévue à ce titre, de sorte que l’organisme demeure en droit d’appeler la cotisation solidaire maladie au-delà de la date mentionnée.

Elle estime que le non respect de la date d’appel à cotisation fixée par l’article R 380-4 saurait entacher d’illégalité la procédure de recouvrement.

Elle soutient que l’appel de cotisation adressé postérieurement au 30 novembre 2017 n’a fait que décaler le point de départ du délai de trente jours prévu à l’article R 380 -4 du code de la sécurité sociale, sans que la forclusion ou la nullité de l’appel de cotisation ne soient encourues.

S’agissant de la compétence de l’URSSAF Centre Val de Loire, elle observe que la convention de mutualisation et de centralisation du 1 er décembre 2017, ayant pris effet le 12 décembre 2017 après approbation par le directeur de l’ACOSS, lui a donné compétence pleine et entière pour émettre un appel de cotisation CSM à destination des cotisants résidant en Nord Pas de Calais, et ainsi à destination de Monsieur et Madame Y de X.

Elle ajoute que les dispositions de l’article 27 de la loi informatique et libertés ont été respectées, le traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la CSM ayant été autorisé par décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017, et que l’administration fiscale communique aux URSSAF les données et éléments nécessaires au calcul de la CSM.

Elle souligne que les cotisants concernés ont reçu de leur organisme de recouvrement un courrier d’information générale sur ce point adressé mi novembre 2017, et que les cotisants ne sauraient

arguer ne pas avoir été informés des transferts de données entre l’administration fiscale et l’URSSAF pour solliciter l’annulation des appels de cotisation en cause.

S’agissant de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 27 septembre 2018, l’URSSAF Centre Val de Loire fait valoir que celle ci est une réserve d’interprétation dite « directive » ne pouvant conduire à écarter purement et simplement les articles D 380-1 et D380-2 du code de la sécurité sociale, la réserve en cause s’adressant exclusivement aux autorités de l’Etat et renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les taux et modalités du calcul de cotisation afin d’éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Elle estime que Monsieur et Madame Y de X ne peuvent utilement invoquer la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel en cause pour solliciter l’annulation de la cotisation subsidiaire d’assurance maladie réclamée au titre de l’année 2016.

Elle indique par ailleurs que la CSM n’est pas contraire au principe d’égalité, le Conseil Constitutionnel ayant validé la conformité de l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale à la Constitution, malgré l’absence de plafonnement.

Elle conteste également que la CSM serait contraire au principe de non -discrimination ou violerait les dispositions de l’article 4 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

L’URSSAF Centre Val de Loire indique enfin que Monsieur et Madame Y de X n’ont pas réglé les sommes dues suite à l’appel de cotisation du 15 décembre 2017, et sollicite leur condamnation au paiement d’une somme respective de 8113 euros au titre de la CSM de l’année 2016.

Monsieur et Madame Y de X concluent à la confirmation des décisions déférées.

Ils prétendent à l’irrégularite et à la nullité de la procédure d’appel de cotisation.

Ils soutiennent en premier lieu que l’appel de cotisation 2016 fait par courrier en date du 15 décembre 2017, leur a été respectivement adressé au -delà de la date butoir, soit postérieurement au 30 novembre 2017 , en violation des dispositions de l’article R 380-4 du code de la sécurité sociale.

A titre subsidiaire, ils font valoir que l’URSSAF a notifié un délai d’exigibilité insuffisant.

Monsieur et Madame Y de X soutiennent par ailleurs que l’appel de cotisation émane d’une autorité incompétente, l’URSSAF Centre Val de Loire n’étant pas compétente pour recouvrer des cotisations de redevables de Mouvaux, et observent que la convention conclue avec l’URSSAF du Nord Pas de Calais dont se prévaut l’URSSAF de Centre Val de Loire n’est pas produite aux débats.

Ils ajoutent qu’en tout état de cause, les actes établis en 2017 sont antérieurs au 16 janvier 2018, date d’entrée en vigueur de la délégation invoquée, et que l’approbation de la convention par le directeur de l’ACOSS en date du 11 décembre 2017 est insuffisante, la publication au BOSS n’ étant intervenue que le 15 janvier 2018.

Ils considèrent que la délégation tardive contrevient aux recommandations de la CNIL selon lesquelles les URSSAF ne peuvent être destinataires que des données concernant des cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.

Ils soulignent également que la cotisation litigieuse a été établie sur le fondement de textes réglementaires contraires à la réserve d’interprétation émise par le Conseil Constitutionnel le 27 septembre 2018.

Ils indiquent que les règlements pris pour l’application de la CSM violent le principe d’égalité et l’article 27 de la loi Informatique et Liberté en traitant un fichier contenant des données personnelles sans en avoir l’autorisation.

