Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 26 mars 2021, n° 20/00049

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. c salle 2, 26 mars 2021, n° 20/00049
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 20/00049
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Douai, 1er juin 2014, N° 13/00107
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

26 Mars 2021

1271/21

N° RG 20/00049 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S2X7

MLB/CH/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DOUAI

en date du

02 Juin 2014

(RG 13/00107 -section 2)

GROSSES AUX AVOCATS

le 26 Mars 2021

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme B Z

[…]

[…]

Représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE substitué par Me BROUWER

INTIMÉE :

MKR.L. PROXIDROP

PARC D’ACTIVITES DU BONNEL

[…]

[…]

Représentée par Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 20 Janvier 2021

Tenue par I J

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine N-O : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

I J

: CONSEILLER

D E

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mars 2021,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine N-O, Président et par Annie L, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme B Z, née le […], a été embauchée par la société Proxidrop, qui a pour activité le transport de voyageurs à mobilité réduite et applique la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport, en qualité de conductrice, par un contrat à durée déterminée du 4 au 12 novembre 2010 puis un contrat à durée déterminée à temps partiel de 86,60 heures par mois du 10 février 2011 au 9 février 2012, qui s’est poursuivi au-delà du terme.

Elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 1 017,55 euros.

Elle a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 février 2012 à un entretien le 29 février 2012 en vue de son licenciement et mise à pied à titre conservatoire. L’entretien a été reporté au 5 mars 2012. A l’issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 mars 2012.

Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Le jeudi 16 février dernier, devant notre client MAS de Recquignies, vous avez refusé à plusieurs reprises de vous soumettre aux directives de votre responsable Monsieur X ainsi qu’à celles émanant du représentant légal de l’entreprise.

En effet, Monsieur X vous a demandé, à l’issue d’un entretien infructueux réalisé avec vous, de vous diriger à notre siège avec votre véhicule de service afin de faire plusieurs mises aux points.

Vous avez refusé de vous soumettre à cette directive pourtant exprimée à plusieurs reprises avec insistance par M. X. Ayant assisté au déroulement de cette discussion, par le biais du haut-parleur du téléphone de M. X, nous lui avons immédiatement demandé de vous préciser que nous étions en ligne et que nous avions entendu vos refus de collaborer avec votre responsable.

Malgré cette mise en garde, vous avez persisté à refuser de vous soumettre aux instructions de M. X.

Devant le comportement désinvolte dont vous avez fait preuve, Monsieur Y, représentant légal de la société, vous a donc sommé, en saisissant le téléphone, de vous présenter à nos bureaux de Lallaing immédiatement. Malheureusement, vous avez décidé de ne pas vous conformer aux injonctions du chef de l’entreprise. Ce dernier, vous a donc rappelé qu’il s’agissait d’un ordre et que le fait de ne pas vous y soumettre serait passible d’une sanction disciplinaire. Vous avez rétorqué : «qu’il n’en avait pas le droit et qu’en conséquence vous ne vous exécuterez pas…».

Par ailleurs nous avons besoin de procéder à un changement de véhicule à l’issue de votre tournée du matin. Comme vous refusiez de vous rendre à notre siège, nous avons donc demandé de nous restituer les clefs de votre voiture afin que M. X effectue son remplacement.

Et là, stupéfaction, vous refusez également de lui remettre vos clefs ! Après avoir tenté en vain à plusieurs reprises de récupérer vos clefs, le représentant légal, toujours à l’écoute des faits par le biais du téléphone portable, exigea lui également, la restitution sur-le-champ des clefs du véhicule, faute de quoi, il serait contraint de contacter les forces de l’ordre pour rétention abusive du matériel de l’entreprise.

Vous lui avez répondu qu’il n’avait pas le droit et que vous alliez contacter immédiatement les policiers pour menaces et agressions physiques portées par M. X à votre encontre !… Or le représentant légal, ayant assisté à l’intégralité de votre discussion avec M. X, dément totalement vos propos.

