Cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale prud'hommes, 15 février 2024, n° 22/01314

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, ch. soc. prud'hommes, 15 févr. 2024, n° 22/01314
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 22/01314
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chambéry, 15 juin 2022, N° F20/00144
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 25 février 2024
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 15 FEVRIER 2024

N° RG 22/01314 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HBG7

[O] [D]

C/ Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5] etc…

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHAMBERY en date du 16 Juin 2022, RG F 20/00144

Appelant

M. [O] [D]

né le 30 Novembre 1976 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric MATCHARADZE de la SELARL FREDERIC MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimées

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'[Localité 5], demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Laetitia GAUDIN de la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY

S.E.L.A.R.L. BOUVET & GUYONNET es qualité mandataire judiciaire de la SAS ELEA CORP, demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Valentin TREAL, avocat au barreau d’ANNECY

S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES Es qualité d’administrateur judiciaire de la SAS ELEA CORP., demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Valentin TREAL, avocat au barreau d’ANNECY

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 14 décembre 2023 par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente de la Chambre Sociale, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l’appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Madame Valéry CHARBONNIER, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Exposé du litige':

M. [O] [D] a initialement été engagé par la société SA Socopar en contrat à durée indéterminée du 9 mai 2011, en qualité de chef d’équipe logistique (statut employé).

En 2013, la SA Socopar et la société Elea Corp ont opéré une fusion absorption pour devenir Elea Corp sous l’enseigne OÏA BEAUTE.

En 2018, la société Elea Corp a été rachetée par la franchise ODOME.

Le 23 janvier 2019, M. [D] s’est vu proposer une modification du lieu d’exécution de son contrat de travail de [Localité 8] (73) à [Localité 7] (38), proposition qu’il a refusée le 31 mai 2019.

Le 9 juillet 2019, la SAS Elea Corp a adressé à l’ensemble des salariés un courrier faisant état de ses difficultés économiques et de la proposition d’un PSE aux membres du comité d’entreprise.

Le 10 septembre 2019, le PSE a été adopté et le 22 septembre 2019, la SAS Elea Corp a adressé à M. [W] courrier l’informant que compte tenu de son refus de mutation géographique, une mesure de licenciement pour motif économique était envisagée à son encontre et qu’il était dispensé d’activité. Le salarié a reçu le même jour les document relatifs au contrat de sécurisation professionnelle.

M. [D] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle et son contrat de travail a pris fin le 14 octobre 2019.

Par requête du 22 septembre 2020, M. [O] [D] a saisi le Conseil de prud’hommes de Chambéry aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement, outre les indemnités afférentes, de rappels de salaires et autres sommes.

L’UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] a été appelée à l’instance en intervention forcée.

Par jugement du tribunal de commerce en date du 6 juillet 2021, la SAS Elea Corp a été placée en redressement judiciaire et le plan de redressement a été fixé par jugement du 19 décembre 2022.

La SELARL AJ Partenaires et la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet ont été désignées respectivement en qualité d’administrateur et de mandataire judiciaires.

Par jugement du 16 juin 2022, le Conseil de prud’hommes de Chambéry a :

Dit et jugé que le licenciement de M. [O] [D] reposait sur un motif économique';

En conséquence':

— L’a débouté de l’intégralité de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail';

— Dit et jugé qu’aucune convention collective n’est applicable à la SAS ELEA CORP depuis le mois de juillet 2011';

En conséquence':

— L’a débouté de ses demandes de statut cadre, de rappel de salaire à ce titre, de rappel de prime d’ancienneté';

— L’a débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile';

— Dit et jugé la décision opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5]';

— Condamné M. [O] [D] aux éventuels dépens.

