Cour d'appel de Metz, Chambre sociale-section 2, 25 juin 2019, n° 17/02073

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, ch. soc.-sect. 2, 25 juin 2019, n° 17/02073
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 17/02073
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Thionville, 18 juin 2017, N° 16/00134
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Arrêt n° 19/00109

25 Juin 2019

---------------------

RG N° 17/02073 -

N° Portalis DBVS-V-B7B-EQQ3

-------------------------

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de THIONVILLE

19 Juin 2017

[…]

-------------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 2

ARRÊT DU

Vingt cinq juin deux mille dix neuf

APPELANTE

 :

SAS SEPHORA

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé SAUMIER, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et la SCP WEDRYCHOWSKI et Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMÉE

 :

Madame F X

[…]

[…]

Représentée par Me Stéphane RIPOLL, avocat au barreau de THIONVILLE (bénéficie d’une Aide Juridictionnelle Totale N°2017/010143 du 28/11/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Anne-G WOLF, Présidente de Chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-G WOLF, Présidente de Chambre

Madame Véronique LE BERRE, Conseillère

Madame Isabelle BUCHMANN, Vice Présidente placée

Greffier, lors des débats : M. Florian THOMAS

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-G WOLF, Présidente de Chambre, et par M. Florian THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme F X a été embauchée par la société SEPHORA, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er février 2012, avec reprise de l’ancienneté au 3 janvier 2011, en qualité de conseillère.

Suite à un incident en date du 1er décembre 2015, Mme X a été mise à pied à titre conservatoire à compter du 2 décembre 2015 et convoquée à un entretien préalable prévu le 15 décembre 2015.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2015, Mme X a été licenciée pour faute grave. Il lui est reproché une violation flagrante de l’interdiction formelle de s’approprier sans autorisation des produits appartenant à l’entreprise.

La société a déposé une plainte pénale à l’encontre de la salariée, qui a fait l’objet d’un classement sans suite le 13 janvier 2016.

La salariée a déposé une plainte en réplique devant le Procureur de la République pour dénonciation calomnieuse.

Par acte introductif d’instance reçu au greffe le 11 mai 2016, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de contester son licenciement et d’en obtenir l’indemnisation.

La SAS SEPHORA a demandé au conseil de débouter intégralement Mme X, à titre subsidiaire, dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et, à titre infiniment subsidiaire, limiter le montant des dommages et intérêts éventuellement dus à 6 mois de salaire soit la somme de 10 355,70 €.

Par jugement du 19 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Thionville, section commerce a statué

ainsi qu’il suit :

• dit que le licenciement de Mme F X par la société SEPHORA est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

• condamne la société SEPHORA, prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme X les sommes de :

—  1 683,72 € net au titre de l’indemnité légale de licenciement,

—  3 367,44 € net au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  336,76 € net au titre des congés payés y afférents,

—  1 184,96 € net au titre de la retenue pour la mise à pied conservatoire,

—  118,49 € net au titre des congés payés y afférents,

• dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

—  35 000,00 € net à titre de dommages et intérêts,

dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

—  1 500,00 € net au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

• ordonne à la société SEPHORA de délivrer à Mme F X l’attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et le dernier bulletin de salaire rectifiés conformément aux termes de la présente décision sous astreinte de 30 € par jour et par document,

• dit que le conseil se réserve le droit de liquider ladite astreinte,

• ordonne à la société SEPHORA de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à Mme F X du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d’indemnités conformément aux dispositions de l’article L.1265-4 du Code du travail,

• dit qu’une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée par lettre simple à la Direction de cette institution conformément à l’alinéa 2 de l’article R1235-2 du Code du travail,

• rappelle que la présente décision est exécutoire conformément aux dispositions de l’article R1454-28 du Code du travail en ce qui concerne les salaires et éléments de salaire,

• ordonne l’exécution provisoire du présent jugement conformément à l’article 515 du Code de procédure civile en ce qui concerne les dommages et intérêts,

• dit qu’il sera fait application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 au bénéfice de Mme F X,

• condamne la société SEPHORA aux entiers frais et dépens.

Par déclaration formée par voie électronique au greffe le 18 juillet 2017, la SAS SEPHORA a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 juin 2017 au vu de l’émargement de l’accusé de réception postal.