Il a fallu que les forces de l’ordre vous demandent de remettre les clefs à M. X pour que ce dernier puisse enfin nous ramener le véhicule. Les événements ont duré plus d’une heure et ont engendré durant ce temps la mobilisation de deux responsables de l’entreprise, une véritable perturbation dans l’organisation de notre exploitation sans compter les conséquences de notre image de marque vis-à-vis de notre client la MAS de Recquignies.

Vous vous êtes même permis de pénétrer dans les locaux de notre client en proférant des mensonges à l’encontre de M. X. Vous nous avez déclaré «j’ai pris peur car M. X m’agressait physiquement, je me suis donc réfugiée à la MAS…». Lorsque les forces de l’ordre sont arrivées sur place, vous vous êtes précipitée vers eux (alors que vous vous trouviez à cet instant dans les locaux de notre client) en gesticulant et en déclarant : «C’est lui ! C’est lui ! C’est lui qui m’a agressée !…».

Il s’agit là d’une insubordination caractérisée et par conséquent d’un manquement à vos obligations contractuelles.

Compte tenu de la gravité de vos agissements, nous avons donc décidé à cet instant de vous signifier votre mise à pied à titre conservatoire et de vous convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Durant cet entretien, où étaient notamment présents M. X mais aussi votre délégué du personnel, nous vous avons demandé si vous aviez des marques de votre agression physique.

Vous avez déclaré : «Je ne sais plus sur quelle partie du corps j’ai été frappée mais j’ai déposé une plainte à l’encontre de M. X…». Nous avons interrogé les services de police à ce sujet et ces derniers nous ont déclaré qu’il n’y avait pas de plainte de déposée !

Par ailleurs, lors de la restitution de vos clefs, nous avons contacté un taxi afin qu’il puisse vous raccompagner à votre domicile. Le taxi nous a indiqué que vous aviez refusé leur service.

Vous nous avez répondu : «Il n’y a jamais eu de taxi qui est venu me chercher…». Pourtant, après vérification, le taxi nous a bien confirmé vous avoir rencontré sur place et ne pas avoir à exécuter, à votre demande la prise en charge.

En plus de votre insubordination, vous avez durant tout l’entretien fait preuve d’une grande mauvaise foi et d’un comportement déloyal envers votre employeur.

Durant l’entretien, nous vous avons reproché par ailleurs d’autres griefs.

Nous avons demandé de vous expliquer sur votre amende prononcée par le tribunal de police le 31 janvier 2012. Cette amende fait état d’une infraction commise le 12 septembre 2011 à 11h48 à Maubeuge pour mauvais stationnement. Vous nous avez répondu : «Ce n’est pas possible, ce n’est pas moi…».

Pourtant à la lecture du carnet de bord du véhicule, vous avez été l’unique conducteur qui a utilisé cette voiture durant cette période.

En tant que professionnel du transport de voyageur vous devez exercer votre métier avec une extrême vigilance. Vous devez respecter scrupuleusement la réglementation du code de la route. De plus l’infraction a été commise en dehors de votre temps de travail et à un endroit qui ne figure pas sur votre feuille de route journalière.

Vous avez donc utilisé le véhicule de l’entreprise pour des besoins personnels, sans nous en aviser, ce qui est intolérable.

D’autre part vous avez abusivement utilisé le téléphone de l’entreprise pour des usages strictement personnels. En effet, au mois de janvier votre consommation a atteint un niveau inacceptable à savoir 53 minutes et 20 sms.

Manifestement vous confondez les biens de l’entreprise avec vos biens personnels. La voiture et le téléphone représentent vos outils de travail qui doivent être utilisés dans un cadre strictement professionnel.

En outre, toujours le 16 février dernier vous avez fait l’objet en interne d’un contrôle de votre véhicule effectué par M. X, responsable qualité de la société Proxidrop. Les conclusions sont alarmantes !