Ils soutiennent encore que les appels de cotisation en cause et l’ensemble du traitement des données ont été établis en violation de la Directive 95/46 CE, du RGPD et de l’arrêt de la CJUE du 1 er octobre 2015, comme en violation du droit interne, au motif que l’administration fiscale ne les pas informés de la transmission de leurs données personnelles à l’URSSAF Centre Val de Loire.

Ils ajoutent que la CSM contrevient aux dispositions de l’article 4 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

***

*Sur le caractère tardif de l’appel de cotisation subsidiaire maladie :

Aux termes de l’article L 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.

Un décret en Conseil d’Etat prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident en France et cessent de remplir les autres conditions mentionnées à l’article L 111-2-3 bénéficient dans la limite d’un an , d’une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée à l’article L 160-8 et, le cas échéant, à la couverture complémentaire prévue à l’article L 861-1.

Il résulte en outre de l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que « les personnes mentionnées à l’article L 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle, lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes:

1°) leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France, sont inférieurs à un seuil fixé par décret; en outre , lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil

2°) Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple

Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers , de capitaux mobiliers, des plus values de cession à titre onéreux de biens ou droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l’article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret… »

L 'article R 380-4 du code de la sécurité sociale dispose par ailleurs : « … la cotisation mentionnée à l’article L 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due. Elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée… »

En l’espèce, il est établi que l’appel de cotisation litigieux effectué par l’URSSAF respectivement auprès de Monsieur et Madame Y de X , l’a été par courrier en date du 15 décembre 2017, soit postérieurement au 30 novembre 2017 .

Toutefois, le non respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l’ article R 380-4 précité a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible, aucune sanction n’étant prévue par ce texte.

La nullité de la procédure de recouvrement invoquée de ce chef par Monsieur et Madame Y de X ne saurait être encourue.

Par suite et par infirmation des deux jugements déférés, la cour rejette la demande de nullité des appels de cotisation litigieux pour violation du délai édicté à l’article R 380-4 du code de la sécurité sociale .

Les demande en nullité des appels de cotisation pour délai d’exigibilité insuffisant seront rejetées dès lors que le non respect de la date limite mentionnée par l’ article R 380-4 précité a pour effet de reporter le délai d’exigibilité de la cotisation, et que le caractère insuffisant de ce délai n’est pas démontré.

Sur la compétence territoriale de l’URSSAF Centre Val de Loire :

Aux termes de l’article L 122-7 du code de la sécurité sociale, « le directeur d’un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l’organisme national de chaque branche concernée. Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l’agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.. »

Contrairement à ce que prétendent Monsieur et Madame Y de X, l’appelante produit aux débats la convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale, en date du 1 er décembre 2017, passée entre l’URSSAF du Nord Pas de Calais et l’URSSAF du Centre Val de Loire, la convention stipulant expressement: « ' la présente convention est applicable à compter de la décision d’approbation du Directeur de l’Acoss et conclue pour une durée indéterminée '.les URSSAF délégantes transfèrent à l’URSSAF délégataire l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement résultant des articles R 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale … l’URSSAF délégataire assure l’encaissement centralisé et la gestion du recouvrement de la cotisation visée à l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale… »

L’appelante produit également aux débats une décision en date du 11 décembre 2017 prise par le Directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale relative au recouvrement des cotisations dues en application de l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale, par laquelle celui-ci indique que « … sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales , prises en application de l’article L 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les URSSAF aux fins de délégation du calcul, de l’appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires... »

En considération de la convention précitée, approuvée par le directeur de l’ACOSS, l’URSSAF Centre Val de Loire était parfaitement compétente pour émettre les appels de cotisation litigieux à destination de Monsieur et Madame Y de X, étant précisé que la convention a pris effet le 12 décembre 2017 après approbation par le directeur de l’ACOSS, en vertu des dispositions de l’article L122-7 du code de la sécurité sociale et des termes de la convention, soit antérieurement à l’appel de cotisation en date du 15 décembre 2017.

Le moyen tiré de l’incompétence territoriale de l’URSSAF Centre Val de Loire est ainsi inopérant et sera écarté, de même que le moyen selon lequel la délégation contreviendrait à la recommandation

de la CNIL et au décret pris au vu de cette recommandation.

Sur la violation prétendue de l’article 27 de la loi Informatique et Libertés et des exigences de la CNIL et l’absence d’information invoquée:

Aux termes de l’article 27 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers, et aux libertés: « ' sont autorisés par décret en Conseil d’Etat , pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l’Etat, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes… ».

