Cour d'appel de Bordeaux, 21 janvier 2015, n° 12/04520

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 21 janv. 2015, n° 12/04520
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/04520
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 16 juillet 2012, N° F11/00520

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


ARRÊT DU : 21 JANVIER 2015

(Rédacteur : Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 12/04520

Madame E B I J

c/

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 juillet 2012 (RG n° F 11/00520) par le Conseil de Prud’hommes – formation paritaire – de Bordeaux, section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 30 juillet 2012,

APPELANTE :

Madame E B I J le XXX à

XXX, de nationalité française, sans profession, demeurant cité Cadres XXX, 67160 Drachenbronn-Birlenbach,

Représentée par Maître Nadia D, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉE :

XXX, siret XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 253, cours du Maréchal Galliéni, XXX,

Représentée par Maître Florian Bécam, avocat au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 novembre 2014 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Monsieur Claude Berthommé, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Gwenaël Tridon de Rey.

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme E B I J a été embauchée par la SAS Médi Ophtalmologie par contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 septembre 2007, à effet immédiat, en qualité de secrétaire médicale.

Mme B était ensuite embauchée par la SELARL Ophirit par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du 30 avril 2009, à effet à compter du 1er mai 2009, en qualité de secrétaire médicale pour une durée de travail hebdomadaire de 5 heures.

Ce contrat de travail faisait l’objet d’une rupture conventionnelle le 13 avril 2010 à effet au 31 mai 2010.

Le 02 juin 2010 le médecin du travail déclarait Mme B temporairement inapte à son poste et la salariée faisait l’objet d’un arrêt maladie.

Lors de la visite de reprise du 3 décembre 2010 le médecin du travail déclarait Mme B inapte de façon totale et définitive à son poste de travail ainsi qu’à tous les postes de travail de l’entreprise.

Par lettre recommandée en date du 17 décembre 2010 Mme B était convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 29 décembre 2010. Par lettre recommandée en date du 4 janvier 2011 Mme B était licenciée par la XXX pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 25 février 2011, Mme B a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bordeaux en paiement d’un rappel de salaire et en annulation de son licenciement pour harcèlement moral.

Par décision en date du 17 juillet 2012, le Conseil de Prud’hommes a débouté Mme B de l’ensemble de ses demandes et la XXX de sa demande reconventionnelle.

Le 30 juillet 2014, Mme B a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 9 janvier 2014, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Mme B conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la Cour de dire que la convention collective des établissements privés d’hospitalisation du 31 octobre 1951 lui était applicable, qu’elle a été victime de harcèlement moral et que son licenciement est nul ou à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle forme, dès lors, les demandes en paiement des sommes suivantes à l’encontre de la XXX :

—  22.590,00 € de dommages intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement pour

licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

—  1.036,27 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  3.765,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  376,50 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

—  12.089,92 € à titre de rappel de salaires,

—  11.295,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

—  2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 27 juin 2013 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la XXX demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme B à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la convention collective applicable et le rappel de salaires :

L’employeur de Mme B la XXX, est présidée par la SAS Medi France Europe, elle est membre du GIE Pavillon Ophtalmologie à la disposition duquel elle met un service de consultations et un plateau technique d’ophtalmologie pour le bloc opératoire. Elle est hébergée dans les murs de la clinique mutualiste de Pessac qui dépend du Pavillon de la Mutualité.

Conformément aux stipulations du contrat de travail de Mme B la XXX a appliqué à leur relation de travail la convention collective négoce et prestation de services dans le domaine médico technique, convention mentionnée sur les bulletins de salaire de Mme B en application de l’article L.3243-2 du code du travail.

Mme B soutient qu’elle travaillait tant pour le service de consultations de la XXX que pour le service d’hospitalisations de la clinique mutualiste de Pessac, c’est à dire pour le Pavillon de la Mutualité lequel relève de la convention collective des établissements d’hospitalisation privée.

La convention collective s’applique à tous les salariés de l’entreprise, l’employeur de Mme B est la XXX. Mme B ne démontre pas, et ne prétend, avoir été salariée du Pavillon de la Mutualité ; il lui appartient de démontrer que l’activité principale de son employeur la XXX relève de la convention collective de l’hospitalisation privée et non de celle du négoce et prestations de service dans le domaine medico-technique.

Or, Mme B est défaillante dans son rapport probatoire. La XXX quant à elle produit des éléments qui démontrent que son activité principale reste l’activité de consultations (27657 consultations en 2010 pour 2391 hospitalisations).

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la convention collective applicable était celle du négoce et prestations de services dans le domaine médico technique et a débouté Mme B de sa demande en paiement d’un rappel de salaires.

* Sur le harcèlement moral et l’annulation du licenciement :

Mme B fait valoir que son inaptitude a pour origine le harcèlement moral dont elle a été victime de la part du professeur Riss et du docteur Y associés de la XXX.

Aux termes des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ce texte est nulle.

En application de l’article L.1154-1 du code du travail, il incombe à Mme B d’établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme B invoque des tentatives de prise à partie dans un conflit opposant les docteurs Riss et Y à une autre secrétaire Mme X, une absence d’information sur le changement d’horaire d’une formation, des brimades et agressions verbales, une demande de remise de clé pendant un arrêt maladie, un changement de ses codes d’accès de messagerie et de connexion Internet, un changement de ses horaires de travail.

