Cour d'appel d'Angers, 7 avril 2015, n° 13/00931

  • Sociétés·
  • Expert·
  • Faute contractuelle·
  • Entreprise·
  • Carrière·
  • Oxyde·
  • Ouvrage·
  • Qualités·
  • Oeuvre·
  • Norme

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Angers, 7 avr. 2015, n° 13/00931
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 13/00931
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Mans, 14 janvier 2013, N° 11/02589

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

XXX

ARRÊT N°

AFFAIRE N° : 13/00931

Jugement du 15 Janvier 2013

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance : 11/02589

ARRÊT DU 07 AVRIL 2015

APPELANTES ET INTIMEES :

SNC NIVET-CARRIERE DE SAINT DENIS Agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me DE MASCUREAU, avocat plaidant et Me Philippe LANGLOIS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 72120029

SNC SOCIETE MANCELLE D’ENROBES agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Daniel CHATTELEYN de la SCP CHATTELEYN & GEORGE, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 40923, et Me MEDANA substituant Me FRIANT, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMES :

Madame N EH T A

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Jacques VICART, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 15173, et Me RENOU, avocat plaidant au barreau du MANS

Maître J C D pris en sa qualité de Mandataire liquidateur de l’Entreprise F B

XXX

XXX

Assigné, n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 03 Mars 2015 à 14 H 00, Monsieur HUBERT, Président de chambre ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur HUBERT, Président de chambre

Madame GRUA, Conseiller

Monsieur CHAUMONT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : par défaut

Prononcé publiquement le 07 avril 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Louis-Denis HUBERT, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

FAITS ET PROCÉDURE

En octobre 2005, Mme EH a fait réaliser le goudronnage à chaud de l’allée de son habitation par l’entreprise B suivant devis du 10 octobre 2005. Les travaux ont été tacitement réceptionnés par paiement de la facture de 19'034,34 euros le 23 novembre 2005.

La société SNC NIVET – Carrière de Saint Denis (la société NIVET) a fourni à la société Mancelle d’Enrobés – SOME (la société SOME) le granulat entrant dans la composition de l’enrobé.

La société NIVET a fabriqué et fourni l’enrobé appliqué par l’entreprise B.

A la suite de désordres constatés durant l’été 2006 consistant en des fissures et des taches de rouille constatées par huissier les 8 et 13 octobre 2008, et sur la base des rapports d’expertise amiable des 12 janvier et 3 mars 2010, Mme EH a obtenu, le 7 juillet 2010, la désignation de M. Y en qualité d’expert qui a déposé son rapport le 18 janvier 2011.

Le 19 avril 2011, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de M. F B, Me C D étant désigné en qualité de liquidateur.

Les 17 et 20 juin 2011, Mme EH a assigné les trois sociétés sollicitant, à titre essentiel, la fixation de sa créance à la liquidation judiciaire de M. B à hauteur de 18'837,67 euros, ainsi que la condamnation in solidum des sociétés NIVET et SOME à lui payer la même somme avec indexation, celle de 2000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 15 janvier 2013 le tribunal de grande instance du Mans a, au visa des articles 1792 et 1747 du code de civil :

— déclaré l’entreprise B, la société NIVET et la société SOME solidairement responsables des désordres affectant les travaux d’enrobé effectués pour le compte de Mme EH ;

— fixé la créance de Mme EH à l’égard de Me C D ès qualités de liquidateur de M. B à la somme de 18'837,67 euros ;

— condamné solidairement la société NIVET et la société SOME à payer à Mme EH :

— la somme de 18'837,67 euros avec indexation suivant l’indice BT01 du coût de la construction à compter du 18 janvier 2011,

— la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts,

— la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles conformément à l’article 700 du code de procédure civile ;

— dit que dans leurs rapports entre les deux sociétés, la responsabilité de la société SOME sera retenue à hauteur de 30 % et celle de la société NIVET à hauteur de 70 % ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— condamné solidairement la société SOME et la société NIVET aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SNC NIVET Carrière de Saint Denis a interjeté appel de ce jugement le 3 avril 2013 (procédure 13/931).

La SNC Mancelle d’enrobés – SOME a interjeté appel le 2 mai 2013 (procédure 13/1213).

Me J C D ès qualités de mandataire liquidateur de l’entreprise F B n’a constitué avocat dans aucune des deux procédures. Les déclarations d’appel et les conclusions lui ont été signifiées.

Les autres parties ont conclu dans les deux procédures.

