Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 31 mars 2015, n° 12/02371

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 31 mars 2015, n° 12/02371
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 12/02371
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Roanne, 5 mars 2012, N° F09/00188
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 12/02371

[U]

C/

SAS TRANSPORTS [G]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de ROANNE

du 06 Mars 2012

RG : F 09/00188

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 31 MARS 2015

APPELANT :

[E] [U]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par M. [T] [N] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE :

SAS TRANSPORTS [G]

Mr [G], Président

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Laurence CHANTELOT de la SCP SCP CHANTELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Janvier 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, président présidant l’audience

Michel BUSSIERE, Président

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Mars 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président, Didier JOLY Président empêché et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

[E] [U] a été engagé par la S.A.S. Transports [G] en qualité de chauffeur de car (coefficient 145 V) le 20 avril 1990 sans contrat de travail écrit.

Aucune pièce n’est produite par les parties concernant les années 1990 et 1991. En effet, contrairement aux mentions du bordereau des pièces d'[E] [U], la pièce n°1 de ce dernier est un bulletin de paie de décembre 1992 et non d’avril 1990.

En décembre 1992, [E] [U] percevait un salaire mensuel brut de 7 632 F pour 180 heures de travail, complété par une prime d’ancienneté de 1 000 F, soit une rémunération brute de 8 632 F sur laquelle l’employeur appliquait un abattement de 20% pour frais professionnels.

Le 11 décembre 1996, le syndicat C.F.D.T. des transports de la Loire a informé la S.A.S. Transports [G] de la désignation d'[E] [U] en qualité de délégué syndical.

Par lettre du 21 mars 2001, la S.A.S. Transports [G] a rappelé à [E] [U] qu’en vue du passage aux 35 heures, et après concertation entre salariés et employeur, le système du forfait à 180 heures avait été abandonné et une rémunération selon les temps de service avait été mise en place avec une garantie de salaire à hauteur de 169 heures. Grâce à ces dispositions, la rémunération annuelle d'[E] [U] était passée de :

133 910,13 € du 1er février 1999 au 31 janvier 2000

à

149 848,01 € du 1er février 2000 au 31 janvier 2001.

La S.A.S. Transports [G] a notifié à [E] [U] des avertissements :

par lettre remise en main propre le 27 novembre 2000 pour retard et mauvaise gestion de l’itinéraire prévu,

par lettre recommandée du 15 mars 2002 pour avoir enregistré des heures à disposition à son domicile et des heures de départ en service scolaire incohérentes ; le salarié a été sommé de respecter les consignes, à savoir un quart d’heure avant la prise effective du service pour préparer et effectuer les contrôles nécessaires, retour immédiat au garage après le service et une heure de nettoyage du véhicule le matin uniquement,

par lettre recommandée du 10 février 2003 pour avoir décompté des heures indues sur les disques des 15 et 16 janvier 2003,

par lettre recommandée du 17 juin 2003 pour être rentré directement à son domicile avec le car de l’entreprise le 9 juin 2003, sans autorisation et sans se préoccuper de son planning à venir,

par lettre recommandée du 8 octobre 2003 pour manipulation incorrecte du sélecteur en septembre 2003 (absence de coupure durant les temps de repas, temps à disposition au garage).

Tous ces avertissements ont été contestés.

Par lettre recommandée du 27 novembre 2003, la S.A.S. Transports [G] a convoqué [E] [U] le 2 décembre en vue d’un entretien préalable à une sanction disciplinaire pour absence injustifiée le 31 octobre 2003.

Par lettre recommandée du 4 décembre 2003, l’employeur lui a notifié une mise à pied disciplinaire de deux jours (15 et 16 décembre 2003).

[E] [U] a contesté cette sanction dans un courrier du 11 décembre 2003.

En décembre 2004, la rémunération mensuelle brute d'[E] [U] était constituée de :

un salaire mensuel brut de 1 295,26 €,

le paiement de 23,15 'heures indemnitaires’ au taux de 8,54 €,

une prime de non-accident de 38,11 €,

une prime de bonne exécution de 40 €,

le paiement de 3,21 heures de nuit (3,21 x 0,854 = 2,74 €),

un bonus amplitude de 58,33 € (6,83 x 8,54 €),

une prime d’ancienneté conducteur de 56,28 €,

sous déduction de 51,99 heures supplémentaires 25% au taux de 10,675 €.

Par lettre du 18 janvier 2005, six salariés de la S.A.S. Transports [G] ont interrogé l’inspecteur du travail des transports sur la modification de leur rémunération et le calcul de leur temps de travail. En effet, ils bénéficiaient auparavant d’une garantie mensuelle de salaire calculée sur 169 heures. Sur le bulletin de paie de décembre 2004, ils avaient constaté que cette garantie était réduite à 151,67 heures avec effet rétroactif au 1er septembre 2004. [E] [U] a saisi la S.A.S. Transports [G] du même problème tant à titre personnel qu’en qualité de délégué syndical.

L’inspecteur du travail a répondu aux salariés, par courrier du 14 février 2005, que suite à la loi du 19 janvier 2000, l’employeur avait mis en place depuis le mois de janvier 2000 une organisation et une rémunération minimale pour une durée de 169 heures. Si la diminution de rémunération s’avérait effective en décembre 2004, elle constituerait une modification du contrat de travail.

L’inspecteur du travail a demandé à l’employeur de régulariser la situation de tous les conducteurs.

Par lettre du 10 mars 2005, les syndicats C.G.T. et C.F.D.T. ont demandé à la S.A.S. Transports [G] d’engager des négociations en vue de la conclusion d’un accord collectif d’entreprise sur la durée du travail et la rémunération, et de surseoir à la mise en place de la modulation du temps de travail et au lissage des rémunérations décidées unilatéralement.

