Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 31 mai 2023, n° 20/04197

  • Licenciement·
  • Employeur·
  • Heures supplémentaires·
  • Titre·
  • Horaire·
  • Travail dissimulé·
  • Congés payés·
  • Sociétés·
  • Demande·
  • Indemnité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 31 mai 2023, n° 20/04197
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 20/04197
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 6 septembre 2020, N° F18/01020
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 5 juin 2023
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 31 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/04197 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OWQM

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 SEPTEMBRE 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 18/01020

APPELANTE :

Madame [V] [B]

née le 08 Octobre 1971 à [Localité 4] (30)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. FIDSUD [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mélanie MARREC, substituée par Me Louis Marie TROCHERIS de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 14 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargée du rapport.

Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de président

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

— contradictoire ;

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Madame Caroline CHICLET, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

[V] [B] divorcée [C] a été engagée à compter du 23 janvier 2017 par la Sarl ECS Comptabilité en qualité de 'référente paye et social', statut cadre, coefficient 330, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet régi par la convention collective des cabinets d’expertise comptable et commissaire aux comptes.

Elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute moyenne de 2.466,04 €.

A compter du 1er juin 2017, le cabinet a été racheté par la société Fidsud [Localité 3].

Le 1er février 2018, [V] [B] a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 13 février 2018 avec mise à pied conservatoire.

Elle a été licenciée pour faute grave par une lettre du 19 février 2018.

Le 5 octobre 2018, [V] [B] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier pour contester cette décision et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.

Par jugement du 7 septembre 2020, ce conseil a :

— fixé le salaire moyen à 2.568,75 € bruts ;

— dit que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

— en conséquence, condamné la société Fidsud à verser à [V] [B] les sommes suivantes :

> 7.706,25 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

> 770,62 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 854,10 € à titre d’indemnité de licenciement,

> 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté [V] [B] de l’intégralité de ses autres demandes ;

— débouté la société Fidsud de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

— laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 6 octobre 2020, [V] [B] a relevé appel de tous les chefs du jugement ayant requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et rejeté ses prétentions.

Vu les conclusions n°2 de l’appelante remises au greffe le 25 mai 2021 ;

Vu les conclusions de la société Fidsud [Localité 3], appelante à titre incident, remises au greffe le 5 mars 2021 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 mars 2023 ;

MOTIFS :

Sur l’exécution du contrat de travail :

1) Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

[V] [B] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement de la somme de 15.777,01 € bruts, outre les congés payés y afférents, au titre des heures supplémentaires accomplies et demande à la cour de faire droit à ses prétentions de ce chef.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Aux termes de l’article L.3171-1 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 'l’employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.

Lorsque la durée du travail est organisée dans les conditions fixées par l’article L. 3122-2, l’affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cadre de cette organisation.

La programmation individuelle des périodes d’astreinte est portée à la connaissance de chaque salarié dans des conditions déterminées par voie réglementaire.'

L’article D.3171-1 du code du travail dans sa version applicable au litige précise que 'lorsque tous les salariés d’un atelier, d’un service ou d’une équipe travaillent selon le même horaire collectif, un horaire établi selon l’heure légale indique les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail. Aucun salarié ne peut être employé en dehors de cet horaire, sous réserve des dispositions des articles L. 3121-11 « L.3121-11-1 et L. 3121-15 » relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires, et des heures de dérogation permanente prévues par un décret pris en application de l’article L. 3121-52.'

Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail ou, depuis le 10 août 2016, de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

Enfin, selon l’article L.3171-4 du code du travail, 'en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, en vertu de son contrat de travail, [V] [B] devait travailler 40 heures hebdomadaires (dont 5 heures supplémentaires rémunérées chaque mois) réparties suivant

l’horaire collectif en vigueur dans l’entreprise soit de 8h30 à 12h30 puis de 13h30 à 17h30.

L’appelante soutient qu’elle travaillait en réalité tous les jours de 8h30 à 13h00 et de 13h30 à 20h00 soit 55 heures par semaine.