L’ordonnance de clôture a été rendue dans les deux procédures le 12 février 2015.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement :

— du 9 octobre 2013 pour la SNC Mancelle d’enrobés – SOME,

— du 23 janvier 2015 pour la SNC NIVET Carrière de Saint Denis,

— du 11 février 2015 pour Mme N EH T X,

qui peuvent se résumer ainsi qu’il suit.

La société NIVET Carrière de Saint Denis demande à la cour, au visa des articles 1147, 1382 et 1792 du code civil :

Avant-dire droit,

— d’ordonner un complément d’expertise afin de rechercher la réalité de l’évolution des désordres allégués par Mme EH et de désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :

— rechercher si les désordres ont évolué,

— dans l’affirmative, de décrire cette évolution et en mesurer l’étendue,

— en rechercher les causes et dire si, à son avis, les détériorations dont se plaint Mme EH sont en relation avec les fissures et crevasses constatées et/ou avec la présence de grains de pyrites constatée dans le revêtement litigieux ;

Sur le fond,

— de recevoir la société NIVET en son appel ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions, de les déclarer fondés et d’y faire droit ;

— de dire la société SOME non fondée en son appel ainsi qu’en ses demandes fins et conclusions et de l’en débouter ;

— d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

— de débouter Mme EH de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions comme étant non recevables et en tout cas non fondées ;

— de condamner la société SOME à garantir intégralement la société NIVET de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

— de fixer la créance de la société NIVET au passif de la liquidation de M. B au montant des condamnations prononcées contre elle en faveur de Mme EH ;

— de condamner solidairement Mme EH, Me C D ès qualités et la société SOME à payer à la société NIVET la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de rejeter toutes prétentions contraires comme non recevables en tout cas non fondées ;

— de dire la société SOME non fondée en son appel incident ainsi qu’en ses demandes fins et conclusions et de l’en débouter ;

— de débouter Mme EH de ses demandes fins et conclusions ;

— de condamner solidairement Me C D ès qualités et la société SOME aux entiers dépens de première instance et d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société NIVET rappelle qu’elle n’a fourni à la société SOME que 20 tonnes de granulats d’une valeur maximum de 200 euros, ces granulats étant, comme d’habitude, destinés à être intégrés par cette société dans un liant pour produire au plus bas coût possible un enrobé résistant destiné au revêtement des chaussées.

Elle fait, pour l’essentiel, valoir l’argumentation suivante :

— les fissures et les vagues affectant l’enrobé résultent d’une mise en oeuvre défectueuse par l’entreprise B à une température inadéquate,

— les traces de rouille résultant des pyrites sont purement inesthétiques et ne peuvent motiver une part de responsabilité de 70 % mais tout au plus de 5 à 10 %,

— elle n’a commis aucune faute puisque la commande ne contenait aucune prescription sur les qualités esthétiques du granulat à fournir,

— les granulats livrés à la société SOME ont été détournés de leur objet en raison de leur faible coût puisqu’ils étaient destinés à la fabrication d’enrobés pour la construction de routes,

— elle n’a reconnu aucune faute contractuelle en s’engageant à exercer à l’avenir un contrôle plus serré sur le taux de présence de gravillons oxydés dans le souci de répondre à l’attente de ses clients,

— les normes relatives aux « granulats pour chaussées : couches de roulement utilisant des liants hydrocarburés » n’interdisent ni ne limitent la présence de pyrites dans les granulats,

— la carrière Saint Denis est certifiée NF Granulats depuis 2004 et elle est régulièrement vérifiée par les experts des laboratoires régionaux des Ponts et Chaussées,

— l’ouvrage n’est impropre à sa destination qu’en raison du phénomène de fissuration qui résulte exclusivement de défauts d’exécution relevés par l’expert judiciaire imputables à l’entreprise B,

— les taches de rouille ont seulement un caractère inesthétique non susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle et ne rendent pas nécessaire l’entière réfection de l’enrobé, aucune évolution du phénomène d’oxydation n’étant à craindre après durcissement de l’enrobé,

— compte tenu de la granulométrie mise en oeuvre de 6 mm maximum et du pourcentage de grains de pyrites dans l’enrobé inférieur à 2 %, l’apparition de crevasses permettant l’infiltration d’eau est exclue dans l’allée de Mme EH, et, en tout état de cause il s’agit d’un préjudice qui n’est ni actuel ni direct ni certain,

— la note du cabinet ELEX attestant de l’aggravation des désordres n’est pas contradictoire et, en tout état de cause, elle ne fait que décrire, sur un ouvrage réalisé il y a près de dix ans, les conséquences des fissures constatées par l’expert exclusivement dues à la mauvaise exécution imputable à l’entreprise B et non à la présence de pyrites,

— un complément d’expertise est nécessaire sur la réalité et les causes de l’aggravation alléguée des désordres,

— à titre subsidiaire, la société NIVET doit être intégralement garantie par l’entreprise B pour la mise en oeuvre fautive de l’enrobé et par la société SOME qui s’approvisionnait exclusivement auprès d’elle en granulats qu’elle avait reconnus conformes à la norme XP P 18-545 en vue de la fabrication d’enrobés pour des routes.

