Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 28 février 2017, n° 16/03500

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 3e ch. famille, 28 févr. 2017, n° 16/03500
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 16/03500
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 9 mars 2016, N° 12/10490
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX TROISIÈME CHAMBRE CIVILE -------------------------- ML

ARRÊT DU : 28 FEVRIER 2017

(Rédacteur : Danièle PUYDEBAT, Conseiller)

N° de rôle : 16/03500

M-N X Q Y

c/

E X

Nature de la décision : AU FOND

20J

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mars 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (cabinet 2, RG n° 12/10490) suivant déclaration d’appel du 27 mai 2016

APPELANTE :

M-N X Q Y

née le XXX à XXX

de nationalité Française,

XXX

Représentée par Me K-jacques DAHAN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

E X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX – XXX

Représenté par Me Dominique BASTROT, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 janvier 2017 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Présidente : Catherine ROUAUD-FOLLIARD

Conseiller : G H

Conseiller : Danièle PUYDEBAT

l’affaire a été mise en délibéré le 28 février 2017 devant la cour composée de :

Présidente : Catherine ROUAUD-FOLLIARD

Conseiller : I J

Conseiller : Danièle PUYDEBAT

Greffier lors des débats : Valérie DUFOUR

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 al. 2 du code de procédure civile.

M. X et Mme Y se sont mariés le XXX par devant l’officier d’état civil de la commune de Loos (Nord) sans contrat préalable et de cette union sont issus trois enfants, aujourd’hui majeurs :

— Michaël le XXX,

— Ingrid le 6 août 1977,

— Kévin le 15 juin 1979.

Par jugement rendu le 10 mars 2016, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— prononcé le divorce des époux sur le fondement de l’article 242 du code civil aux torts exclusifs de l’époux,

— rejeté la demande de report de la date des effets du divorce qui restera fixée au jour de l’ordonnance de non conciliation,

— fait rappel des dispositions de l’article 265 du code civil,

— dit que l’épouse n’utilisera plus son nom d’épouse, – fixé la prestation compensatoire en faveur de l’épouse à la somme en capital de 40 000 euros,

— débouté l’épouse de sa demande en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil,

— condamné l’époux à verser à l’épouse une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 1382 du code civil outre une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme Y a interjeté appel total de cette décision par déclaration au greffe du 27 mai 2016.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 janvier 2017, l’appelante demande à la cour de réformer la décision déférée sur le montant de la prestation compensatoire et de la fixer à la somme en capital de 100 000 euros, de condamner l’intimé à lui verser une indemnité de 3 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter M. X de ses demandes et de dire que les dépens demeureront à sa charge dont distraction au profit de Me Dahan.

Elle fait essentiellement valoir que son époux a mené une double vie pendant des années, qu’elle même conteste toute relation adultère et que son état de santé est défaillant.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2016, M. X forme appel incident sur les points suivants :

— prononcé du divorce à ses torts exclusifs,

— sa condamnation sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— sa condamnation au versement d’une prestation compensatoire,

— sa condamnation au payement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il demande en conséquence à la cour de prononcer le divorce aux torts réciproques des époux, de rejeter des débats les pièces 94, 96, 99, 101 et 111 de l’appelante, de rejeter toutes demandes en dommages et intérêts et au titre de la prestation compensatoire, de rejeter la demande de l’épouse au titre des frais irrépétibles et au contraire de la condamner au paiement d’une indemnité de 3 300 euros à ce titre et aux dépens. Il prie enfin la cour de confirmer la décision en ce qui concerne les donations et la date des effets du divorce.

Il fait essentiellement valoir qu’il n’a jamais mené une double vie, qu’il reconnaît l’adultère mais que l’épouse a elle aussi commis un adultère dès le mois d’octobre 2012 et qu’il n’existe pas de disparité réelle entre les situations des époux.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause, prétentions et moyens des parties, à leurs dernières écritures.