Par ses dernières conclusions datées du 20 février 2018, notifiées par voie électronique le même jour, la SAS SEPHORA demande à la cour de :

• recevoir la Société SEPHORA en son appel

• infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

À titre principal,

• dire et juger que Madame X a commis des manquements constitutifs d’une violation caractérisée de ses obligations découlant du contrat de travail rendant impossible son maintien dans l’entreprise,

En conséquence,

• dire et juger légitime le licenciement pour faute grave notifié à Madame X,

• débouter Madame X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires,

À titre subsidiaire,

• si par extraordinaire, la Cour considérait que le comportement de Madame X n’est pas constitutif d’une faute grave :

• dire et juger que le licenciement de Madame X repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

• limiter strictement l’indemnisation de Madame X au versement de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement,

• débouter Madame X de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

À titre infiniment subsidiaire,

• si, par extraordinaire, la Cour devait estimer que le licenciement de Madame X est sans cause réelle et sérieuse,

• constater que Madame X ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et de l’étendue de son préjudice.

En conséquence,

• limiter strictement le montant des dommages intérêts éventuellement dus à 6 mois de salaire soit la somme de 10.355,70 €,

• débouter Madame X de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

• condamner Madame X à payer à la Société SEPHORA la somme de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

• condamner Madame X aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Hervé SAUMIER, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions datées du 11 décembre 2017, notifiées par voie électronique le même jour, Mme X demande à la cour de :

• confirmer dans son intégralité le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Thionville le 19 juin 2017,

• dire et juger la demande de Mme X initialement portée devant le conseil recevable et bien fondée,

Au besoin, avant dire droit,

• ordonner l’audition des témoins suivantes :

— Mme G C, épouse Y, née le […] à […], de nationalité française, demeurant […],

— Mme P Q R S épouse Z, née le […] à […], de nationalité française, demeurant 89 Grand Rue à 57330 ROUSSY-LE-VILLAGE,

— M. I J, né le […] à […], de nationalité française, demeurant […],

• dire et juger que le licenciement dont a été victime Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

• condamner l’appelante à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  35.000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1683,72 € nets au titre de l’indemnité légale de licenciement,

—  3704,18 € nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis,

—  1303,45 € nets au titre des salaires rétentés durant la période de mise à pied conservatoire et congés payés afférents,

• dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

• ordonner la délivrance conforme à l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 30 € par jour et par document des documents suivants :

— attestation destinée à Pôle Emploi,

— certificat de travail,

— dernier bulletin de salaire,

• condamner l’appelante aux entiers frais et dépens, y compris en tant que de besoin frais de signification de l’arrêt à intervenir,

• condamner l’appelante à la somme de 500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

• ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur l’ensemble de ses dispositions conformément à l’article 515 du Code de procédure civile.

L’appelante fait principalement valoir qu’aux termes de son règlement intérieur il est fait interdiction à tout salarié de prendre possession des produits du magasin, quels qu’ils soient, que le 1er décembre 2015, l’agent de sécurité du magasin où travaille Mme X a pu constater en visionnant la vidéo surveillance que cette dernière s’était emparé d’un pot de crème qu’elle a glissé dans le sac d’un client, qu’une plainte a été déposée et que le manquement de la salariée à son obligation de loyauté rendait impossible le maintien du contrat de travail.

Elle précise qu’elle conteste les arguments de l’intimée sur une politique de la société confinant au harcèlement moral et faisant pression sur les salariés pour les pousser à la démission, ainsi que la dénonciation calomnieuse qui lui est reprochée du fait du classement de la plainte.

Elle conteste enfin le témoignage de Mme Y qui vient infirmer celui de l’agent de sécurité et rappelle que la directrice du magasin a fait l’objet de pressions du couple de clients auquel Mme X a remis le produit litigieux.

L’intimée rappelle pour l’essentiel que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, qu’elle lui impute sans le nommer un vol, que la plainte pénale, qu’elle estime constituer une dénonciation calomnieuse, a fait l’objet d’un classement sans titre, que le syndicat CGT a alerté fin 2012 sur les pratiques de l’entreprise pour licencier des salariés sous prétexte de délits imputés sans la moindre preuve et que les témoignages d’anciennes collègues produits en sa faveur attestent des pressions exercées par l’employeur.

Elle précise que les témoins dont elle suggère l’audition l’ont clairement mises hors de cause lors de l’enquête pénale.

S’agissant de son préjudice, elle invoque les conséquences de la dénonciation calomnieuse et de son audition en garde à vue, une atteinte à sa probité et les graves répercussions financières de son licenciement puisqu’elle n’a retrouvé du travail que fin 2017 alors qu’elle devait faire face au remboursement d’un prêt immobilier

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n’y a pas lieu à hauteur de cour d’ordonner l’audition des trois témoins cités par Mme X, l’un d’eux, Mme C, épouse Y, ayant déjà rédigé une attestation en sa faveur et le témoignage des deux autres n’étant pas utile à la solution du litige en l’état des éléments produits par ailleurs, rappel étant fait que lorsque l’employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, c’est à lui qu’il incombe d’apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement et seulement accessoirement au salarié de les combattre, et que s’il persiste un doute il doit profiter au salarié.