Par déclaration au RPVA du 13 juillet 2022, M. [O] [D] interjeté appel de cette décision en ce qu’elle l’a débouté de l’intégralité de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, et donc en ce qu’elle l’a débouté M de sa demande de fixation au passif de la société une somme d’un montant de 6 616.00 €, outre 661.60 € de congés payés afférents à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et en ce qu’elle l’a débouté de sa demande de fixation au passif de la société une indemnité d’un montant de 26 400.00 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Par conclusions du'25 mai 2023, M. [O] [D] demande à la cour d’appel de':

— Dire et juger les demandes formées par M. [O] [D] recevables et bien fondées ;

— Débouter la société ELEA CORP de l’ensemble de ses fins, demandes, moyens et prétentions ;

— Fixer à 3 308 € le salaire moyen de référence ;

— Infirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le Conseil de prud’hommes de Chambéry dans l’intégralité de ses dispositions ;

Statuer à nouveau et :

— Dire et juger que la Convention collective parfumerie-cosmétique a régi l’intégralité de la relation de travail unissant M. [O] [D] à la société ELEA CORP ;

— Condamner la société ELEA CORP à payer à M. [O] [D] les sommes suivantes :

* 6 000.00 € à titre de dommages et intérêts pour non-application abusive de la convention collective ;

* 732,21 €, outre 73,22 € au titre des congés payés au titre de rappel de prime d’ancienneté ;

— Dire et juger que M. [O] [D] aurait dû bénéficier du statut cadre ;

— Condamner en conséquence la société ELEA CORP à payer à M. [D] la somme de 29 693.28 € outre 2 969.33 € de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire pour respect du minimum conventionnel applicable au salarié cadre ;

— Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [O] [D] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— Condamner en conséquence la société ELEA CORP à payer à M. [D] les sommes suivantes:

* 6 616.00 €, outre 661.60 € de congés payés afférents, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 26 400.00 € à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

* 6 600.00 € de dommages-intérêts au titre du non-respect de la priorité de réembauche ;

— Condamner la société ELEA CORP à payer à M. [O] [D] la somme de 2 520.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

— Condamner la société ELEA CORP à payer à M. [O] [D] la somme de 2 400.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

— Condamner la société ELEA CORP aux entiers dépens de l’instance et d’exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.

Par conclusions en réponse du 4 mai 2023, la SARL ELEA CORP (représentée par la SELARL Bouvet et Guyonnet) demande à la cour d’appel de':

— Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Chambéry en date du 16 juin2022, en ce qu’il a débouté M. [O] [D] de l’intégra1ité de ses demandes.

— Infirmer le jugement en ce qu’i1 a débouté la Société ELEA CORP de sa demande au titre de 1'article 700 du Code de procédure civile

Statuant à nouveau':

— Condamner M. [O] [D] à une somme de 3.000 € au titre de 1'artic1e 700 du Code de Procédure Civile pour les frais de première instance et à une somme de 3.000 € au titre de1'artic1e 700 du CPC pour les frais en procédure d’appe1.

Par conclusions en réponse du 12 janvier 2023, l’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5] demande à la cour d’appel de':

A titre principal':

— Relever que la société ELEA CORP est au bénéfice d’un plan de continuation depuis le 19 décembre 2022';

— De mettre hors cause l’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5]

A titre subsidiaire':

— Dire et juger sa décision uniquement opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5] intervenant conformément à l’article L 625-3 du Code de Commerce.

— Confirmer le jugement déféré,

— Débouter M. [O] [D] de toutes ses demandes,

A titre très subsidiaire':

— Fixer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à 3 mois de salaires, soit 7.562 €.

— Fixer une indemnité de préavis à hauteur de 2 mois de salaires, soit 5.041, 52 € outre 504, 15 € de congés payés afférents,

En tout état de cause,

— Juger que la procédure de redressement judiciaire de la société ELEA CORP a interrompu de plein droit le cours des intérêts en application de l’article L. 622-28 du Code de commerce, qui est d’ordre public,

— Juger que l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5] ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail,

— Juger que l’indemnité qui serait fixée sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ou sur la loi du 10 juillet 1991 relative à la juridictionnelle et les dépens ainsi que l’astreinte qui serait prononcée doivent être exclus de la garantie de l’UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 5], les conditions spécifiques de celle-ci n’étant pas réunies notamment au visa de l’article L 3253-6 du Code du Travail,

— Juger que la garantie de l’UNEDIC délégation AGS – CGEA d'[Localité 5] est encadrée par les articles L 3253-17 et D. 3253-5 du Code du Travail qui prévoient, pour toutes causes de créances confondues, le principe du plafond de garantie de l’AGS applicable aux créances qui seraient fixées au bénéfice de M. [O] [D] au titre de son contrat de travail.