Aucune négociation n’ayant été engagée, les délégués syndicaux ont dénoncé dans un courrier du 13 septembre 2005 la modulation du temps de travail et le lissage des rémunérations non conformes à la législation.

Par lettre recommandée du 1er août 2006, la S.A.S. Transports [G] a informé [E] [U] de ce que certains de ses disques qui comportaient une anomalie par rapport au planning ou au travail affecté au salarié avaient été rectifiés. Il s’agissait des disques des journées suivantes :

2 avril 2006 (disque daté par le salarié du 2 mars),

6 avril 2006,

7 avril 2006,

8 avril 2006,

12 avril 2006,

20 avril 2006,

25 avril 2006,

3 mai 2006,

24 mai 2006,

18 juin 2006,

27 juin 2006.

Ces rectifications ont donné lieu à des échanges de courriers des 24 octobre, 8 novembre, 13 novembre et 21 novembre 2006.

[E] [U] s’est trouvé en congé de maladie du 28 février 2007 au 31 mai 2008 (selon les mentions des bulletins de paie). Il a repris en mi-temps thérapeutique.

Par lettre recommandée du 28 janvier 2010, la S.A.S. Transports [G] a notifié un avertissement à [E] [U] pour comportement dangereux, non-respect des horaires et départ inopiné du garage le 27 janvier 2010.

Par lettre du 1er juillet 2010, la S.A.S. Transports [G] a communiqué à l’inspecteur du travail les éléments suivants :

Heures indemnitaires :

Application depuis le 1er septembre 2004 d’un 'accord social’ aux termes duquel les temps 'à disposition’ sont décomptés de la manière suivante :

50% pris en temps de travail effectif,

50% pris en heures indemnitaires,

le temps de repas restant indemnisé à 50% et s’ajoutant en parallèle au compteur des heures indemnitaires.

Modulation :

La délégation unique du personnel avait demandé un calendrier déterminant les périodes de 'basse saison’ et de 'haute saison'. Les variations d’activité ne permettant pas vraiment d’établir un calendrier (la 'basse saison’ se résumerait à octobre et novembre), la direction a pris la décision de ramener la base de temps de travail effectif sur une quatorzaine à un forfait moyen unique de 72 heures à compter du 1er avril 2006.

Par lettre du 10 novembre 2010, l’inspecteur du travail a fait savoir à la S.A.S. Transports [G], qui attribuait aux salariés un nombre très variable d’heures de travail d’une semaine à l’autre, qu’elle ne pouvait se placer dans le cadre d’un système d’annualisation. L’accord de branche du 18 avril 2002, qui ne fixe que l’amplitude maximale de variation des horaires modulés, ne pouvait être appliqué directement, en l’absence d’un calendrier prévisionnel issu d’un accord d’entreprise.

Puis, à la suite d’une réunion du 8 mars 2011, le contrôleur du travail a admis que l’accord du 18 avril 2002 permettait de mettre en place un accord de modulation sans accord d’entreprise, mais celle-ci ne pouvait se faire que sur le temps de travail effectif et non sur les heures dénommées indemnitaires à disposition.

Saisi par [E] [U], l’inspecteur du travail a demandé le 31 janvier 2011 à la S.A.S. Transports [G] de veiller, pour autant que nécessaire, à l’absence de discrimination envers ce salarié qui se plaignait de ne plus se voir confier de missions de transport de tourisme depuis quelques mois, de ne pas avoir bénéficié de l’attribution de tenue vestimentaire et de l’usage d’un véhicule pour diminuer le nombre de trajets domicile-travail.

La S.A.S. Transports [G] a répondu par lettre du 9 février 2011 que :

— la société était amenée à rectifier systématiquement la lecture des disques sur tous les voyages touristiques voire sorties occasionnelles à la journée car [E] [U] ne respectait aucune coupure de repas, débutait et terminait ses journées à des heures totalement incohérentes, étant d’ailleurs le seul salarié à agir de la sorte,

— [E] [U] étant affecté hebdomadairement sur un service scolaire, il n’y avait pas lieu pour l’employeur de lui laisser le véhicule alors que son domicile était plus éloigné de ses points de prise en charge que le garage de l’entreprise.

Par lettre recommandée du 17 février 2011, la S.A.S. Transports [G] a convoqué [E] [U] le 22 février en vue d’un entretien préalable à une sanction.

La suite donnée à cet entretien n’est pas connue.

Par lettre du 22 février 2010, [E] [U] a demandé à son employeur de lui remettre ses disques de conduite du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2008.

Le 18 mars 2010, il a saisi la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Roanne aux mêmes fins.

Les documents demandés lui ont été remis par son employeur le 9 avril 2010.

Par ordonnance du 22 avril 2010, la formation de référé du Conseil de prud’hommes de ROANNE a dit que la demande formée devant elle excédait ses pouvoirs.

Sur l’appel d'[E] [U], la Cour, par arrêt du 9 février 2011, a :

— infirmé l’ordonnance rendue le 22 avril 2010 par la formation de référé du Conseil de prud’hommes de ROANNE en ce qu’elle a dit que la remise des documents sollicités par [O] [M] excédait ses pouvoirs,

— constaté qu’à la date à laquelle la formation de référé à statué, la demande d'[E] [U] était devenue sans objet,

— débouté [E] [U] de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la S.A.S. Transports [G] de lui fournir, en application du décret n°2003-1242 du 22 décembre 2003, les copies des enregistrements des disques de tachygraphe ou de sa carte de conducteur toutes les fois que sera effectué ces enregistrements par la S.A.S. Transports [G] et au plus tard à la fin de chaque semaine enregistrée, et ce sous astreinte de 10 € par jour de retard après la fin de semaine de travail enregistrée,

— donné acte à la S.A.S. Transports [G] de son engagement de remettre à [E] [U], sur simple demande et sans frais, 'les feuilles d’enregistrement de l’appareil de contrôle défini par le règlement (CEE) n°3821-85, le concernant et des documents visés au II et IV (2ème alinéa) du présent Article 10, ayant servi de base à l’élaboration de ses bulletins de paie', et ce en application de la convention collective.

