Cour d'appel de Bordeaux, 3 juin 2015, n° 12/05314

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 3 juin 2015, n° 12/05314
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 12/05314
Décision précédente : Tribunal d'instance de Bordeaux, 5 août 2012, N° 09/00800

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 6 NOVEMBRE 2014

(Rédacteur : Madame Catherine COUDY, Conseiller)

N° de rôle : 12/05314

Monsieur M-N C

Madame G H épouse X

c/

LA S.A.R.L. EFICALU

XXX

LA S.A.R.L. STEPHANE B

Nature de la décision : AVANT DIRE DROIT

EXPERTISE

RENVOI A LA MISE EN ETAT DU MERCREDI 3 JUIN 2015 à 9 heures

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 6 août 2012 (R.G. 09/00800) par le Tribunal d’Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 septembre 2012,

APPELANTS :

1°/Monsieur M-N C, né le XXX à XXX, de nationalité française, opticien,

2°/ Madame G H épouse X, née le XXX à XXX, de nationalité française,

lesdits époux demeurant ensemble XXX,

Représentés par Maître Christelle CAZENAVE, Avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉES :

1°/ LA S.A.R.L. EFICALU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX, XXX,

Représentée par Maître Emanuela GRIESSER, substituant Maître Frédéric GONDER, Avocats au barreau de BORDEAUX,

2°/ XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Lucie BELLANGÉ, substituant Maître Stéphane MILON, membre de la S.C.P. Pierre LATOURNERIE – Stéphane MILON – David CZAMANSKI – Julien MAZILLE, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

3°/ LA S.A.R.L. STEPHANE B, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité au siège social, sis XXX,

Représentée par Maître Emilie FRIEDE, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 8 septembre 2014 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Par acte d’huissier du 5 mars 2009, la SARL Eficalu a fait assigner monsieur M-N C et madame G X afin d’obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 8.631,21 € avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2008 en règlement du solde de facture de menuiseries en aluminium posées dans leur résidence, outre une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, monsieur C occupant le rez-de-chaussée et madame X le premier étage de l’immeuble faisant l’objet d’une rénovation plus globale sous la maîtrise d’oeuvre de l’Eurl Marki.

Les défendeurs ayant fait valoir l’existence d’infiltrations liées aux menuiseries et la demanderesse ayant contesté être responsable desdites infiltrations imputées à la zinguerie, le tribunal d’instance de Bordeaux a, par jugement du 7 juillet 2009, fixé la somme due par monsieur C et madame X à la société Eficalu à la somme de 8.632,21 € et ordonné l’organisation d’un expertise pour vérifier les désordres constatés, dire s’ils viennent de malfaçons, en distinguant ceux qui étaient mentionnés sur le procès-verbal de réception de chantier, de ceux qui relèvent de la garantie décennale ou qui relèvent du non respect des règles de l’art ou du manquement à l’obligation de conseil, et préciser les moyens de parvenir à leur réparation et le coût des travaux ou la moins value sur facturation.

L’expert désigné, monsieur Z, a déposé son rapport en date du 20 juin 2010 dans lequel il mentionne que les désordres, réparés en cours d’expertise, sont imputables pour 25% à la société Eficalu et pour 75% à la société B.

Par acte d’huissier des 16 et 18 novembre 2010, monsieur C et madame X ont fait assigner l’Eurl Marqui (Marki) et la SARL B, respectivement architecte et titulaire du lot charpente menuiserie Bois, dans le cadre de la réfection de l’hôtel particulier occupé par eux, afin que l’expertise leur soit opposable, en demandant leur condamnation au paiement de 8.000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1147 du code civil et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Cette instance a été jointe à l’instance initiale.