Par délibération n°2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret, publié le 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l’article L 380 -2 du code de la sécurité sociale.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 autorise le traitement par l’ACOSS et les URSSAF des informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser cette cotisation.

En outre et suivant l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale: »…les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L 213-1 et L 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L 380-2, conformément à l’article L 152 du Livre des Procédures Fiscales ».

L’article R 380-3 du code de la sécurité sociale dispose que la CSM est : « … calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations… ».

En considération des textes précités,c’est à juste titre que l’appelante observe que sont autorisés le transfert de données entre la Direction Générale des Finances Publiques et l’ACOSS, ainsi qu’un traitement de ces données par l’ACOSS et les URSSAF pour le calcul de la CSM.

La convention du 1er décembre 2017 donnant en outre compétence à l’URSSAF Centre Val de Loire pour procéder au calcul, à l’appel et au recouvrement de cotisation CSM des cotisants résidant dans le Nord- Pas de Calais, et au transfert au profit de la délégataire de l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement en matière de la CSM, les dispositions de l’article 27 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 ont bien été respectées.

Par ailleurs, l’URSSAF a respecté son obligation d’information générale des assurés sociaux concernant la cotisation subsidiaire maladie , une campagne d’information ayant été menée auprès des personnes concernées courant novembre 2017.

Monsieur et Madame Y de X ne peuvent donc utilement soutenir qu’ils n’auraient pas été informés des transferts de données entre l’administration fiscale et l’URSSAF concernant les appels de cotisation litigieux.

Le moyen opposé de ces chefs est dès lors inopérant et sera écarté.

Sur la réserve d’interprétation formulée par le Conseil Constitutionneldans sa décision du 27 septembre 2018:

La décision du Conseil Constitutionnel n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 a validé la

conformité à la Constitution de l’article L 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, applicable au litige.

Le Conseil Constitutionnel a posé une réserve d’interprétation dite « directive »dans cette décision, ,à savoir que le pouvoir réglementaire fixe les taux et modalités de détermination de l’assiette de la cotisation.

Il n’est pas établi que cette réserve d’interprétation aurait été méconnue, de sorte que Monsieur et Madame Y de X ne sauraient se prévaloir de celle-ci pour voir écarter l’application des articles D 300-1 et D 380-2 du code de la sécurité sociale, ni pour solliciter l’annulation de la cotisation subsidiaire maladie réclamée au titre de l’année 2016.

En outre , le Conseil Constitutionnel, aux termes de sa décision précitée a décidé, dans son paragraphe 19, que l’absence de plafonnement de la CSM n’était pas en elle-même constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Les intimés n’établissent par aucun élément que les appels de cotisation litigieux seraient contraires au principe de non discrimination, non plus qu’ aux dispositions de l’article 4 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, relatif au travail forcé ou obligatoire.

Il en résulte que l’ensemble des moyens opposés par Monsieur et Madame Y de X sont inopérants et que les appels de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 adressés à ceux-ci respectivement seront validés pour un montant de 8113 euros.

Les décisions déférées seront infirmées en ce sens, et les prétentions de Monsieur et Madame Y de X rejetées.

* Sur la demande reconventionnelle en paiement formée par l’URSSAF Centre Val de Loire:

La créance de l’URSSAF Centre Val de Loire étant fondée, il convient de condamner Monsieur et Madame Y de X à payer à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 8113 euros chacun , sauf à déduire les versements effectués par ceux-ci depuis l’appel de cotisation.

*Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l’équité.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur et Madame Y de X les frais irrépétibles exposés en appel.

Les demandes faites sur ce fondement seront rejetées.

*Sur les dépens:

Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l’article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d’appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 19/05625 et 19/05649 sous le

N° RG 19/05625 ;

INFIRME les décisions déférées dans toutes leurs dispositions, excepté du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT A NOUVEAU :

VALIDE l’appel de cotisation subsidiaire maladie en date 15 décembre 2017 adressé par l’URSSAF Centre Val de Loire respectivement à Madame B Y de X et à Monsieur C Y de X pour un montant de 8113 euros ;

CONDAMNE Monsieur et Madame Y de X à payer à l’URSSAF Centre Val de Loire la somme de 8113 euros chacun, sauf à déduire les versements effectués par ceux -ci depuis l’appel de cotisation ;

DEBOUTE Monsieur et Madame Y de X de leurs demandes contraires au présent arrêt ;

DEBOUTE Monsieur et Madame Y de X de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile, s’agissant des frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE Monsieur et Madame Y de X aux dépens nés après le 31 décembre 2018.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Conseiller, pour la Présidente de section empêchée,

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Cour d'appel d'Amiens, 2eme protection sociale, 28 juin 2021, n° 19/05625