Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 17 janvier 2022, n° 21/02678

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 17 janv. 2022, n° 21/02678
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 21/02678
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 19 août 2018, N° 18/01459
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


--------------------------

ARRÊT DU : 17 JANVIER 2022

N° RG 21/02678 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDFP

Y Z

c/

X-B H


Nature de la décision : AU FOND

APPEL D’UNE ORDONNANCE DE REFERE


Grosse délivrée le :

aux avocats


Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 20 août 2018 par le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 18/01459) suivant déclaration d’appel du 07 septembre 2018

APPELANTE :

Y Z

née le […] à […]

de nationalité Française

demeurant […]

représentée par Maître Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

X-B H

né le […] à […]

de nationalité Française

demeurant […]

représenté par Maître F G, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 novembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Vincent BRAUD, conseiller, chargé du rapport,


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :


Roland POTEE, président,


Vincent BRAUD, conseiller,


Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :


- contradictoire


- prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE


Par acte notarié en date du 6 octobre 2009, X-B H s’est porté acquéreur d’un immeuble à usage d’habitation situé section LM no 56, […], à Bordeaux.


Par acte notarié en date du 22 avril 2015, Y Z s’est portée acquéreur d’un immeuble à usage d’habitation situé section LM no 57, […], à Bordeaux.


Un mur sépare les propriétés de X-B H d’une part, et d’Y Z d’autre part.


En juillet 2018, Y Z a entrepris des travaux de rénovation et de construction nouvelle sur son immeuble, qui ont endommagé la propriété de X-B H.


Le 19 juillet 2018, un procès-verbal d’huissier a été établi constatant les dommages sur la propriété de X-B H.


Par acte d’huissier du 10 août 2018, X-B H a assigné Y Z devant le juge des référés près le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins notamment de voir ordonner la suspension des travaux d’Y Z et la remise en état de la toiture de X-B H.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 20 août 2018, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Bordeaux a :


- ordonné la suspension des travaux réalisés sur la parcelle LM07 située […], entrepris par Y Z, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance,


- ordonné la remise en état, au moins conservatoire, de la toiture de l’immeuble appartenant à
X-B H, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance,


- débouté X-B H de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice de jouissance,


- condamné Y Z à payer à X-B H une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamné Y Z aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement du coût du constat de la société BVM du 19 juillet 2018.


Par déclaration du 7 septembre 2018, Y Z a interjeté appel de l’ordonnance.


Par ordonnance de référé du 29 octobre 2018, le juge des référés près le tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné la désignation de B C en qualité d’expert, aux fins notamment d’évaluer les dommages causés à la propriété de X-B H, et fixé le délai du dépôt du rapport dans les deux mois à compter de la consignation de la provision à valoir sur les frais d’expert.


Par message du 23 mai 2019, Y Z sollicitait le retrait du rôle de la présente affaire. Par message en réponse du 24 mai 2019, X-B H déclarait ne pas s’opposer à cette demande.


Par arrêt du 27 juin 2019, la cour d’appel de Bordeaux a ordonné le retrait du rôle de l’affaire.


Le 8 janvier 2021, D E, remplaçant B C, a remis son rapport d’expertise judiciaire.


Le 6 mai 2021, Y Z a sollicité une réinscription au rôle de l’affaire.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 5 novembre 2021, Y Z demande à la cour de :

' Ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;

' Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 20 août 2018 ;

' Autoriser Y Z à poursuivre ses travaux ;

' Condamner sous astreinte X-B H à laisser ces travaux s’accomplir ;

' Rejeter toutes réclamations de X-B H dépendantes de sa revendication du mur séparatif ;

' Condamner X-B H au paiement d’une indemnité de 1 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

' Le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 novembre 2021, X-B H demande à la cour de :

' Ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;
' Débouter Y Z en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

' Dire bien fondé X-B H en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;


In limine litis et à titre principal,


- déclarer irrecevables les nouvelles prétentions développées pour cause d’appel par Y Z,

A titre subsidiaire,


- confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 20 août 2018 rendue par le président près du tribunal de grande instance de Bordeaux,


- réformer partiellement et uniquement en ce que le juge des référés a ordonné la suspension des travaux réalisés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et la remise en état, au moins conservatoire, de la toiture de l’immeuble de X-B H sous la même astreinte,

Et en conséquence,


- ordonner la suspension des travaux réalisés sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et la remise en état, au moins conservatoire, de la toiture de l’immeuble de X-B H sous la même astreinte,

En tout état de cause,


- condamner Y Z à payer à X-B H la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code civil, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet de maître F G.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2021 et l’audience fixée au 22 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la clôture de l’instruction :


Au regard de l’accord des parties, il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de révoquer l’ordonnance en date du 8 novembre 2021, et de reporter la clôture de l’instruction au jour de l’audience.