Après divers renvois, l’affaire est revenue au fond devant le tribunal d’instance de Bordeaux qui a dans un premier temps rouvert les débats par jugement du 2 avril 2012 suite au défaut de comparution des consorts X -C, puis a, par jugement du 6 août 2012 rendu après audience du 14 mai 2012 à laquelle les consorts C X n’ont pas comparu et courrier de leur avocat du 16 mai 2012 demandant la réouverture des débats :

— rejeté la demande de réouverture des débats présentée par monsieur C et madame X,

— condamné ces derniers à payer à la société Eficalu la somme de 8.631,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2009,

— les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes,

— ordonné l’exécution provisoire,

— débouté monsieur C et madame X de leur demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile et les a condamnés à payer la somme de 800 € à la société Eficalu et 800 € à la société Marki sur ce fondement et aux entiers dépens.

Devant le tribunal, la société Eficalu avait fait valoir qu’elle n’était en rien responsable des malfaçons, l’Eurl Marki avait fait valoir que l’expertise ne lui était pas opposable et qu’en toute hypothèse aucune faute ne pouvait lui être reprochée de sorte qu’elle devait être mise hors de cause et la société B avait précisé qu’elle était intervenue pour mettre fin aux infiltrations constatées.

Le tribunal d’instance a exposé dans son jugement du 6 août 2012 que les débats avaient déjà été rouverts et qu’il n’était pas opportun de les rouvrir à nouveau comme le demandait par courrier le conseil de monsieur C et madame X, étant précisé qu’il devait répondre sur les demandes écrites présentées par ceux-ci à l’occasion des divers renvois, même si la procédure était orale, que le jugement fixant la créance de la société Eficalu était définitif, que le désordre tenant au mastic extérieur des menuiseries avait été repris en cours d’expertise et n’avait occasionné aucun préjudice aux maîtres de l’ouvrage, que le rapport d’expertise avait été soumis à la contradiction et versé aux débats, que l’expert avait constaté que les travaux de reprise avaient été réalisés en cours d’expertise, que les demandeurs ne justifiaient d’aucun préjudice matériel ou moral contre la société Eficalu et que monsieur C et madame X faisaient état d’un constat d’huissier pour justifier de troubles persistants contre la société B et l’Eurl Marki qui n’était pas produit, ce qui ne permettait pas de retenir de préjudice matériel ou moral à leur encontre et de les condamner à indemnisation.

Par déclaration du 28 septembre 2012, monsieur C et madame X ont fait appel du jugement du tribunal d’instance du 6 août 2012.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 août 2014 et a fixé l’affaire à l’audience du 8 septembre 2014 à laquelle elle a été retenue et la décision mise en délibéré à ce jour.

Par dernières conclusions déposées 31 juillet 2014, monsieur C et madame X demandent à la cour de dire qu’ils rapportent la preuve d’infiltrations postérieures au dépôt du rapport d’expertise judiciaire, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, avant-dire-droit, jugeant que les solutions réparatoires n’ont pas été suffisantes, d’ordonner un complément d’expertise pour déterminer les causes des infiltrations et les travaux réparatoires à effectuer et leur coût, comme les responsabilités encourues, et à défaut d’ordonner une nouvelle expertise, en toute hypothèse, dire qu’ils rapportent la preuve d’un préjudice actuel, constater que les travaux dans leurs appartements ont été retardés pendant plus de deux ans entre mai 2008 et mai 2010 du fait de l’existence des infiltrations et de leur importance, dire et juger que le préjudice de jouissance de madame X ne saurait être inférieur à 15.000 €, dire et juger que depuis la prise de possession par monsieur C de son appartement en juin 2010, ce dernier a subi un nouveau préjudice de jouissance lié aux infiltrations récurrentes jusqu’à ce jour et que son préjudice de jouissance ne saurait être inférieur, sauf à parfaire, à 60.000 €, condamner conjointement et solidairement la SARL Eficalu, la SARL B et l’Eurl Marki à payer la somme de 60.000 € à monsieur C et la somme de 15.000 € à madame X en réparation de leur préjudice, dire et juger que la somme mise à la charge de la SARL Eficalu se compensera avec la créance de cette dernière à leur égard et ordonner toute restitution en tant que de besoin, pour le surplus, dire et juger que du fait de la persistance des infiltrations, les maîtres de l’ouvrage vont devoir procéder à des travaux de réparation, ce qui constitue un nouveau préjudice, surseoir à statuer sur la quantum de ce poste de préjudice dans l’attente des conclusions de l’expertise qui ne manquera pas d’être ordonnée et condamner les intimés conjointement et solidairement à leur payer 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction des dépens au profit de leur avocat.

