Cour d'appel de Lyon, 9 septembre 2016, n° 15/04186

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 9 sept. 2016, n° 15/04186
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/04186
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Oyonnax, 22 avril 2015, N° F14/00154

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

X

R.G : 15/04186

D

C/

Société JARDILAND ENSEIGNES VENANT AU DROIT DE JARDI ORNEX

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’OYONNAX

du 23 Avril 2015

RG : F 14/00154

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2016

APPELANT :

C D

né le XXX à

XXX

XXX

Comparant en personne, assisté de Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

XXX

Venant aux droits DE JARDI ORNEX

XXX

94340 JOINVILLE-LE-PONT

Représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Aurore TALBOT, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Juin 2016

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat X, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— Michel SORNAY, président

— Didier JOLY, conseiller

— Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Septembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

C D a été engagé par la SNC Jardi Ornex en qualité de responsable de rayons (agent de maîtrise, coefficient 190) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 3 mars 2008, soumis à la convention collective nationale des jardineries et graineteries du 3 décembre 1993.

C D a été affecté au magasin d’Ornex (Ain).

Il est devenu adjoint de la directrice en mars 2009.

Lors d’un entretien d’activité et de progrès du 14 novembre 2010, son responsable hiérarchique a mentionné comme point fort la gestion des stocks et comme point à améliorer la prévention de la démarque. Interrogé sur son désir d’évolution, il a répondu qu’il n’en avait pas pour l’instant.

Selon avenant du 1er juin 2011, C D est devenu directeur de magasin (statut cadre, coefficient 350) pendant une période probatoire courant jusqu’au 31 décembre 2011 et moyennant une prime mensuelle brute de 960 €.

Une délégation de pouvoirs lui a été consentie.

Le salarié a suivi la formation intitulée « parcours manager » les 3 novembre, 4 novembre et 19 décembre 2011 (21 heures).

Par lettre du 30 décembre 2011, A B, directeur de région, a confirmé C D dans ses fonctions, l’essai lui ayant donné « toute satisfaction ». Le salaire mensuel brut de C D a été porté à 3 500 €.

Par lettre remise en main propre, A B a convoqué C D le 1er septembre 2012 en vue d’un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre remise en main propre le 13 septembre 2012, il lui a notifié une mise à pied disciplinaire de trois jours, les 7, 8 et 9 novembre 2012, à la suite de la découverte, lors de l’inventaire du 5 juillet 2012, d’une irrégularité impactant directement les résultats des précédents inventaires. Il était patent, selon l’employeur, que le salarié avait volontairement manipulé et falsifié le résultat des inventaires de juillet 2011 et janvier 2012, déclarant de la marchandise fictive (917 puis 909 plateaux), alors qu’il est apparu à l’inventaire de juillet 2012 que 2 plateaux seulement étaient en stocks. Il avait pu ainsi atténuer les mauvais résultats de démarque inconnue du magasin.

E J, nouveau directeur régional, a effectué deux visites du magasin d’Ornex, les 8 octobre et 29 octobre 2013.

C D était en congé de maladie du 28 octobre au 8 novembre 2013.

Par lettre remise en main propre le 12 novembre 2013, E J lui a notifié un avertissement en raison des faits suivants :

— tenue globale du magasin inadmissible (produits impropres à la vente, niveau de remplissage global insuffisants, magasin sale, charte expression prix non appliquée, implantations incohérentes),

— manque d’accompagnement des équipes, manque de communication individuelle et collective, absence de directives précises,

ces carences se traduisant par un recul du chiffre d’affaires et de la fréquentation nettement supérieur à celui du réseau.

Le directeur régional a demandé à C D de préparer un plan d’action gestion et un plan d’action management dont il attendait le retour pour le 20 novembre 2013.

Le directeur régional a effectué une nouvelle visite le 17 décembre 2013.

Un nouvel inventaire a débuté le 9 janvier 2014 en présence du directeur régional et de la responsable des ressources humaines.

Par lettre remise en main propre le même jour, E F a convoqué C D le 17 janvier en vue d’un entretien préalable à son licenciement et l’a mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée du 30 janvier 2014, signée du même E F, la S.A.R.L. Jardi Ornex a notifié à C D son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable le Vendredi 17 janvier 2014 à 14 heures, entretien au cours duquel, vous n’étiez pas assisté.

