Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 16 septembre 2021, n° 20/00420

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, ch. soc. sect. 1, 16 sept. 2021, n° 20/00420
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 20/00420
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Caen, 4 février 2020, N° F18/00577
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 20/00420

N° Portalis DBVC-V-B7E-GP5T

Code Aff. :

ARRET N° C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 05 Février 2020 – RG n° F18/00577

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2021

APPELANT :

Monsieur D E X

[…]

[…]

Représenté par Me Sophie PERIER, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S. PIGEON GRANULATS NORMANDIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l’audience publique du 10 juin 2021, tenue par Mme NIRDÉ-DORAIL, Présidente de chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSÉ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme NIRDÉ-DORAIL, Présidente de chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,,

ARRET prononcé publiquement le 16 septembre 2021 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme NIRDÉ-DORAIL, présidente, et Mme GOULARD, greffier

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 1er avril 2013, M. D-E X a été employé par la SAS Pigeon Granulats Normandie sur le site de production de Vaux-sur-Seulles en qualité de conducteur d’engins, statut ouvrier, niveau 3 échelon 3, pour une rémunération brute mensuelle de 2.147,71 euros pour 169 heures de travail par mois.

La convention collective applicable est celle des ouvriers des industries de carrières et matériaux.

Le 11 janvier 2018, la société lui a notifié un avertissement pour avoir fumé sur son temps de travail en dehors des pauses et d’être à l’origine de deux casses mécaniques de trémie les 16 novembre 2017 et 9 janvier 2018.

Convoqué le 21 mars 2018 à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, M. X a fait l’objet d’un rappel à l’ordre le 6 avril 2018 dont le caractère disciplinaire est discuté.

Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 4 septembre 2018, il a été licencié le 24 septembre 2018 pour cause réelle et sérieuse.

Le 31 octobre 2018, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Caen aux fins d’annulation de l’avertissement, du rappel à l’ordre ainsi que du licenciement pour cause de harcèlement moral et à titre subsidiaire, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir les indemnités subséquentes.

Par jugement du 5 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

— débouté la société Pigeon Granulats Normandie de sa demande de sursis à statuer,

— dit le licenciement de M. X parfaitement fondé et débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes,

— débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné le salarié demandeur aux dépens de l’instance.

Par déclaration enregistrée le 19 février 2020, M. X a interjeté appel de l’ensemble des dispositions du jugement entrepris sauf du débouté des demandes de la société défenderesse.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et communiquées par les parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 septembre 2020, M. X demande à la cour :

— d’infirmer la décision attaquée à l’exception du rejet de la demande formulée par la société relative à l’article 700 du code de procédure civile,

— de dire qu’il a été victime d’un harcèlement moral et, en conséquence, d’annuler l’avertissement et le rappel à l’ordre et qu’ils ne sont en toutes hypothèses pas justifiés,

— de condamner la société au versement des sommes suivantes :

* 4.000 euros nets en réparation du préjudice lié à l’annulation de l’avertissement et du rappel à l’ordre,

* 3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut d’information de ses droits au repos compensateur,

* 12.886,26 euros nets au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 10.000 euros nets au titre du préjudice lié au harcèlement moral et, subsidiairement, pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,

— à titre principal, d’annuler le licenciement comme consécutif à une situation de harcèlement moral

— à titre subsidiaire, de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

* 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et 2.000 euros en appel,

— ces sommes avec intérêts au taux légal conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, outre la capitalisation des intérêts légaux,

— d’ordonner la remise de divers documents, sous astreinte,

— de condamner la société aux entiers dépens tant de première instance que d’appel,

— de débouter la société de l’ensemble de ses demandes.

Par conclusions du 8 juillet 2020, la société Pigeon Granulats Normandie demande à la cour :

— de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions frappées d’appel,

— de condamner M. X à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- SUR LA PROCÉDURE

1) Sur l’effet dévolutif de l’appel :

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

L’acte d’appel de M. X en date du 19 février 2020 est rédigé en ces termes :

'Le présent appel entend critiquer le jugement rendu le 5 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Caen ((n° RG : F18/00577) en ce qu’il a :

=> Dit et jugé que le licenciement de M. D-E X est parfaitement bien fondé ;

=> Débouté en conséquence M. D-E X de ses demandes financières subséquentes, à savoir :

- A titre principal, DIRE ET JUGER le licenciement de M. X nul et consécutif à une situation de harcèlement moral,

- A titre subsidiaire, DIRE ET JUGER le licenciement de M. X sans cause réelle et sérieuse,

- En toute hypothèse,

CONDAMNER la SAS PIGEON GRANULATS NORMANDIE à verser à M. X les sommes suivantes :

- 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

=> Débouté M. D-E X du surplus de ses demandes financières formulées dans la présente instance, à savoir :

