Cour d'appel de Metz, 7 juillet 2015, n° 15/00413

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 7 juill. 2015, n° 15/00413
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 15/00413
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Metz, 11 février 2014, N° 13/0065AD

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 15/00413

07 Juillet 2015


RG N° 14/00782


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

12 Février 2014

13/0065 AD


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

sept Juillet deux mille quinze

APPELANTE :

Madame H C

XXX

VEZON

XXX

Représentée par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

Madame J B

XXX

XXX

Représentée par Me WEBER substituant Me Antoine FITTANTE de la SCP COLBUS-BORN-COLBUS-FITTANTE, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Mai 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Annyvonne BALANÇA, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre

Monsieur Hervé KORSEC, Conseiller

Madame Annyvonne BALANÇA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christiane VAUTRIN, Greffier

ARRÊT :

contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame H C a été embauchée par Madame J B, en qualité d’assistante maternelle, pour la garde de leurs filles Y et Z, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 23 août 2011, pour un salaire horaire de 3,20 euros. Par un avenant du 12 septembre 2011, Monsieur F X, père des enfants, a été désigné comme co-employeur.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective des assistantes maternelles.

Madame C a été licenciée pour faute grave, le 2 février 2012.

Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil des prud’hommes de METZ, le 22 janvier 2013, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, voir condamner Madame B à lui verser les sommes de :

—  3.568,14 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  594,69 euros net au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

—  297,34 euros net à titre d’indemnité de préavis, outre 15,43 euros net à titre de congés payés sur préavis,

—  21,80 euros net à titre d’indemnité de licenciement,

de dire que les sommes porteront intérêts de droit à la date du jugement à intervenir pour les dommages et intérêts, d’enjoindre à Madame B de lui remettre ses bulletins de salaire, ainsi que le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l’attestation ASSEDICS modifiés en fonction des dispositions du jugement à intervenir, de condamner Madame B à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir selon les dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, de débouter Madame B de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles.

Madame B demandait, à titre reconventionnel, au conseil des prud’hommes de condamner Madame C à lui payer une somme de 13.938,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier, outre la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la demanderesse aux dépens.

Par jugement en date du 12 février 2014, le conseil des prud’hommes de METZ a débouté Madame C de toutes ses demandes, l’a condamnée à payer à Madame B les sommes de :

—  1.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour le préjudice moral et financier,

—  500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a dit que ces sommes portaient intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, a condamné Madame C aux dépens, y compris les frais éventuels d’exécution, a ordonné l’exécution provisoire du jugement conformément à l’article 515 du code de procédure civile.

Madame C a régulièrement relevé appel de ce jugement, par déclaration parvenue au greffe de la cour le 11 mars 2014.

A l’audience du 19 mai 2015, développant oralement ses conclusions, Madame C demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner Madame B à lui payer les sommes suivantes :

—  3.568,14 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  594,69 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

—  297,34 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  29,73 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  21,80 euros d’indemnité de licenciement,

—  154,32 euros nets à titre de rappel de salaire,

—  15,43 euros nets à titre de congés payés sur rappel de salaires,

de dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande, d’enjoindre à Madame B de lui remettre ses bulletins de salaire, son certificat de travail, son reçu pour solde de tout compte et l’attestation ASSEDIC, modifiés en fonction de l’arrêt à intervenir, de rejeter l’ensemble des demandes de cette dernière et de la condamner aux dépens.

Madame C soutient que le contrat de travail a été établi par Madame B alors que la rupture émane de Monsieur X, lequel est étranger à la relation contractuelle, ce qui enlève toute cause réelle et sérieuse au licenciement ; que les juges de première instance n’ont pas analysé les griefs tirés de l’absence de convocation, Madame B n’ayant pas mis en 'uvre la procédure de retrait prévue à l’article 18 de la convention collective applicable mais une procédure de licenciement pour faute grave, soit une procédure disciplinaire, impliquant la convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement ; que la faute grave a été relevée à tort par les juges de première instance alors qu’il ne peut être reproché à la salariée des faits liés à sa vie personnelle, commis par une autre personne, pour laquelle aucune condamnation n’est intervenue et qui a même été relaxée ; que le défaut de surveillance n’a pas été invoqué dans la lettre de licenciement et n’est pas établi. S’agissant de sa demande au titre des heures supplémentaires, Madame C indique verser aux débats les plannings qui lui ont été remis par son employeur prévoyant un dépassement du forfait mensuel. Madame C invoque sa situation depuis son licenciement et le fait qu’elle n’a pu retrouver d’emploi que dans un cadre péri-scolaire.