— Juger que l’obligation de l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5] de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

— Condamner M. [O] [D] aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le'10 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur la convention collective applicable à la relation contractuelle':

Moyens des parties :

M. [D] soutient que l’application de la convention collective nationale de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie a été contractualisée à dessein, que son contrat de travail du 9 mai 2011 le prévoit expressément alors que même que cette convention collective avait été dénoncée par les organisations syndicales patronales en 2008 et que ses bulletins de paie en font mention par sa dénomination simplifiée. Il sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-application abusive de la convention collective, n’ayant pas bénéficié des jours de congés exceptionnels pour événements familiaux de la convention collective, du régime de prévoyance, du régime des frais de santé prévus (…) Sic.

La SAS Elea Corp fait valoir pour sa part que la convention collective nationale de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie du 11 mai 1978, applicable lorsque le contrat de travail a été conclu, a été dénoncée par l’ensemble des parties signataires patronales par courrier du 28 juillet 2008, que le délai de survie indiqué dans l’article 2, de 3 ans a pris fin le 28 juillet 2011 et que faute de convention collective de substitution conclue, le secteur n’est pas couvert par une convention collective depuis cette date.

Or, M. [D] ayant été embauché deux mois avant la fin du délai de survie, il ne peut prétendre aux avantages de cette convention collective. Si les bulletins de paie ont continué à mentionner la convention collective dénoncée, c’est uniquement par erreur non créatrice de droits.

Enfin l’activité principale de la SAS Elea Corp selon son K Bis est le commerce de détail de parfumerie et de produits de beauté, excluant de ladite convention collective.

Sur ce,

Il est de principe que les salariés embauchés après la dénonciation de la convention collective ne peuvent invoquer des avantages individuels acquis au titre de la convention ou de l’accord déjà dénoncé au moment où ils ont intégré le personnel.

Si dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable déterminée par l’activité principale de l’entreprise, dans les relations individuels de travail, le salarié peut demander l’application la convention collective mentionnée dans son contrat de travail au visa de l’article 1103 du code civil, la mention de la convention collective dans le contrat de travail valant reconnaissance de l’application de la convention à l’égard du salarié.

La mention d’une convention collective contractualise cet engagement qui ne peut plus être dénoncé qu’avec le consentement exprès des parties au contrat de travail.

Si en l’espèce M. [D] est effectivement entré dans les effectifs de l’entreprise après la dénonciation de la convention collective de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie, il n’est toutefois pas contesté qu’il ressort du contrat de travail de M. [D] prenant effet le 9 mai 2011 que «' le contrat de travail sera régi par la convention collective de la parfumerie esthétique N° 3123 dont nous avons donné connaissance'» et qu’il bénéficie du niveau 5C coeficient 160 «'tels que prévus à la convention collective applicable à l’entreprise, soit Parfumerie Esthétique N° 3123'». Le bulletin de paie versé du mois de février 2013 mentionne également la convention collective «'Parfumerie Esthétique'».

Il y a par conséquent lieu de constater que la SAS Elea Corp a fait une application volontaire au contrat de travail de M. [D] de la convention collective de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie susvisée qui lui est dès lors applicable par voie d’infirmation du jugement déféré.

M. [D] ne justifie cependant pas de la réalité des préjudices qu’il aurait subi s’agissant d’événements familiaux prévis, de refus de prise en charge prévoyance ou de remboursement de frais de santé du fait du défaut d’application de ladite convention collective et il doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré

Sur le statut de cadre et la demande de rappel de salaires en application de la convention collective applicable':

Moyens des parties :

M. [D] fait valoir qu’il aurait dû bénéficier du statut de cadre, ses missions en sa qualité de chef d’équipe logistique relevant des fonctions d’encadrement et étant les mêmes que celles de ses collègues cadres. Il allègue que le seul niveau d’étude n’est pas l’unique condition d’accès au statut cadre mais également l’expérience sur le poste, en entreprise et de manière générale. Il sollicite un rappel de salaire à ce titre en application de la convention collective applicable et soutient qu’il est légitime à réclamer la prime d’ancienneté conventionnelle découlant de son statut de cadre dont il aurait dû bénéficier sous l’égide de la convention collective applicable pour la période du 1er janvier 2016 jusqu’à la rupture du contrat de travail le 14 octobre 2019, les montants perçus étant inférieurs aux montants conventionnellement prévus.