Le 31 mars 2011, [E] [U] a de nouveau saisi la formation de référé d’une demande de consultation des temps de travail des salariés en application de l’article 10 de la convention collective nationale des transports routiers.

Par ordonnance du 14 avril 2011, la formation de référé a pris acte de ce que la S.A.S. Transports [G] autorisait la consultation de tous les documents relatifs au temps de travail des salariés par [E] [U] et les délégués du personnel.

Par requête du 26 octobre 2011, [E] [U] a encore saisi la formation de référé du Conseil de prud’hommes de Roanne pour obtenir la consultation de ces documents, non sur les trois sites de la société, mais au siège, à [Localité 5] ainsi que la rédaction, par l’employeur d’une note d’information sur les modalités de calcul des bulletins de salaire et sur le compteur indemnitaire.

Par ordonnance du 24 novembre 2011, il a été débouté de ses demandes comme excédant les pouvoirs du juge des référés.

[E] [U] a interjeté appel de cette décision

Par arrêt du 16 octobre 2012, la Cour a confirmé l’ordonnance dont appel.

[E] [U] avait saisi le Conseil de prud’hommes de Roanne au fond le 10 décembre 2009.

Par jugement avant dire droit du 24 août 2010, le Conseil de prud’hommes a désigné deux conseillers rapporteurs avec mission de se rendre au siège de la S.A.S. Transports [G].

Les conseillers ont exécuté leur mission le 5 octobre 2010.

Il résulte de leur rapport que :

le décompte des heures supplémentaires et par là même l’attribution des repos compensateurs étaient faits sur la base de la quatorzaine,

il n’existait aucun accord d’entreprise,

repas : jusqu’en 2002, les conducteurs étaient remboursés sur justificatif de leurs frais ; depuis 2002, une prime de panier est versée, décomposée en prime petit-déjeuner, prime déjeuner, prime dîner, et prime casse-croûte qui est attribuée dans la plage horaire de 24 heures à 6 heures.

Par jugement du 6 mars 2012, le Conseil de prud’hommes de ROANNE (section commerce) a :

— condamné la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] les sommes suivantes :

rappel des primes dites de Moutiers609,75 €

indemnité de congés payés afférents60,98 €

— débouté [E] [U] de toutes ses autres demandes,

— débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

[E] [U] a interjeté appel de cette décision le 23 mars 2012.

La Cour a dit l’appel recevable par arrêt du 30 octobre 2012.

A l’audience du 24 juin 2013, [E] [U] a demandé à la Cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] les sommes suivantes :

rappel des primes dites de [Localité 4] (janvier 2005 à février 2007)609,75 €

indemnité de congés payés afférents60,98 €

prime d’ancienneté48,78 €

— infirmer le jugement entrepris dans ses autres dispositions et condamner la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] les sommes suivantes :

garantie de rémunération (décembre 2004 à décembre 2009)15 922,85 €

congés payés afférents1 592,59 €

prime d’ancienneté1 273,83 €

heures supplémentaires (2005 à 2009)17 179,97 €

congés payés afférents1 718,00 €

prime d’ancienneté1 374,00 €

repos compensateurs (décembre 2004 à décembre 2009)13 746,47 €

congés payés afférents1 374,65 €

prime d’ancienneté1 099,72 €

prime de repas (décembre 2004 à décembre 2009)3 044,13 €

congés payés afférents304,41 €

prime d’ancienneté243,30 €

prime de bonus amplitude (2005 à 2009)2 621,08 €

congés payés afférents262,11 €

prime d’ancienneté207,68 €

prime de repos journalier (janvier 2005 à septembre 2009)4 032,16 €

congés payés afférents403,22 €

prime d’ancienneté322,57 €

prime de non-accident (avril 2005 à novembre 2009)506,22 €

congés payés afférents50,62 €

prime d’ancienneté322,57 €

prime de bonne exécution (janvier 2005 à novembre 2009)890,00 €

congés payés afférents89,00 €

prime d’ancienneté71,20 €

prime d’indemnité de chambre (mai 2005 à septembre 2009)2 051,10 €

congés payés afférents205,11 €

prime d’ancienneté164,08 €

fractionnement des congés payés (2005 à 2009) 412,86 €

congés payés afférents41,29 €

prime d’ancienneté33,03 €

heures de nuit (2005 à 2009)166,92 €

congés payés afférents16,69 €

prime d’ancienneté13,35 €

jour férié (2006 et 2009)138,00 €

congés payés afférents13,80 €

prime d’ancienneté11,04 €

dimanche travaillé (3 avril 2005)23,00 €

congés payés afférents0,23 €

acompte déduit en trop (2005)100,00 €

remboursement cartes routières (mai 2009)11,95 €

dommages-intérêts 20 000,00 €

dommages-intérêts pour discrimination syndicale et professionnelle

et harcèlement moral100 000,00 €

La S.A.S. Transports [G] a demandé à la Cour de :

