Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 18 février 2020, n° 18/00299

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Grenoble, ch. soc. -sect. a, 18 févr. 2020, n° 18/00299
Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
Numéro(s) : 18/00299
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valence, 18 décembre 2017, N° F17/00211
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PS

N° RG 18/00299 – N° Portalis DBVM-V-B7C-JLXT

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

M. X

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 18 FEVRIER 2020

Appel d’une décision (N° RG F17/00211)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 19 décembre 2017

suivant déclaration d’appel du 15 Janvier 2018

APPELANTE :

SAS STV FRANCE (SOCIETE THERMIQUE DE VALENCE FRANCE) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[…]

[…]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat postulant au barreau de GRENOBLE, Me HOPMANN, avocat plaidant au barreau de PARIS substitué par Me HERPIN-ZGAOULA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur A Y

[…]

[…]

représenté par M. B X (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Novembre 2019,

Monsieur SILVAN, chargé du rapport, assisté de madame DREVON, greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 21 Janvier 2020, délibéré prorogé au 18 février 2020.

L’arrêt a été rendu le 18 février 2020.

Exposé du litige :

M. A Y a été engagé par la SAS STV France (Société Thermique de Valence France) sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef d’équipe à compter du 3 septembre 2007.

La société STV France a mis fin à son activité sur le site de Valence en décembre 2015.

Un plan de sauvegarde de l’emploi a été adopté par accord collectif dans l’entreprise le 7 décembre 2015 et soumis à la Dirrecte qui l’a validé le 24 décembre 2015.

M. Y s’est vu notifier son licenciement pour motif économique par un courrier en date du 18 février 2016.

Un protocole d’accord transactionnel a été conclu entre le salarié et la SAS STV France en date du 22 mars 2016.

Par un courrier en date du 29 mars 2016, la SAS STV France a informé M. Y que le montant qui lui avait été versé au titre de l’indemnité transactionnelle incluait par erreur le montant de l’indemnité supra-légale de 7.000 euros bruts prévue par le plan de sauvegarde de l’emploi.

M. Y a contesté cette interprétation du plan de sauvegarde de l’emploi et de l’accord transactionnel par un courrier en date du 7 avril 2016.

M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Valence en date du 4 mai 2017 aux fins de voir dire et juger que l’indemnité supra-légale de 7.000 euros n’était pas incluse dans l’indemnité transactionnelle qui lui a été versée au titre de l’accord transactionnel, et d’obtenir la condamnation de la société STV France à lui verser la somme de 7.000 euros, outre le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par jugement rendu le 19 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Valence a :

'Condamné la société STV France à payer à M. Y les sommes de :

'7 000 euros bruts à titre d’indemnité spéciale de licenciement ;

'100 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

'100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

'Débouté la société STV France de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

'Laissé à la société STV France les dépens de l’instance, conformément aux articles 695 et 696 du code de procédure civile.

La décision a été notifiée à M. Y par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception le 19 décembre 2017.

La société STV France a interjeté appel de cette décision le 15 janvier 2018.

Par conclusions récapitulatives en date du 11 avril 2018, la SAS STV France, par l’intermédiaire de son conseil, demande à la Cour d’appel de :

'Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Valence du 19 décembre 2017 en ce qu’il l’a condamnée à verser à Monsieur Y les sommes de :

'7.000 euros bruts à titre d’indemnité spéciale de licenciement ;

'100 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

'100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

'Dire et juger que Monsieur Y est infondé à réclamer le paiement de la somme de 7 000 euros, celle-ci leur ayant déjà été versée ;

En conséquence,

'Débouter Monsieur Y de l’intégralité de ses demandes ;

En tout état de cause,

'Le condamner chacun au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

'Le condamner aux entiers dépens.

La société STV France a saisi le conseiller de la mise en état, par conclusions sur incident transmises le 18 septembre 2018, aux fins de voir déclarées irrecevables les conclusions de M. Y sur le fondement des articles 909 et 911 du code de procédure civile.

Par ordonnance juridictionnelle en date du 12 février 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par M. Y.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2019 et l’affaire a été fixée à plaider le 19 novembre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Le délibéré par mise à disposition au greffe, fixé au 21 janvier 2020, a été prorogé au 18 février 2020.

SUR QUOI :

Sur l’interprétation de l’accord transactionnel :

Le droit applicable

En application des dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, la transaction vise, pour les parties, à terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître par des concessions réciproques. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

S’il appartient aux juges d’interpréter les conventions légalement formées qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, ils ne peuvent, sous prétexte d’interprétation, en dénaturer le sens et la portée, quand les clauses en sont claires et précises.