M. [D] conteste l’application du délai deux ans en matière de prescription alléguée par l’employeur mais revendique celui de trois ans de l’article L. 3245-1 du code du travail, indiquant qu’il peut toujours demander un rappel de salaires pour la période de trois ans non prescrite.

La SAS Elea Corp conteste le statut cadre de M. [D]. Elle soutient que ses fonctions relèvent de la catégorie «'employé'» comme précisée sur ses bulletins de paie et son contrat de travail, qu’il ne faisait qu’appliquer les procédures et rendre compte, soit un rôle d’exécutant sans rôle d’organisateur ni prise de décisions en ce qui concerne les salariés de son service, un agent de maitrise ayant lui-aussi des fonctions d’encadrement du personnel. M. [D] ne dépendait pas du PDG et ne disposait pas des responsabilités des hauts cadres de la société auxquels il se compare. (directeur marketing, directeur des achats, drh …) L’expérience professionnelle ne pouvant par ailleurs compenser une différence de diplôme très importante. Ses candidatures aux postes de cadre ont par ailleurs toutes été refusées. Il se fonde sur une classification qui n’est plus applicable.

A titre subsidiaire, la SAS Elea Corp fait valoir que cette demande relative à l’exécution du contrat de travail est prescrite.

L’UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] soutient que si l’employeur a continué à mentionner le convention collective dénoncée, c’est par erreur et qu’elle n’est pas créatrice de droit. Elle fait valoir que M. [D] n’a jamais eu de réponses positives quand il a postulé à des postes de cadres et qu’il a été embauché en qualité de magasinier. Elle argue également de la prescription biennale.

Sur ce,

Sur la qualification de cadre':

Il appartient au salarié qui se prévaut d’un statut ou d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification conventionnelle qu’il revendique. La classification d’un salarié dépend des fonctions effectivement exercées que le juge apprécie.

Il ressort du contrat de travail susvisé de M. [D] qu’il bénéficie du statut d’employé et non de cadre et qu’au titre de ses fonctions de chef d’équipe logistique, il exerce «'notamment’les tâches suivantes'»':

— «'Planifier, organiser et contrôler tout ou partie des opérations logistiques (réceptions stockage, préparation des commandes, approvisionnement, expédition de marchandises,') en respectant les impératifs de délais de qualité, la réglementation en vigueur et les règles d’hygiène et de sécurité

— Assurer le transit optimal des flux de marchandises de l’arrivée à l’entrepôt à la livraison au client final (magasins, fournisseurs')

— Organiser le travail de l’entrepôt, en collaboration avec la direction générale, définir l’ensemble des tâches du personnel.

— Appliquer les procédures en cas de litige de réception, rendre compte des problèmes rencontrés avec les différents services, et être force de proposition.

— Organiser et participer à certaines opérations spécifiques de logistique (inventaires) et intervenir sur la gestion des stocks de la plate-forme logistique

— Coordonner l’activité de l’équipe logistique et répartir les tâches à effectuer

— Collecter les éléments de l’activité du personnel (arrêt travail, congés payés, relevé d’heures,') et contrôler les heures supplémentaires et leur récupération

— Faire respecter les procédures, et rendre compte des problèmes rencontrés tant dans l’organisation du poste que dans la gestion du personnel

— Maîtriser l’outil informatique de gestion des stocks

— Tous travaux annexes, de propreté et de rangement inhérent à la bonne marche de l’entrepôt'».

Il en ressort manifestement que M. [D] organise le travail de l’entrepôt «'avec la direction générale'», et encadre l’équipe logistique dont il coordonne l’activité, répartit les tâches à effectuer, fait respecter les procédures, collecte les éléments d’activités et contrôle les heures supplémentaires et leur récupération.

Toutefois, les responsabilités d’encadrement d’une équipe ou d’un service ne suffisent pas à démontrer le statut de cadre, un agent de maitrise pouvant exercer ce type de tâches d’encadrement et bénéficier à ce titre d’une rémunération plus importante que les autres salariés avec le même statut, ce qui est le cas en l’espèce pour M. [D].