— constater qu'[E] [U] a en réalité été rempli de tous ses droits,

— débouter [E] [U] de toutes ses réclamations,

— accueillir l’appel incident de la S.A.S. Transports [G] sur la prime de [Localité 4],

— la décharger sur ce point de toutes condamnations,

— condamner [E] [U] à payer à la S.A.S. Transports [G] une somme de 5 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 21 janvier 2014, la Cour a :

— confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] les sommes suivantes :

rappel des primes dites de Moutiers609,75 €

indemnité de congés payés afférents60,98 €

— y ajoutant, condamné la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] la somme de quarante-huit euros et soixante-dix-huit centimes (48,78 €) au titre de l’incidence du rappel de primes sur les primes d’ancienneté,

— confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [E] [U] de ses demandes de primes de repas, d’indemnités de chambre, d’indemnités de repos journalier, de dimanches travaillés, de remboursement de cartes routières et de rappel de garantie de rémunération,

— infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [E] [U] de ses demandes, de primes de non-accident, d’indemnités pour jours fériés travaillés, de dommages-intérêts pour perte des congés payés supplémentaire de fractionnement et de rappel de salaire pour reprise injustifiée d’acomptes,

— statuant à nouveau, condamné la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] :

la somme de quarante-huit euros et onze centimes (48,11 €) à titre de primes de non-accident,

la somme de quatre euros et quatre-vingt-un centimes (4,81 €) au titre des congés payés afférents,

la somme de quatre-vingt-douze euros (92 €) à titre de rappel d’indemnités complémentaires pour jours fériés travaillés,

la somme de neuf euros et vingt centimes (9,20 €) au titre des congés payés afférents,

la somme de deux cent soixante-quinze euros et vingt-quatre centimes (275,24 €) à titre d’indemnité compensatrice de la perte de congés payés supplémentaires de fractionnement,

la somme nette de cent euros (100 €) à titre de rappel de salaire pour reprise injustifiée d’acomptes ou d’avances sur frais ;

— invité [E] [U] à calculer à nouveau l’incidence de la somme allouée au titre de la prime de non-accident sur la prime d’ancienneté,

— avant dire droit sur les demandes concernant les heures supplémentaires, repos compensateurs, dépassements de l’amplitude journalière et heures de nuit, ordonné une expertise et commis à cette fin M. [E] [J], expert inscrit sur la liste de la Cour d’appel de DIJON, avec mission de :

1.Se faire remettre l’ensemble des disques chronotachygraphes et, le cas échéant, des tickets d’appareils numériques d'[E] [U] pour la période de décembre 2004 à décembre 2009, couverte par les demandes,

2.Se faire communiquer par les parties les bulletins de paie, les synthèses d’activité et les tableaux de calculs des parties ainsi que, de façon générale, tout document utile,

3.Procéder à l’analyse des données enregistrées par les appareils de contrôle en vue de comparer les résultats obtenus avec les synthèses d’activité communiquées ; relever d’éventuelles anomalies dans la manipulation du sélecteur ou au contraire des corrections injustifiées de la part de l’employeur ; isoler les différents temps de conduite, de travail et d’attente ; dire si la répartition des différents temps qui composent le temps de service d’une part, la durée des coupures d’autre part, correspondent aux standards de la profession ;

4.Vérifier le respect de l’amplitude journalière maximale,

5. Calculer les sommes éventuellement dus à [E] [U] pour :

des heures supplémentaires, en procédant à un décompte de la durée du travail à la quatorzaine si les conditions rappelées ci-dessus sont remplies ou à un décompte hebdomadaire dans le cas contraire ,

des repos compensateurs non pris,

des dépassements de l’amplitude journalière,

des heures de travail de nuit ;

6.Communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai pour présenter d’éventuelles observations ;

— dit que les parties feront l’avance des frais d’expertise et devront consigner :

la S.A.S. Transports [G] la somme de trois mille euros (3 000 €)

[E] [U] la somme de mille cinq cents euros (1 500 €),

à la régie d’avances et de recettes de la Cour d’Appel de LYON en garantie des frais d’expertise,

— réservé la demande de primes de bonne exécution ainsi que les demandes de dommages-intérêts pour non-respect du contrat de travail et des dispositions conventionnelles, pour harcèlement et discrimination,

— ordonné la reprise des débats à l’audience du 20 janvier 2015,

— réservé les dépens.

L’expert a déposé son rapport le 20 octobre 2014.

Il s’est heurté dans l’accomplissement de sa mission à des difficultés importantes tenant :

— au volume des documents à examiner, soit un total de 35 kilos pour les trois missions similaires concernant les Transports [G],

— aux usages de la société consistant à

répartir les temps « à disposition » entre 50% de temps de travail effectif et 50% « d’heures indemnitaires »,

indemniser les coupures d’activité intervenues hors du siège de l’entreprise en « heures indemnitaires » à 50% voire dans certains cas à 100% ,

rémunérer les temps de repas à 100%,

— au fait que, dans l’usage du chronotachygraphe, [E] [U] a systématiquement sélectionné pour les coupures la position « temps d’attente (ou à disposition) »,

— à la nécessité dans laquelle s’est trouvé l’expert de reconstituer les différents temps (conduite, autres travaux, attente, coupures) à partir des enregistrements numériques, des fiches d’activité hebdomadaire remplies par [E] [U], des attestations de non-activité de l’entreprise, et des décomptes journaliers édités par l’employeur et apportant des informations complémentaires sur la nature de l’activité, la qualification et la durée des coupures, la validation ou la rectification des activités manuscrites mentionnées par le salarié.