Les moyens des parties

En l’espèce, la SAS STV France soutient qu’il avait été convenu entre les parties que la somme de 7.000 euros correspondant à l’indemnité supra-légale prévue par le plan de sauvegarde de l’emploi était incluse dans le montant total de l’indemnité prévue dans le protocole d’accord transactionnel signé avec chacun des salariés et que c’est à la suite d’une erreur qu’elle a versé au salarié l’intégralité de la somme prévue par le protocole d’accord transactionnel au moment de sa signature alors qu’elle aurait dû en retrancher la somme de 7.000 euros correspondant à l’indemnité supra-légale, celle-ci ne devant être versée au salarié que lors de l’établissement du reçu pour solde de tout compte.

Pour étayer son allégation, la SAS STV France fait valoir que :

'Il avait été négocié une enveloppe globale d’indemnités supra-légales qui devaient se scinder en deux parties : une partie destinée à être versée aux salariés en fonction de leur ancienneté lors de leur licenciement et une autre partie prévue dans le cadre du PSE d’un montant forfaitaire de 7.000 euros devant être versée lors de l’établissement du reçu pour solde de tout compte ;

'Un courriel et une attestation de la DRH démontrent quelle était l’intention des parties lors de la négociation et de la conclusion du PSE et de l’accord transactionnel ;

'Le montant global négocié correspond exactement à une ventilation entre ces deux sommes

'L’erreur n’est jamais créatrice de droit et elle a commis une erreur en versant l’indemnité spéciale de licenciement en même temps que l’indemnité prévue par l’accord transactionnel ;

'Ayant commis une erreur, elle était parfaitement en droit de la rectifier unilatéralement par la suite ;

'Le conseil de prud’hommes de Valence a jugé dans ce sens dans une décision rendue le 11 avril 2017 ; il est étonnant que la même juridiction ait jugé dans le sens inverse six mois plus tard.

Le salarié fait valoir en défense, que dans la mesure où le protocole d’accord transactionnel a été conclu pour clore la contestation de la procédure de licenciement et du PSE, il est logique de considérer que les sommes déjà prévues par le PSE sont distinctes des sommes prévues par l’accord transactionnel. Il fait également valoir que l’article 2 de l’accord transactionnel mentionne l’indemnité supra légale de 7.000 euros prévue par le PSE, qui est qualifiée de salaire, et que l’article 3 de ce même accord prévoit une indemnité transactionnelle qui a le caractère de dommages et intérêts. Il soutient enfin que rien dans les termes de l’accord ne permet de considérer que l’indemnité supra légale de 7.000 euros prévue par le PSE est incluse dans la somme prévue à l’article 3 de l’accord transactionnel au titre des dommages et intérêts.

Sur ce,

Aux termes de l’article 3.1.2 du plan de sauvegarde de l’emploi conclu entre la société STV France et les syndicats CFT et CFDT le 7 décembre 2015, intitulé « Indemnité supra-légale », « les salariés licenciés pour motif économique dans le cadre du présent plan de sauvegarde de l’emploi bénéficieront d’une indemnité complémentaire de licenciement d’un montant brut de 7.000 euros, qui sera versée dans le cadre du solde de tout compte ».

Aux termes de l’article 2 du protocole d’accord transactionnel conclu entre la société STV France et M. Y en date du 22 mars 2016, il est prévu qu’au « terme du congé de reclassement, la Société lui adressera les documents liés à la rupture de son contrat de travail (attestation Pôle emploi, certificat de travail) et son solde de tout compte, comprenant notamment :

— L’allocation mensuelle de congé de reclassement restant due

— L’indemnité conventionnelle de licenciement, soit la somme de 4.578,13 € (quatre mille cinq cent soixante dix huit euros et treize centimes)

— L’indemnité supra-légale prévue par l’article 3.1.2 de l’accord PSE, d’un montant brut de 7 000 € (sept mille euros)

— L’indemnité compensatrice de congés payés en cours d’acquisition, soit la somme brute de 2 182,49 € (deux mille cent quatre-vingt deux euros et quarante neuf centimes) ».

Ce même article précise : « M. Y reconnaît expressément que les sommes visées ci-dessus comprennent l’intégralité des sommes ayant la nature de salaires lui restant dues tant au titre de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail ».