Madame B, reprenant également ses conclusions, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame C de toutes ses demandes, sur sa demande reconventionnelle, d’infirmer le jugement mais seulement en ce qu’il a condamné Madame C à lui verser la somme de 1.500 euros au titre du préjudice moral et financier subi, et statuant à nouveau, de condamner Madame C à lui payer une somme de 13.938,60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et financier subi, de débouter Madame C de toutes ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Pour sa part, Madame B soutient que les parents ont la faculté d’exercer leur droit de retrait de l’enfant sans motiver plus avant, sur le fondement de l’article 18 de la convention collective des assistantes maternelles, ce retrait, justifié par le principe de précaution, entraînant la rupture du contrat de travail, la convocation à un entretien préalable n’étant nullement requise et l’article L.1232-6 du code du travail n’étant pas applicable aux assistantes maternelles ; que son époux était tout autant employeur de Madame C qu’elle-même en ce qu’il payait le salaire et qu’il avait signé un avenant le 12 septembre 2011, document que la salariée s’est bien gardée de produire ; que des faits graves ont eu lieu au domicile de Madame C de telle sorte qu’ils ont été contraints de mettre un terme au contrat de travail en raison du non-respect par l’assistante maternelle de son obligation de surveillance découlant de son contrat de travail, ce qui constitue bien une faute grave de sa part, puisqu’en effet, ils ont déposé plainte pour des faits d’agression sexuelle commis par le fils de Madame C, qui a été condamné de façon définitive par la cour d’appel pour des actes commis sur un enfant dont Madame C avait la garde, le fait qu’il ait pu être relaxé sur leur enfant Y étant sans incidence car la matérialité des faits a été reconnue à défaut d’intention coupable, que l’agrément a d’ailleurs été retiré à Madame C en juin 2013 et qu’elle ne saurait demander une indemnité de préavis. S’agissant de la demande au titre des heures supplémentaires, Madame B estime que le tableau produit par la salariée n’est pas probant, en ce qu’il s’agit d’un planning prévisionnel qui ne représente pas les heures de garde réellement effectuées et que, seul, le tableau de l’employeur est le reflet de la réalité des gardes effectivement accomplies par la salariée qui, au cours des six mois d’exécution de la relation contractuelle, n’a jamais fait aucune demande à ce titre. Madame B sollicite, par ailleurs, des dommages et intérêts estimant avoir perdu confiance en la profession d’assistante maternelle, que ses enfants ont été perturbés et qu’elle a été contrainte de se mettre en disponibilité une année, sans solde, afin de s’occuper de ces derniers.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions, déposées le 9 avril 2015 pour Madame C, et le 17 avril 2015 pour Madame B, développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

I. Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la qualité d’employeur de Monsieur X :

Madame B produit l’avenant au contrat du travail du 20 août 2011, signé le 12 septembre 2011, par Madame C et le couple B-X indiquant expressément que ces derniers étaient co-employeurs de Madame C.

Il sera observé que Madame C a dirigé sa demande exclusivement à l’encontre de Madame B alors que Monsieur X était tout autant son employeur, lequel avait donc qualité pour lui signifier la rupture du contrat de travail et le retrait des enfants Z et Y dont il était, par ailleurs, le représentant légal.

Dès lors, le licenciement de Madame C ne saurait être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse pour ce motif.

Sur l’absence de grief avéré et le non-respect de la procédure de licenciement :

La rupture du contrat de travail de l’assistant maternel employé par un particulier en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée ou d’un contrat de travail à durée déterminée est spécialement régie par les dispositions de l’article L.423-24 du code de l’action sociale et des familles et par l’article 18 de la convention collective étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004, l’article L.1232-6 du code du travail n’est pas applicable au contrat de travail des assistants maternels.

Aux termes de l’article L.423-24 du code de l’action sociale et des familles, «le particulier employeur qui décide de ne plus confier d’enfant à un assistant maternel qu’il employait depuis trois mois doit notifier à l’intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l’article L.423-25. L’inobservation de ce préavis donne lieu au versement d’une indemnité compensatrice du congé dû».