Ils font valoir qu’après le dépôt du rapport de l’expert le 20 juin 2010, les désordres d’infiltration avaient persisté, comme constaté dans un constat d’huissier du 30 août 2010, que de nouvelles infiltrations sont apparues en octobre 2010 et qu’ils ont saisi un expert en la personne de monsieur Y qui avait conclu au défaut d’étanchéité des menuiseries, ce qui relevait de la garantie décennale.

Ils estiment que les travaux préconisés par l’expert n’ont pas été satisfaisants et qu’en toute hypothèse de nouveaux désordres sont apparus, ce qui justifie l’organisation d’un nouvelle expertise.

Ils considèrent que leur préjudice de jouissance est important en ce que le chantier a été retardé dans un premier temps de 2008 à 2010, ce qui a mis monsieur C dans l’impossibilité de résider dans son logement et a troublé la jouissance de madame X puis, après 2010, a généré un trouble de jouissance à monsieur C, et évaluent leur préjudice sur la base de tout ou partie de la valeur locative de leur appartement.

Ils répondent à la SARL Eficalu qu’ils ont payé le solde de la facture et que leur demande d’expertise n’est pas une demande nouvelle au sens de l’article 454 du code de procédure civile mais une prétention tendant à opposer la compensation ou à faire écarter les prétentions adverses ou une prétention tendant aux mêmes fins mais avec un fondement juridique différent, ce qui vaut pour le préjudice de jouissance qui était réel, notamment du fait que madame X avait dû héberger durant deux ans monsieur C.

Ils répondent aux conclusions de l’Eurl Maki que le rapport a été communiqué et librement débattu et que leur demande n’est pas une demande nouvelle mais le prolongement de leurs demandes initiales.

Enfin, ils répondent à monsieur B également que leurs demandes n’est pas nouvelle et qu’ils n’ont été déboutés que du fait qu’ils n’avaient pas prouvé les troubles postérieurs à la reprise des désordres, que monsieur B est tenu au titre de la garantie décennale en réparation des désordres imputables à ses travaux, et que les désordres n’ont pas été correctement réparés puisque des nouvelles infiltrations sont apparues.

Ils ont déposé de nouvelles conclusions le 27 août 2014 dans lesquelles ils demandent le rabat de l’ordonnance de clôture du fait qu’ils n’ont pu répondre aux conclusions déposées par les sociétés B et Marki , cette dernière ayant conclu le 22 août 2014, ils maintiennent leurs demandes et répondent que le constat d’huissier produit par eux révèle l’existence de nouveaux désordres relevant de la garantie décennale, ce qui interdit de mettre les intimés hors de cause.

La SARL Eficalu demande dans ses dernières conclusions déposées le 18 avril 2013 de confirmer le jugement ayant condamné les consorts C et X au paiement de la facture, de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par eux, à titre subsidiaire de les débouter de l’ensemble des demandes formées contre elle et les condamner au paiement de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle a réalisé l’intégralité de son marché, qu’elle a réparé les désordres imputés pour 25% à son intervention par l’expert, que sous couvert de demander une complément d’expertise ou une nouvelle expertise, il a demandé une contre expertise non réclamée en première instance, que le préjudice de jouissance réclamé jusqu’en 2012 constitue une demande nouvelle et que les demandes formées devant le tribunal de 4.000 € au titre l’inexécution des obligations et de 4.000 € au titre du préjudice moral ne sont en rien justifiées, le logement des appelants n’étant nullement inhabitable.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 août 2014, l’EURL Marki demande à la cour de :

— A titre principal, déclarer irrecevables les demandes formulées par les consorts X et C comme étant des demandes nouvelles,

— A titre subsidiaire , prononcer sa mise hors de cause et débouter les appelants de toutes leurs demandes formées à son encontre,

— A titre infiniment subsidiaire, statuer sur la répartition des responsabilités entre les différents intervenants à l’acte de construire et dire qu’aucune part ne devra être mise à sa charge, et à défaut la réduire à 10% maximum des responsabilités et appliquer la clause d’exclusion de solidarité prévue au contrat de maîtrise d’oeuvre ,

— en tout état de cause condamner les consorts C X à lui verser la somme de 3.000 € et aux entiers dépens de la procédure.