Le statut de cadre implique en revanche la capacité à être autonome dans la prise de décision au sein de l’entreprise et il ressort du contrat de travail susvisé que si M. [D] exécutait ses missions en collaboration avec la direction générale pour l’organisation du travail et la répartition des tâches et devait rendre compte des problèmes rencontrés tant dans l’organisation du poste que dans la gestion du personnel, à savoir appliquer les décisions de l’employeur et en rendre compter sans autonomie particulière.

Le fait que M. [D] était disponible et très impliqué dans ses missions ne suffisent pas à démontrer son statut de cadre.

Il ressort du mail du 13 janvier 2016, que le salarié donne un avis favorable au recrutement en contrat à durée indéterminée d’un salarié embauché jusque-là en contrat à durée déterminée et non qu’il a réellement pris la décision et qu’il demande la simple «'mise en forme des choses'», son avis étant donné sous réserve de l’accord'» de son employeur. Il doit également être noté qu’aucun autre mail s’agissant du recrutement de salariés n’est versé pour toute la durée de la relation contractuelle.

Les mails groupés de convocation aux réunions ou de transmission d’informations pouvant concerner son service n’impliquant pas qu’ils exerçaient les fonctions de cadre.

M. [D] à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas qu’il avait les mêmes responsabilités dans l’entreprise que ses collègues cadres et exerçait des fonctions similaires.

Il résulte de l’attestation de M. [X], ancien directeur opérationnel jusque fin 2014, que M. [D] «'par son esprit d’initiative, sa rigueur et son exemplarité'» a gagné sa confiance et celle de son équipe qui a évolué jusqu’à 5 personnes et davantage en période de Noël… qu’il a «'mis en place des chemins de circulation évitant les croisements de flux, créé l’identification à l’article par emplacement, participé au développement de l’outil informatique de réassort, ici le traitement spécifique du maquillage, fait évoluer les chariots plus fonctionnels pour les équipes'». Il a délégué à M. [D] la totale responsabilité des négociations avec les transporteurs, la gestion des emballages, des produits d’entretien des magasins. Il conduisait ses équipes de manière très autonome, tant sur le quotidien que sur les objectifs à plus long terme et intervenait régulièrement lors des réunions hebdomadaires de service et lors des séminaires avec tous les responsables magasins. Il menait les entretiens annuels d’évaluation de chaque personne travaillant avec lui et assurait donc l’encadrement intégral sur le service logistique.

Toutefois, M. [X] n’indique pas que du fait des fonctions ainsi décrites, qui pouvaient aussi relever du statut d’agent de maitrise dont il avait d’ailleurs le coefficient et la rémunération, il avait l’équivalent d’un statut de cadre dans l’entreprise et ce fait n’est accrédité par aucun éléments objectif versé par le salarié.

Il convient dès lors de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté la demande de requalification de M. [D] aux fonctions de cadre et les rappels de salaires et de primes afférents.

Sur le bien-fondé du licenciement économique':

Moyens des parties :

M. [D] conteste le caractère réel et sérieux du licenciement en l’absence de difficultés économiques démontrées et en raison du non-respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

M. [D] allègue d’une part que l’employeur a habilement man’uvré pour parvenir à la mise en place d’un PSE dont l’existence résulte d’une volonté antérieure. Lors de la fusion en novembre 2018, la société Elea Corp connaissait déjà des difficultés économiques qu’elle invoquera plus tard et savait que la fusion allait aboutir à des doublons de postes et donc nécessairement à des difficultés économiques et l’employeur lui a proposé une modification de son contrat de travail dès janvier 2019. La SAS Elea Corp sachant pertinemment que le salarié allait refuser la mutation, fait une proposition laconique déloyale sans accompagnement dans le changement ni précision sur la durée du travail (aide au déménagement, participation aux futurs frais de déplacement) et le plaçant sous les directives de la société Ememine, permettant ainsi de s’assurer une justification pour le licenciement économique. De plus l’employeur savait que la fusion ne serait finalement pas opérée, lui proposant dès lors «'un saut dans l’inconnu'». Cette proposition induisait également un changement de poste et de fonctions. L’employeur savait que son poste serait supprimé à l’avenir. M. [D] fait également valoir qu’on lui reproche d’avoir refusé une mutation pour motif économique dans l’établissement de [Localité 7] alors qu’il n’y a pas d’établissement à [Localité 7]. L’employeur a voulu éviter la consultation de délégués du personnel et les mesures d’accompagnement à offrir aux salariés pour les reclasser et éviter les ruptures de contrat de travail comme pour le PSE de juillet 2019. Son seul choix ayant été une adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