Au cours de celui-ci, nous vous avons exposé les faits suivants :

Lors de l’inventaire fiscal du 09 janvier dernier, nous avons pu constater que malgré les nombreuses alertes formulées à votre encontre sur l’impérieuse nécessité de réagir sur votre magasin et de vous positionner en tant que Directeur de Magasin, celles-ci sont restées sans effet, conduisant votre magasin à sortir un résultat d’inventaire catastrophique et en total décalage avec ceux du réseau voir de votre groupe homogène. Le déroulement de cette journée et le résultat d’inventaire ne sont que le reflet de votre défaut de gestion notamment sur ce second semestre 2013.

Ainsi, nous avons pu constater un manque important de préparation, d’organisation et de contrôle de l’inventaire.

S’agissant de la préparation, il s’avère que le tri des marchandises n’a pas été réalisé. En effet, il était impossible de distinguer les produits à prendre à l’inventaire de ceux qui étaient à passer en démarque.

Au-delà, le pré comptage des produits n’a pas été réalisé de manière rigoureuse ni même contrôlé. C’est ainsi que lorsque nous avons contrôlé les zones (les réserves notamment), nous avons pu constater un nombre important d’erreurs :

— oubli de palettes complètes,

— palettes filmées comptabilisées à l’aveugle sans avoir été défilmées au préalable.

Nous avons par exemple dénombré:

—  57% d’erreurs de comptage en zone F21

—  50% d’erreurs de comptage en zone F22

—  42% d’erreurs de comptage en zone F24

—  50% d’erreurs de comptage en zone F28

—  50% d’erreurs de comptage en zone F27.

Par ailleurs, lors de ces mêmes contrôles, nous avons pu constater que des produits impropres à la vente étaient comptabilisés dans l’inventaire au lieu d’être passés en démarque.

Il est patent que vous avez volontairement tenté de manipuler le résultat de l’inventaire en déclarant de la marchandise impropre à la vente comme présente dans votre stock sain, cherchant par là- même à atténuer les mauvais résultats de démarque inconnue de votre magasin. Ces manoeuvres, pouvant s’apparenter à de la fraude, ont été réalisées avec l’intention de tromper l’entreprise quant aux résultats du magasin et constituent un manquement grave à votre obligation de loyauté à notre égard.

Les conséquences sont gravement préjudiciables aux intérêts tant de l’entreprise que des collaborateurs du magasin : démarque faussée car atténuée, stocks faussés pénalisant la gestion des marchandises et mettant l’équipe en difficulté et atteinte à la qualité du service client.

De même, au cours de l’inventaire, nous avons également pu constater que les équipes étaient dispersées voir indisciplinées laissant libre court aux bavardages, les empêchant ainsi d’être concentrées sur leurs opérations de comptage. Par ailleurs, une partie de votre équipe est arrivée en retard à l’inventaire. A aucun moment vous ne les avez rappelés à l’ordre.

La table de comptage, centre névralgique de l’inventaire, n’était pas organisée. Il a dû falloir attendre l’intervention de votre Directeur de Région pour qu’une organisation soit mise en place et communiquée aux équipes.

Ainsi, cette absence de rigueur tant dans la préparation que dans la réalisation de l’inventaire, ces manipulations frauduleuses consistant à comptabiliser des produits pourtant impropres à la vente, cette absence de contrôle, portent directement préjudice à la fiabilité des résultats eux-mêmes.

Outre un manque évident de fiabilité du comptage, le résultat d’inventaire définitif après les quelques contrôles et corrections des écarts se porte à 75 951€ soit 6,12% du CAHT de second semestre.

Pour mémoire, le taux objectivé de démarque inconnue (résultat de l’inventaire) est fixé à 0,60% du CAHT.

Sur le magasin dont vous avez la charge, le résultat, bien que mauvais les années précédentes (1,34% en 2012, 1,80% en 2011), se sont très fortement dégradés en 2013 pour atteindre un taux inacceptable de plus de 6% sur le seul second semestre 2013.