Elle fait valoir que la demande de complément d’expertise ou de contre expertise est bien une demande nouvelle en ce que les infiltrations dénoncées comme apparues le 30 août 2010 ne sont pas postérieures au jugement du tribunal d’instance mais au contraires antérieures, et que les infiltrations dont ils se plaignent sont les mêmes que celles dont ils se plaignaient devant le tribunal, devant lequel aucune demande d’expertise n’avait été formulée, de sorte cette demande nouvelle est irrecevable. S’agissant des demandes indemnitaires, elle soutient également que la demande de réparation d’un préjudice de jouissance est une demande nouvelle car il avait été évoqué une indemnisation du retard du chantier en première instance, le tribunal avait qualifié le poste de préjudice dont il était demandé réparation de préjudice matériel ou moral, et en aucun cas la demande de réparation d’un préjudice de jouissance n’était évoquée.

A titre subsidiaire, elle estime devoir être mise hors de cause, l’expertise à laquelle elle n’a pas été appelée lui étant inopposable et aucun autre élément ne permettant de mettre en cause sa responsabilité, aucune faute ne pouvant lui être imputée, précise que, les infiltrations ayant fait l’objet de réserves, le fondement décennal doit être écarté, et soutient que les demandes indemnitaires sont excessives, le préjudice ayant cessé lors de l’expertise.

Enfin, la SARL B demande à la cour à titre principal de dire que les demandes de complément ou de nouvelle expertise et d’indemnisation du préjudice de jouissance sont des demandes nouvelles, de déclarer dès lors irrecevables les demandes de monsieur C et de madame X et les condamner in solidum au paiement de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit de son avocat.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que le rapport d’expertise lui est inopposable et demande de réformer le jugement sur ce point, de dire que sa responsabilité ne saurait être retenue et de condamner in solidum la société Eficalu et la société Marki à la relever indemne de toute condamnation solidairement ou à proportion de leur part de responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil;

elle demande à titre infiniment subsidiaire de juger infondées les demandes relatives à un préjudice de jouissance et à tout le moins de le réduire à de plus justes proportions.

Elle expose que les infiltrations existaient déjà lors du jugement attaqué et qu’il n’avait pas été demandé de complément d’expertise ou de nouvelle expertise, de sorte que ces demandes de mesure d’instruction sont des demandes nouvelles et comme telles irrecevables.

Sur les demandes indemnitaires, elle souligne qu’il est demandé en cause d’appel la réparation d’un préjudice de jouissance alors qu’il était demandé en première instance l’indemnisation de préjudice matériel et moral, et qu’il s’agi donc également d’une demande nouvelle comme telle irrecevable.

A titre subsidiaire, elle expose qu’elle n’a pas été appelée aux opérations d’expertise et n’y a été entendue que comme sachant, ce qui est insuffisant, de sorte que l’expertise lui est inopposable, et que les désordres relevés sont imputables à la Société Eficalu ayant posé les menuiseries non étanches et engagent la responsabilité de maître d’oeuvre au titre de la conception et la surveillance des travaux.

Elle expose enfin que le préjudice de jouissance n’est en rien prouvé et a été exclu par l’expert, ce qui justifie un rejet ou une forte minoration des demandes indemnitaires.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aucune partie ne conteste la recevabilité de l’appel interjeté par monsieur C et madame X contre le jugement du tribunal d’instance de Bordeaux rendu le 6 août 2012.