Les conclusions de l’expert [E] [J] sont les suivantes :

I ' En cas de validation de la réintégration par l’employeur d’une partie des « heures indemnitaires » dans le forfait de 152 heures mensuelles, soit 70 heures par quatorzaine :

Solde salaire et indemnité éventuellement dus

Payés ou accordés par l’employeur

Calculés par l’expert

Solde éventuel-lement dû

Taux horaire ou journalier

Solde en euros

Heures supplémentaires (25%)

191,23

421,47

230,24

12,288

2 829,13

Heures supplémentaires (50%)

127,73

368,91

241,18

14,745

3 556,25

Heures indemnitaires

500,55

629,54

128,99

9,830

1 267,96

Indemnités pour dépassement d’amplitude

334,31

368,56

34,25

9,830

336,69

Majoration de 10% pour travail de nuit

36,03

48,22

12,19

9,830

119,79

Repos compensateur (jour)

8,00

68,40

60,40

68,810

4 156,26

Total12 266,08 €

II ' Variante 1 : refus de l’intégration par l’employeur d’une partie des « heures indemnitaires » dans le forfait :

Solde salaire et indemnité éventuellement dus

Payés ou accordés par

l’employeur

Calculés par l’expert

Solde éventuel-lement dû

Taux horaire ou journalier

Solde en euros

Heures supplémentaires (25%)

191,23

421,47

230,24

12,288

2 829,13

Heures supplémentaires (50%)

127,73

368,91

241,18

14,745

3 556,25

Heures indemnitaires

500,55

884,04

383,49

9,830

3 769,71

Indemnités pour dépassement d’amplitude

334,31

368,56

34,25

9,830

336,69

Majoration de 10% pour travail de nuit

36,03

48,22

12,19

9,830

119,79

Repos compensateur (jour)

8,00

68,40

60,40

68,810

4 156,26

Total14 767,83 €

III ' Variante II : application d’un taux de majoration de 65% (et non de 100%) aux 119,78 heures effectuées au-delà de 14 heures d’amplitude journalière.

Il conviendrait alors de déduire 412,10 € de 336,69 €. Il en résulte un solde négatif

( -75,41 €).

* * *

LA COUR,

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 20 janvier 2015 par [E] [U] qui demande à la Cour de faire droit aux demandes qu’il a présentées à l’audience du 24 juin 2013 ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par la S.A.S. Transports [G] qui demande à la Cour de :

— homologuer purement et simplement le rapport d’expertise déposé par M. [J],

— dire et juger qu’il revient à [E] [U] les sommes suivantes :

soit si l’on retient la variante n°114 767,83 €

soit si l’on retient la variante n°212 190,67 €

— donner acte à la S.A.S. Transports [G] de ce qu’elle offre de régler à [E] [U] les sommes qui seront retenues par la Cour,

— dire et juger cette offre suffisante et satisfactoire, la valider,

— débouter [E] [U] de sa demande de dommages-intérêts,

— condamner [E] [U] aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise ;

Vu la note en délibéré régulièrement communiquée par [E] [U] le 3 février 2015,

Sur l’incidence de la somme allouée par l’arrêt du 21 janvier 2014 au titre de la prime de non-accident sur la prime d’ancienneté :

Attendu que par son arrêt du 21 janvier 2014, la Cour avait invité [E] [U] à calculer l’incidence de la somme de 48,11 € allouée au titre de la prime de non-accident sur la prime d’ancienneté ; que le salarié n’a pas procédé au nouveau calcul attendu ; qu’il sera donc débouté de ce chef de demande ;

Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires (2005 à 2009) :

Attendu que selon l’article 4 du décret n°2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, pour le personnel roulant, sans préjudice des dispositions de l’article L 212-8 du code du travail (devenu L 3122-9 puis L 3122-2), la durée hebdomadaire du travail peut être calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos ; que la durée hebdomadaire de travail est considérée comme étant le résultat de la division par deux du nombre d’heures accomplies pendant les deux semaines ; que sous réserve que soit respectée pour chacune de ces deux semaines consécutives la durée maximale pouvant être accomplie au cours d’une même semaine fixée à l’article L 212-7, devenu L 3121-35, il peut être effectué, au cours de l’une ou de l’autre semaine, des heures de travail en nombre inégal ;

Attendu, ensuite, que le calcul par la S.A.S. Transports [G] de la durée hebdomadaire du travail d'[E] [U] sur deux semaines consécutives n’impliquait pas la conclusion préalable d’un accord collectif d’entreprise, l’accord de branche étendu du 18 avril 2002 (article 5), qui permet le décompte des heures supplémentaires à la quatorzaine et qui se suffit à lui-même, étant l’accord exigé par l’article L 212-8 du code du travail, devenu L 3122-9 ;

Que l’expert a calculé la durée du travail de l’appelant par quatorzaine chaque fois que les deux conditions ci-dessus spécifiées étaient réunies, c’est-à-dire beaucoup plus souvent que ne l’admettait [E] [U] ; qu’il est revenu dans le cas contraire au cadre hebdomadaire ; que l’expert a constaté que pendant les mois de mai à octobre 2008, le salarié avait régulièrement laissé sa carte de conducteur dans un même chronotachygraphe numérique pendant plusieurs périodes de 2 à 30 jours, ce qui s’était traduit par l’enregistrement d’amplitudes de 24 heures et de 9 heures de travail de nuit ; que sur les autres périodes, le conducteur avait fréquemment laissé la carte dans le chronotachygraphe numérique au moins deux jours consécutifs voire davantage ; que ce constat n’est pas surprenant dès lors qu'[E] [U] avait écrit à la S.A.S. Transports [G] le 14 juin 2002 : « Depuis que je travaille dans votre entreprise, toute journée commencée, je me suis considéré à votre disposition tout au long de cette journée » ; qu’il est clair que le salarié fait une confusion entre une action en justice ayant pour objet d’être rempli de droits déjà ouverts et une action syndicale visant à la reconnaissance de nouveaux droits ;