Ce résultat désastreux n’est que le reflet de votre manque de réaction suite aux différentes alertes pourtant sonnées dès septembre 2013.

En effet, à plusieurs reprises lors de mes visites en magasin, je vous ai alerté sur l’importance d’une réaction sans délai tant sur la commercialité de votre magasin que sur la gestion de vos indicateurs, la bonne application des procédures en vigueur et l’accompagnement de vos équipes. Malgré l’urgence et la gravité de la situation, peu d’évolution n’était visible. Le jour de l’inventaire, aucune amélioration notable et durable ne pouvait être relevée alors même que certaines actions étaient nécessaires à la fiabilité des résultats de celui-ci.

Ainsi, sur le second semestre 2013, un nombre important de visites ont été réalisées sur votre magasin afin d’identifier les points sur lesquels il était urgent de réagir.

Après une visite de passation avec votre ancien Directeur de Région en septembre 2013 au cours de laquelle un certain nombre de points ont été soulevés, les visites des 08 octobre, 29 octobre et 17 décembre 2013 ont donné lieu à des comptes rendus formalisés vous permettant ainsi de vous aider à construire vos plans d’action.

Ces différentes visites avaient déjà permis de mettre en exergue des éléments nécessaires et impératifs à un résultat fiable d’inventaire :

— Compte rendu du 08 octobre 2013: « prévoir un rangement commando réserve »

— Compte rendu du 29 octobre 2013: « ranger la réserve extérieure (bois/terreaux/table MAF, végétaux) et mettre en rayon »

— Compte rendu du 17 décembre 2013 : « rangement réserve et pré comptage inventaire ».

Des actions auraient d’ores et déjà dues être mises en place pour sécuriser les résultats d’inventaire et en contrôler la bonne exécution.

Au-delà de ces comptes rendus, nous vous avions également alertés sur l’impérieuse nécessité de réagir le 12 novembre 2013, en vous notifiant un avertissement et en sollicitant de votre part un plan d’action immédiat. A cette occasion, nous vous avions déjà mis en demeure de réagir rapidement s’agissant de la tenue globale du magasin (rangement de vos extérieurs en arrière de magasin et rangement de vos réserves notamment) et alerté quant à un manque de rigueur général dans la tenue de votre magasin et la bonne application des procédures. Dans le même temps, nous avions également souligné que bon nombre des points évoqués et soulevés dans le compte rendu de visite du 29 octobre 2013 étaient toujours en l’état laissant apparaître une insuffisance de réaction de votre part. Face à ce désengagement de votre part, nous vous avions demandé deux plans d’actions correctifs.

Nous avions également attiré votre attention sur l’importance de leur traduction en actions concrètes et constantes.

Afin de vous accompagner et de vous assurer une meilleure vision du métier de Directeur de Magasin, nous vous avons également envoyé en formation sur les magasins de Lempdes et Clermont- Ferrand pendant une semaine afin de bénéficier de toute l’expérience de deux Directrices de Magasin confirmées.

Force est de constater que malgré toutes ces alertes écrites et orales et le plan d’accompagnement mis en place, vous n’avez pas réagit, comme en témoignent l’absence de préparation et le déroulement de l’inventaire mais également les résultats d’inventaire qui ne sont que la conclusion de vos 6 derniers mois de non gestion.

Ainsi, vous avez subi votre propre inertie manquant par là-même d’anticipation, de réaction et de contrôle. Vous n’avez à aucun moment adopté une attitude de patron de votre magasin et de pro activité devant l’urgence de la situation.

Votre manque de leadership, de positionnement et par conséquent de réactivité ont eu pour conséquence directe les résultats catastrophiques que sont ceux de l’inventaire du second semestre 2013.

Face à ces différents constats répétés et malgré les conséquences néfastes tant pour notre commerce que pour les résultats économiques eux-mêmes de votre magasin, vous n’avez pas su immédiatement réagir.

Lors de notre entretien, vous n’avez apporté aucune explication, vous contentant simplement de dire que vous n’aviez rien à dire ».