Du reste, cette recevabilité de l’appel n’est pas contestable car le jugement a été signifié à monsieur C et à madame X le 30 août 2012 selon indications non contestées des appelants et l’appel a été interjeté le 28 septembre 2012, soit durant le délai légal d’un mois.

En l’absence d’accord des parties manifesté avant l’ouverture des débats devant le conseiller de la mise en état et de cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture par la cour, les conclusions déposées le 27 août 2014 par monsieur C et madame X seront déclarées d’office irrecevables comme postérieures à l’ordonnance de clôture du 25 août 2014.

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles :

Monsieur C et madame X sollicitent un complément d’expertise, ou une nouvelle expertise, et la réparation de leur préjudice de jouissance au titre des infiltrations passées et du préjudice à venir en notant que les travaux réparatoires préconisés par l’expert ont été insuffisants et que de nouvelles infiltrations sont apparues notamment en août 2010 et octobre 2010.

Il est soulevé l’irrecevabilité de ces deux demandes par les intimés qui font valoir qu’il s’agit de demandes nouvelles, irrecevables en cause d’appel.

Selon l’article 564 du code de procédure civile 'à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer la compensation, faire écarter les prétentions adverses, ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers , ou de la survenance ou la révélation d’un fait.'

Le jugement déféré condamne conjointement monsieur M-N C et madame G X à payer à la société Eficalu la somme de 8.631,21 € avec intérêts au titre des factures dues et déboute monsieur C et madame X de l’intégralité de leurs demandes, en notant, dans les motifs de la décision que le tribunal doit statuer, malgré leur absence à l’audience, sur leurs conclusions écrites, que les demandes formées contre l’Eurl Marki et la société B dans l’assignation sont maintenues et qu’il est sollicité contre la société Eficalu le paiement de 4.000 € de dommages et intérêts pour mauvaise exécution des obligations contractuelles, la somme de 4.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié au retard dans l’exécution, la diminution de la créance de la société Eficalu à la somme de 6.743,41 € et sa condamnation au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a motivé son refus de dommages et intérêts en exposant que les désordres avaient été repris et que, faute de production du constat d’huissier du 30 août 2010 portant sur les troubles persistants, il n’était justifié d’aucun préjudice actuel matériel ou moral.

Les demandes de dommages et intérêts avaient pour but d’obtenir l’indemnisation des préjudices suite à la mauvaise exécution des travaux et il est expressément fait allusion aux nouveaux désordres constatés par huissier le 30 août 2010 dans l’assignation délivrée à l’Eurl Marki et la société B comme dans les conclusions déposées pour l’audience du 17 novembre 2010 du tribunal d’instance (pièce 12 de la société Eficaclu) par monsieur C et madame X comme enfin lors des demandes de renvoi déposées par leur avocat devant le tribunal d’instance en date des 6 avril et 31 août 2010.

Il est produit ce constat d’huissier en appel, ce que l’article 563 du code de procédure civile permet en autorisant la production de nouvelles pièces en cause d’appel.

Les demandes indemnitaires, sous forme de dommages et intérêts, voire de diminution de la dette à l’égard d’Eficalu visaient dès lors à la fois les désordres examinés par l’expert et les infiltrations postérieures au dépôt du rapport d’expertise judiciaire.

La demande de complément d’expertise est une mesure avant-dire droit permettant d’apprécier l’importance des dommages et intérêts à évaluer, demandes de dommages et intérêts déjà présentées en première instance.

L’article 566 du code de procédure civile énonce que 'les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément'.

La demande de complément d’expertise et d’expertise sont des demandes complémentaires aux demandes indemnitaires.

Il sera ajouté qu’en première instance, la société Eficalu réclamait le paiement de sa facture pour 8.631,21 € tandis que monsieur C et madame X s’y opposaient en partie en demandant que le montant de la facture d’Eficalu soit réduite de 25% eu égard à sa responsabilité dans les désordres, ce que le tribunal n’a pas admis en condamnant les consorts X C au paiement de l’entière facture, et qu’en appel la société Efficalu sollicite la confirmation du jugement ayant condamné les consorts X C au paiement de la somme de 8.631,21 €.