M. [D] soutient ne pas avoir pu prendre sa décision face à cette proposition en connaissance de cause et que l’employeur aurait dû lui reproposer l’offre de mutation refusée à savoir le poste de chef d’équipe du service logistique à [Localité 7]. L’employeur ne lui a pas non plus proposé de poste de qualification inférieure ou une formation en vue d’un poste supérieur comme prévu dans le PSE.

La SAS Elea Corp fait valoir en réponse que le licenciement économique est fondé et que M. [D] a refusé la mutation proposée par courrier du 31 mai 2019 pour motif économique et le document au contrat de sécurisation professionnelle et que la procédure avait été respectée vis-à-vis des instances représentatives du personnel. Un PSE ayant été rédigé sous la forme d’une décision unilatérale de l’employeur homologuée par la DIRECCTE. La lettre remise en mains propres à M. [D] le 23 septembre 2019 comportait une note économique rappelant les raisons pour lesquelles le licenciement était prononcé. Elle allègue avoir évoqué avec les représentants du personnel fin 2018, le projet de rapprochement, voire de fusion et qu’in fine ce projet n’ait pas abouti dans les temps indiqués, non en raison d’une volonté délibérée de dissimulation de sa part mais une simple évolution des discussions commerciales entre deux sociétés souhaitant se rapprocher. Ce rapprochement étant finalement intervenu en 2021. Si des difficultés économiques existaient, elles n’étaient pas suffisantes pour que la SAS Elea Corp engage une procédure de licenciement pour motif économique. Il ne peut lui être reproché d’avoir voulu préserver les emplois.

La SAS Elea Corp soutient par ailleurs que M. [D] a bénéficié du PSE.

S’agissant de l’obligation de reclassement, le poste proposé au titre de la mutation n’a pu lui être reproposé dans le cadre du PSE car il n’était plus disponible au sein de Meline.

L’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5] soutient que’le salarié a accepté le contrat de sécurisation professionnelle de sorte que son contrat de travail s’est fini de plein droit’et qu’il a bénéficié de l’indemnité spéciale prévue par le PSE'; Elle s’en rapporte également aux arguments développés par la société et conteste le préjudice du salarié estimant qu’il ne peut pas aller au-delà d’une indemnisation de trois mois de salaire.

Sur ce,

Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail,

En l’espèce, il ressort du courrier adressé à M. [D] par la SAS Elea Corp en date du 7 mai 2019, que compte tenu d’un marché en pleine mutation avec un développement de fabricants-distributeurs, des marques enseignes ou encore la mise ne ligne de nouveaux pure-players, il est envisagé un rapprochement avec la société Meline, qui permettrait de':

— «'Répondre efficacement et rapidement à ces évolutions du marché

— Participer à ses évolutions de marchés en prenant une position de leader

— Améliorer les conditions d’achat des produits

— Améliorer les marges, les couts de fonctionnement en optimisant les charges de personnel

— Améliorer les résultats à travers les différentes synergies'»

Et qu’il est proposé à M. [D] une modification de son contrat de travail en ce qui concerne son lieu d’exécution au sein de l’établissement de [Localité 7] avec les mêmes conditions de rémunérations et de durée du travail et les mêmes fonctions.

S’il n’est pas contesté que la SAS Elea Corp subissait des difficultés économiques dès le mois de novembre 2018, il n’est pas démontré que ces difficultés étaient telles qu’elles auraient impliqué à ce stade le licenciement pour motif économique de M. [D] et que le choix fait par l’employeur de les résoudre par une tentative de fusion et la modification consentie de certains contrats de travail, soit constitutif d’une légèreté blâmable, la cour rappelant que la juridiction prud’homale n’a pas vocation à contrôler les choix de gestion décidés par l’entreprise et doit s’en tenir au contrôle du motif économique.