- DIRE ET JUGER que M. X a été victime d’un harcèlement moral,

- ORDONNER la nullité de l’avertissement et du rappel à l’ordre au motif qu’ils ont été prononcés dans un contexte de harcèlement moral,

- CONDAMNER la société PIGEON au versement des sommes suivantes :

4.000 euros nets en réparation du préjudice lié à l’annulation de l’avertissement et du rappel à l’ordre,

' brut au titre des RTT déduits et non pris (pour mémoire);

' au titre des congés payés y afférents (pour mémoire) ;

3.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut d’information de ses droits au repos compensateurs ;

12.886,26 euros nets au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

10.000 euros nets au titre du préjudice lié au harcèlement moral ;

- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir;

- CONDAMNER la SAS PIGEON GRANULATS NORMANDIE aux entiers dépens.

=> Condamné M. D-E X aux éventuels dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.'

Au visa de l’article 562 du code de procédure civile précité, la société Pigeon Granulats Normandie soutient que la déclaration d’appel de M. X ne vise pas le chef du jugement ayant débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile de sorte qu’est irrecevable la demande du salarié mentionnée dans ses premières conclusions d’appel aux fins de voir condamner la société à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code

de procédure civile.

M. X objecte à juste titre que sa déclaration d’appel contient bien la mention de ce celle-ci vise à critiquer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation de la société à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En effet, si le salarié a modifié la présentation des chefs du jugement critiqué, en les hiérarchisant autrement, il a bien spécifié la mention du jugement relative aux frais irrépétibles dont la cour est donc saisie.

II- SUR LE FOND

Au vu de l’articulation des demandes de M. X, la cour statuera d’abord sur la demande de nullité de l’avertissement du 11 janvier 2018 et du rappel à l’ordre du 6 avril 2018 qu’il assimile à un avertissement, nullité demandée au motif qu’il s’agit de sanctions prononcées dans un contexte de harcèlement moral collectif ce qui suppose d’examiner au préalable la question de la nature du rappel à l’ordre puis le harcèlement moral collectif invoqué, en se référant conformément, à l’application de l’article 954 du code de procédure civile aux moyens invoqués dans la partie discussion des dernières écritures du salarié.

1) Sur la nature disciplinaire ou non du rappel à l’ordre

L’article L. 1331-1 du code du travail définit la sanction disciplinaire comme toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur, à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif à condition que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non, la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 avril 2018, la société Pigeon Granulats Normandie a exposé les problèmes de 'comportement et de discipline' concernant M. X, au regard de la visite sur le site des représentants du personnel du 22 février 2018. Elle a ainsi fait valoir que le salarié était un 'élément perturbateur' qui 'profite(rait) de certaines personnes influençables pour faire régner un climat négatif sur le site'. Elle a notamment reproché à M. X de ne pas adopter un comportement courtois et respectueux à l’égard de M. Y , d’avoir dit qu’il ne s’arrêterait pas 'tant que M. Y ne sera pas dégagé', de ne pas avoir signalé les difficultés relationnelles entre eux à la direction et d’avoir incité d’autres collègues à ne pas appliquer la consigner transmise par M. Y le 19 février 2018.

M. X considère que ce courrier équivaut à un avertissement par ailleurs injustifié.

Mais la société, qui avait convoqué le salarié à un entretien disciplinaire, relève fort justement qu’après avoir entendu ses explications, elle a fait le choix pour apaiser le climat au sein de l’entreprise de ne pas sanctionner le salarié mais de lui faire un simple rappel à l’ordre sur ses obligations d’observer un comportement et des propos respectueux, un comportement neutre, sur l’exclusion du temps de déshabillage du temps effectif de travail ; ce rappel ne sera pas considéré comme une sanction disciplinaire, l’employeur en tirant la conséquence de lui payer le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et étant observé par la cour qu’en janvier 2018, l’employeur, avait décidé au contraire, de sanctionner le salarié en lui notifiant un avertissement.

2) Sur la reconnaissance ou non du harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; en application de l’article L.1154-1, lorsque survient

un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans la discussion relative à l’annulation de l’avertissement (et du rappel à l’ordre) M. X se réfère à des courriers de l’inspection du travail en date du 17 octobre 2018 relatif aux constats dressés sur site (pièce 13) et du 9 janvier 2019 relatif aux procès-verbaux d’infractions pour non-respect d’une mise en demeure du Direccte et pour harcèlement moral collectif organisationnel (pièce 14).

Ces courriers de l’inspecteur du travail présentés par le salarié comme des constatations ayant la force probatoire de procès-verbaux d’infractions faisant foi jusqu’à preuve du contraire sont en répondent en réalité à une demande de l’avocat du salarié.