La société SNC Mancelle d’Enrobés – SOME (SOME) demande à la cour, au visa de l’article 1147 du code civil :

— de débouter la société NIVET de l’appel incident dirigé contre elle;

— d’infirmer le jugement déféré;

— de déclarer Mme EH irrecevable et en tout cas mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre elle et de l’en débouter;

— de débouter la société NIVET de sa demande de garantie à son encontre;

Subsidiairement, au cas où une responsabilité in solidum de M. B et de la société SOME serait prononcée,

— de dire et de juger que la plus grande part sera mise à la charge de M. B et que la créance de la société SOME subrogée dans les droits de Mme EH sera fixée en conséquence,

— de condamner la société NIVET à garantir la société SOME de toutes condamnations qui pourraient être ordonnées à son encontre en principal, dommages et intérêts, intérêts et frais ;

en toute hypothèse,

— de condamner in solidum Madame EH, Me C D ès qualités et la société NIVET à payer à la société SOME la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société SOME soutient pour l’essentiel :

— qu’elle n’a commis aucune faute contractuelle puisque le caractère inesthétique des taches de rouille est subjectif et ne contribue pas à rendre l’ouvrage impropre à sa destination,

— que la nécessité de la réfection totale de l’enrobé est exclusivement imputable aux malfaçons de la société B à l’origine des fissurations et des trous constatés par l’expert,

— que la présence de pyrites dans l’enrobé n’a de lien de causalité ni avec sa détérioration, ni avec les crevasses hypothétiques redoutées par l’expert sans argumentation, et qu’en conséquence l’éventuelle faute contractuelle de la société SOME n’aurait aucun lien avec la nécessité de refaire l’enrobé,

— que la société B en raison de ses malfaçons et la société NIVET qui a fourni les granulats contenant des pyrites doivent garantir la société SOME de toutes condamnations prononcées au profit de Mme EH.

Mme N EH T X demande à la cour, au visa de l’article 1147 et des articles 1792 et suivants du code civil :

— de déclarer les sociétés NIVET et SOME non fondées en leurs appel et prétentions dirigés contre elle et de les en débouter ;

— de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions la concernant ;

— de condamner in solidum la société SOME et la société NIVET à verser à Mme EH la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers application des dispositions de l’article 699 du code.

Mme EH rappelle avoir déploré, dès 2006, des traces de rouille, la fissuration du goudron à 30 cm des bordures à certains endroits ainsi qu’une prolifération d’herbe au travers de l’enrobé avec soulèvement de celui-ci.

Son argumentation est, pour l’essentiel, la suivante :

— la responsabilité contractuelle des sociétés SOME et NIVET qui lui ont livré l’enrobé est engagée pour non-conformité de la chose livrée en raison de la présence quasi généralisée de taches de rouille due à la présence de pyrites dans les granulats entraînant, selon l’expert, « un aspect inesthétique inacceptable » dans l’allée goudronnée bordant sa maison et son jardin,

— les éléments de pyrites remontant la surface entraîneront à terme des crevasses et l’arrachage naturel de granulats,

— aucun élément ferrique n’aurait dû se trouver dans ces granulats ainsi que le reconnaît la société NIVET qui s’est engagée pour l’avenir à « un contrôle plus serré sur le taux de présence de gravillons oxydés »,

— l’inexistence de normes n’a pas d’incidence sur la matérialité des désordres causés par la faute contractuelle des sociétés SOME et NIVET,

— les crevasses redoutées à terme par l’expert ont été constatées par le cabinet ELEX le 27 mars 2014 prouvant le caractère évolutif du phénomène sous l’effet de la désagrégation de chaque pyrite qui laisse un trou par lequel pénètre l’eau qui, en période de gel, provoque l’éclatement de l’enrobé,

— ces désordres justifient la réfection complète de l’enrobé mise à la charge des deux sociétés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Compte tenu du lien unissant les deux procédures (13/931 et 13/1213), il est de l’intérêt d’une bonne justice de les joindre et de les juger ensemble.

Il résulte du rapport d’expertise de M. Y non contesté sur ce point que l’enrobé mis en oeuvre par l’entreprise B est affecté de taches de rouille, de trous et de fissurations ainsi que d’herbe le traversant.