L’état de propreté du véhicule était très sale (extérieur et intérieur). Vous ne portiez pas votre tenue de service obligatoire, et ce malgré nos nombreux rappels à l’ordre. Le niveau d’huile n’avait pas été contrôlé puisqu’il avait atteint un niveau anormal. Tout cela au mépris de votre fiche de fonction dont vous vous êtes engagée à respecter.

Le carnet de bord était mal renseigné alors que vous aviez l’obligation de le remplir quotidiennement selon l’article 6 de votre contrat de travail : «(') le chauffeur tiendra à jour le registre d’observations sur l’état ou les conditions de fonctionnement des véhicules (…)». Pourtant, il a été constaté que votre rétroviseur était cassé.

Plus alarmant, votre véhicule ne disposait pas de la copie conforme de la licence intérieure indispensable à la conduite de transport de voyageur. Le défaut de présentation d’un tel document est passible d’une amende de cinquième classe (1 500 €) et d’une condamnation allant jusqu’à un an d’emprisonnement.

De telles dérives ont entaché notre image de marque auprès de notre clientèle et auraient pu causer des sanctions pénales et financières à l’encontre de notre société.

En outre, d’autres manquements au respect des procédures vous sont reprochés tels que la prise de carburant dans des stations non partenaires à notre société et l’envoi de vos fiches de pointage hors délais.

D’ailleurs votre courrier du 22 février dernier témoigne de votre impertinence puisque vous nous avez répondu : «Je l’ai toujours envoyé à des dates différentes souvent en début de mois, mais aussi en milieu et même en fin de mois…». Or vous savez très bien que vous devez nous restituer vos fiches avant le 05 de chaque mois pour éviter les retards notamment dans le traitement de votre paie.

Enfin, nous vous avions signifié un premier avertissement disciplinaire pour là encore, le non-respect de nos procédures puisque vous vous êtes permise de vous absenter sans avertir votre employeur.

Nous ne pouvons plus tolérer de tels manquements. De tels débordements ne nous permettent pas de vous maintenir dans nos effectifs.»

Mme Z a été dispensée d’effectuer son préavis.

Par requête du 24 juillet 2012 puis, après radiation, demande de réinscription du 10 avril 2013, Mme Z a saisi le conseil de prud’hommes de Douai pour obtenir un rappel de salaire sur les minima conventionnels et une indemnité compensatrice de congés payés au titre du contrat du 4 novembre 2010, la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet, la requalification du contrat à durée déterminée du 10 février 2011 en contrat de travail à durée indéterminée et faire constater l’illégitimité de son licenciement.

Par jugement en date du 2 juin 2014 le conseil de prud’hommes a débouté Mme Z de l’intégralité de ses demandes et les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 1er juillet 2014, Mme Z a interjeté appel de ce jugement.

L’affaire a été successivement radiée les 19 mars 2015, 10 mars 2016 et 9 octobre 2019 et réinscrite sur demande de l’appelante du 8 janvier 2020.

Selon ses conclusions reçues le 9 janvier 2020 et soutenues à l’audience, Mme Z sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement entrepris, requalifie le contrat à temps partiel en contrat à temps complet, le contrat à durée déterminée du 10 février 2011 en contrat de travail à durée indéterminée, dise son licenciement abusif et condamne la société aux sommes de :

220 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le contrat du 4 au 12 novembre 2010 (22 euros brut dans le corps des conclusions)

183,67 euros brut à titre de rappel de salaire sur les minima conventionnels (105,47 euros bruts dans le corps des conclusions)

18,36 euros brut au titre des congés payés y afférents (10,54 euros bruts dans le corps des conclusions)