Ainsi, votre silence ne nous a pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Nous vous rappelons pourtant qu’il vous appartient en tant que Directeur d’assurer la gestion de votre magasin, dont vous êtes chargé d’optimiser les résultats et la satisfaction client. Cette mission s’inscrit notamment autour de la dynamique commerciale instaurée sur votre magasin passant nécessairement par un magasin propre et rangé mettant à disposition des clients des produits qualitatifs mais également autour de la bonne application des procédures et d’un pilotage de vos indicateurs de gestion. En tant que patron de votre magasin, votre mission s’inscrit également à travers l’accompagnement de votre équipe. Or, aucun contrôle n’est réalisé de votre part sur le travail effectué par votre équipe. Ainsi, il s’avère que les plans d’actions correctifs permettant une amélioration de la situation de votre magasin ne sont pas mis en place et pour ceux qui auraient éventuellement été définis, leur mise en place et réalisation rie sont pas contrôlées.

Suite aux différentes alertes répétées dont vous avez fait l’objet, face aux nombreux constats de manque de réaction que nous avons pu faire et à la lecture de vos résultats d’inventaire, nous ne pouvons que constater que les actions mises en place ont été insuffisantes voir inexistantes sur certains items. Votre manque de rigueur dans l’application des procédures et votre inertie quant aux plans d’actions potentiels ont conduit le magasin à sortir des résultats fortement éloignés de ceux prévus au budget.

Un tel manque de réactivité est inacceptable, en particulier eu égard aux responsabilités qui vous incombent en votre qualité de Directeur de magasin. L’accumulation de vos déficiences dans la gestion de votre magasin remet en question l’évolution commerciale et la santé financière de celui- ci.

Votre comportement ne correspond aucunement à celui que nous sommes légitimement en droit d’attendre de la part d’un Directeur de magasin.

Dans ce contexte, nous n’avons pas d’autres choix que de prononcer votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement sera effectif dès la date d’envoi de la présente lettre, sans préavis ni indemnité de rupture. La mise à pied conservatoire est confirmée et fera l’objet d’une déduction de salaire pendant toute sa durée.

Vous percevrez en revanche une indemnité compensatrice de congés payés pour les congés acquis et non pris à la date de rupture de votre contrat de travail. […]

C D a saisi le Conseil de prud’hommes d’Oyonnax le 9 septembre 2014.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l’appel interjeté le 13 mai 2015 par C D du jugement rendu le 23 avril 2015 par le Conseil de prud’hommes d’OYONNAX (section encadrement) qui a :

— confirmé le licenciement pour faute grave prononcé le 30 janvier 2014 par la société Jardiland à l’encontre de C D,

— débouté C D de l’ensemble de ses demandes,

— condamné C D à verser à la société Jardiland la somme de 100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné C D aux entiers dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 juin 2016 par C D qui demande à la Cour de :

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

— dire et juger que le licenciement de C D est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamner la société Jardiland Enseignes, venant aux droits de la société Jardi Ornex, à verser à C D les sommes suivantes :

rappel de salaire sur mise à pied conservatoire 2 803,56 €

indemnité de congés payés afférente 280,35 €

indemnité de préavis 11 908,50 €

indemnité de congés payés afférents 1 190,85 €

indemnité de licenciement 4 693,78 €

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2014,

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 47 000,00 €

dommages-intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement10 000,00 €

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

— ordonner la communication des bulletins de salaire et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir,

— condamner la société Jardiland Enseignes à verser à C D la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Jardiland Enseignes aux entiers dépens de l’instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 3 juin 2016 par la société Jardiland Enseignes, venant aux droits de la société Jardi Ornex, qui demande à la Cour de, confirmant le jugement entrepris,

— débouter C D de l’intégralité de ses demandes,

— y ajoutant, le condamner au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Sur le motif du licenciement :

Attendu qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis ;

Qu’en l’espèce, il existe un problème de preuve des faits prétendument fautifs et un problème de qualification de ces faits, à les supposer établis ;

Que la société Jardiland Enseignes reproche à C D de n’avoir pas respecté la procédure d’inventaire qui constitue sa pièce 11, tant dans la préparation que dans la réalisation de l’inventaire ; qu’elle s’est pourtant elle-même affranchie de la méthodologie préconisée à la page 20/51 dans les termes suivants :

Afin de s’assurer du bon déroulement de l’inventaire et du niveau de qualité des résultats obtenus, il est conseillé de faire superviser celui-ci par une personne extérieure au magasin.