Qu’en l’absence d’accord collectif d’entreprise ou d’établissement, l’article 17 de l’annexe I à la convention collective retient comme période de référence la semaine ou la quatorzaine pour l’imputation sur l’horaire garanti de l’indemnisation des coupures et de l’amplitude ; qu’en créant la catégorie maison des « heures indemnitaires » et en utilisant celles-ci comme une réserve permettant de pallier par périodes une insuffisance de temps de travail effectif afin d’atteindre néanmoins le niveau du forfait d’heures garanti, la S.A.S. Transports [G] a institué une modulation du temps de travail, dans des conditions non conformes aux prescriptions légales, et alors que dans un courrier du 1er juillet 2010 à l’inspecteur du travail, elle avait souligné que les variations d’activité ne permettaient pas d’établir un programme indicatif de la répartition de la durée du travail ; qu’il y a lieu, par conséquent de retenir la variante n°1 des conclusions de l’expert et de condamner la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] un rappel de salaire pour heures supplémentaires de 10 155,09 € outre 1 015,51 € au titre des congés payés afférents ; que le rappel de prime d’ancienneté correspondant s’établit à 812,41 € ;

Sur les repos compensateurs :

Attendu que les heures supplémentaires dont le paiement a été éludé ouvrent droit en faveur d'[E] [U] à une indemnité de 4 156,26 € pour perte des droits au repos compensateur puis à la contrepartie obligatoire en repos, majorée de 332,51 € au titre de l’ancienneté et de 415,63 € au titre des congés payés afférents ;

Sur le dépassement de l’amplitude journalière :

Attendu qu’aux termes de l’article 7 du décret n°2003-1242 du 22 décembre 2003 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de personnes, l’amplitude de la journée de travail du personnel roulant ne doit pas excéder douze heures ; que dans le cas où les conditions d’exploitation le rendent nécessaire et après avis du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel s’ils existent, et autorisation de l’inspecteur du travail, l’amplitude peut être prolongée jusqu’à quatorze heures sous réserve des conditions définies dans ce texte réglementaire ; qu’en l’absence de convention ou d’accord collectif étendu, les dépassements d’amplitude qui précèdent donnent lieu à une compensation correspondant à :

—  75% de la durée des dépassements entre la douzième et la treizième heure,

—  100% des dépassements au-delà de la treizième heure ;

Attendu, certes, que selon l’article 17 de l’annexe I à la convention collective nationale des transports routiers, l’amplitude au-delà de douze heures et dans la limite de quatorze heures est indemnisée au taux de 65% de la durée du dépassement d’amplitude ;

Mais attendu que les dispositions de la convention collective ne pouvaient restreindre les droits que les salariés tiennent du décret n°2003-1242 ;

Que sur la période de cinq années examinée par l’expert, [E] [U] a dépassé l’amplitude journalière de douze heures à 327 reprises'; que la part excédant quatorze heures d’amplitude représente 119,78 heures ;

Qu’en conséquence, la S.A.S. Transports [G] sera condamnée à payer à [E] [U] une indemnité de 336,69 € pour dépassement d’amplitude, en sus des 334,31 € déjà versés ; que cette indemnité n’entre pas dans l’assiette des congés payés et n’ouvre pas droit à rappel de prime d’ancienneté ;

Sur les heures de nuit :

Attendu qu’aux termes de l’article 9 de l’accord du 18 avril 2002 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport routier de voyageurs, étendu sous réserve de son application au seul personnel roulant, les heures de travail effectif de nuit donnent lieu à contrepartie sous forme de repos lorsque la durée journalière continue de travail de nuit est supérieure à une heure, à raison de 10% de leur durée sauf dispositions plus favorables ; qu’elles peuvent être indemnisées sous la forme d’une contrepartie pécuniaire par accord d’entreprise ;

Qu’en l’espèce, [E] [U] n’a pas bénéficié de la totalité des repos auxquels il pouvait prétendre ; qu’il est donc fondé, même en l’absence d’accord d’entreprise, à demander qu’une indemnité soit substituée aux repos dont il a été privé ; qu’elle s’élève à 119,79 € outre 11,98 € au titre des congés payés afférents ; que son incidence sur la prime d’ancienneté est de 9,58 € ;

Sur la demande de primes de bonne exécution :

Attendu que contrairement à ce que soutient [E] [U], les primes de bonne exécution ne lui ont pas été retirées « à la tête du salarié » ou « suivant les humeurs de l’employeur » ; que le rapport d’expertise, confirmant le bien fondé des reproches adressés par la S.A.S. Transports [G] à l’appelant au fil de nombreux courriers, a fait apparaître des manquements chroniques d'[E] [U] à l’obligation de faire un usage régulier de l’appareil de contrôle ; que ces manquements parfaitement assumés par l’intéressé ne traduisent pas une bonne exécution de la prestation de travail et justifient les retenues opérées ; qu'[E] [U] sera donc débouté de ce chef de demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect du contrat de travail, de la convention collective nationale des transports routiers et de l’accord 'voyageurs’ :

Attendu qu’il résulte du rapport d’expertise que la durée maximale hebdomadaire fixée à 48 heures par l’article L 3121-35 du code du travail a été dépassée':

à 11 reprises en 2005,

à 12 reprises en 2006,

à 2 reprises en 2008,

à 8 reprises en 2009,

et que 119,78 heures ont été effectuées au-delà de quatorze heures d’amplitude ;