Et aux termes de l’article 3 du protocole d’accord transactionnel, les parties ont stipulé que : « sans que cela ne vaille reconnaissance du bien fondé des prétentions de M. Y, en contrepartie de la signature des présentes, la Société accepte de verser à titre de dommages-intérêts, visant à couvrir le préjudice personnel et professionnel subi, à M. Y, une somme arrêté après discussion à un montant global, forfaitaire et définitif de 27 908 euros (vingt sept mille neuf cent huit euros). »

Ce même article indique que : « déduction faite de la CSG-CRDS, la Société remet ce jour à M. Y un chèque à son ordre d’un montant de 25 675 euros (vingt-cinq mille six cent soixante quinze euros) » et précise ensuite : « Lors du solde de tout compte, cette somme sera intégrée dans les montants globaux versés au titre de la rupture afin de calculer les montants soumis à cotisation de Sécurité sociale en cas de dépassement des plafonds légaux ».

Il résulte de l’examen des termes clairs et précis des articles 3.1.2. du plan sauvegarde de l’emploi et 2 du protocole d’accord transactionnel, que l’employeur s’était engagé, dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi, à verser à l’ensemble des salariés concernés par ce plan une indemnité supra-légale de licenciement d’un montant de 7.000 euros brut, venant s’ajouter à l’indemnité conventionnelle de licenciement, et ayant, à ce titre, la nature d’une créance salariale devant figurer sur le reçu pour solde de tout compte.

Il ressort par ailleurs des termes dénués de toute ambiguïté de l’article 2 du protocole litigieux que M. Y a reconnu que diverses sommes, dont l’indemnité supra-légale prévue par l’article 3.1.2 de l’accord PSE, d’un montant brut de 7.000 €, comprenaient l’intégralité des sommes ayant la nature de salaires et lui restaient dues tant au titre de l’exécution que de la rupture de son contrat de travail ce qui exclut clairement l’expression de la volonté de ce dernier de ne pas renoncer au paiement de ces sommes, dont l’indemnité supra-légale litigieuse.

D’autre part, il ne résulte pas de la rédaction de l’article 3 du protocole d’accord transactionnel que le versement au profit de M. Y de l’indemnité transactionnelle de 27.908 euros bruts soit 25.675 euros nets, incluait l’indemnité supra-légale de 7.000 € et que l’employeur, ayant déjà réglé cette somme à son salarié, était fondé à en réclamer le remboursement.

Les mentions du tableau et de ses annexes communiquées en décembre 2005 par une représentante du personnel aux salariés de l’entreprise dans le cadre de la négociation du protocole transactionnel, contraires aux dispositions claires et précises de ce dernier, ne peuvent donc être utilement invoquées par l’employeur pour conclure à l’infirmation du jugement déféré.

Enfin, il est de principe que nul n’a de droit acquis à une jurisprudence constante. La société STV ne peut en conséquence valablement exciper d’un précédent jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valence ayant retenu son argumentation.

Le jugement déféré, qui a condamné la société STV à payer à M. Y la somme de 7.000 euros bruts à titre d’indemnité spéciale de licenciement sera en conséquence confirmé.

Sur le surplus des demandes:

M. Y ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à caractériser l’existence d’un préjudice distinct du retard dans le paiement de l’indemnité supra-légale de licenciement. Le jugement déféré, qui lui a alloué des dommages et intérêts de ce chef, sera infirmé.

La société STV France partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. Y la somme de 1 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Il ressort de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution qu’à l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Par ailleurs, l’article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 a été abrogé par le décret 2016-230 du 26 février 2016. Il en résulte clairement que les droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement incombant légalement au créancier ne peuvent être recouvrés par ce dernier sur le débiteur.

Il conviendra dès lors de condamner la société STV aux dépens, sans qu’il y ait lieu de statuer sur la charge des frais de recouvrement ou d’encaissement, tout litige relatif à leur charge finale relevant de la seule compétence du juge de l’exécution.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valence en date du 19 décembre 2017 en ce qu’il a condamné la société STV France à verser à M. Y la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

LE CONFIRME pour le surplus,

Et y ajoutant,

DIT que l’indemnité supra-légale a la nature d’une créance salariale et porte intérêts à compter de la convocation de M. Y devant le conseil de prud’hommes ;

CONDAMNE la société STV France à verser à M. Y la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DEBOUTE M. Y de ses autres prétentions ;

DEBOUTE la société STV France de l’ensemble de ses prétentions ;

CONDAMNE la société STV France aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame CHARBONNIER, Conseiller, pour le président empêché, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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