Il est à noter que lors de la visite de reprise du 21 janvier 2010, après un congé maternité qui s’est terminé le 10 décembre 2009, Mme B a été déclarée apte à son poste par le médecin du travail.

Les pièces versées aux débats, qu’il s’agisse notamment de l’attestation de Mme X, du procès-verbal de réunion du CHSCT du Pavillon de la Mutualité en date du 1er juillet 2010, établissent la réalité d’un seul fait : une prise à partie verbale de Mme B par le Professeur Riss le 20 mai 2010 au self de la clinique.

Ainsi que l’a relevé le Conseil de Prud’hommes aucun autre fait précis, de quelque nature qu’il soit, allégué par la salariée n’est établi.

La condition de répétition de faits susceptibles de laisser présumer des actes de harcèlement n’existe pas en l’espèce. C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que le harcèlement moral allégué n’était pas établi et a débouté Mme B de sa demande en annulation de son licenciement pour harcèlement moral.

* Sur le comportement fautif de l’employeur à l’origine de l’inaptitude :

Le docteur D, médecin du travail le 02 juin 2010 relevait que Mme B présentait une souffrance morale importante après une humiliation en public par son chef de service, un syndrome anxio-dépressif, 'lié en partie à un problème relationnel’ avec ses employeurs, il la déclarait en inaptitude temporaire et l’orientait vers son médecin traitant et préconisait une consultation en psychiatrie. Le docteur C, psychiatre, qui l’a suivie indiquait le 22 décembre 2010 qu’il semblait nécessaire pour sa santé mentale qu’elle change de poste de travail.

Les éléments du dossier démontrent que l’inaptitude de Mme B fait suite au comportement fautif du Professeur Riss qui devant d’autre salariés l’a verbalement agressée et humiliée. Il résulte de l’attestation de Mme X et d’un courriel adressé par Mme Z au docteur A, médecin du travail, le 27 mai 2010 qu’après ces faits la salariée s’est réfugiée en pleurs dans les sous-sols de la clinique pour se cacher de ses collègues pour ne pas être vue dans cet état.

La lecture du procès-verbal du CHSCT du Pavillon de la Mutualité du 01 juillet 2010 démontre que le comportement anormalement humiliant de ce médecin vis à vis de certains salariés était connu au sein de la clinique de Pessac, et donc de l’employeur, la XXX dont le Professeur Riss est l’un des associés.

Ainsi, les éléments médicaux du dossier et les pièces produites démontrent que l’inaptitude de la salariée a pour origine le comportement fautif de l’employeur qui n’a pris aucune mesure de nature à garantir sa santé et sa sécurité face aux débordements de l’un des médecins sous la subordination desquels elle travaillait.

Dès lors, réformant le jugement entrepris il convient de dire le licen-ciement de Mme B dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Sur l’indemnisation du préjudice né du licenciement abusif :

Aux termes des dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.1235-5 du code du travail, le salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté ou celui employé par une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, peut prétendre en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.

La XXX employait moins de onze salariés. Mme B percevait un salaire de 1.546,67 € brut par mois, elle avait une ancienneté de 3 ans et quatre mois ; après une période de chômage pendant laquelle elle a perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi d’un montant compris entre 55 € et 56 € par jour entre les mois d’avril à décembre 2012, elle a retrouvé du travail à compter du 03 décembre 2012 pour un salaire inconnu. Il n’est donc pas démontré qu’elle a subi une perte financière pendant cette dernière période.

En conséquence, il convient de condamner la XXX à lui payer la somme de 9.000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice tant moral que financier lié à la perte d’emploi.

Au regard des circonstances humiliantes dans lesquelles l’inaptitude de la salariée a été provoquée la XXX sera en outre condamnée à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral qui en est résulté.

Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l’article 1153-1 du code civil.

En application des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 3.093,34 € bruts outre 309,33 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts courant au taux légal à compter du 25 février 2011 en application des dispositions de l’article 1153 du code civil.

Par application combinée des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail Mme B est en droit de prétendre au paiement d’une indemnité de licenciement d’un montant égal à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté en tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines soit la somme de 1.031,11 € bruts avec intérêts courant au taux légal à compter du 25 février 2011 en application des dispositions de l’article 1153 du code civil.

* Sur les autres demandes :

La XXX qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L’équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme B qui se verra allouer la somme de 1.500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Réforme le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement de Mme B fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’a déboutée de ses demandes subséquentes.

Et, statuant de nouveau :

' Dit que le licenciement de Mme B est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

' Condamne la XXX à verser à Mme B les sommes de 9.000 € (neuf mille euros) et de 2.000 € (deux mille euros) à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

' Condamne la XXX à verser à Mme B les sommes de 3.093,34 € (trois mille quatre vingt treize euros et trente quatre centimes) bruts, de 309,33 € (trois cent neuf euros et trente trois centimes) bruts et de 1.031,11 € (mille trente et un euros et onze centimes) bruts à titre d’indemnités compensatrices de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement avec intérêts courant au taux légal à compter du 25 février 2011.

' Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions.

Y ajoutant :

' Condamne la XXX à verser à Mme B la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

' Condamne la XXX aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau

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