L’article 18 de la convention collective étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 prévoit également que l’employeur peut exercer son droit de retrait de l’enfant, qui entraîne la rupture du contrat de travail et indique que «l’employeur qui décide de ne plus confier son enfant au salarié, quel qu’en soit le motif, doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis».

En l’espèce, Monsieur X a adressé à Madame C une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le 2 février 2012, lui notifiant la rupture du contrat de travail pour faute grave, en ces termes :

«objet : licenciement

Je vous informe, par la présente, que suite à l’enquête de Gendarmerie portant sur un de vos enfants ayant commis des faits supposés pénalement répréhensibles, je me vois dans l’obligation de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Ces faits supposés sont incompatibles avec la garde de mes deux filles : Y et Z X.

Je vous adresserai par virement le paiement des jours travaillés en février 2012 ainsi qu’un certificat de travail et votre attestation Assedic.»

Il convient de considérer que, bien qu’ayant fait usage du terme de licenciement, il ressort de la lettre adressée à Madame C que l’employeur a régulièrement fait application de son droit de retrait de ses enfants que lui confèrent, à la fois, l’article L.423-24 du code de l’action sociale et des familles et l’article 18 de la convention collective des assistants maternels, en notifiant à Madame C la rupture par lettre recommandée avec accusé de réception sans avoir à convoquer celle-ci à un entretien préalable au licenciement, les dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail n’étant pas applicables au contrat de travail des assistants maternels.

De plus, l’employeur, qui use ainsi du droit de retrait de son enfant, n’a pas à donner, dans son courrier de rupture, les motifs précis qui fondent sa décision. En l’espèce, il est reproché à Madame C un défaut de surveillance, suite aux agressions sexuelles dénoncées par plusieurs enfants, au domicile de l’assistante maternelle pendant les heures de garde. Le fait que ce dernier n’ait pas mentionné ce motif ne rend pas pour autant le licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu’il n’avait aucune obligation de le faire en l’espèce.

Il ressort des déclarations des parties qu’au moment de notifier la rupture du contrat de travail, les parents avaient bien déposé plainte pour des faits d’agression sexuelle commis au domicile de l’assistante maternelle, par le fils de celle-ci, sur leur fille Y, et qu’une enquête de gendarmerie était en cours. Par ailleurs, Madame C s’est vu retirer son agrément par la suite pour ce motif.

Ainsi, au moment de faire usage du droit de retrait de leurs enfants, et même si une décision de justice n’était pas encore prononcée sur ces faits, et que le principe de la présomption d’innocence devait être respecté tel que soutenu, l’employeur disposait d’un certain nombre d’éléments précis lui permettant de considérer que Madame C avait manqué à son obligation du surveillance.

En conséquence, au regard des circonstances de l’exercice de ce droit de retrait, mis en 'uvre en raison de la dénonciation de faits d’agressions sexuelles sur l’enfant gardé, au domicile de l’assistante maternelle, l’exercice de ce droit n’apparaît ni abusif, ni illicite.

Il convient donc de confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de METZ qui a débouté, à juste titre, Madame C de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la faute grave :

Selon l’article L.423-25 du code de l’action sociale et des familles, l’assistant maternel, qui justifie d’une ancienneté située entre trois mois et un an, a droit, en cas de rupture du contrat de travail par son employeur, sauf en cas de faute grave, à un préavis de 15 jours avant le retrait de l’enfant qui lui était confié.

L’article 18 de la convention collective étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 ne prévoit pas de dispositions plus favorables et énonce également que, lorsque l’employeur exerce son droit de retrait de l’enfant entraînant la rupture du contrat de travail, l’indemnité de préavis n’est pas due en cas de faute grave.

Par ailleurs, le même article prévoit qu’en cas de rupture, par retrait de l’enfant, à l’initiative de l’employeur, celui-ci verse, toujours en dehors de toute faute grave, une indemnité de rupture au salarié ayant au moins un an d’ancienneté avec lui, indemnité égale à 1/120 du total des salaires nets perçus pendant la durée du contrat.

En matière de rupture du contrat de travail, la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et rend nécessaire son départ immédiat.

Madame B allègue la faute grave, qu’il lui appartient de démontrer. Elle produit, à cette fin, la copie de la notification de son retrait d’agrément d’assistante maternelle à Madame C, par le conseil générale de A, ainsi qu’un article de presse du 21 février 2012, faisant état de l’enquête pénale en cours et de sa plainte.