5 874,72 euros brut à titre de rappel de salaire

587,47 euros brut au titre des congés payés y afférents

1 425,69 euros net à titre d’indemnité de requalification

8 554,18 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que M. X lui a demandé le 16 février 2012 de signer un avenant de renouvellement de son contrat à durée déterminée antidaté au 10 février 2012, qu’il s’est emporté devant son refus et l’a brutalisée, qu’elle a fait appel à la police, que M. X a exigé la restitution immédiate du véhicule, la laissant sans moyen de transport sur le site de la MAS de Recquignies, que lorsqu’elle s’est rendue au siège de l’entreprise le jour même pour son service de l’après-midi, un refus lui a été opposé et elle a été convoquée à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire, que l’employeur ne lui a pas versé l’indemnité compensatrice de congés payés à l’issue du premier contrat, n’a appliqué les minima conventionnels qu’à compter du 1er décembre 2011, que le contrat de travail ne comporte pas la répartition de l’horaire de 20 heures hebdomadaires, qu’elle était contrainte de rester à la disposition permanente de son employeur, que les plannings lui étaient uniquement communiqués à la semaine, qu’un téléphone portable était laissé constamment à sa disposition pour qu’elle puisse répondre à toute sollicitation de son employeur, que le motif de recours au contrat précaire du 10 février 2011 semble utiliser pour l’embauche d’un emploi permanent lié à l’activité normale de la société, qu’il appartient à la société d’expliquer en quoi ce motif constitue un surcroît exceptionnel d’activité, que subsidiairement le premier contrat à durée déterminée est également illégal comme ne précisant pas la qualification professionnelle de la personne remplacée, qu’elle conteste la matérialité et l’imputabilité des faits reprochés, qu’elle a en réalité été licenciée pour avoir refuse de signer un avenant de prolongation à son contrat à durée déterminée.

Selon ses conclusions reçues le 20 janvier 2020 et soutenues à l’audience, la société Proxidrop sollicite de la cour qu’elle prenne acte du versement à Mme Z des sommes de 22 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le contrat du 4 au 12 novembre 2010, 105,47 euros brut à titre de rappel de salaire sur les minima conventionnels et 10,55 euros au titre des congés payés y afférents, pour le surplus qu’elle confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme Z de ses demandes, en conséquence et en tous les cas qu’elle déboute l’appelante de l’ensemble de ses demandes et la condamne à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le planning hebdomadaire de Mme Z a été invariablement le même durant toute la durée de son contrat, que son téléphone portable professionnel lui permettait uniquement d’être éventuellement sollicitée pour une prise en charge exceptionnelle alors même qu’elle se trouvait d’ores et déjà à disposition de la société, dans le cadre de son circuit, que le contrat du 4 novembre 2010 mentionne expressément la qualification de la salariée remplacée, que le contrat du 10 février 2011 a été automatiquement transformé en contrat de travail à durée indéterminée, que subsidiairement la société avait conclu une convention de transport avec la MAS de Recquignies pour une durée d’un an sans clause de reconduction automatique, que le licenciement est justifié.

L’ordonnance rendue le 31 mars 2020 par le conseiller de la mise en état, faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur, est restée sans suite.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés au titre du contrat du 4 au 12 novembre 2010

Il résulte du bulletin de salaire, du reçu pour solde de tout compte et de l’attestation Pôle Emploi que Mme Z a perçu un salaire de 220,08 euros mais pas l’indemnité compensatrice de congés payés prévue par les articles L.3141-26 et L.3141-22 du code du travail dans leur version alors applicable.

La société Proxidrop, qui demande à la cour d’acter qu’elle a versé à Mme Z la somme de 22 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés, ne justifie pas de ce paiement. Le jugement sera infirmé et la société Proxidrop condamnée à payer à l’appelante la somme de 22 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur le rappel de salaire au titre des minima conventionnels

Mme Z a été rémunérée sur la base d’un salaire horaire de 9,14 euros de février à novembre 2011 puis de 9,40 euros à compter du mois de décembre 2011.

Elle était conductrice accompagnatrice coefficient 136 V de la convention collective.