Selon l’expert, les trous 'parsemés’ et les 'fissurations ouvertes’ témoignent de défauts d’exécution imputables à l’entreprise B rendant l’ouvrage impropre à sa destination et résultant notamment d’un défaut de réalisation du support fond de forme et de compactage tant de ce support que de l’enrobé lui-même.

Les taches de couleur rouille sont dues à la présence de pyrites dans les granulats qui ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendent impropre à sa destination, ce phénomène donnant cependant à l’allée un aspect inesthétique qualifié par l’expert d’inacceptable.

L’expert conclut que, outre la responsabilité de l’entreprise B,

«1) la responsabilité de la société NIVET est engagée en qualité de fournisseur de matériaux à la société SOME dont la présence d’éléments minéral, la pyrite, engendre cet aspect inesthétique en l’état de couleur rouille qui ne peut être acceptée par le maître d’ouvrage.

2) la responsabilité, moindre, de la société SOME est engagée pour avoir fourni ces matériaux impropres à la fabrication de l’enrobé à chaud, présence de pyrites dans les granulats. […]»

M. Y décrit ainsi les travaux à mettre en oeuvre :

«- enlèvement total de l’enrobé et de son fonds de forme avec évacuation à la décharge. Le fonds de forme devra être réalisé conformément aux règles de l’art selon les épaisseurs et mises en oeuvre en application du GTR.

— mise en place d’un tissu anti-contaminant, refaire le fonds de forme par apport de matériaux selon le GTR avec compactage.

— réfection d’un tapis enrobé béton bitumineux à chaud sur une épaisseur constante avec un compactage adéquat.»

Il valide le devis de l’entreprise SACER qui chiffre ces travaux à la somme de 18'837,67 euros TTC.

Jouissant de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur, Mme EH soutient que la responsabilité contractuelle des sociétés NIVET et SOME est engagée pour non-conformité de la chose livrée et demande notamment leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 18'837,67 euros à titre de dommages-intérêts.

En application des articles 1604 et suivants du code civil, l’obligation de délivrance s’entend de la délivrance d’une chose conforme aux spécifications contractuelles, étant précisé que sont assimilées à de telles spécifications les qualités de la chose résultant de l’usage instauré entre des parties en relation d’affaires.

En l’espèce, rien ne permet de déduire des pièces versées aux débats que la société NIVET savait qu’une partie des granulats livrés à la société SOME servirait à la fabrication d’un enrobé destiné à être mis en oeuvre sur l’allée menant à l’habitation de Mme EH . Par ailleurs, en fournissant l’enrobé commandé par l’entreprise B, la société SOME ne pouvait pas savoir qu’il en était attendu des qualités esthétiques spécifiques autres que les qualités ordinaires de résistance au roulage sur des voies de circulation attendues des enrobés issus de sa fabrication habituelle.

Ainsi, en livrant en septembre 2005 à la société SOME des «Granulats pour chaussées : couches de roulement utilisant des liant hydrocarboné» habituellement commandés par celle-ci qui les avaient validés en juin 2005 comme conformes globalement à la norme XP P18-545 sans exigence spécifique concernant leur teneur en pyrites, la société NIVET n’a commis aucune faute contractuelle, étant précisé qu’aucune norme n’interdit ou même quantifie la teneur maximum de tels granulats en pyrites.

Par ailleurs, aucune malfaçon dans la fabrication de l’enrobé à partir de ces granulats contenant des nodules de pyrite ou de ferrite par la société SOME n’étant invoquée et prouvée, il ne peut lui être reproché aucune faute contractuelle relative à la conformité de la livraison de l’enrobé pour route litigieux à l’entreprise B en l’absence de prescriptions contractuelles spécifiques concernant l’aspect esthétique de l’enrobé commandé. Comme l’a indiqué le représentant de la société SOME durant l’expertise amiable en mars 2010, le phénomène de coulures dû aux pyrites en surface des routes est un phénomène naturel mais les passages fréquents des véhicules nettoient superficiellement l’enrobé faisant disparaître les coulures. Dans sa note du 21 octobre 2010, la société EUROVIA VINCI précise que, pour réduire l’aspect inesthétique, les taches brunes pourraient être nettoyées avec un produit adapté au nettoyage de la rouille lorsque la pyrite de surface sera complètement oxydée.

La présence de nodules de pyrite dans les granulats et dans l’enrobé ne constitue donc pas un défaut de délivrance conforme.