Un ou plusieurs auditeurs seront nommés, il s’agit en principe de nos Commissaires aux Comptes.

Leur rôle est de vérifier l’application de cette procédure, et d’effectuer par sondage, une mesure quantitative de fiabilité.

Ils ont le pouvoir de faire refaire l’inventaire soit en totalité, soit partiellement, s’ils estiment que les comptages rie sont pas fiables.

Un rapport sera rédigé, faisant ressortir les points à améliorer.

I. Méthodologie.

L’auditeur prélève plusieurs dossiers de valeur dont il vérifie la fiabilité sur le terrain. Ces enveloppes proviennent de toutes les zones d’inventaire, pour une valeur totale de 10% du stock.

Les enveloppes prélevées, de manière aléatoire, doivent l’être sous la responsabilité du directeur de magasin et relevées par ses soins, sur la feuille d’inventaire des « Contrôles Auditeurs / Commissaires aux comptes ». ((f.: Annexe 8)

En accord avec le Directeur de magasin, l’auditeur effectue un comptage contradictoire parallèlement à un pointage des dévidages portables corrigés (après contrôle).

Les anomalies relevées par l’auditeur doivent être systématiquement constatées, sur le terrain, par le contrôleur ayant approuvé l’enveloppe, (celui-ci apportant parfois la contradiction à l’auditeur) et le Directeur du magasin.

Après avoir, si nécessaire, rectifié la feuille d’inventaire sans la surcharger (donc lisible), l’auditeur vise sur l’enveloppe la mention « OK » ou « ERREURS ».

Les feuilles (ou photocopies) seront remises au Directeur pour valorisation et contrôle de saisie.

Il. Calcul de la fiabilité :

Toutes les erreurs constatées seront cumulées en valeur absolue et rapportées sur la feuille d’audit d’inventaire (en possession des auditeurs).

Si le montant total des valeurs absolues des erreurs ne dépasse pas 1% du montant total des enveloppes concernées (10% du stock total), alors l’inventaire peut-être considéré comme fiable à 1% prés ; donc cautionné par l’auditeur interne.

Ex : 1 Million de stock ; soit : 100 K€ à contrôler :

Valeur totale maximum des erreurs : 1000 €.

III. Contrôle du suivi de la procédure :

Au delà de l’évaluation chiffrée de l’inventaire, l’auditeur vérifiera le bon suivi de la procédure, la qualité de la préparation et la maîtrise du sujet par le Directeur et son équipe.

Que ces recommandations méritaient d’autant plus d’être observées que les précédents inventaires du magasin d’Ornex avaient conduit l’employeur à notifier à l’appelant une mise à pied disciplinaire, qui n’est d’ailleurs pas rappelée dans la lettre de licenciement ; que pour justifier l’absence de supervision des opérations par un commissaire aux comptes, la société intimée met en avant la maîtrise insuffisante du fonctionnement de l’entreprise et de ses procédures par les commissaires aux comptes qui ne pourraient intervenir efficacement lors des journées particulièrement délicates de l’inventaire ; que cette explication est très courte dès lors que le guide de la procédure d’inventaire est communiqué dans sa version 8 du 14 mai 2013, ce qui implique que depuis la création du guide en 2006, la société n’avait jamais cru nécessaire de tirer les conséquences de la prétendue maîtrise insuffisante des commissaires aux comptes en réécrivant les pages 20 et 21 ; que la société Jardiland ajoute avec aplomb que le directeur régional était la 'personne extérieure au magasin’ visée par le guide des procédures d’inventaire, et la personne la plus indiquée pour superviser les opérations d’inventaire ; qu’elle oublie qu’en désignant les commissaires aux comptes comme les auditeurs à nommer en principe, le guide entend que la 'personne extérieure au magasin’ soit aussi extérieure à l’entreprise, ce qui est le gage de la fiabilité de l’inventaire ;