L’avenant n° 100 du 23 février 2011 relatif aux salaires mensuels garantis a fixé le salaire horaire garanti pour ce coefficient à 9,30 euros à compter du 1er janvier 2011 et à 9,40 euros à compter du 1er septembre 2011. Les dispositions de cet avenant ont été rendues obligatoires par arrêté du 7 juin 2011 publié au JORF du 17 juin 2011. Cet arrêté prévoit que l’extension des effets de l’avenant prend effet à compter de la date de publication du présent arrêté pour la durée restant à courir.

Il s’ensuit que Mme Z aurait dû être rémunérée au taux horaire de 9,30 euros à compter du 18 juin 2011 et de 9,40 euros à compter du 1er septembre 2011. Le rappel de salaire dû s’élève à 105,47 euros brut et les congés payés y afférents à 10,54 euros brut. La société ne justifie pas du règlement de ces sommes. Le jugement sera infirmé et la société Proxidrop condamnée à payer ces sommes à l’appelante.

Sur la demande de requalification à temps complet

Mme Z sollicite un rappel de salaire sur la base d’un temps complet pour la période de février 2011 à mi-avril 2012.

En application de l’article L.3123-14 du code du travail dans sa version applicable au litige, l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Le contrat du 10 février 2011 mentionne la durée exacte mensuelle convenue mais se borne à mentionner que la salariée travaillera selon un programme établi hebdomadairement et que toute modification lui sera communiquée avec un délai de prévenance de trois jours ouvrables.

Il ressort des propres écritures de Mme Z qu’elle était affectée au transport de personnes handicapées vers la MAS de Recquignies et assurait à cette fin un service le matin qui se terminait vers 10h30 et un service l’après-midi qui débutait vers 16h30 et se terminait aux alentours de 18 heures. Sur ses fiches mensuelles de septembre 2011 à février 2012, à l’exception d’une journée en octobre 2011, Mme Z a indiqué avoir travaillé invariablement 2h30 le matin et 2h30 le soir, du lundi au vendredi.

La convention de transport entre la société Proxidrop et la MAS de Recquignies mentionne que l’arrivée dans l’établissement s’effectue entre 10 heures et 11 heures et le départ entre 16 heures et 17 heures. Compte tenu de cette organisation et de son affectation constante sur le circuit de la MAS de Recquignies, l’appelante ne peut sérieusement soutenir qu’elle se tenait constamment à la disposition permanente de son employeur. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du contrat en contrat à temps complet et la demande de rappel de salaire subséquente.

Sur la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Le contrat à durée déterminée du 4 novembre 2010 comporte la qualification professionnelle de la personne remplacée, conformément à l’article L.1242-12 du code du travail, puisqu’il stipule que Mme Z est engagée en vue d’assurer le remplacement de Mme F G, temporairement absente pour raison médicale, ayant qualité de chauffeur accompagnateur au coefficient 137V.

Aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Un tel contrat ne peut en application de l’article L.1242-2 du code du travail être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, notamment en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.

Le recours au contrat précaire du 10 février 2011 au 9 février 2012 est motivé par un surcroît d’activité lié à la demande de la MAS de Recquignies (sous la référence circuit n° 1). La circonstance que ce contrat s’est poursuivi à durée indéterminée au-delà de son terme n’empêche pas Mme Z de contester le motif du recours et de solliciter sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée à compter de la prise d’effet du contrat.

La société Proxidrop produit la convention de transport signée avec la MAS de Recquignies pour la période du 14 février 2011 au 31 décembre 2011, éventuellement renouvelable. La seule existence de cette convention de transport, dont les dates ne coïncident pas d’ailleurs avec celles du contrat à durée déterminée, ne suffit pas à démontrer qu’elle était génératrice d’une augmentation du volume de l’activité que connaissait habituellement l’entreprise.