Sur la recevabilité des demandes d’Y Z :


Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.


X-B H conteste sur ce fondement la recevabilité de l’ensemble des prétentions d’Y Z.


L’appelante soutient à tort que l’article 564 présuppose que la partie à laquelle on l’oppose ait été constituée en première instance, alors que le droit d’intimer en appel tous ceux qui ont été parties en première instance n’emporte pas celui de présenter des prétentions à l’égard des parties contre lesquelles l’appelant n’avait pas conclu en première instance (Civ. 2e, 14 nov. 2013, no 12-23.910, Civ. 3e, 24 mai 2017, no 15-27.302, Com., 19 nov. 2013, no 12-26.660).


En l’espèce, les demandes d’autorisation de poursuivre les travaux et de condamnation sous astreinte présentées en cause d’appel par Y Z sont des demandes nouvelles, et ne constituent pas des demandes reconventionnelles faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien nécessaire. Y Z est donc, au regard des articles 564 à 567 du code de procédure civile, irrecevable en ses demandes d’autorisation de poursuivre ses travaux et de condamnation sous astreinte de X-B H à laisser ses travaux s’accomplir.


En revanche, les autres prétentions de l’appelante ne tendent qu’à faire écarter les prétentions adverses, et sont donc recevables conformément au texte précité.

Sur les demandes de X-B H :


Aux termes de l’article 809 ancien, devenu 835, alinéa premier, du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

a) Sur le dommage imminent :


Comme l’a exactement relevé le premier juge, il ressort du procès-verbal établi le19 juillet 2018 par la société B. V. M., titulaire d’un office d’huissier de justice, qu’ont été constatées la présence d’ouvriers sur la toiture, et l’existence, à l’intérieur du logement de X-B H, d’un jour apparent dans l’interstice présent entre le lambris au plafond et le mur en façade arrière, des tuiles et le faîtage ayant été partiellement déposés. À la requête de l’huissier, la toiture a été partiellement couverte par une bâche, afin de protéger le logement du requérant.


Y Z admet qu’un second constat dressé le 6 septembre 2018 à la requête de X-B H apporte la preuve d’infiltrations chez X-B H liées aux travaux en cause.


Il ressort enfin du rapport d’expertise judiciaire déposé le 8 janvier 2021 qu’ont été constatées le 9 janvier 2019 les traces de fuite alléguées, nettes, avec marques sur les chevrons, le plafond de planches et le mur du fond de la mezzanine de X-B H, mais sans écoulement aparent. L’expert a encore constaté les fuites le 12 août 2020, lors d’une visite d’urgence. Il en conclut que les fuites sont d’apparition peu fréquente, mais aléatoire, en fonction de l’importance des pluies et du sens du vent, sans doute du fait des protections complémentaires mises en 'uvre par X-B H. À l’extérieur, l’homme de l’art observe qu’en l’absence de calfeutrement du joint vertical, le ruissellement peut passer derrière le calfeutrement au ciment et ressortir dans la propriété H. C’est à l’aplomb de ce joint vertical que se produisent les fuites les plus importantes.


L’appelante conteste l’existence d’un dommage imminent au motif que deux ans plus tard, alors que ses travaux sont interrompus et que le chantier est demeuré en l’état, les dommages présagés par X-B H ne se sont pas produits. Elle se prévaut des constatations de l’expert selon lequel des infiltrations se produisaient chez X-B H avant le présent litige, et qui n’a observé au cours des deux années qu’ont duré ses opérations que de rares fuites chez ce dernier et jamais en couverture. L’appelante souligne la disproportion entre ces quelques fuites et l’arrêt total des travaux de rénovation et d’aménagement de son propre immeuble, qui l’endommage et engendre des pertes financières. En définitive, sans soutenir qu’aucune fuite n’a eu lieu du fait des travaux par elle entrepris, Y Z insiste sur l’absence de dommage important.