Pour étayer sa demande, elle produit :

— un courriel d’avril 2016 de sa prédécesseure, Madame [T], qui se plaignait auprès de l’employeur que les missions qui lui étaient confiées (83/86 dossiers) nécessitaient l’accomplissement de 80 heures par semaine,

—  84 courriels professionnels envoyés depuis son poste de travail en dehors des horaires collectifs de travail (après 12h30 et jusqu’à 13h15 / après 17h30 et jusqu’à 22h05),

— un décompte hebdomadaire des heures accomplies depuis son embauche.

Contrairement à ce que soutient à tort la société intimée, ces éléments sont suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre.

Il résulte des éléments produits par l’employeur que [V] [B] n’est pas fondée à invoquer une surcharge de travail en assimilant ses missions à celles de sa prédécesseure, Madame [T], puisque si cette dernière se plaignait d’avoir à gérer seule 83 à 86 dossiers soit 360 à 390 paies (courriel du 24 avril 2016), le tableau informatique de comptage des dossiers attribués à [V] [B] montre, sans contestation de sa part, que celle-ci s’est vu confier 71 dossiers, seulement, à son arrivée en janvier 2017 et que ce nombre a été considérablement réduit dès le mois de mars 2017 pour passer à 32 dossiers (188 paies) et atteindre 46 dossiers au maximum (238 paies) au cours des 9 mois suivants (en avril 2017).

Même si la surcharge de travail invoquée par [V] [B] est utilement démentie par l’employeur, il n’en reste pas moins vrai qu’elle arrivait généralement à son poste de travail entre 8h45 et 9h00, ainsi que le reconnaît l’employeur lui-même dans ses écritures, en travaillant parfois jusqu’à 13h ou plus, et qu’elle restait très régulièrement (et pas qu’une dizaine de fois) à son poste après 18h, contrairement à ce qu’affirment la chargée de clientèle, [G] [Y], et le comptable, [R] [J] et comme cela ressort des heures d’envoi des 84 courriels professionnels couvrant la période du 30 janvier 2017 au 30 janvier 2018.

Ces courriels montrent, en revanche, que [V] [B], dont la charge de travail n’était pas anormale, restait très rarement à son poste jusqu’à 20h ou au-delà ce qui exclut les 55 heures supplémentaires hebdomadaires revendiquées.

Le dispositif de contrôle du temps de travail par auto-déclaration invoqué par l’employeur n’ayant pas été mis en oeuvre de manière effective et efficace, la cour retient l’existence de147 heures supplémentaires accomplies par la salariée au-delà des 5 heures supplémentaires contractuelles déjà payées.

Compte tenu du taux de majoration applicable de 25%, la cour condamnera l’employeur à payer à [V] [B] la somme de 2.850,57 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (78 heures majorées à 25% sur la base d’un taux horaire de base de 15,47 € bruts soit 1508,52 € outre 69 heures majorées à 25% sur la base d’un taux horaire de base de 15,56 € bruts) outre celle de 285,05 € bruts au titre des congés payés y afférents.

En conséquence le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2) Sur la demande au titre du travail dissimulé :

[V] [B] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire de 23.501,52 € pour travail dissimulé et demande à la cour de faire droit à sa prétention et de condamner l’employeur à lui payer ladite somme.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

En application des articles L.8221-3 (dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2017) et L.8221-5 du code du travail (dans sa version issue de la loi du 8 août 2016), le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l’administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de délivrance d’un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l’embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L’ article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l’octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d’une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l’espèce, pour démontrer le caractère intentionnel du défaut de règlement des heures supplémentaires accomplies, l’appelante invoque le témoignage de sa prédécesseure, Madame [T].

Cependant, ainsi que cela a été vu dans les motifs qui précèdent, ce témoignage est inopérant dès lors que l’employeur justifie avoir diminué de 16% en janvier 2017 puis de 50% dès le mois de mars 2017 le nombre de dossiers confiés à [V] [B] par rapport à sa prédécesseure.