Le jugement sera en conséquence infirmé et le contrat à durée déterminée du 10 février 2011 requalifié en contrat de travail à durée indéterminée. L’indemnité de requalification en contrat de travail à durée indéterminée à laquelle la salariée a droit en application de l’article L.1245-2 du code du travail et qui ne peut être inférieure au dernier mois de salaire perçu avant la saisine de la juridiction, sera évaluée à la somme de 1 017,55 euros.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en application de l’article L.1232-6 du code du travail est motivée par le refus de la salariée, exprimé devant le client MAS de Recquignies, de se présenter au siège de la société avec son véhicule de service puis d’en restituer les clefs, ses accusations mensongères proférées à l’encontre de M. X devant ce même client, sa mauvaise foi lors de l’entretien préalable, la commission d’une infraction au code de la route, l’utilisation du véhicule et du téléphone de l’entreprise à des fins personnelles, le manque d’entretien du véhicule, l’absence de port de sa tenue de service obligatoire malgré de nombreux rappels à l’ordre, l’absence de contrôle du niveau d’huile, son carnet de bord mal renseigné, l’absence de licence intérieure indispensable à la conduite de transport de voyageur, la prise de carburant dans des stations non partenaires et l’envoi de ses fiches de pointage hors délais, alors qu’elle avait déjà reçu un avertissement pour non respect des procédures.

Il est constant qu’un différend a opposé les parties le 16 février 2012 mais elles ont une version différentes des motifs et du déroulement de cet épisode, étant précisé qu’aucun témoignage d’un représentant de la MAS de Recquignies n’est versé aux débats. La société Proxidrop produit une attestation de M. X et une déclaration de main courante effectuée par H Y, co-gérant de la société, le 17 février 2012. M. X indique qu’il a demandé à Mme Z de se rendre au

siège de la société pour changer de véhicule pour le service du soir, que l’intéressée a refusé de se plier à cette demande et a fait une rétention de véhicule en l’accusant de l’avoir agressé physiquement et moralement. H Y a déclaré au commissariat de Douai qu’une demande de remettre le véhicule de la société a été faite et que Mme Z refuse de s’exécuter. La déclaration de main courante et les accusations de rétention du véhicule sont peu compréhensibles puisqu’il est établi par le carnet de bord que dès le 16 février 2012 après-midi le véhicule a été utilisé par le chauffeur La Rosa. L’affirmation par M. X qu’il a déposé une plainte pour dénonciation calomnieuse de Mme Z n’est pas démontrée. Mme Z soutient pour sa part que c’est son refus de signer un contrat de travail antidaté qui a déclenché la dispute du 16 février 2012. Elle a mentionné sur le carnet de bord du véhicule le 16 février 2012 avoir fini son service sur le parking de la MAS après que M. X l’a agressée et menacée pour qu’elle signe un tel contrat. Elle a établi une fiche d’incident relatant cet incident et que M. X a menacé de la «virer sur-le-champ» si elle ne signait pas son contrat de travail de la semaine précédente. Elle produit une attestation de Mme A qui déclare être allée chercher l’appelante qui l’avait appelée et se trouvait en état de choc et en pleurs sur le parking. Elle produit également l’avenant de renouvellement au contrat à durée déterminée daté du 10 février 2012 établi par la société Proxidrop, à propos duquel la société ne fait aucun commentaire. L’absence d’explication de l’intimée sur ce document et les circonstances de sa remise à la salariée rend plausible la version de Mme Z et ôte tout caractère fautif à son refus de se soumettre à des directives qui n’apparaissent pas avoir eu d’autre motivation que son refus de signer l’avenant alors que son contrat s’était d’ores et déjà poursuivi au-delà de son terme. Le fait pour la salariée, qui avait appelé une amie et se trouvait en état de choc, de n’avoir pas pris le taxi envoyé par la société pour la récupérer devant la MAS, ne présente pas de caractère fautif.