L’inspecteur du travail rappelle que des contrôles ont été opérés dans l’entreprise à la suite d’un courrier du 20 novembre 2017 co-signé par plusieurs salariés dont M. X pour dénoncer leurs conditions de travail et une situation de harcèlement moral qu’ils imputent à M. Y responsable du site.

Cependant l’inspecteur du travail informe l’avocat dans son courrier du 9 janvier 2019, que les procès-verbaux d’infraction, qui ne sont pas communiqués à l’avocat, ont été transmis au parquet et que ces constats ne préjugent pas des suites données et à venir. L’employeur relève justement qu’il n’est pas justifié de l’engagement de poursuites à son encontre ; la société a d’ailleurs renoncé à faire appel de la mention du jugement l’ayant débouté de sa demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision du procureur de la république sur la transmission des procès-verbaux.

La cour considère que ces courriers de l’inspecteur du travail n’ont pas la force probante de procès-verbaux faute de contenir les documents auxquels ils se référent (compte-rendu de l’entretien avec l’employeur qui aurait reconnu avoir notifié l’avertissement dans l’optique de licencier le salarié et les procès-verbaux d’infraction eux-mêmes). L’employeur souligne que ces courriers ont été adressés directement à l’avocat du salarié avant même qu’il puisse faire valoir ses observations.

La cour considère qu’il s’agit d’observations de l’inspection du travail non documentées qui ne d’étayer et encore moins de caractériser le harcèlement moral collectif organisationnel allégué au soutien de l’annulation des sanctions disciplinaires.

Il n’y a donc pas lieu à annulation de l’avertissement du 11 janvier 2018 au motif qu’il aurait été notifié dans un contexte de harcèlement moral ou qu’il l’a été en représailles de la dénonciation d’une situation de harcèlement moral.

3) Sur l’annulation de l’avertissement du 11 janvier 2018 et la demande de dommages-intérêts

En application de l’article L 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l’annulation d’une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur ; que le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties ; que, toutefois l’employeur doit justifier des éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.

L’employeur estime que l’avertissement était justifié en se fondant sur la disposition du règlement intérieur dont il a pris connaissance lors de l’embauche interdisant de fumer dans l’établissement en dehors des temps de pause et sur le rappel qui aurait fait au salarié lors d’un entretien du 20 novembre 2017 par le directeur général de la société en présence de M. Y.

Le 26 février 2018, M. X a contesté cet avertissement en indiquant que s’il fumait sur le temps du travail, ce n’était pas de façon régulière mais pour une cigarette à la demi-journée, que cette pratique était tolérée par M. Z jusqu’au courrier du 20 novembre 2017 et qu’en outre, les casses mécaniques résultaient des 'modifications qui ont été faites par M. Z au mois d’août 2017 (ayant) rendu le matériel plus fragile' et au fait que le lieu d’extraction du sable soit désormais plus loin imposant une 'cadence infernale'. Cette tolérance est attestée par son collègue M. A qui rapporte que c’est en fin d’année 2017 que le chef de site, M. Y, lui a demandé de retirer les cendriers de sorte que les pauses-cigarettes reprochées ne sont pas fautives.

Par ailleurs, la société Pigeon Granulats Normandie ne fournit aucun élément sur l’autre grief relatif à la dégradation de la trémie visé dans l’avertissement.

L’avertissement apparaît injustifié et sera annulé et le jugement infirmé de ce chef.

Pour ce qui est de la demande de dommages-intérêts, le salarié réclame la somme de 4 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour l’annulation de l’avertissement mais aussi du rappel à l’ordre du 6 avril 2018 en soutenant qu’il avait mal vécu ces deux avertissements en représailles de dénonciation de harcèlement moral or l’argumentation du salarié sur le caractère disciplinaire du rappel à l’ordre et le harcèlement moral n’a pas été retenue par la cour. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.

5) Sur la demande au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé :

Aux termes de l’article 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

M. X expose que l’employeur procédait à une double comptabilisation des heures de travail en reportant d’une semaine à l’autre dans le compteur d’heures RTT les heures supplémentaires réalisées afin de ne les rémunérer qu’une fois atteint un certain nombre d’heures.

Là encore, le salarié se réfère au courrier de l’inspection du travail du 17 octobre 2018 qui ne contient aucun document annexe tel que les feuilles d’heures consultées ou la mise en demeure ou le procès-verbal pour non-respect de la mise en demeure. Il produit également une unique feuille d’heures supplémentaires du 19 au 23 février 2018 sur laquelle il a porté des mentions manuscrites sur les horaires mentionnés.

Ces éléments ne suffisent pas à étayer les demandes de dommages-intérêts pour défaut d’information sur les droits aux repos compensateurs et d’indemnité pour travail dissimulé qui découlent de la reconnaissance des heures supplémentaires.