La demande d’expertise a dès lors pour but de s’opposer au paiement de la demande adverse en invoquant l’exception d’inexécution et en demandant la réduction de la facture adverse, au moins par compensation, avec les dommages et intérêts pouvant être alloués.

Il s’agit dès lors de demandes tenant à faire écarter la demande adverse.

Elles seront dès lors déclarées recevables.

S’agissant de la demande de dommages et intérêts présentée au titre de la réparation du trouble de jouissance contre les trois intimés, il est incontestable que cette demande ne figurait pas sous cette formulation dans les conclusions déposées contre la SARL Eficalu par les consorts C – X qui réclamaient notamment une somme de 4.000 € en réparation du préjudice moral venant du retard à réaliser des travaux sans désordres, en motivant cette demande par le fait qu’ils ont vécu dans des appartements 'en chantier’ en raison d’infiltrations apparues en 2008 et persistant encore en octobre 2010, que monsieur C avait dû s’installer à l’étage, chez madame X, dans un appartement en chantier, dans l’inconfort et que cet inconfort persistait car il avait pu regagner son appartement qui était toujours atteint d’infiltrations au niveau des menuiseries.

Il s’ensuit que cette demande improprement qualifiée de préjudice moral vise en réalité un préjudice de jouissance.

Même s’il était considéré que la demande de réparation d’un préjudice de jouissance est distincte de celle du préjudice moral, dans la mesure où il était fait état des troubles liés au retard dans la prise de possession des appartements et de l’inconfort subi, la demande de dommages et intérêt pour préjudice de jouissance constituerait une demande complémentaire à la demande de réparation des travaux exécutés de manière non satisfaisante.

De même, l’assignation délivrée contre l’Eurl Marki et la SARL B ne précise pas que la somme réclamée de 8.000 € vise à réparer le préjudice de jouissance, car les demandeurs se contentent de viser les articles 1792 et 2270 du code civil contre le premier et l’article 1147 contre le second, et demandent la réparation de leur préjudice.

Mais, la réclamation, qui ne précisait pas le type de préjudice visé et concernait donc tous les préjudices subis, comportait en autres la réparation du préjudice moral, comme le tribunal a pu le considérer, et ce préjudice moral au sens large est en réalité un préjudice de jouissance; comme indiqué à l’occasion des demandes présentées contre la SARL Eficalu, en toute hypothèse, l’existence d’un préjudice de jouissance est une demande complémentaire à l’indemnisation des travaux de réparation réclamée.

Pour l’ensemble de ces motifs, les demandes d’irrecevabilité portant sur les demandes de complément d’expertise ou d’expertise comme sur les demandes d’indemnisation des préjudices de jouissance seront rejetées.

Sur la demande d’inopposabilité de l’expertise ;

L’expert Z missionné par le tribunal d’instance a déposé son rapport en date du 20 juin 2010, alors que l’Eurl Marki et la SARL B n’étaient pas assignées.

Même si, étant devenues parties au litige suite à leur assignation, elle ont eu connaissance de l’expertise et ont pu en discuter le rapport, elles n’ont pas pu faire valoir leurs arguments devant l’expert, ce qui a pu avoir une incidence sur les conclusions du rapport, dans la mesure où l’expert a pu ignorer des éléments que ceux-ci auraient pu développer à titre de défense.

Il apparaît à la lecture du rapport de l’expert Z que l’ Eurl Marki a été présent aux opérations d’expertise par son représentant, monsieur D, en qualité de sachant, et que la SARL B a également assisté à une réunion d’expertise, également en qualité de sachant.

Cette position ne leur confère pas la qualité de partie aux opérations d’expertise, ni les mêmes droits que ceux dont dispose une partie qui reçoit les notes intermédiaires ou le pré-rapport et peut déposer des dires auxquels l’expert sera appelé à répondre.

Le principe du contradictoire tel qu’édicté par l’article 16 du code de procédure civile, au respect duquel le juge a pour mission de veiller, n’a dès lors pas été respecté à l’égard de l’Eurl Marki et de la SARL B.