La société Proxidrop s’est vue adresser un avis du 16 février 2012 d’avoir à payer une amende de 75 euros pour une infraction commise le 12 septembre 2011 à 11h48 à Maubeuge avec le véhicule Ford immatriculé BE 572 PH, à savoir un arrêt ou stationnement gênant sur un trottoir. Le carnet de bord du véhicule BE 572 PH ne mentionne pas le nom du conducteur du véhicule ce jour mais sa signature, laquelle est similaire à celle de la salariée. De plus, les kilométrages «ouverture» et «fermeture», respectivement de 29591 et 29792, figurant sur le carnet de bord du véhicule sont strictement identiques à ceux mentionnés par la salariée sur sa fiche mensuelle du mois de septembre 2011 pour la journée du 12 septembre. Les dénégations de Mme Z concernant cette infraction et l’utilisation du véhicule en dehors du strict cadre professionnel sont donc vaines.

La société Proxidrop produit le détail des consommations faites par la salariée en janvier 2012 au moyen du téléphone portable mis à sa disposition. Mme Z soutient qu’il n’est pas établi que les appels passés et sms envoyés sont privés et qu’elle n’avait pas connaissance que ce matériel ne pouvait être utilisé à des fins personnelles. Elle ajoute que le préjudice subi par la société est mineur comme étant de 7,53 euros. Cependant, selon son contrat de travail, le téléphone était destiné à permettre la transmission des instructions de la société. La facture fait état de nombreux appels et sms en dehors des horaires de travail de la salariée, au sujet desquels l’appelante ne fournit aucune explication. Il est donc établi qu’elle a, de façon régulière en janvier 2012, utilisé le téléphone mis à sa disposition à des fins étrangères à celles prévues par son contrat de travail.

S’agissant de l’état du véhicule, la société Proxidrop produit une fiche de procédure signée de la salariée prévoyant que le véhicule doit être entretenu deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, des photographies non datées et dépourvues de caractère probant, ainsi qu’un document de contrôle établi par M. X le 16 février 2012 et contresigné par un chauffeur qui n’apparaît pas être Mme Z, la signature ressemblant plutôt à celle apposée sur le carnet de bord du véhicule par le conducteur La Rosa, qui a repris le véhicule BE 572 PH à partir de l’après-midi du 16 février 2012. Selon ce document, le véhicule était très sale et un rétroviseur cassé. Ce dernier point avait cependant été mentionné quelques temps auparavant par un autre chauffeur que l’appelante sur le carnet de bord sans que la société ne justifie avoir fait effectuer une réparation entre temps. La fiche de contrôle des prestations et du conducteur ne sont pas contresignées par le chauffeur. De plus, ces fiches ne comportent pas de mention dont il résulterait un défaut de renseignement du carnet de bord

et l’absence de licence intérieure.

De même, il n’est pas justifié que Mme Z a manqué de se conformer à des directives concernant la prise de carburant dans des stations partenaires et la date d’envoi des fiches de pointage.

Seuls sont donc établis les griefs relatifs à l’infraction aux règles du stationnement, à l’utilisation indélicate du téléphone et du véhicule de service à des fins personnelles et à l’état de saleté du véhicule. Le licenciement ne constitue pas une sanction proportionnée à ces seules fautes, aux conséquences mineures, étant observé que l’avertissement évoqué dans la lettre de licenciement était motivé par des faits d’une toute autre nature, à savoir une absence.

Mme Z ne justifie pas de sa situation professionnelle après son licenciement de sorte qu’au regard de son âge et de son ancienneté, le préjudice causé par la perte de son emploi sera indemnisé par l’octroi de la somme de 1 500 euros en application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable.

Sur les frais irrépétibles

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de Mme Z les frais qu’elle a dû exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail du 10 février 2011.

Dit que le licenciement est abusif.

Condamne la société Proxidrop à verser à Mme B Z :

22 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés

105,47 euros brut à titre de rappel de salaire

10,54 euros brut à titre de rappel de congés payés

1 017,55 euros à titre d’indemnité de requalification

1 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris, sauf sur les dépens.

Condamne la société Proxidrop à verser à Mme B Z la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Proxidrop aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

A. L S. N-O

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Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 26 mars 2021, n° 20/00049