Madame C conteste la faute grave et invoque l’arrêt de la cour ayant relaxé son fils des faits d’agression sexuelle sur Y.

Il n’est pas contesté que le fils mineur de Madame C, né le XXX, et qui vivait au domicile de cette dernière, a commis des actes d’agression sexuelle sur un autre enfant gardé par Madame C, du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2012, tel que jugé par la cour d’appel le 12 janvier 2015 par décision devenue définitive. Il était également poursuivi pour des faits de corruption de mineur de 15 ans sur la personne de Y, la fille de Madame B, née le XXX, faits pour lesquels il a été relaxé. Les circonstances de commission de ces faits, décrites dans la décision de justice, démontrent que les enfants, dont Y, âgée de 4 ans au moment des faits, avaient pu se trouver seuls et sans surveillance, à plusieurs reprises, dans une pièce avec un adolescent, hors la présence de l’assistante maternelle, et ce, pendant un laps de temps suffisamment long pour que cet adolescent ait le temps de commettre des agressions sexuelles sur un des enfants (en baissant le pantalon de ce dernier et en lui imposant des actes sexuels tout en se masturbant), de demander à Y de se déshabiller et de se masturber devant elle. S’il a été relaxé pour les faits de corruption de mineur sur Y, la cour n’en a pas moins retenu que l’enfant avait fait des déclarations qui se rapportaient à des faits réels, mais relevait que, toutefois, il n’était pas démontré que le but poursuivi par le prévenu était d’éveiller chez l’enfant des pulsions sexuelles. Il n’était pas évoqué, dans les pièces produites, l’endroit où se trouvait l’assistante maternelle au moment des faits, mais seulement le fait qu’elle ne se trouvait assurément pas dans la même pièce que Y, âgée seulement de 4 ans.

En laissant ainsi l’enfant sans surveillance, Madame C a compromis, par ce manquement, la sécurité physique et mentale du jeune enfant dont la garde lui avait été confiée par ses parents, ce qui constituait une violation grave des obligations résultant de son contrat de travail rendant impossible le maintien de la relation de travail même pendant la durée du préavis.

Par ailleurs, Madame C présentait moins d’une année d’ancienneté au service de Madame B, elle ne saurait, en tout état de cause, obtenir une indemnité de rupture.

En conséquence, il y a lieu de débouter Madame C de ses demandes au titre de l’indemnité de préavis, des congés payés sur préavis et au titre de l’indemnité de licenciement, ainsi que de sa demande de remise des documents sociaux rectifiés.

Le jugement de première instance sera également confirmé sur l’ensemble de ces points.

II. Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ne sont pas applicables aux assistants maternels employés par les particuliers qui sont soumis à la convention collective nationale du 1er juillet 2004 ainsi qu’au code de l’action sociale et de la famille.

Aux termes de l’article L.423-22 du code de l’action sociale et de la famille, l’employeur ne peut demander à l’assistant maternel de travailler plus de 48 heures par semaine, cette durée étant calculée comme une moyenne sur une période de 4 mois. La convention collective applicable fixe à 45 heures le seuil au-delà duquel les heures accomplies sont majorées.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail qui s’applique également aux assistants maternels employés par des particuliers, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Madame C, qui fait cette demande pour la première fois à hauteur de cour, uniquement au titre des heures supplémentaires (ne faisant pas état des heures complémentaires) pour lesquelles elle réclame la somme de 154,32 euros, outre celle de 15,43 euros au titre des congés payés y afférents, produit :

— son contrat de travail fixant à «plus ou moins 15 heures» par semaine la durée de travail hebdomadaire et les horaires d’accueil suivants pour les deux enfants : 7h au plus tôt le matin et 20h au plus tard le soir,

— un tableau dans lequel elle indique son salaire mensuel reçu de septembre 2011 à janvier 2012 et celui qui aurait dû lui être payé,

— les plannings des horaires par jour du mois que lui ont remis ses employeurs en début de mois, de septembre à décembre 2011, pour les deux enfants,

— un document que Madame C a établi pour l’ensemble des enfants dont elle avait la garde avec les plages horaires de chacun, et ce, uniquement pour janvier 2012 (du 1er au 27 janvier 2012),

— un tableau différencié pour Y et Z de septembre 2011 à février 2012, sans aucune précision des horaires mais reprenant le nombre d’heures de garde par enfant, le nombre de repas, de goûter et établi d’un seul tenant et non au fur et à mesure des mois.