Le rapport d’expertise déposé par monsieur Z est dès lors inopposable à l’Eurl Marki et à la SARL B et ne peut, de ce fait, fonder leur condamnation éventuelle.

Sur la demande de complément d’expertise et de nouvelle expertise.

Dans la mesure où le rapport de l’expert n’a pas pu prendre en compte les désordres intervenus à compter du mois d’août 2010 et où le rapport de monsieur Z est inopposable à deux parties au litige dont la responsabilité est recherchée, il sera fait droit à la demande de nouvelle expertise.

Un complément d’expertise confié à monsieur Z serait insuffisant eu égard à l’inopposabilité du premier rapport à deux des parties au litige et du fait que l’apparition de nouveaux désordres peut éventuellement remettre en cause les conclusions initiales.

L’expertise fonctionnera aux frais avancés de monsieur C et madame X, demandeurs à l’expertise et à l’allocation de dommages et intérêts que l’expertise doit permettre le cas échéant de fixer.

Sur les autres demandes des parties :

Il sera sursis à statuer sur l’ensemble des demandes présentées au fond par les parties dans l’attente de la réalisation de cette expertise.

Les dépens seront réservés jusqu’à la décision qui interviendra sur le fond du litige objet de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

après en avoir délibéré, conformément à la loi :

— Déclare recevable l’appel interjeté par monsieur M-N C et madame G X contre le jugement du tribunal d’instance de Bordeaux du 6 août 2012 ;

— Déclare d’office irrecevables les conclusions déposées le 27 août 2014 par monsieur C et madame X ;

— Rejette les demandes d’irrecevabilité formées contre les demandes présentées par monsieur C et madame X aux fins de complément d’expertise ou d’expertise et aux fins de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

— Ordonne avant-dire-droit une expertise portant sur les menuiseries bois et aluminium posées par les SARL B et Société Eficalu et désigne pour la réaliser monsieur E F, domicilié XXX, expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Bordeaux, qui aura pour mission de:

— prendre connaissance du dossier et se faire remettre tous documents utiles,

— examiner en présence des parties ou les parties valablement convoquées, les menuiseries bois et aluminium posées dans les appartements de monsieur C et madame X,

— décrire les malfaçons et désordres existants, dans les travaux effectués ou dans la méthode utilisée,

— donner son avis sur les causes des désordres ayant existé et à ce jour réparés et sur les désordres apparus postérieurement au premier rapport d’expertise, en distinguant ceux qui étaient mentionnés dans le procès-verbal de réception de ceux qui sont apparus postérieurement, et en précisant pour ces derniers leurs liens éventuels avec les désordres mentionnés sur le procès-verbal de réception et s’ils rendent l’ouvrage impropre à sa destination,

— décrire les travaux propres à y remédier et en chiffrer le coût,

— donner tous éléments permettant de déterminer les responsabilités encourues, et les préjudices subis ;

— Dit que l’expert déposera et communiquera un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour formuler des dires, répondra aux dires des parties et déposera son rapport définitif contenant son avis dans le délai de 5 mois courant à compter de sa saisine ;

— Dit que la mesure d’expertise sera effectuée sous le contrôle du magistrat de la Cour chargé du service des expertises, à qui il sera référé en cas de difficulté et qui pourra notamment pouvoir au remplacement de l’expert en cas de refus ou d’empêchement ;

— Dit que monsieur C et madame X consigneront la somme de 1.800 € à valoir sur les frais d’expertise, dans le délai de 45 jours, et qu’à défaut de consignation dans ce délai, sans motif valable, la caducité de la mesure d’expertise pourra être prononcée;

— Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes des autres demandes des parties ;

— Réserve les dépens ;

— Renvoie le dossier à l’audience de mise en état de la première chambre Section B de la cour d’appel de Bordeaux du MERCREDI 3 JUIN 2015 à 9 heures.

Signé par monsieur Michel Barrailla, président, et madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Bordeaux, 3 juin 2015, n° 12/05314