Le débouté de ces demandes sera confirmé.

6) Sur le licenciement

La cour renvoie à la lecture de la lettre de licenciement qui reproche au salarié son comportement à qui il impute la dégradation de l’ambiance générale sur le site en s’appuyant pour l’essentiel sur un rapport d’enquête du CHSCT.

Là encore, M. X conclut à titre principal à la nullité du licenciement pour dénonciation d’une situation de harcèlement moral. Il se réfère au courrier de novembre 2017 de dénonciation de faits de

harcèlement moral signé par trois de ses collègues et lui-même dénonçant à la Dirrecte des actes de harcèlement moral commis par M. Y son supérieur hiérarchique : des pressions incessantes afin que les salariés participent à des fraudes dites à la bascule pour favoriser ses amis, des insultes quotidiennes, des menaces de licenciement et des pressions sur les nouveaux collègues pour l’isoler.

A ces reproches généraux, M. X ajoute pour sa propre situation les deux avertissements infondés et son licenciement fondé sur des faits imputables à M. Z.

Le salarié se fonde encore sur :

— les courriers de l’inspecteur du travail qui n’ont pas valeur de procès-verbaux ;

— des attestations d’anciens collègues qui ne rapportent aucun fait précis mais leur propre appréciation de la situation, comme M. B C qui rapporte que 'M. Y était le seul autour de tous les méfaits, à savoir le harcèlement envers les salariés, la mauvaise entente sur le site de Vaux sur Seulles, ne faisait que diviser pour mieux régner entre tous les salariés et que créer des tensions entre les salariés comme ce fut le cas entre M. X et M. A.' Ce dernier a ajouté le 28 mai 2019 avoir été insulté de 'PD' par M. Y qui modifiait à nouveau son comportement la semaine suivante pour 'baver sur le dos d’un autre salarié. Dès qu’il avait un grieffe contre un salarié, il se liguer avec les autres pour le rabaisser sans que le concerné ne soit au courant. Il fallait qu’il y ait toujours quelqu’un dans son collimateur donc ça tournait régulièrement ;

- le procès verbal d’audition de M. Z du 13 décembre 2017 suite à la plainte déposée à son encontre par M. X au cours duquel il aurait admis l’avoir menacé mais qui justifie ses interventions par le non-respect des consignes de sécurité ; il n’est pas justifié de la suite réservée à cette procédure.

La cour considère que ces éléments ne suffisent pas à laisser supposer une situation de harcèlement moral de sorte que l’annulation du licenciement ne pourra pas être soutenue sur ce moyen.

De plus l’employeur disposait d’éléments en sens contraire émanant du CHSCT qu’il avait mandaté pour faire une analyse des tensions sur le site et a reçu un rapport qui conclut à l’absence de harcèlement moral et qui décrit M. X comme un perturbateur mais aussi d’un cabinet privé sollicité pour évaluer les risques psycho-sociaux.

Le salarié sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Le salarié conclut à titre subsidiaire à l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement

La lettre de licenciement du 24 octobre 2018 reproche en substance à M. X d’être un élément perturbateur au sein de l’entreprise et de profiter de certaines personnes vulnérables pour faire régner un climat négatif sur le site en se référant à l’enquête du CHSCT. La société Pigeon Granulats Normandie considère que le salarié n’a pas modifié son comportement malgré le rappel des règles de savoir-vivre au cours d’une rencontre organisée le 14 mai 2018 en arguant de deux incidents survenus en août 2018 avec deux autres salariés.

L’employeur verse aux débats l’attestation de M. A qui incrimine surtout l’attitude de M. Z mais admet la réalité de l’altercation avec M. X qu’il impute à des tensions avec le directeur de site. Il n’en demeure pas moins que cette altercation survient en août 2018 après le rappel à l’ordre du 6 avril 2018 qui visait à apaiser le climat et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. X sera donc débouté de ses demandes au titre de la rupture.

- Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Là encore, le salarié se fonde sur les courriers précités de l’inspection du travail et notamment la mise en demeure qui n’est pas versée aux débats pour demander réparation de manquements à l’obligation de sécurité.

De plus les membres du CHSCT qui ont procédé à une enquête sur site rapportent l’absence de manquements.

M. X sera débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

- Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

M. X qui succombe pour l’essentiel sera condamné aux dépens d’appel et il n’y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et contradictoirement

CONFIRME le jugement du 5 février 2020 du conseil de prud’hommes de Caen sauf en ce qu’il a débouté M. D-E X de sa demande d’annulation de l’avertissement notifié le 11 janvier 2018 ;

STATUANT à nouveau du chef infirmé :

ANNULE l’avertissement du 11 janvier 2018 ;

Y AJOUTANT :

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. D-E aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD R. NIRDÉ-DORAIL

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