Il s’ensuit que la salariée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

L’employeur, qui conteste devoir des heures supplémentaires, produit, pour sa part, outre le tableau prévisionnel remis à la salariée en début de mois qui correspond donc au planning produit par la salariée, un tableau récapitulatif par mois (de septembre 2011 à janvier 2012) reprenant les horaires qu’il estime avoir été réellement accomplis par Madame C, avec un certain nombre d’annotations factuelles sur la particularité de certaines journées, document établi pour la présente instance.

Il est constaté que Madame C n’indique pas le nombre d’heures supplémentaires qu’elle estime avoir accomplies par semaine ou mois, ni même le nombre total d’heures supplémentaires lui permettant de chiffrer sa demande à 154,32 euros. Elle n’indique pas non plus si son employeur a pris en compte, par le passé, des heures complémentaires (au-delà des 15 heures maximales par enfant prévues de façon contractuelle) ou même des heures supplémentaires et ne produit pas ses bulletins de salaire.

La cour ne peut non plus vérifier si le nombre d’heures qu’elle allègue avoir accomplies au total par mois pour les deux enfants correspond à la réalité, en vérifiant ses horaires de travail. Les seuls éléments qu’elle verse au sujet des horaires consistent :

— d’une part, en un tableau d’ensemble pour janvier 2012 (incomplet car allant du 1er au 27 janvier), qui fait apparaître des bandes de couleur par enfant en indiquant une plage horaire pendant laquelle elle a accueilli celui-ci, alors que cette indication pour un seul mois ne saurait suffire, et qu’en tout état de cause, il ne correspond pas aux indications de son tableau récapitulatif des heures de garde par jour (notamment elle mentionne sur le premier document avoir accueilli les deux enfants du 9 au 13 janvier 2012 alors qu’Z était malade et que la rémunération ne pouvait être maintenue dans ce cas ; de même, elle signale 4 heures de garde par enfant, le 6 janvier 2012, alors que le planning général fait apparaître un temps de garde supérieur),

— d’autre part, en un planning prévisionnel fourni par les parents qui ont pris la précaution d’indiquer dans les contrats de travail que les horaires étaient variables chaque jour et que le tableau fourni en début de mois n’était que prévisionnel.

En tout état de cause, il ne ressort pas du tableau des heures par mois produit, et dont le nombre d’heures est contesté par l’employeur qui verse, quant à lui, les horaires précis d’arrivée et de départ des enfants, le fait qu’elle ait accompli plus de 45 heures de garde par semaine (en cumulant les gardes des deux enfants), au-delà desquelles elle était en droit de réclamer le paiement de ses heures majorées tel que prévu par la convention collective.

Aussi, il y a lieu d’en conclure que Madame C n’a pas fait d’heures supplémentaires au service de Madame B. Elle sera donc déboutée de ses demandes à ce titre.

III. Sur la demande de dommages et intérêts de l’employeur :

Madame B n’établit pas l’existence d’une faute faisant dégénérer en abus le droit pour le salarié d’attraire en justice son employeur. Quel que soit le contexte dans lequel la rupture du contrat de travail a été prononcée, Madame C n’a pas commis un abus de droit en contestant les conditions de cette rupture. Par ailleurs, Madame B ne produit aucune pièce de nature à démontrer l’existence du préjudice financier et moral qu’elle invoque.

Madame B sera déboutée de sa demande à ce titre. Le jugement du conseil des prud’hommes sera infirmé sur ce point.

IV. Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Madame C, qui succombe à titre principal, sera condamnée aux dépens. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Des considérations d’équité imposent tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a accordé à Madame B une indemnité de 500 euros pour les frais exposés devant les premiers juges et de lui accorder une nouvelle indemnité de 500 euros pour les dépenses engagées au soutien de son argumentaire devant la cour d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement du conseil des prud’hommes de METZ du 12 février 2014, sauf en ce qu’il a condamné Madame C à verser à Madame B la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Déboute Madame C de ses demandes au titre des heures supplémentaires ;

Déboute Madame B de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;

Condamne Madame C à payer à Madame B une somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame C aux dépens.

Le Greffier, La Présidente,

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