Mme EH ne peut utilement affirmer que la société NIVET a reconnu sa faute contractuelle en relevant que l’expert a « pris note de la volonté de LA CARRIÈRE de SAINT DENIS d’exercer un contrôle plus 'serré’ sur le taux de présence de gravillons oxydés. » En effet, un telle décision prise pour le futur ne permet pas de déduire qu’en l’absence de toute norme contraignante et de spécifications contractuelles sur ce point, elle aurait dû mettre en oeuvre un tel contrôle dès septembre 2005 lors de la livraison des granulats litigieux.

En conséquence, la seule présence de pyrites à l’aspect inesthétique dans l’enrobé pour route qu’a indûment choisi de commander et de mettre en oeuvre l’entreprise B dans l’allée de Mme EH ne saurait utilement fonder sa demande indemnitaire si elle ne rapporte pas la preuve que ces pyrites ont directement contribué à causer les fissures et trous nécessitant la réfection totale de l’ouvrage dont elle sollicite le financement.

L’expert judiciaire affirme d’une part que les taches de rouille sont provoquées par la remontée en surface des éléments de pyrites contenus dans les granulats, et d’autre part que ces taches actuellement inesthétiques «sont de nature à provoquer à terme des crevasses engendrées par la détérioration de l’enrobé, arrachage naturel de granulats à plus ou moins long terme.»

Cependant, ces affirmations sur lesquelles Mme EH fonde sa demande indemnitaire ne sont pas fondées sur la constatation d’une porosité inhabituelle de l’enrobé litigieux et ne sont étayées par aucune argumentation.

Au contraire, la société NIVET soutient sans être contredite par Mme EH sur laquelle pèse la charge de la preuve qu’après séchage aucune remontée des pyrites n’est possible et que seuls les micro-éléments ferreux affleurant en surface de l’enrobé sont susceptibles de se désagréger créant de micro-alvéoles de six millimètres au maximum insuceptibles de dégénérer en 'crevasses'.

Ainsi, les seules affirmations non argumentées de l’expert d’un risque futur de survenance d’un dommage hypothétique ne permettent pas de fonder la demande de Mme EH de réfection totale de l’enrobé sur la présence des pyrites alors que cette réfection est, depuis 2006, rendue nécessaire par les trous et fissurations imputables aux seuls manquements de l’entreprise B à son obligation d’adapter la nature de l’enrobé à la nature et au contexte de l’ouvrage commandé et à de graves malfaçons dans la préparation du support et dans la mise en oeuvre du revêtement.

Le rapport non contradictoire du cabinet ELEX en date du 27 mars 2014 ne permet pas de mettre en cause la responsabilité contractuelle des sociétés NIVET et SOME.

En effet, il se limite à constater l’augmentation sensible du nombre de pyrites et des coulures d’oxyde de fer dont l’aspect inesthétique ne peut être reproché aux sociétés appelantes ayant livré des granulats et un enrobé pour chaussées sans aucune spécifications contractuelles concernant les pyrites incluses.

Il fait de plus état de l’allongement et de l’élargissement des fissures, de la prolifération d’herbe au droit de celles-ci, du soulèvement de l’enrobé sous l’influence racinaire des herbes et d’une déformation de l’enrobé avec formation de trous à l’entrée. Ce rapport n’administre pas la preuve que les inclusions de pyrites sont la cause de ces désordres qui apparaissent comme les conséquences directe de ceux décrits par l’expert judiciaire en 2010 et ne sont imputables qu’aux malfaçons de l’entreprise B non reprises depuis neuf ans.

En conséquence, la cour, infirmant le jugement déféré, mettra hors de cause les sociétés NIVET et SOME et condamnera Me C D ès qualités et Mme EH chacun pour moitié aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Compte tenu des dispositions du présent arrêt, la demande de complément d’expertise s’avère sans objet.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt par défaut,

ORDONNE la jonction des procédures enrôlées au greffe de la cour d’appel d’Angers sous les numéros 13/931 et 13/1213 ;

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance du Mans le 15 janvier 2013 SAUF en ce qu’il a déclaré l’entreprise B responsable des désordres affectant les travaux d’enrobé effectués pour le compte de Mme EH et a fixé la créance de celle-ci à l’égard de Me C D ès qualités de liquidateur de M. B à la somme de 18'837,67 euros ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE Mme N EH T A de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la SOCIÉTÉ MANCELLE D’ENROBES – SOME et de la société NIVET CARRIÈRE DE SAINT DENIS ;

MET hors de cause la SOCIÉTÉ MANCELLE D’ENROBES – SOME et la société NIVET CARRIÈRE DE SAINT DENIS dans les désordres affectant les travaux d’enrobé effectués par l’entreprise B pour le compte de Mme EH ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Me C D ès qualités et Mme EH chacun pour moitié aux dépens de la procédure de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF L.D. HUBERT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Angers, 7 avril 2015, n° 13/00931