Si le caractère réel du motif invoqué est démontré et seulement en ce cas, il incombe alors au juge d’apprécier le caractère sérieux des griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Sans déjà s’interroger sur les obligations qui devaient être respectées par Mme X dans le cadre de la relation contractuelle, il convient donc d’abord de rechercher si la faute unique qui lui est imputée par la lettre de licenciement peut être considérée comme prouvée par la SAS Sephora.

En l’espèce, le jugement entrepris a rappelé les termes employés par la lettre de licenciement pour décrire le fait reproché à Mme X, qui consiste en fait dans le vol d’un produit, une boîte de crème, au profit d’un couple de clients.

La Cour observe d’emblée qu’il est prêté à la salariée une « attitude étrange » et un « regard méfiant » qui a attiré l’attention de l’agent de sécurité, M. D, devant lequel a aussi eu lieu le « lâchage » de la crème dans le sac des clients, positionnés dos à cet agent, ce qui en soi paraît surprenant, car Mme X semble avoir pris beaucoup de risque pour ce larcin, outre qu’il est dit que c’est son comportement et la découverte de testeur vide une boîte vide qui a amené le visionnage des images de vidéosurveillance…

Pour prouver ce vol, l’employeur produit :

— le procès verbal de la plainte pour « vol par salarié » déposée à la police par Mme E K, directrice du magasin, qui a déclaré d’emblée avoir « surpris » une de ses employées en train de voler une crème de marque La Prairie, d’une valeur de 193,50 euros, en la mettant à l’intérieur du sac séphora d’un client, en fait qu’elle a vu cette vendeuse au fond du magasin qui était rejointe par un couple, puis que, environ trente minutes plus tard, un agent de sécurité lui a demandé

à visionner la vidéo car cette vendeuse « ne cessait pas de le regarder » ; que la vidéo a montré la salariée ouvrir la boîte contenant la crème, en sortir le pot et le lâcher « discrètement » dans le sac que tenait le Monsieur ; qu’elle a ensuite averti le chef de la sécurité de la région, qui a aussi visionné le film, puis la police qui a fait de même, avant d’interpeller l’intéressée ;

— une attestation difficilement lisible rédigée par l’agent de sécurité, M. L D, qui explique que le 1er décembre 2015, à 13h43, il a constaté qu’une des vendeuses, Mme F X, se trouvait dans le rayon soin au fond du magasin où la rejoignaient un couple, Mme M Z et M. I J, qu’une fois ce couple sorti du magasin, il a retrouvé une boîte vide de soin de la marque La Prairie d’une valeur de 193,60 euros, qu’il a averti la directrice Mme E et qu’ils ont visionné la vidéo surveillance, apercevant la vendeuse qui, « sans doute possible », a ouvert la boîte contenant la crème, en a sorti le pot et la directement fait tomber dans le sac de M. I J ;

— une main courant déposée par Mme E le 21 décembre 2015 contre deux personnes non dénommées dont elle indique qu’ils sont venus faire un scandale sur son lieu de travail suite à la plainte déposée contre une salariée pour vol et dont elle a pensé qu’ils cherchaient à l’intimider.

La SAS Sephora ne produit ni photographies extraites de la vidéo surveillance, ni le film en lui-même, qui confirmeraient les déclarations ci-dessus, alors qu’a priori cette production n’était pas impossible.

Pour combattre ces éléments qui rendent plutôt bien compte du vol allégué, Mme F X produit de son côté :

— outre le tract daté du 31 octobre 2012 de la fédération CGT dénonçant la politique de Sephora consistant à attribuer sans preuve des délits à ses salariés pour procéder à des licenciements abusifs, divers témoignages sur son comportement professionnel irréprochable ou sur les pratiques discutables de l’employeur émanant de cinq anciennes collègues de travail, l’avis de classement sans suite que lui a adressé le Parquet du TGI de Thionville le 13 janvier 2016, soit un mois et demi après la plainte qui indique pour motif que « les faits dénoncés ou révélés dans le cadre de cette procédure ne sont pas punis par un texte pénal » ;

— le témoignage d’une ancienne collègue, Mme C, épouse Y, daté de janvier 2017, qui expose qu’elle a assisté à l’interpellation de Mme X sur la surface de vente début décembre 2015 et a été elle-même convoquée le lendemain au commissariat où, après avoir visionné la vidéo fournie par Séphora, elle a expliqué aux policiers que le produit censé avoir été volé se trouvait toujours dans le tiroir soin, n’ayant à disposition qu’un seul testeur de ce produit, ce qu’elle a aussi expliqué à Mme E à son retour au magasin, lui montrant le produit en question et lui faisant observer que son accusation n’était pas fondée.