M. [D] ne démontre pas que l’employeur a intentionnellement proposé une modification du lieu d’exercice de son contrat de travail pour le faire échapper au bénéfice du PSE intervenu postérieurement. Le poste de M. [D] étant visé dans le PSE et le bulletin de paie d’octobre 2019 faisant apparaître le versement de «'l’indemnité spéciale PSE'» de 1'500 €. Le courrier qui lui est adressé le 23 septembre 2019 précise qu’il continuera à bénéficier de l’ensemble des mesures du PSE s’il accepte le contrat de sécurisation professionnelle proposé. M. [D] ne justifie pas par ailleurs avoir interrogé son employeur sur d’éventuelles mesures possibles d’accompagnement au changement de lieu d’exécution de son contrat de travail.

S’agissant du respect de l’obligation de reclassement, la SAS Elea Corp justifie par la production du registre du personnel qu’aucun poste n’était disponible pour être proposé en reclassement à M. [D] au moment de son licenciement même d’un niveau inférieur.

Il convient dès lors de confirmer la décision déférée en ce que le licenciement de M. [D] a été jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur l’absence de priorité de réembauche':

Moyens des parties :

M. [D] soutient au visa de l’article L. 1233-45 du code du travail’que l’employeur n’a pas produit le registre des entrées et sorties des effectifs au-delà d’octobre 2019 permettant de s’assurer que la priorité de réembauchage légale a été respectée. Il sollicite des dommages et intérêts à ce titre.

La SAS Elea Corp et l''UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] ne concluent pas sur ce point.

Sur ce,

Il résulte des dispositions l’article L. 1233-45 du code du travail’que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l’employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l’employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.

Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s’il en informe l’employeur.

En l’espèce, la SAS Elea Corp ne produit pas de registre d’entrées et sorties du personnel au-delà du mois d’octobre 2019, mais le salarié ne démontre pas avoir fait la demande dans le délai d’un an pour pouvoir en bénéficier. Il doit par conséquent être débouté de sa demande à ce titre.

Sur la garantie de l’AGS':

L''UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 5] soutient que sa garantie est limitée par la loi et qu’elle ne se substitue pas à l’employeur défaillant dans n’importe quelles conditions, la SAS Elea Corp étant redevenue in bonis depuis l’adoption du plan de continuation en décembre 2029 disposant nécessairement de fonds disponibles pour ce faire.

Le salarié et la société sont taisant sur ce point.

La SAS Elea Corp et M. [D] ne concluent pas sur ce point.

Sur ce,

Il résulte des articles L. 625-3 du code de commerce et L. 3253-8, alinéa 1, 1°, du code du travail que les sommes dues par l’employeur en raison de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l’adoption d’un plan de redressement, qu’il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective et que l’assurance des salariés contre le risque de non-paiement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Dès lors, l’AGS-CGEA ne peut, au motif que l’employeur est aujourd’hui in bonis, solliciter sa mise hors de cause.

Il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé la décision opposable à l’UNEDIC délégation AGS-CGEA d'[Localité 5].

Sur les demandes accessoires':

Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.

L’équité commande que chaque partie supporte la charge des frais irrépétibles et dépens qu’elle a engagés en cause appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a':

— Dit et jugé que le licenciement de M. [O] [D] repose sur un motif économique';

En conséquence':

— L’a débouté de l’intégralité de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail';

En conséquence':

— L’a débouté de ses demandes de statut cadre, de rappel de salaire à ce titre, de rappel de prime d’ancienneté';

— L’a débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile';

— Dit et jugé la décision opposable à l’UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 5]';

— Condamné M. [O] [D] aux éventuels dépens.

L’INFIRME, pour le surplus

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

Y ajoutant,

DIT que la convention collective applicable à la relation de travail est celle de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et de la parfumerie de 1978

DEBOUTE M. [D] de sa demande au titre du non-respect de la priorité de réembauchage,

DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles et dépens qu’elle a engagés cause d’ appel

Ainsi prononcé publiquement le 15 Février 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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Cour d'appel de Chambéry, Chambre sociale prud'hommes, 15 février 2024, n° 22/01314