L’appelante ne démontrant pas que l’employeur lui avait confié une charge de travail qu’il savait anormale et qui requérait nécessairement l’accomplissement d’un nombre important d’heures supplémentaires au-delà des 5 heures hebdomadaires contractualisées, la preuve du caractère intentionnel du défaut de paiement des 147 heures supplémentaires accomplies entre janvier 2017 et janvier 2018 n’est pas rapportée.

[V] [B] sera déboutée de sa prétention indemnitaire et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien fondé du licenciement :

[V] [B] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande à la cour de faire droit à cette prétention, de le confirmer s’agissant des montants de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement alloués mais de l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

—  2.302,35 € bruts à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire,

—  230,23 € bruts au titre des congés payés y afférents,

—  7.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Fidsud [Localité 3] conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et demande à la cour de dire que la faute grave est établie et que le licenciement est bien fondé. A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement.

Le licenciement verbal, qui suppose une décision irrévocable de l’employeur de rompre le contrat de travail exprimée sans équivoque, est nécessairement sans cause réelle et sérieuse et ne peut être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de rupture.

Il appartient à celui qui se prétend licencié verbalement d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, il résulte de la retranscription écrite (effectuée par huissier de justice dans un procès-verbal de constat du 23 avril 2018) de l’enregistrement audio effectué par [V] [B] dans son bureau à l’insu de l’employeur le 31 janvier 2018, dont ce dernier ne discute pas la licité ni la sincérité, que l’employeur, après avoir indiqué clairement à la salariée qu’il ne voulait plus travailler avec elle ('C’est plus intéressant pour vous, [V], de passer du temps à une recherche d’un emploi que rester ici. Je suis désolé, voilà, c’est pour vous, c’est comme ça', (…) 'D’accord, je suis désolé mais on est arrivé au bout', (…),'On ne peut plus continuer à travailler ensemble'(…),'On n’y arrivera pas à travailler ensemble, d’accord''(…), 'Je peux comprendre que vous le preniez mal. En attendant on n’a plus le choix. [V], je suis désolé on n’a plus le choix’ 'On n’arrive pas à travailler ensemble, on n’arrivera pas, c’est bon'), lui a enjoint de manière très insistante de lui remettre le jour-même ('Je pense qu’il faudrait que vous reveniez vers moi d’ici ce soir’ (…)'Allez, revenez vers moi d’ici ce soir’ (…) 'On se voit tout à l’heure avant de partir') une lettre de démission ou de demande de rupture conventionnelle en lui promettant, si elle acceptait, de lui verser une prime équivalant à trois mois de salaire et en la menaçant, en cas de refus, de faire état auprès de ses futurs employeurs de ses problèmes relationnels avec ses collègues et certains clients (Madame, si vous n’acceptez pas, si un confrère m’appelle, et ben je lui dirai qu’il y a eu avec Madame [C] des problèmes relationnels avec les autres collaborateurs et que j’ai certains clients qui n’étaient pas parfaitement satisfaits de ses services') et de la licencier ('Si vous me la faites pas, c’est moi qui la ferai. C’est moi qui ferai le licenciement.' (…), 'Si tu veux que ça se passe bien, on peut faire comme ça. Si tu ne veux pas que ça se passe bien et ben c’est moi qui vais entamer une procédure et puis on ira au bout et puis c’est tout').

[V] [B] ayant refusé de se soumettre à ces pressions et manifesté son intention de revenir travailler le lendemain matin, l’employeur, après lui avoir martelé de nouveau qu’il ne voulait plus qu’ils travaillent ensemble, l’a informée de sa décision de la licencier en lui disant : 'On ne signe pas un papier tous les deux ce soir'' (…) 'Non’ c’est moi qui attaque la procédure, d’accord.' (…) 'J’attaque la procédure’ (…)'Vos services ne me satisfont pas, je suis désolé, je suis désolé ça ne me fait pas plaisir. J’aurais préféré que vous restiez là, que ça se passe bien'.