Que cette surcharge de travail, imposée à [E] [U] en méconnaissance des plafonds légaux, réglementaires et conventionnels applicables, a causé au salarié un préjudice qui justifie l’octroi d’une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts';

Sur les demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et professionnelle et harcèlement moral :

Attendu que selon l’article L 1132-1 du code du travail, alors applicable, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 2141-5 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ;

Attendu que selon l’article L 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Qu’au soutien de sa demande de dommages-intérêts, [E] [U] présente les principaux éléments de fait suivants :

— il ne conduit plus de cars effectuant du grand tourisme conformément à sa classification (coefficient 150V, groupe 10),

— il n’a plus de véhicule attitré et travaille avec les véhicules disponibles,

— il lui est interdit de se servir de son véhicule professionnel pour rentrer à son domicile ;

Que dans la classification du personnel roulant voyageurs figurant à l’annexe I (ouvriers) à la convention collective nationale des transports routiers, le conducteur grand tourisme classé dans le groupe 10 est l’ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils et exécutant des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins cinq jours ; que cet emploi est réputé occupé à titre habituel si le nombre de repos journaliers pris en dehors du domicile et dans le cadre de l’exécution de circuits de grand tourisme excède soixante-cinq par année civile ;

Qu'[E] [U] soutient que depuis sa désignation en qualité de délégué syndical C.F.D.T. le 11 décembre 1996, son activité de conducteur a complètement changé ; que ses principales activités sont désormais le service scolaire, matin et après-midi, et les transferts de clients vers ou au retour des aéroports ; que la classification conventionnelle n’est pas respectée puisque ses rapport d’activité font ressortir qu’il a pris en dehors de son domicile :

47 repos journaliers en 2006,

38 repos journaliers en 2009,

aucun repos en 2010,

aucun repos de janvier à août 2011,

étant observé qu’il était malade en 2007 et 2008 ;

Qu’en 2009, cependant, aux dires d'[E] [U], il se classait en deuxième position sur treize conducteurs par le nombre de repos journaliers pris en dehors de son domicile, seul [O] [M] dépassant le seuil de soixante-cinq repos ; qu’en 2010, année qui suit immédiatement la saisine du Conseil de prud’hommes, [K] [S] (14 repos), [O] [M] (4 repos) et [E] [U] (0 repos) sont respectivement onzième, douzième et treizième, alors que six conducteurs ont pris plus de soixante-cinq jours de repos en dehors de leur domicile ; que de janvier à août 2011, les trois mêmes salariés sont les seuls à n’avoir aucun repos journaliers en dehors de chez eux ;

Que la S.A.S. Transports [G] réplique que :

— [E] [U] conduit des cars de grand tourisme (52 jours en 2012, 55 jours en 2013 et 44 jours en 2014),

— [E] [U] a dû être rappelé à l’ordre à de nombreuses reprises, par lettre recommandée avec accusé de réception, au sujet de la manipulation du lecteur de disque ou de la carte,

— la S.A.S. Transports [G] constate depuis de nombreuses années une baisse constante de l’activité tourisme (- 39,85% pour l’été 2014) ;

Que la S.A.S. Transports [G] ne remet pas en cause les données communiquées par [E] [U] et lui répond non en termes de jours de repos pris en dehors de son domicile, mais en termes de jours de conduite d’un car de grand tourisme ; que dans sa note en délibéré, le salarié souligne que conduire un car de grand tourisme n’est pas nécessairement faire du grand tourisme ; que dans un contexte de recul de l’activité de tourisme, l’employeur ne justifie ni de la répartition des circuits touristiques entre salariés ni des critères de celle-ci ; qu’enfin, le fait justificatif tiré de la manipulation défectueuse du sélecteur par [E] [U] a été invoqué pour la première fois dans un courrier du 9 février 2011 à l’inspecteur du travail et repris à l’audience du 20 janvier 2015 ; que le salarié se plaignait déjà, dans une lettre du 29 mars 2004, de ce qu’il n’effectuait pratiquement plus de tourisme, son travail se bornant à des transports scolaires ; que la S.A.S. Transports [G] a laissé sa requête sans réponse ; que dans un courrier du 1er août 2006, elle a pour la première fois procédé à une analyse exhaustive et critique des données tirées de la lecture des disques de l’appelant pour les mois d’avril à juin 2006 ; que les anomalies relevées ne peuvent justifier l’absence de grand tourisme avant mars 2004 ; que l’explication tirée de la mauvaise manipulation du lecteur est apparue tardivement au regard de l’ancienneté de la situation dénoncée par le salarié ; qu’en outre, si l’usage irrégulier de l’appareil de contrôle peut donner lieu à sanction, il ne peut justifier l’attribution au salarié de tâches ne correspondant pas à sa position dans la classification conventionnelle ;

Que dans un courrier du 26 avril 2001, [E] [U] se plaignait déjà de n’avoir plus de véhicule affecté ; que dans une lettre du 31 août 2001, il a précisé que cette situation durait depuis 1997 et qu’il avait le sentiment de subir une discrimination ; que, certes, le salarié ne tenait ni de la convention collective ni de son contrat de travail le droit de disposer d’un véhicule attitré pour son activité professionnelle ; que dans sa note en délibéré, l’appelant a cependant cité quinze salariés auxquels était attribué un autocar dont il a précisé le numéro ; que la S.A.S. Transports [G] continue d’affirmer qu’il est impossible d’attribuer un véhicule à un conducteur comme il était d’usage entre 1975 et 1994 ; qu’elle met en avant la réglementation sociale et le prix d’achat d’un autocar ; qu’alors qu'[E] [U] dénonce depuis quinze ans la situation particulière qui lui est faite sur ce point, la S.A.S. Transports [G] ne communique encore aucun élément objectif de nature à remettre en cause l’existence d’une différence de traitement et à conforter ses dires ;