Ce témoin ajoute qu’ensuite, pour avoir défendu sa collègue, elle avait subi des reproches non fondés au quotidien qui l’avait amenés à être en arrêt de travail au bout de six mois pour dépression, précisant qu’elle attendait son licenciement n’étant plus en mesure de reprendre son travail.

La SAS Sephora ne fait aucune observation sur ce témoignage, si ce n’est pour faire valoir celui contraire de M. D.

Ce témoignage clair et précis, ainsi que le classement intervenu de la plainte pénale, pour un motif indiquant en fait qu’aucun vol n’a pu être caractérisé à l’issue de l’enquête, mettent sérieusement en cause les deux seuls éléments probants apportés par l’intimée, si l’on excepte la main courante que Mme E a déposé pour avoir apparemment essuyé le mécontentement des deux clients après leur audition par la police.

Ainsi, même si on fait abstraction du contexte, soit la volonté prêtée à la SAS Sephora de se séparer à bon compte de ses salariés, que celle-ci conteste et sur laquelle les premiers juges ont beaucoup insisté, mais qui n’est pas formellement avérée en l’espèce, l’intimée prouvant que les effectifs du magasin où était employée Mme X sont restés stables, malgré de nombreux mouvements de personnel, il existe néanmoins un doute objectif sur la réalité du grief, qui doit profiter à l’appelante, qui a toujours contesté le vol et justifie d’ailleurs qu’elle a fait une dépression réactionnelle à sa garde à vue qui l’a apparemment beaucoup choquée.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé, par substitution des motifs adoptés par la Cour, pour avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause à la fois réelle et sérieuse et encore moins sur une faute grave.

S’agissant des conséquences de ce licenciement, la SAS Séphora ne discute que le montant des dommages et intérêts accordé à la salariée, équivalent à plus de vingt mois de salaire.

Sur ce point, il convient de rappeler que le licenciement, intervenu sous l’empire des dispositions antérieures aux lois dites « Macron », doit donner lieu à une juste indemnisation de l’entier préjudice subi par la salariée couvrant à la fois les conséquences de la perte de l’emploi et son éventuel caractère abusif ou vexatoire, mais qu’il n’y a pas lieu d’y ajouter comme le sollicite Mme X des dommages et intérêts en rapport avec la dénonciation calomnieuse dont elle dit avoir été victime, qui est une infraction pénale pour laquelle elle a déposé plainte par ailleurs et qui donnera lieu le cas échéant, si l’infraction devait être reconnue, à une indemnisation propre.

Compte tenu de l’ancienneté de plus de deux ans de la salariée, cette indemnisation ne peut en outre aux termes de l’article L. 1235-3 ancien du code du travail être inférieure au salaire des six derniers mois, soit en l’occurrence au minimum une somme de 10 102,32 euros sur la base d’un salaire brut moyen de 1683,72 euros sur les douze derniers mois.

En l’espèce, Mme X justifie qu’elle a connu une période de chômage de près de deux ans jusqu’au 8 décembre 2017, indemnisée pour le montant total de 19 099,30 euros entre le 3 mars 2016 et cette date, soit une perte de revenus d’au moins 9 000 euros sur la période et qu’elle supportait mensuellement le remboursement d’un prêt immobilier d’un montant de 416 euros.

Compte tenu de ces éléments et du caractère vexatoire du licenciement au regard des ses circonstances, avec intervention de la police sur le lieu de travail, crainte de poursuites pénales et mise à pied immédiate, après une ancienneté de près de cinq ans dans l’entreprise, la cour fixe alors le montant des dommages et intérêts alloués à la salariée, pour juste indemnisation de son entier préjudice, au montant de 15 000 euros, le jugement entrepris étant amendé sur ce point.

Ce jugement sera confirmé pour le surplus des montants, non contestés, alloués à la salariée au titre de la mise à pied, du préavis et de l’indemnité de licenciement, avec les congés payés afférents, ainsi qu’en ses autres dispositions sur la délivrance de documents rectifiés, le remboursement par l’employeur des allocations chômage tel que prévu à l’article L. 1235-4 ancien du code du travail, les depens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront supportés par la SAS Sephora, qui succombe sur le bien fondé du licenciement.

Il est équitable par ailleurs d’allouer à Mme X la somme de 500 euros pour les frais autres que les dépens exposés par elle en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts accordés à la salariée ;

Statuant à nouveau dans cette limite :

Condamne la SAS Séphora à payer à Mme F X la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SAS Séphora aux dépens d’appel et à payer à Mme F X la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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