Contrairement à ce que soutient à tort la société intimée, il s’évince des propos précités de l’employeur que, d’une part, celui-ci a pris la décision irrévocable de rompre le contrat de travail le jour des échanges avec la salariée, soit le 31 janvier 2018, ainsi qu’il l’a d’ailleurs confirmé aux services de gendarmerie le 26 octobre 2018 en déclarant : 'J’ai pris la décision le 31 janvier 2018 que je peux plus travailler avec elle car j’avais perdu confiance.' 'Comme précisé avant, je n’ai jamais prémédité son licenciement, c’est le 31 janvier 2018 que j’ai pris cette décision (…)' et que, d’autre part, il en a informé [V] [B] le même jour, en fin d’après-midi, en lui faisant savoir que cette décision ne lui faisait pas plaisir et qu’il aurait préféré qu’elle reste-là, ce qui était une manière d’exprimer, sans équivoque, sa décision irrévocable de mettre fin à la relation de travail.

La preuve d’un licenciement verbal intervenu le 31 janvier 2018, soit la veille de la remise en main propre de la convocation à l’entretien préalable, étant rapportée, la cour dit que ce licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le soutient justement l’appelante et le jugement sera infirmé de ce chef.

Les parties ne discutant les sommes allouées par le conseil au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l’indemnité de licenciement, le jugement sera confirmé purement et simplement sur ces points.

La mise à pied conservatoire étant infondée, [V] [B] a droit à un rappel de salaire d’un montant de 2.302,35 € bruts outre 230,23 € bruts au titre des congés payés y afférents.

S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (2.642,19 € bruts), de l’âge de l’intéressée (46 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (15 mois et 27 jours en incluant le préavis de trois mois) et de l’absence d’information sur sa situation professionnelle actuelle, la société Fidsud [Localité 3] sera condamnée à lui verser la somme de 2.642,19 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, le barème étant compatible avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de « licenciement injustifié » et l’article 24 de la Charte sociale européenne n’ayant pas d’effet direct en France, contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante.

Lorsque le licenciement est indemnisé en application de l’article L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 6 mois.

Le jugement rendu sera infirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux et à la demande de régularisation de la situation de la salariée auprès des organismes sociaux, sans que l’astreinte soit nécessaire.

La société Fidsud [Localité 3] qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront le coût du constat d’huissier du 23 avril 2018 et à payer à [V] [B] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Infirme le jugement le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

— condamné la société Fidsud à verser à [V] [B] les sommes suivantes :

> 7.706,25 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

> 770,62 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 854,10 € à titre d’indemnité de licenciement,

— débouté [V] [B] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé ;

— débouté la société Fidsud de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés ;

Dit que la société Fidsud [Localité 3] a licencié verbalement [V] [B] le 31 janvier 2018, à la veille de lui remettre sa convocation à l’entretien préalable, et que ce licenciement verbal est nécessairement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Fidsud [Localité 3] à payer à [V] [B] les sommes suivantes :

> 2.302,35 € bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

> 230,23 € bruts au titre des congés payés y afférents,

> 2.642,19 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

> 2.850,57 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

> 285,05 € bruts au titre des congés payés y afférents,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Dit que la société Fidsud [Localité 3] devra transmettre à [V] [B] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulatif et régulariser sa situation auprès des organismes sociaux ;

Ordonne le remboursement par la société Fidsud [Localité 3] au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [V] [B] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois ;

Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l’arrêt, en application de l’article R.1235-2 du code du travail ;

Déboute [V] [B] de sa demande d’astreinte et du surplus de ses prétentions ;

Condamne la société Fidsud [Localité 3] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront le coût du constat d’huissier du 23 avril 2018, et à payer à [V] [B] la somme de 2.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

Pour le président, empêché

C. CHICLET

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 31 mai 2023, n° 20/04197