Que dans des courriers des 10 décembre 2003, 23 novembre 2006 et 9 décembre 2010, [E] [U] s’est plaint de ne pouvoir rentrer à son domicile avec le véhicule de la société ; qu’il s’est vu reprocher d’être rentré chez lui avec un véhicule de l’employeur sans autorisation dans des courriers des 17 juin 2003 et 20 octobre 2006 ; que dans un courrier du 15 novembre 2006, la S.A.S. Transports [G] a précisé à [E] [U] que les chauffeurs qui conservent leur véhicule à leur domicile sont ceux auxquels est attribué un roulement journalier, le service scolaire du soir entrant en synergie avec celui du matin ; que cette explication n’a pas empêché [E] [U] de solliciter à nouveau communication des critères d’une telle autorisation le 9 décembre 2010 ; que devant la Cour, l’employeur a soutenu que seuls cinq conducteurs de service scolaire à temps partiel étaient autorisés à conserver leur autocar en raison des coûts, notamment salariaux, qui résulteraient d’une autorisation générale ; qu’en effet, selon l’article 17 de l’annexe I à la convention collective applicable, le temps qu’un conducteur parvenu en bout de ligne consacre au trajet qu’il effectue avec l’autocar, et sur autorisation de l’employeur, pour rejoindre son domicile est décompté en temps de travail effectif ; qu’oralement, le représentant de la société a ajouté que les salariés qui assurent les transports scolaires n’accepteraient pas de supporter leurs frais de trajet pour travailler seulement à temps partiel ; qu'[E] [U] réplique, dans sa note en délibéré, que ces conducteurs sont neuf et non cinq ; que leur nombre est indifférent, seul comptant le critère objectif, que rien n’autorise à remettre en cause, qui détermine l’octroi de l’autorisation ; que le refus opposé par la S.A.S. Transports [G] à la demande d'[E] [U] de poursuivre son trajet avec l’autocar de l’entreprise jusqu’à son domicile n’est donc pas discriminatoire ;

Que la Cour retient comme discriminatoires, à défaut de justifications suffisantes de la S.A.S. Transports [G], et comme constitutifs également de harcèlement moral, la diminution voire la suppression des circuits de grand tourisme autrefois confiés à [E] [U] et l’absence de véhicule attitré contrairement à la situation d’origine du salarié et par comparaison avec le sort fait à d’autres conducteurs ;

Que la Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 25 000 € l’indemnité due à [E] [U] en réparation de son préjudice ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Attendu que la S.A.S. Transports [G] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel ; qu’un tiers des frais d’expertise resteront cependant à la charge d'[E] [U] dont l’usage irrégulier de l’appareil de contrôle a contraint M. [J] à reconstituer laborieusement les temps de conduite, les temps d’autres travaux, les temps à disposition et les coupures, renchérissant le coût de la mesure d’instruction ;

Attendu qu’il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais qu’elle a exposés, tant en première instance que devant la Cour, et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Vu l’arrêt du 21 janvier 2014,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté [E] [U] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, repos compensateurs, indemnités pour dépassement de l’amplitude journalière, contrepartie des heures de nuit, dommages-intérêts pour non-respect du contrat de travail, de la convention collective nationale des transports routiers et de l’accord 'voyageurs', dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral, et dans ses dispositions relatives aux dépens ;

Statuant à nouveau :

Condamne la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] :

— la somme de dix mille cent cinquante-cinq euros et neuf centimes (10 155,09 €) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires de 2005 à 2009,

— la somme de mille quinze euros et cinquante-et-un centimes (1 015,51 €) au titre des congés payés afférents,

— la somme de huit cent douze euros et quarante-et-un centimes (812,41 €) à titre de rappel de prime d’ancienneté,

— la somme de quatre mille cent cinquante-six euros et vingt-six centimes (4 156,26 €) à titre d’indemnité compensatrice de la perte des repos compensateurs et de la contrepartie obligatoire en repos,

— la somme de quatre cent quinze euros et soixante-trois centimes (415,63 €) au titre des congés payés afférents,

— la somme de trois cent trente-deux euros et cinquante-et-un centimes (332,51 €) à titre de rappel de prime d’ancienneté,

— la somme de trois cent trente-six euros et soixante-neuf centimes (336,69 €) à titre d’indemnité de dépassement de l’amplitude journalière,

— la somme de cent dix-neuf euros et soixante-dix-neuf centimes (119,79 €) à titre de contrepartie des heures de nuit,

— la somme de onze euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (11,98 €) au titre des congés payés afférents,

— la somme de neuf euros et cinquante-huit centimes (9,58 €) à titre de rappel de prime d’ancienneté,

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2009, date de réception par la S.A.S. Transports [G] de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Condamne la S.A.S. Transports [G] à payer à [E] [U] :

— la somme de cinq mille euros (5 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au dépassement de la durée hebdomadaire maximale du travail et de l’amplitude journalière maximale,

— la somme de vingt-cinq mille euros (25 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la discrimination syndicale et au harcèlement moral,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Déboute [E] [U] du surplus de ses demandes,

Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.A.S. Transports [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel hormis les frais d’expertise qui seront supportés pour les deux tiers par la S.A.S. Transports [G], le tiers restant étant à la charge d'[E] [U].

Le greffierPour le président Didier JOLY empêché

S. MASCRIERM. BUSSIERE, Président

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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 31 mars 2015, n° 12/02371