Ainsi la réalité des fuites d’eau causées par le fait de l’appelante n’est pas contestée. Si leur ampleur est à ce jour limitée, il convient de l’attribuer aux protections mises en place dès le 19 juillet 2018 : pose d’une bâche, calfeutrement complémentaire réalisé par X-B H. L’ordonnance querellée mérite donc confirmation en ce qu’elle a constaté la nécessité de prévenir un dommage imminent.

b) Sur le trouble manifestement illicite :


Les travaux litigieux portent sur un mur dont X-B H revendique la propriété en propre tel que cela ressort des actes et de la configuration des lieux pour être implanté dans sa propriété sur un mur en soubassement d'1,30 mètre du terrain dont il est propriétaire. Il se prévaut également des marques de non-mitoyenneté énoncées par l’article 654 du code civil.


Y Z prétend quant à elle, sur la base d’une note technique Géosat du 13 mai 2020, que le mur en cause serait mitoyen. Elle invoque notamment la présomption de mitoyenneté énoncée par l’article 653 du code civil.


Une action en bornage a été introduite par Y Z le 19 mai 2021. Il existe ainsi une contestation sérieuse sur ce point.


Il n’en demeure pas moins que plusieurs tuiles de la toiture de X-B H, qui prend appui sur le mur disputé, ont été tronçonnées par les ouvriers commis par Y Z, et dont la présence sur la toiture de X-B H a été constatée le 19 juillet 2018, comme a pu le relever le premier juge. En préparant de la sorte les travaux de surélévation de la souillarde d’Y Z, ils ont créé un jour entre l’interstice présent entre le lambris au plafond et le mur en façade arrière. L’ordonnance attaquée doit ainsi être approuvée en ce qu’elle a jugé que de telles atteintes à la propriété de X-B H constituaient un trouble manifestement illicite, nonobstant la contestation élevée sur la propriété du mur séparatif.

c) Sur les mesures conservatoires ou de remise en état :

' Sur les mesures d’urgence, l’expert judiciaire indique que du fait de l’importance du ruissellement des eaux de pluie de la couverture de la surélévation réalisée par Y Z, il est impossible d’espérer réaliser des travaux provisoires d’urgence totalement efficaces, surtout sur la propriété Perotti, par un bâchage. Il a cependant constaté la relative efficacité des travaux provisoires de calfeutrement et de bâchage réalisés par X-B H.


La meilleure solution est alors de poursuivre les travaux de l’immeuble Z, pour ce qui est de la partie donnant sur la jonction avec l’immeuble H :

' finition de la pose des tuiles ;

' réalisation du chéneau en zinc de bas de pente, avec évacuation de l’eau dans la courette ;

' réalisation de la bavette de pied de façade ;

' pose du bardage prévu sur la façade dans un second temps.
En réponse aux dires de l’intimé, D E précise que, techniquement, du fait de leur caractère démontable, la finition des tuiles et la captation des eaux pluviales, avant qu’elles ne ruissellent sur la façade, sont sans rapport avec la question de l’empiètement ou du surplomb, comme avec celle de la mitoyenneté du mur séparatif.


Au vu des conclusions de l’expertise, la suspension des travaux entrepris par l’appelante ne s’impose donc plus pour prévenir le dommage imminent, ni pour mettre fin au trouble manifestement illicite constatés en l’espèce.

' Sur la réparation des dommages consécutifs au plafond et au mur du fond de la mezzanine de X-B H, l’expert retient un devis de l’entreprise JMK Services en le limitant à l’étendue des travaux nécessaires.


La décision déférée sera confirmée de ce chef, y compris dans le quantum de l’astreinte prononcée qui est suffisant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :


Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Y Z en supportera donc la charge.


En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. L’appelante obtenant partiellement gain de cause, il n’y a pas lieu à condamnation sur ce fondement.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,


Révoque l’ordonnance de clôture en date du 8 novembre 2021 ;


Prononce la clôture de l’instruction à la date du 22 novembre 2021 ;


Déclare Y Z irrecevable en ses demandes d’autorisation de poursuivre ses travaux et de condamnation sous astreinte de X-B H à laisser ses travaux s’accomplir ;


Déclare Y Z recevable pour le surplus de ses prétentions ;


Infirme partiellement l’ordonnance en ce qu’elle ordonne la suspension des travaux réalisés sur la parcelle LM07 située […], entrepris par Y Z, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance ;


Statuant à nouveau dans cette limite,


Déboute X-B H de sa demande de suspension des travaux réalisés sur la parcelle LM07 située […], entrepris par Y Z ;


Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;


Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


Condamne Y Z aux dépens d’appel, dont distraction au profit de maître F G ;


Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,
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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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