L’ordonnance de clôture est en date du 3 janvier 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

— sur la demande de rejet des débats des pièces 94, 96, 99, 101 et 111

Contrairement à ce que soutient M. X en page 6 de ses conclusions les pièces sus visées ne sont pas des 'copié collé', ni contrairement au visa de son dispositif, des 'témoignages indirects’ et il ne rapporte la preuve d’aucune violation des dispositions des articles 200 à 202 du code de procédure civile qui devrait conduire la cour à les rejeter des débats.

Cette demande sera rejetée.

— sur le divorce

Le jugement déféré a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux sur le grief d’adultère commis par l’époux bien qu’il reconnaisse l’adultère commis par l’épouse au motif que 'la relation nouée par Mme Y l’a été postérieurement à la découverte de la liaison entretenue par son mari’ et qu’en conséquence 'elle ne peut constituer une faute au sens de l’article 242 du code civil'.

Or, si l’époux ne conteste pas avoir entretenu une liaison adultère avec Mme Z en septembre 2012 et avoir quitté le domicile conjugal à la fin du même mois ainsi que l’a retenu le jugement déféré, il établit que l’épouse, dès le 9 octobre 2012, s’était inscrite sur des sites de rencontres en se décrivant comme célibataire, et voulant 'sauter dans une flaque d’eau avec un homme de plus de 56 ans’ et que, malgré la sommation qu’elle lui avait fait délivrer le 7 novembre 2012 d’avoir à réintégrer le domicile conjugal, elle se félicitait auprès d’une amie le 15 novembre 2012 de ce qu’il avait refusé, considérant dès lors 'qu’il porte toutes les fautes'.

Il établit par ailleurs qu’elle a pu rencontrer par l’intermédiaire de ces sites très rapidement le prénommé K-L, qu’ avant le 13 janvier 2013, elle avait déjà fait connaissance de ses enfants et de sa famille et qu’elle était acceptée de tous, pour finalement s’installer avec lui dès le mois de février 2013. Il établit encore qu’en avril et mai 2015, elle vivait toujours avec K-L D à son domicile du Pian Médoc et encore probablement en avril, juin et juillet 2016, dès lors que ses amis lui envoie des 'bises à vous deux’ alors qu’elle voyage notamment en Hollande.

Mme Y ne peut dès lors sérieusement soutenir qu’elle a été totalement dévastée par la découverte de l’adultère de l’époux comme en attestent ses témoins alors que, visiblement soulagée par le refus de ce dernier de réintégrer le domicile conjugal, elle s’est précipitée dans la recherche d’une nouvelle relation sentimentale sans qu’elle prouve que ces inscriptions sur des sites de recherche non équivoques auraient été faites à son insu et contre sa volonté par ses enfants.

D’autre part, Mme Y n’établit pas que M. X aurait mené une double vie avec Mme Z pendant dix sept ans, la pièce 111 étant insuffisante à établir son adultère en 2009/2010 et ce même si l’époux reconnaît qu’il a renoué avec Mme Z après qu’il l’ait connue dix sept années auparavant et renoncé à quitter son épouse pour elle afin de rester présent auprès de ses enfants. La réconciliation des époux intervenue depuis cette première relation adultère empêche au demeurant l’épouse de l’invoquer comme cause de divorce.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux, l’adultère de l’épouse constituant, comme celui de l’époux, une faute au sens de l’article 242 du code civil dès lors qu’il est intervenu très rapidement après la séparation de fait du couple au mépris de l’obligation maintenue de fidélité, justifiant le prononcé du divorce aux torts partagés des époux.

La cour infirmera de même le jugement déféré en ce qu’il a accordé des dommages et intérêts à l’épouse sur le fondement de l’article 1382 du code civil, aucune preuve n’étant rapportée d’un préjudice moral au vue de l’attitude adoptée par l’épouse dès le départ de l’époux du domicile conjugal et de sa stratégie procédurale dans le cadre de sa sommation de réintégrer le domicile conjugal, et ce même si l’appelante produit un certificat médical, particulièrement laconique et ne faisant état d’aucun traitement, du Docteur A en date du 23 septembre 2013, relevant que 'Mme X va bien actuellement sur le plan médical après un épisode anxio-dépressif sévère'.