Qu’il résulte du choix fait par la société Jardi Ornex que le directeur régional, qui avait contrôlé le magasin d’Ornex les 8 octobre, 29 octobre et 17 décembre 2013, et averti C D le 12 novembre 2013, a supervisé l’inventaire et pris 'toutes les mesures qui s’imposaient', dont la mise à pied de l’appelant le 9 janvier 2014 ; qu’il a ensuite conduit l’entretien préalable et signé la lettre de licenciement ; que la responsable des ressources humaines a traversé l’inventaire et la procédure de licenciement comme une ombre, sans laisser de trace écrite ; qu’ainsi, le directeur régional, qui a cumulé le pouvoir d’enquête et le pouvoir disciplinaire est présenté par la société Jardiland Enseignes comme le meilleur témoin, et à vrai dire le seul témoin, des faits qu’il a lui-même sanctionné ; qu’aucun élément incontestable n’étaye le long récit que contient la lettre de licenciement ; que les pièces 36 et suivantes sont revêtues d’annotations manuscrites au crayon de bois, qui sont difficilement lisibles et ne peuvent être attribuées à aucune personne physique déterminée; qu’en outre, rien ne démontre que ces pièces reflètent l’état final de l’inventaire qui, commencé le 9 janvier 2014, s’est prolongé le lendemain ;

Que parmi les faits imputés à C D dans la lettre de licenciement, à supposer même ceux-ci établis, seul pourrait constituer une faute grave le grief formulé en ces termes :

Par ailleurs, lors de ces mêmes contrôles, nous avons pu constater que des produits impropres à la vente étaient comptabilisés dans l’inventaire au lieu d’être passés en démarque.

Il est patent que vous avez volontairement tenté de manipuler le résultat de l’inventaire en déclarant de la marchandise impropre à la vente comme présente dans votre stock sain, cherchant par là-même à atténuer les mauvais résultats de démarque inconnue de votre magasin. Ces manoeuvres, pouvant s’apparenter à de la fraude, ont été réalisées avec l’intention de tromper l’entreprise quant aux résultats du magasin et constituent un manquement grave à votre obligation de loyauté à notre égard.

Que la mise à pied disciplinaire du 13 septembre 2012 était motivée en ces termes :

Il est aussi patent que vous avez volontairement manipulé et falsifié le résultat de l’inventaire en déclarant de la marchandise fictive, atténuant par làmême les mauvais résultats de démarque inconnue de votre magasin.

Ces manoeuvres réalisées dans le but de tromper l’entreprise quant aux résultats du magasin, constituent un manquement grave à votre obligation de loyauté.

Qu’il résulte de la pièce n°20 de l’appelant que le licenciement pour faute grave le 28 septembre 2011 de Y Z, directeur de magasin de la société Jardi Sevrey, était motivé de la manière suivante :

Il est ainsi patent que vous avez volontairement manipulé et falsifié le résultat de l’inventaire en déclarant de la marchandise fictive, atténuant par là-même les mauvais résultats de démarque inconnue de votre magasin.

Ces manoeuvres réalisées dans le but de tromper l’entreprise quant aux résultats du magasin, constituent un manquement grave à votre obligation de loyauté à notre égard.

Qu’il est remarquable, mais non fortuit, que deux sociétés du même groupe aient motivé dans les mêmes termes le licenciement de deux directeurs de magasins, à la suite d’inventaires intervenus à deux ans et demi d’intervalle ; que dans les deux cas, l’idée que les anomalies constatées puissent révéler simplement l’incompétence du directeur et non sa volonté de frauder n’a pas traversé l’esprit de l’employeur ; qu’en tout cas, la société Jardiland Enseignes, qui vient aux droits de la société Jardi Ornex, ne rapporte pas davantage la preuve de l’existence d’une intention de frauder aux droits de l’employeur que la société Jardi Sevrey ne l’avait fait devant la Cour d’appel de Dijon le 7 octobre 2014 ;

Que le jugement a considéré comme 'évident’que C D n’avait pas tenu compte des observations déjà faites par sa hiérarchie et n’avait pas mis en place les actions adéquates pour rétablir la situation ; qu’il a également considéré comme 'évident’qu’il y avait répétition des mêmes faits pour la troisième fois ; que si l’évidence est une vérité qui n’a besoin d’aucune preuve, elle ne pouvait fonder une décision de justice ; que la preuve requise par les textes susvisés n’étant pas rapportée par l’employeur, le licenciement de C D est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Qu’en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé ;

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que C D qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu’il avait plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, est en droit de prétendre, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu’après avoir perçu les indemnités de Pôle Emploi d’avril à août 2014, l’appelant a occupé un emploi de jardinier sous contrat à durée déterminée du 11 août au 10 novembre 2014 ; que selon ses dires à l’audience, après une nouvelle période de chômage de six mois, il a retrouvé un contrat à durée indéterminée ; qu’aucun relevé des prestations de Pôle Emploi n’est cependant communiqué pour une période postérieure à novembre 2014 ; qu’au vu de ces éléments, la société Jardiland Enseignes sera condamnée à payer à C D une indemnité de 26 000 € en réparation de son préjudice ;

Attendu en outre qu’en application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par la société Jardiland Enseignes à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à C D du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage ;

Sur la demande de dommages-intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement :

Attendu que les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute ouvrant droit pour le salarié à la réparation de son préjudice moral ;

Qu’en l’espèce, la société Jardi Ornex a mis à pied C D pendant les opérations d’inventaire, l’obligeant à quitter subitement le personnel placé sous son autorité ; que cette mesure prétendument conservatoire contredit d’ailleurs l’affirmation de l’intimée selon laquelle le directeur n’était présent à l’inventaire que pour répondre aux questions ; qu’ensuite, l’employeur a imputé à C D l’intention de tromper l’entreprise sans pouvoir en rapporter la preuve ; qu’il en est résulté pour le salarié un préjudice moral qui sera réparé par l’octroi d’une indemnité de 4 000 € ;

Sur les indemnités de rupture :

Attendu que la société Jardiland Enseignes ne remet pas en cause les bases sur lesquelles C D a calculé les indemnités de licenciement et de préavis qu’il sollicite ; qu’il y a donc lieu de faire droit à ces demandes ;

Sur le rappel de salaire :

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L 1332-3 du code du travail que seule une faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant une mise à pied conservatoire ;

qu’en conséquence, la société Jardiland Enseignes sera condamnée à payer à C D un rappel de salaire de 2 803,56 € et une indemnité de congés payés de 280,35 € ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 23 avril 2015 par le Conseil de prud’hommes d’Oyonnax,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de C D est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit que le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires,

En conséquence, condamne la SASU Jardiland Enseignes, venant aux droits de la société Jardi Ornex, à payer à C D :

la somme de vingt-six mille euros (26 000 €) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

la somme de quatre mille euros (4 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral consécutif aux conditions vexatoires du licenciement,

avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Ordonne le remboursement par la SASU Jardiland Enseignes à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à C D du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage,

Condamne la SASU Jardiland Enseignes, venant aux droits de la société Jardi Ornex, à payer à C D :

la somme de onze mille neuf cent huit euros et cinquante centimes (11 908,50 €) à titre d’indemnité de préavis

la somme de mille cent quatre-vingt-dix euros et quatre-vingt-cinq centimes (1190,85€) à titre d’indemnité de congés payés afférents,

la somme de quatre mille six cent quatre-vingt-treize euros et soixante-dix-huit centimes (4 693,78 €) à titre d’indemnité de licenciement,

la somme de deux mille huit cent trois euros et cinquante-six centimes (2 803,56 €) à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

la somme de deux cent quatre-vingts euros et trente-cinq centimes (280,35 €) à titre d’indemnité de congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014, date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Dit que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s’il y a lieu, les cotisations et contributions sociales,

Ordonne à la SASU Jardiland Enseignes de remettre à C D des bulletins de paie correspondant à la période de mise à pied conservatoire et au préavis, et une attestation Pôle Emploi, conformes au présent arrêt,

Dit qu’il n’y a pas lieu, en l’état, d’assortir cette injonction d’une astreinte,

Condamne la SASU Jardiland Enseignes aux dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à C D la somme de trois mille euros (3 000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

Gaétan PILLIE Michel SORNAY

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Cour d'appel de Lyon, 9 septembre 2016, n° 15/04186