La cour confirmera, dès lors que le dispositif des conclusions des parties ne contient aucune demande d’infirmation de celles-ci, les mesures concernant la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, la date des effets du divorce au jour de l’ordonnance de non conciliation, le rappel des dispositions de l’article 265 du code civil, le nom des époux ainsi que le rejet de la demande sur le fondement de l’article 266 du code civil.

— sur la prestation compensatoire

L’article 270 du code civil énonce que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

En l’espèce, les revenus et les charges du mari s’établissent de la manière suivante : retraites mensuelles de 3 158 euros et charge d’un loyer de 580 euros avec Mme Z. M .X, bien qu’il ne produise que le bulletin de paye afférent, déclare avoir perçu des indemnités suite à son licenciement de l’entreprise COCA COLA, son employeur, à hauteur de 186 000 euros le 31 janvier 2014 soit avant la date de dissolution de la communauté, indemnités qui entrent dans l’actif commun sauf à démontrer qu’elles indemnisaient un préjudice personnel.

De même, les revenus et les charges de l’épouse s’établissent de la manière suivante : retraites mensuelles de 2 696 euros.

Le patrimoine des parties est constitué de trois immeubles, le domicile de la famille évalué entre 250 000 et 300 000 euros, deux appartements acquis dans le cadre de dispositifs de défiscalisation estimés entre 100 000 et 120 000 euros pour celui sis à Toulouse et entre 95 000 et 120 000 euros pour celui du Mans. Ces appartements loués sont grevés de crédits et l’ordonnance de non conciliation, qui n’est communiquée par aucune des parties dans son intégralité, a prévu que chaque époux verse une somme mensuelle de 500 euros pour faire face aux charges sur un compte commun et que l’épouse C la gestion dudit compte ainsi que celle des biens immobiliers communs avec reddition de comptes tous les six mois.

Selon l’article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Les critères d’appréciation prévues à cet article ne sont pas limitatifs.

La cour retient que, certes, le mariage des époux a duré plus de 43 ans avec une séparation de fait en septembre 2012 et que le couple a élevé trois enfants. Pourtant, chacun a pu mener à terme la carrière professionnelle choisie ainsi que ses activités personnelles et aucune pièce probante n’établit que l’épouse aurait sacrifié sa carrière pour favoriser celle de l’époux en élevant seule les enfants même si l’époux pouvait s’absenter plus régulièrement du domicile de la famille que l’épouse en raison de sa situation.

Mme Y ne justifie par ailleurs d’aucun état de santé gravement défaillant actuel, les pièces produites étant d’une part anciennes d’autre part relatives à des affections assez bégnines alors qu’au vu des pièces produites par l’époux, son état de santé ne l’empêche pas de prendre régulièrement des vacances avec M. D.

La cour retient que, tout comme l’époux, qui justifie des faibles revenus de sa compagne, l’épouse partage sa vie avec M. D en restant taisante sur ses revenus et sa situation et que l’épouse ne justifie d’aucun train de vie particulièrement aisé qui serait mené par l’époux.

Il résulte de cette analyse qu’il n’existe pas de disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux et le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a accordé à l’épouse une prestation compensatoire de 40 000 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur la condamnation de l’époux au titre des frais irrépétibles et des dépens et il sera jugé que chaque partie conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

DIT n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces 94, 96, 99, 101 et 111.

INFIRME le jugement rendu le 10 mars 2016 par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’époux, accordé à l’épouse des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil, accordé à l’épouse une prestation compensatoire et condamné l’époux au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

STATUANT DE NOUVEAU DE CES CHEFS

PRONONCE, sur le fondement de l’article 242 du code civil, le divorce aux torts partagés des époux de :

Mme Y M N O P

née le XXX à XXX

et de

M. X E Edmond René

né le XXX à XXX.

DEBOUTE Mme Y de sa demande de prestation compensatoire.

DEBOUTE Mme Y de sa demande en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DIT que chaque partie conserve la charge de ses dépens.

L’arrêt a été signé par Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Présidente et par Valérie DUFOUR, greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision.

Le Greffier La Présidente

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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